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Devenir prince

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Pascale Mormiche

Troisième partie. La science du prince

Chapitre premier. Le prince de paix, pieux, chrétien

Texte intégral

  • 1 La Mothe Le Vayer, La philosophie, éd. 1783, p. 1.
  • 2 Idem, p. 3. « Les rois de France n’ont jamais été tenus purs laïcs mais orrez du sacerdoce et de la (...)
  • 3 La Vauguyon, IVe entretien, 2000, p. 17.
  • 4 Darricau R., « La spiritualité du prince », xviie siècle, n° 62-63, 1964, p. 78-111. Neveu B., « Fu (...)
  • 5 Louis XIV, éd. Goubert, p. 83.

1Le principe de La Mothe La Vayer selon lequel « la religion est la plus importante partie de ce qui doit être enseigné à un jeune prince destiné à porter la couronne1 » reste une base intangible pour toute la période. Ainsi la perfection chrétienne du prince est la tâche majeure des éducateurs de princes comme le mentionne Bossuet le 23 septembre 1670 : « s’employer, de tout son pouvoir à élever Monseigneur dans la crainte de Dieu et à régler ses mœurs selon les maximes chrétiennes ». Elle se justifie par la place prééminente du prince : « Dans la vraie religion, nos princes chrétiens font une si exacte profession de culte divin, que leurs habits du grand cérémonial, nommément leur sacre, sont sacerdotaux à quoi, on doit ajouter l’onction sainte qu’ils reçoivent en cette occasion2. » Lors du premier lit de justice du jeune Louis XIV, Omer Talon disait : « Le siège de Votre Majesté nous représente le Dieu vivant, les ordres du royaume vous rendent honneur et respect comme à une divinité visible. » En témoigne encore l’engagement de Louis XVI qui se « propose d’être, toute ma vie, fortement et constamment attaché à la piété et à tous les exercices de la piété. Je m’élèverai au-dessus de toute sorte de respect humain et je prends la résolution ferme et sincère d’être hautement, publiquement, généreusement fidèle à celui qui tient en sa main les rois et les royaumes3 ». Dans sa conception, la fonction royale reste, en dépit d’une sécularisation sensible, profondément spirituelle et sacrée4. Cette mission supérieure du prince marque son éducation. « J’ai pris un soin extrême de choisir pour votre éducation ceux que j’ai crus les plus propres à vous enseigner la piété par les discours et par l’exemple et je puis vous assurer que c’est la première qualité que j’ai cherchée et considérée en eux5. » Deux aspects nous intéressent à savoir la manière dont le prince acquiert les formes de piété et d’autre part comment il se montre prince chrétien.

Un prince doté d’une pratique religieuse ferme

  • 6 Louville, 1696.
  • 7 Comme pour les autres, enfants, la communion est préconisée vers l’âge de sept ans et correspond à (...)

2« Je n’ai rien dit dans tout ceci de ce qui regarde l’éducation chrétienne parce qu’elle est répandue sur le tout et l’on songe plus à les rendre chrétiens par des sentiments vertueux qu’on leur inspire et l’éloignement de tous ceux qui leur pourroient donner de mauvais exemples, que par des pratiques extérieures et pénibles qui ne produisent ordinairement d’autres effets dans tous les enfants qui en sont accablés que de leur donner pour le reste de leur vie, de l’éloignement et quelquefois même de l’horreur pour la piété et l’on peut dire sans flatterie, parce que c’est une chose connue dans toute l’Europe que jamais des princes n’ont été élevés plus chrétiennement que ceux-ci6. » Le jeune prince bientôt Très Chrétien n’est pas différent des autres enfants. Il est instruit des mystères de la foi et suit des cours d’Histoire Sainte afin de l’amener au baptême et à la première communion suivi de la confirmation7. Imprégné d’instruction religieuse, il se doit de connaître des éléments d’Histoire de l’Église.

  • 8 Le jeune Louis est porté pour la première fois à la messe à six mois, le 7 avril 1602. Le futur Lou (...)
  • 9 Le 12 sept. 1610, Louis XIII dit en rêvant : « Credo in deum protectorem meum. » Le 17 août 1611, i (...)

