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Vivantes figures

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Carl Einstein

Textes esthétiques de Carl Einstein

La loi (1914)25

Texte intégral

  • 25 Texte paru pour la première fois dans Die Aktion, 4, 1914, col. 117 sq. ; repris in C. Einstein, We (...)

1La caractéristique de nos lois actuelles est qu’elles ne touchent pas à ce qui est humain en nous. Elles se situent presque à l’extérieur de notre vie. On croit laisser justement par là le champ ouvert à ce qu’on appelle la « libre personnalité ». À travers ces lois, je ne peux me représenter que l’indistinction : soit quelque chose de pauvrement défini dans le détail et qui s’épuise dans le cas particulier, selon l’humeur du moment, soit une imitation anxieuse diffusant sans moralité ni conscience un usage établi. Ces deux genres de réaction excluent l’exigence, la loi.

2À l’humanité actuelle, qui regarde toute productivité comme une exception pathologique et ne peut l’appréhender comme une évidence nécessaire, il manque l’exigence d’une moralité créatrice à même de renforcer l’homme d’aujourd’hui et de définir celui de demain. Il est clair que nous fait défaut aujourd’hui la dimension constructive, d’une façon ou d’une autre. L’esprit impressionniste va disparaître en tant que négativité ; chez lui, l’idée est la conséquence résultant de l’acte accompli ; et si l’on peut deviner par la psychologie la manière dont quelqu’un va agir, il n’est pas possible de le déterminer en fonction d’une loi. Il n’existe pas aujourd’hui de volonté qui détermine ; il existe seulement une volonté dénombrable, du fait de l’identité des objets auxquels elle aspire. Cependant, c’est à la personne qu’il revient de définir la voie à suivre pour atteindre ceux-ci. C’est le sens de l’éthique que de définir la volonté et la voie, de donner un ordre des voies qui soit indépendant de l’objet particulier et ne soit pas soumis dialectiquement à ce dernier.

3La loi est une représentation de la volonté la plus forte et, à l’origine, pour autant qu’elle soit bien définie, elle est cependant elle-même moralement libre. (On ne parle pas ici des ordonnances, règles et maximes dérivées, mais de lois simples.) La loi est l’arbitraire à proprement parler. C’est un élément productif et elle se soustrait à l’analyse car elle signifie l’extrême degré de l’effort intérieur. Il faut reconnaître de nouveau la loi qui multiplie et renforce, et qui est entièrement distincte de la mesure ou même de « l’inhibition » qui a cours aujourd’hui, censée protéger la tranquillité d’un vague universel. Il est aujourd’hui donné à chacun d’être un petit scélérat, simplement parce qu’il n’y a pas de loi déterminant la qualité d’un type humain. La perspective individuelle est le malheur, la manière de considérer l’être-autre de quelqu’un. La loi donne à l’autre un moyen d’assumer son altérité sur un mode lisse et paisible. Celle-ci est confrontée à une uniformisation remplie d’objet, dont le mécanisme déplaisant est oublié au plus vite. L’individu ne peut aujourd’hui rencontrer l’individu que dans la chose, le mécanisme.

4La loi est un acte d’immédiateté humaine. Est immédiatement humain celui dont l’existence induit et même signifie la possibilité de rendre visible des configurations transcendantes. On peut désigner comme un indice de toute révolte le fait qu’elle a affaire à un contenu transcendant ; car la révolte n’a de sens que si elle aspire à la constitution d’une loi. La loi est le présupposé transcendant de la constitution de l’existence et une expression de la volonté qui se confond avec un devoir-être spontané.

5La loi est totalement étrangère à la règle ; celle-ci se contente de prôner l’utilisation de parties particulières et elle se définit par son caractère matériellement et entièrement partiel. La loi en revanche exige une existence basée sur l’immédiateté de l’homme.

6Il s’agit de trouver entièrement le sens de la loi dans l’élémentaire d’un point de vue humain, et non dans les sciences, et de subordonner celles-ci.

Notes

25 Texte paru pour la première fois dans Die Aktion, 4, 1914, col. 117 sq. ; repris in C. Einstein, Werke. Band 1, p. 218-219.

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