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Les habitats du lac de Paladru (Isère) dans leur environnement

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Michel Colardelle
, 
Éric Verdel

Avant‑propos

Michel Colardelle et Eric Verdel

Texte intégral

1Après presque vingt ans de travail, dense et assidu, voici enfin la première synthèse véritable sur les résultats des fouilles médiévales de Charavines. Synthèse provisoire : si c’est seulement à présent que l’avancement des travaux autorise une vue d’ensemble et des hypothèses crédibles, il s’agit bien de recherche, c’est‑à‑dire que le front de l’inconnu recule mais ne disparaît pas, et que le niveau des interrogations s’élève. Cette recherche reste en cours, car le site n’a pas encore épuisé ses possibilités de réponse aux questions que posent l’historien et, sur un plan plus technique, l’archéologue. On n’a pris ici en compte que la documentation issue des campagnes 1972 à 1989, sauf lorsqu’une découverte plus récente remettait totalement en cause nos conclusions sur un point particulier : décision cruelle, car depuis cette date jusqu’au moment de mettre sous presse, que de nouvelles découvertes ! Mais publier était à ce prix.

2Ce livre pourra surprendre. Par sa matière d’abord, où l’archéologie de fouille proprement dite, si elle n’est pas négligée, laisse une très large place aux sciences de l’environnement et à l’archéométrie. C’est qu’un tel site, où les modes de sédimentation comme les conditions de conservation apportent des données inhabituelles, méritait une méthodologie particulière. C’est aussi que la période considérée, celle de « la révolution de l’an Mil », ouvrait un champ d’hypothèses où l’interaction homme‑milieu, certes jamais totalement absente d’aucun fait humain, pouvait peser d’un poids particulier, qu’il s’agisse des effets, sur l’environnement, d’une rapide colonisation, ou de ceux, sur la société, d’épisodes climatiques qui paraissaient particulièrement cléments. Nous n’avons pas borné notre ambition à l’application à des temps historiques de méthodes éprouvées par les préhistoriens, plus familiers de cette démarche ‑ plus reculée dans le temps, la sujétion de l’homme à la nature paraît probablement moins humiliante, et les préhistoriens sont, traditionnellement, des naturalistes au contraire des archéologues, littéraires ; nous avons, chaque fois que nécessaire, innové.

3Seconde particularité méthodologique : le souci d’étudier non un site ou des sites, mais un terrain, un « pays » naturel, dans tout son espace, sur la plus longue durée possible –excluant toutefois la préhistoire, pour laquelle paraîtra une publication spécifique des fouilles lacustres néolithiques du site des Baigneurs par Aimé Bocquet– et sous tous les aspects possibles. Pourquoi un tel élargissement du sujet ? Parce que, pour nous, c’est l’un des enjeux de l’archéologie que de mieux comprendre comment s’est opérée la transformation fondamentale du milieu naturel qui mène à la morphologie de l’Occident contemporain ; parce que jusqu’au xxe siècle, c’est le pays qui est le cadre d’une société essentiellement rurale ; et parce que la mutation de l’an Mil, objet de notre recherche, ne peut s’identifier que par contraste. Problématique archéologique donc, et historique en même temps.

4Telles sont les principales raisons du plan de l’ouvrage, qui étonnera le lecteur autant par son organisation que par les thèmes abordés, certains lui apparaissant peut‑être comme digressifs, d’autres comme curieusement situés. Mais il nous a semblé essentiel d’écrire un livre où les disciplines scientifiques s’articulent avec l’archéologie comme les éléments d’une pensée, et ne soient pas rejetées en annexes d’une matière principale qui serait l’archéologie. Celle‑ci, à notre sens, c’est bien l’étude de l’homme dans son milieu, son « écosystème », sa « niche écologique », et l’un et l’autre, interactifs, ont une égale importance, leurs études se documentant réciproquement, indissociables même souvent.

5Dernière réflexion préliminaire : nous sommes de ceux qui, toujours, s’engagent. De ceux qui pensent qu’il faut certes livrer aux autres spécialistes la documentation la plus objective possible –ce que nous avons fait– mais qu’il faut également, de manière délibérée, se risquer à des interprétations, proposer des hypothèses, cultiver l’intuition, jusqu’à « l’intime conviction » qui, en fin de compte, est la seule manière d’aller au bout de sa pensée, de susciter la discussion, l’adhésion ou la critique voire la polémique. L’archéologie, qui appartient au champ des sciences comme l’histoire, n’a de sens que si elle confère à l’engagement présent de celui qui bénéficie de ses résultats davantage d’éléments, d’arguments. Pour cela, il faut, dépassant les faits bruts, mais, bien sûr, S’appuyant au maximum sur eux, proposer des systèmes, des modèles qui évolueront forcément plus tard, avec les résultats d’autres recherches. C’est pour cela que, dans le dernier chapitre, nous avons, en toute connaissance, pris parti, notamment sur le sujet controversé de la « révolution de l’an Mil ». Le lecteur voudra bien voir là, non quelque prétention malsaine, mais la volonté de ne pas pécher par omission.

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