3Cette éducation a débuté avec les femmes comme pour les autres enfants. Puis trois hommes contribuent à former un prince chrétien. C’est au précepteur d’assurer l’éducation religieuse tandis que le gouverneur contrôle l’assistance assidue aux offices et organise les cérémonies religieuses. Le confesseur l’assiste et surveille l’esprit du jeune prince. Contrairement aux enfants Valois baptisés aux alentours de trois mois, les Bourbons le sont beaucoup plus tard, souvent après l’âge de raison lors d’une grande cérémonie. Les princes apprennent leurs prières en latin et en français comme les autres enfants du diocèse de Paris. Ils assistent tôt aux cérémonies quotidiennes de la messe, de l’Office divin et aux fêtes religieuses annuelles où se succèdent les plus grands prédicateurs8. Lors des impressionnantes pompes liturgiques, ils sont souvent placés au cœur même de l’acte religieux, au pied de l’autel. Cette imprégnation ne peut que profondément marquer leurs jeunes esprits9.

  • 10 Rivault D., Sieur de Fleurance, Discours faicts au roi en forme de catéchèse sur le neuvième articl (...)
  • 11 Coton le Père P., Heures du roi Louis XIII, disposées pour Sa Majesté, suivant l’ordre qu’elle tien (...)

4Pour les y préparer, les princes disposent d’un catéchisme rédigé à leur usage, inspiré du concile de Trente suivant les recommandations de l’évêque de Paris, avec des questions et réponses en français et latin. En prévision de la communion de Louis XIII, le sous-précepteur Rivault de Fleurance complète le catéchisme par dix discours entre le 16 août 1612 et le 30 septembre. Treize leçons se succèdent à huit jours d’intervalle et se poursuivent après la communion10. Ces entretiens religieux faits par un laïc montrent le différend non encore résolu entre l’apprentissage politique et celui des sentences religieuses. Au moment du mariage de Louis XIII, c’est au confesseur le Père Coton, de rédiger Les petites heures du roi pour accompagner le roi dans ses journées11.

  • 12 Bonnefons A., Catéchisme Royal où les points de la foy sont représentez par des images et les image (...)
  • 13 Catéchisme pour le Roy, 2 tomes, s.l.n.d., 509 et 490 p., in-4°, 115 bandeaux et 40 culs de lampe. (...)
  • 14 « En voicy l’idée et le dessein. Les avantages, vertus et obligations des princes et les plus consi (...)
  • 15 « Ce beau catéchisme royal de M. Godeau n’y fut pas plus tôt qu’il disparut sans qu’on pût savoir c (...)

5Comme le recommande la Concile de Trente et pour nourrir l’imagination, les catéchismes illustrés sont mis à la disposition des enfants et adaptés à l’âge. Louis XIV utilise une première version de celui qu’Amable Bonnefons a rédigé avec des images qui « ne portoient que des ombres, sans corps. Aujourd’huy qu’il paroist achevé par l’explication de ces figures, il n’a plus d’obscurité et ses ombres evanouyes, il sera plus agréable [...] Ces Images, dont on sçait fort bien développer tous les mystères seront autant de langues muettes qui prescheront les douces inclinations qu’à Votre Majesté de sçavoir et apprendre, ce qu’il faut croire et faire, pour s’acquitter dignement de ses devoirs envers Dieu et son peuple12 ». Puis il bénéficie d’un Catéchisme pour le Roy, gros manuscrit en deux volumes aux illustrations à la gouache, dont les auteurs furent son précepteur Péréfixe, son confesseur Godeau13 et le père Léon Bacoue, évêque de Glandève14. Mazarin l’aurait fait disparaître15.

  • 16 BM Amiens, Mss Les 36A. (81 x 125 cm en maroquin rouge). Griselle E., « Une œuvre inédite de Bossue (...)
  • 17 Le dieu, Prières ecclésiastiques du diocèse de Meaux, 1689, in-12°, Cramoisy, dans Œuvres, X, p. 46 (...)
  • 18 Fleury Cl., Catéchisme historique par M. Claude Fleury, prêtre, précepteur de M. de Vermandois, 2 v (...)

6Pour le grand Dauphin, Bossuet rédige un Catéchisme pour la préparation à la première communion avec un recueil de prières que calligraphie le maître d’écriture Gilbert en 167416. Ces onze chapitres s’organisent autour de questions et de réponses générales. « Après en avoir ôté ce qui était propre à la personne du prince, il les a fait imprimer dans le livre des Prières ecclésiastiques du diocèse de Meaux17 » à usage public. C’est surtout le Catéchisme historique que le sous-précepteur Claude Fleury rédige vers 1676 à l’usage des princes de Conti qui fait l’unanimité quant à sa facilité d’utilisation, son adaptation à l’enfant et la justesse de sa doctrine. Des copies en sont prises en août 1680 par Saint Laurent, précepteur du duc de Chartres. Ce texte servit ensuite à tous les princes de cette génération. Publié en 1683 avec des illustrations18, cet ouvrage connu un grand succès populaire grâce à son style simple.

