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La grotte ornée de Pergouset (Saint-Géry, Lot)

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Michel Lorblanchet

Préface

Michel Barbaza, Jacques Jaubert et Michel Lorblanchet

Texte intégral

Ce travail sur Pergouset n ’aurait pas été possible sans l’aide constante de M. Guy Barivièra, spéléologue chevronné et préhistorien amateur qui m ’a assisté dans toutes les phases de la recherche : levé topographique, dégagement des chatières, fouilles et parfois même relevés pariétaux. Son exceptionnelle connaissance du milieu souterrain, sa pratique de techniques très diverses, son ouverture d’esprit, son aptitude aux travaux collectifs et aux relations humaines que j’ai appréciées hautement depuis mes fouilles dans l’abri Murat (Lot) jusqu ’à mes recherches sur l’art rupestre de l’Inde, en font un collaborateur hors pair. La connaissance que nous pouvons avoir aujourd’hui du sanctuaire de Pergouset lui doit énormément

1Au cœur du Parc régional des Causses du Quercy, les peintures du Pech-Merle voient défiler près de 70 000 visiteurs par an. Quelques kilomètres en aval, la grotte de Pergouset n’en accueille qu’une petite dizaine : une poignée de spécialistes ou de collègues rompus à la pratique spéléologique. Cette cavité avait-elle comme unique destin d’être éternellement maintenue dans l’ombre de sa prestigieuse voisine beaucoup plus accessible au grand public ? La collection des Documents d’archéologie française, avec son volume 85, fait le pari de corriger cette sorte d’injustice ; elle nous permet de pénétrer dans l’intimité d’un sanctuaire secret paléolithique et rend ainsi intelligible à tous cette part du sensible qui émane de toute grande œuvre d’art et qui n’avait pu, à ce jour, être éprouvée que par quelques-uns.

2Géographiquement proches mais pourtant si différentes, séparées par le dernier pléniglaciaire et une bonne dizaine de millénaires ; la première est indiscutablement ancrée dans la tradition de l’art ancien du Paléolithique supérieur. Avec ses panneaux monumentaux, ses innombrables ponctuations rouges réalisées au soufflé, ses empreintes de mains négatives cernant des chevaux microcéphales, sa polychromie, cet ensemble est un magnifique exemple de l’esthétique gravettienne. La seconde, qui fait l’objet de cet ouvrage, beaucoup plus sobre, ouvre directement sur l’imaginaire fantastique des Magdaléniens.

3Michel Lorblanchet, directeur de recherche au CNRS, nous entraîne ainsi tout au long d’une cavité filiforme où, tel celui des Combarelles, l’art gravé se mérite plus qu’il ne s’offre, se devine dans l’intimité plus qu’il ne s’étale au regard du plus grand nombre. D’abord naturaliste, souvent animalier, le sanctuaire « orné », ponctué par ailleurs de symboles sexuels et des habituels pictogrammes (les signes) nous échappe au fur et à mesure de la progression vers les entrailles du plateau calcaire, vers le fond d’une galerie de plus en plus énigmatique. Mais les Magdaléniens nous ont habitués à admettre la coexistence d’un monde animalier, réaliste, probablement chargé de signification religieuse, cultuelle, certainement culturelle, avec celle d’un univers peuplé de « monstres », d’animaux hybrides et de chimères, toutes créatures sorties d’une imagination d’un autre âge, ici celle de la fin des temps glaciaires. Pergouset n’échappe pas à la règle et en est même l’une de ses illustrations les plus étonnantes. Cette grotte ornée présente certes un nombre relativement réduit de représentations et graphismes, surtout si on la compare aux sanctuaires majeurs de l’art tardiglaciaire européen que sont Altamira, Niaux, les Cavernes du Volp, Font de Gaume... aux côtés desquels elle se range. Cependant, et l’auteur nous le rappelle dans sa conclusion, nous disposons avec elle d’un ensemble technique et stylistique homogène, uniquement gravé –ou presque– et, fait rare, conservé dans son intégralité.

4Comme souvent avec l’art pléistocène, la troisième dimension participe pleinement au dispositif pariétal, par l’intermédiaire des particularités topographiques des parois rocheuses où apparaissent fissures, fentes, conques, rondeurs, protubérances... qui, supports naturels et uniques, offrent autant de reliefs suggestifs où l’imagination magdalénienne a accroché ses rêves et ses fantasmes. Soulignons ici avec vigueur les efforts déployés par l’auteur, notamment sous la forme de restitutions graphiques expressives, soucieux de nous faire partager ses perceptions et de nous faire comprendre le rôle majeur tenu par la caverne participante dans la mise en place des dispositifs pariétaux. Ce concept ne quitte à aucun moment ni le discours, ni la démarche du spécialiste face à son sujet d’étude ; il trouve même une application exceptionnelle avec ce grand poisson jaillissant de l’assise calcaire, comme sculpté par l’érosion karstique et qui met un terme au secteur orné, ultime évocation des relations liant le Règne animal, l’Eau et le « Ventre de la terre ». C’est paradoxalement l’image la plus éloignée de la source nourricière, le Lot, et des vestiges de cette petite pêcherie médiévale conservés dans le remplissage du porche d’entrée.

5Seule une entreprise méthodique, patiente, systématique, obligatoirement confidentielle compte tenu de la configuration des lieux et de son inaccessibilité à une équipe, pouvait précéder la passionnante discussion finale menée par M. Lorblanchet : Pergouset est la cavité d’un homme seul, certes secondé, mais c’est aussi celle d’un chercheur face à un sanctuaire complexe, qui a su s’affranchir des contraintes du site en se donnant les moyens de la pluridisciplinarité pour nourrir sa réflexion, la suppléer là où l’analyse nécessitait des contributions plus spécialisées : elles apparaissent sous forme de « documents » insérés –et à chaque fois discutés– dans le corps de l’ouvrage. Mais c’est bien sûr la formidable somme de relevés qui constitue le segment principal de cette publication, corpus documentaire servi par une iconographie de qualité, aussi diversifiée qu’exhaustive, prolongée par un travail éditorial subtil qui est l’une des cartes maîtresses de cette collection des Documents d’archéologie française. Feuilletant non sans avidité chacun des comptes rendus sanctionnant le terme d’une année de relevés, nous nous étions progressivement familiarisés aux dispositifs pariétaux de Pergouset que dévoilait, salle après salle, ou plutôt panneau après panneau, Michel Lorblanchet. Dans le même temps que la monographie était mise en chantier, nous avons persuadé, assez facilement du reste, notre éminent collègue qui venait de rejoindre l’équipe de Préhistoire de Toulouse (UMR 5608, CNRS, Université, Culture) d’envisager, pour l’analyse d’une cavité remarquable et inédite, un support éditorial de qualité et de grande diffusion. Il nous paraissait d’ailleurs important que les résultats d’une démarche, d’une méthode, d’une étude et d’une analyse aussi maîtrisées que didactiques, puissent être proposés à une collection traitant d’archéologie diachronique et ainsi témoigner de ce qu’un préhistorien de l’art pouvait retirer d’un ensemble aussi difficile et singulier. Car c’est justement l’archéologie d’une grotte ornée qui nous est proposée ici. Nous associant aux remerciements de l’auteur, nous devons ici saluer ceux qui ont fait confiance au projet, au premier rang desquels J.‑M. Geneste et D. Vialou (rapporteurs du manuscrit) qui ont poursuivi ou précédé nos plaidoyers pour convaincre l’ensemble des interlocuteurs que Pergouset serait ainsi la première monographie d’une grotte ornée à être accueillie par les Documents d’archéologie française.

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