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L'eau à découvert

 | 
Agathe Euzen
, 
Catherine Jeandel
, 
Rémy Mosseri

Première partie. Les grandes thématiques et les enjeux d'aujourd'hui

10. Eaux et risques pour la santé publique

Yves Levi

Texte intégral

1L’eau, en complément de son rôle primordial dans l’accomplissement de la vie, est un élément majeur de la santé publique* en raison du grand nombre de ses services rendus, notamment pour l’assainissement*, l’hygiène, la santé physique et le bien-être mental. L’Assemblée générale de l’Organisation des Nations Unies a reconnu, le 28 juillet 2010, le droit à une eau potable saine et propre comme un droit fondamental, essentiel au plein exercice du droit à la vie et de tous les droits de l’Homme (cf. VI.6). L’eau permet d’évacuer les déchets et améliore l’hygiène alimentaire. Elle participe à la beauté des paysages (cf. VII.4), permet les sports et loisirs aquatiques (cf. IV.17) et contribue au refroidissement ou au chauffage dans l’habitat (cf. IV.12). Malheureusement, elle peut également tuer lors des inondations ou des avalanches (cf. VI.18) et rendre malade (cf. V.20) lorsqu’elle transporte des dangers chimiques (pesticides, plastifiants, solvants, hydrocarbures, résidus de médicaments, biocides*… cf. V.10), biologiques (bactéries, virus, parasites…) ou des éléments radioactifs. L’absence d’eau conduit à la disparition de la vie. Les prélèvements d’eau douce ont tellement augmenté sur la planète que les zones de pénurie sont contraintes d’utiliser les eaux usées pour l’irrigation, ce qui provoque des risques sanitaires dans les région concernées.

2L’eau induit des risques sanitaires lorsqu’elle n’est pas assez disponible en quantité pour tous les usages humains et à cause de ses contaminants. L’être humain s’expose aux dangers par ingestion et lorsqu’il nage et se baigne. Il inhale des gouttelettes d’eau au cours de la douche ou lorsqu’il traverse un brouillard ou un aérosol et s’expose également par le contact de sa peau avec de l’eau contaminée. Des professionnels comme les égoutiers sont en premier concernés par les risques au contact des eaux les plus contaminées. Ainsi, les risques sanitaires sont fonction de la présence, et de la concentration, d’un produit toxique ou du nombre de microorganismes infectieux et de l’intensité de l’exposition de l’individu. Les risques de maladies seront également liés à la fragilité des organismes à l’égard de ce danger, en fonction de l’âge, de l’état général de santé, des vaccinations, de l’absence de protection...

3Pour aborder les relations entre l’eau et la santé, il est indispensable de ne pas seulement prendre en compte les effets toxiques ou infectieux, mais aussi d’intégrer tous les services sanitaires rendus à la société et, notamment, l’aide à l’activité physique et sportive, les loisirs, l’architecture, l’urbanisme, le paysagisme, le repos ou la facilitation des transports…

SELON L’ORGANISATION MONDIALE DE LA SANTÉ, DANS SA NOTE D’INFORMATION DU 13 MAI 2013, EN 2011 :
Quelque 2,5 milliards d’individus n’avaient pas accès à des installations sanitaires améliorées ; 761 millions d’entre eux utilisaient des installations communes ou publiques et 693 millions des installations qui ne répondaient pas aux normes d’hygiène minimum.
Un milliard de personnes, dont 90 % en zones rurales, déféquaient encore à l’air libre.
89 % de la population mondiale utilisait une source d’eau potable améliorée et 55 % avaient de l’eau courante chez eux. Cela laisse quelque 768 millions d’individus sans source améliorée d’eau potable, dont 185 millions comptent sur les eaux de surface pour leurs besoins quotidiens.
Parmi les individus qui ont accès à l’eau courante chez eux, les trois quarts sont citadins. Les communautés rurales abritent 83 % de la population mondiale n’ayant pas accès à une source améliorée d’eau potable et 71 % des personnes qui vivent sans assainissement.