  • 19 Les entretiens, comme les XXXIIIe réflexions de Louis XVI avec son gouverneur La Vauguyon, reprenan (...)

7Les précepteurs ont systématiquement commis un catéchisme adapté au jeune âge de chacun de leur prince, montrant ainsi la spécificité et l’intériorisation de la spiritualité princière, son lien particulier avec la religion. Si certains furent publiés, il s’agissait alors de présenter comme exemplaire la dévotion du prince. Inversement, l’œuvre de direction spirituelle la plus répandue dans le public, L’introduction à la vie dévote de François de Salles n’est pas utilisée pour les princes, une raison serait la proximité avec la Compagnie du Saint-Sacrement condamnée par le roi en 1666. Distingués par l’unicité de leur catéchisme, séduits par la beauté de ces ouvrages illustrés, les princes conçoivent ainsi un rapport particulier avec la religion. Les précepteurs furent vigilants afin d’assurer aux dauphins et aux princes une formation religieuse sans faille se poursuivant jusqu’à l’âge adulte19.

  • 20 Massillon, Petit carême, Denn, Paris, 1827, p. 11.
  • 21 Même si parfois, en privé, il se révolte contre les croix de relique que lui fait porter sa mère, c (...)
  • 22 La Gazette, p. 1140.
  • 23 Haffemeyer S., L’information dans la France du xviie siècle. La Gazette de Renaudot de 1647 à 1663, (...)
  • 24 Montausier indique les activités du prince chrétien : « Que la qualité de Chrétien l’oblige à conna (...)

8L’exercice de la religion assure un lien avec les fidèles en montrant la place particulière du roi et du dauphin. Les offices rythment strictement les journées et ponctuent les occupations des princes. « Les devoirs de la religion entrent dans l’ordre public20. » La Gazette se fait le relais de la pratique ostentatoire du jeune Louis XIV et de son frère, encouragée par sa mère21. De 1649 à 1653, la Gazette indique tous leurs actes de piété exemplaire, tous les lieux de pèlerinage visités entre Melun et Compiègne. Le 7 décembre 1652, la reine emmena au Val de grâce « Monsieur frère unique du Roi : comme elle fait la plupart de ses dévotions afin de l’accoutumer de bonne heure à la piété & la lui rendre encore plus agréable par son exemple22 ». La Gazette souligne l’extrême attention de Louis XIV, son zèle et son humilité aux prêches du Carême de 1653 prononcé par le père Léon. De 1654 à 1663, elle relate les quarante-deux touchers des écrouelles pratiqués par Louis XIV, soit environ vingt mille personnes en moins de dix ans23. Cette pratique extériorisée est encore de mise pour le grand Dauphin qui participe aux messes à la chapelle royale ou à l’église paroissiale de Saint-Germain l’Auxerrois quand il se trouve au Louvre, aux Te Deum à Notre-dame24.

  • 25 On connaît la dévotion mariale de Louis XIII et son vœu de 1638. Henri II de Condé manifestait déjà (...)
  • 26 Bossuet, Lettre au pape, Correspondance, éd. 1909, tome II, p. 135-161.

9À cette date, le culte marial n’est plus particulièrement rendu25. Les saints ne sont pas donnés en exemple. En revanche, les princes sanctifiés deviennent des modèles pour leurs successeurs, Bossuet évoquant leur rôle « d’intercesseur assuré auprès de Dieu26 ». Leur comportement, leur morale et leur politique les ont menés à la sainteté et il convient aux princes d’en être des descendants de foi. C’est la « sainte doctrine » qui est affirmée.

  • 27 Cité par Haillan, 1993, p. 58.
  • 28 Proyart, tome I, p. 71.
  • 29 Haussonville, tome I, p. 472.
  • 30 Il visite la grotte de Charles Borromée à Bordeaux, le mausolée de Saint-Thomas d’Aquin aux Dominic (...)