Risques microbiologiques et toxiniques

4Les contaminations microbiologiques et biologiques sont permanentes et ubiquitaires, plus fréquentes et importantes dans les eaux de surface que souterraines, au moins pour celles partiellement ou totalement filtrées par le sol. La dispersion dans l’environnement des microorganismes pathogènes* (cf. V.4) se fait par les déjections des individus malades et leurs autres déchets, dont une grande partie transite par l’eau de pluie qui ruisselle sur les sols, par les eaux usées des égouts et celles déversées directement dans la nature. Il s’agit des microorganismes à l’origine de grands risques d’épidémies, comme le choléra, la typhoïde et la poliomyélite. L’écologie microbienne qui se développe dans les réseaux de distribution internes aux constructions contribue également aux risques d’infections, notamment dans les hôpitaux, et provoque des cas de légionellose* mortels, la bactérie responsable trouvant, dans certains réseaux d’eau chaude, un terrain tout à fait favorable à son développement. De nombreuses méthodes et technologies de désinfection existent pour tuer ou éliminer ces microorganismes pathogènes dans l’eau, mais elles doivent être mises en œuvre sans générer de sous-produits toxiques, ni même de mauvais goût qui inciteraient les usagers à se détourner de l’eau saine du robinet vers des eaux de puits non traitées et dangereuses.

5L’eau favorise aussi le développement de parasites dont l’hôte est aquatique (gastéropodes) ou s’y reproduit (moustique), comme dans le cas de la bilharziose ou du paludisme. Citons aussi la contamination des coquillages par des rejets d’eaux usées, qui provoquent régulièrement des épidémies d’hépatites chez les consommateurs. Parmi les dangers biologiques, existent également des toxines agissant sur les cellules du foie ou du système nerveux, produites naturellement par des micro-algues (cyanobactéries*) et qui sont détectées dans des eaux et des poissons.

Risques chimiques

6L’eau est susceptible de transporter des éléments naturels (fer, arsenic…) ou issus des activités humaines grâce aux progrès de la chimie. Le principal problème réside dans la très grande diversité de ces dangers et leur présence sous forme de mélanges complexes dans tous les milieux aquatiques qui reçoivent nos rejets. Il s’agit notamment de pesticides, de plastifiants, d’hydrocarbures, de solvants ou de résidus de médicaments. Certaines de ces molécules s’accumulent dans la chaîne alimentaire pour atteindre des concentrations toxiques dans la chaire de l’animal, ensuite consommée. Excepté pour des cas spécifiques, comme celui de la contamination des populations du Bengladesh, dès la fin des années 1070, par de l’arsenic drainé du sous-sol vers les puits, il est très difficile d’évaluer la morbidité* ou la mortalité résultant de la contamination chimique complexe des eaux. Les toxiques se trouvant dans les eaux brutes sont parfois générés au sein des usines de potabilisation (sous-produits de désinfection) ou peuvent être relargués dans l’eau à partir des matériaux au contact (plomb des canalisations, plastifiants, composants de résines).

DANS LE MONDE DE L’APRÈS-2015 :
Personne ne devrait déféquer à l’air libre, car cela favorise la propagation de maladies.
Tout le monde devrait avoir l’eau potable, des services d’assainissement et d’hygiène à la maison.
Toutes les écoles et tous les centres de santé devraient avoir l’eau potable, des services d’assainissement et d’hygiène.
L’eau, l’assainissement et l’hygiène devraient être durables.
Les inégalités d’accès devraient être éliminées.

7La fourniture d’eau conforme aux normes de potabilité exige donc une gestion particulièrement rigoureuse de l’ensemble du système d’alimentation, depuis l’usine de production jusqu’au robinet du consommateur. Promouvoir la santé des populations exige de fournir à tous une eau potable en quantité suffisante et à un prix acceptable. Ceci nécessite avant tout de réduire les rejets polluants, de protéger et de restaurer les qualités chimiques et biologiques des ressources en eau.

Bibliographie

Références bibliographiques

• A. EUZEN et Y. LEVI – Tout savoir sur l’eau du robinet, CNRS Éditions, 2013.

• www.sante.gouv.fr/IMG/pdf/Rapport_qualite_eau_du_robinet_2012_DGS.pdf

• www.who.int/entity/water_sanitation_health/publications/2013/jmp_report/en/index.htm

• www.who.int/mediacentre/news/notes/2014/jmp-report/fr/

Auteur

Pharmacien, Professeur en santé publique et santé environnementale à l’Université Paris-Sud, ESE, Chatenay-Malabry, p. 38.
yves.levi@u-psud.fr

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