10Par opposition à la démarche ostensible des princes précédents, Fénelon enseigne à Bourgogne et ses frères à faire montre de plus de retenue. Tout imprégnés de piété intérieure, les princes sont décrits comme des exemples moraux, transfigurés par la communion. Le quiétisme influence leur spiritualité même si le gouverneur s’en défend. Beauvillier écrit à la fin de 1695 au père Tronson : « Au reste, comme je l’ai dit à M. de Chartres, on n’a nulle inquiétude à avoir sur le chapitre des princes ; aucun d’eux ne sait qu’il y a au monde une femme qui s’appelle Mme Guyon, ni un livre intitulé le moyen court27. » Toutefois, Louis XIV s’en inquiète et interroge Beauvillier sur la longueur et la nature des exercices de piété. Celui-ci répond qu’il démissionnera s’il a déplu au roi « avec l’espérance de mener une vie plus tranquille, [...] qu’il ne connoissoit qu’un Évangile et qu’il croyoit devoir à son Dieu et à son Roi de ne rien négliger pour préparer un prince vertueux à la nation ; que l’on pouvoit savoir du duc de Bourgogne lui-même en quoi consistoient ses exercices de piété auxquels il étoit prêt de substituer le chapelet, si on le jugeoit plus convenable28 ». Le roi conserve sa confiance à Beauvillier mais éloigne Fénelon. Aussitôt après la publication de l’Explication des maximes des saints..., Louis XIV dénonce ce livre auprès du pape Innocent XII, le 26 juillet 1698. Le 3 août, il s’entretient avec Bourgogne : « Mon fils, je ne suis pas maître de faire de ceci une affaire de faveur : il s’agit de la pureté de la foi. M. de Meaux en sait plus en cette matière que vous et moi29. » Bourgogne change alors nettement de dévotion, s’engage plus avant dans la vie de cour et participe aux cérémonies. Lors de son voyage en 1700-1701, il visite les sites de pèlerinage traditionnels du sud de la France30.

  • 31 Antoine M., Louis XV, p. 78. Ce présumé catéchisme d’André-Hercule n’a pas été retrouvé. Peut-être (...)
  • 32 Massillon, Petit carême, Denn, Paris, 1827. D’Alembert, dans son Éloge de Massillon, appelle le Pet (...)

11Le cardinal de Fleury donne à nouveau un éclat spectaculaire à l’éducation religieuse et à la vie chrétienne du jeune roi. Dès 1717, il entame l’enseignement du latin par des textes sacrés. Puis il aurait rédigé un catéchisme en deux volumes que le roi garda longtemps dans sa bibliothèque31. Et enfin, les dix dimanches du carême de 1718 sont assurés par l’orateur sacré Massillon. Le roi trouve dans le sermon proféré avec force un rappel systématique de ce qui a été étudié avec son précepteur renforcé par l’effet oratoire, notamment la critique du roi conquérant et du mauvais usage des richesses par les Grands. Le public présent dans la chapelle royale constate l’excellence des soins apportés à l’enseignement religieux du jeune roi. La réputation de Massillon s’élargit par l’édition. Ces sermons dont le roi voulut posséder le texte sont réunis dans un Petit Carême32. Louis XV fait ensuite ses dévotions tous les jours de la Fête-dieu en juin 1718, dans une église différente de Paris sous le contrôle de son gouverneur.

  • 33 « Qu’un roy qui veut être obey de son sujet, obéisse à Dieu qui est son roy », « Vous êtes l’image (...)

12Si les apprentissages de base, l’acquisition des prières sont comparables à ceux des autres fidèles, toutefois l’assistance des princes aux offices est fréquente et régulière. Les œuvres chrétiennes et la conduite quotidienne des princes, strictement codifiées depuis l’enfance, ne souffrent d’aucune distraction. Les ouvrages de piété, œuvres du précepteur pour chacun de leur élève princier, sont animés des principes moraux qui règlent les rapports avec les hommes et placent toujours le prince comme l’intermédiaire avec le divin, comme le responsable, le père des peuples. Cependant cette position qui isole le prince en lui conférant une responsabilité parfois écrasante face aux autres hommes, s’accompagne d’une obligation de servir le peuple et d’un rappel permanent sur la nécessaire humilité face à la vanité de la vie. En témoigne, les lignes du laïc Fortin de La Hoguette auteur du Catéchisme royalà l’usage de Louis XIV : « Qu’un roy qui veut être obey de son sujet, obéisse à Dieu qui est son roy. [...] Vous êtes l’image de Dieu, dans toute son étendue [...] Que Votre Majesté se souvienne à tous moments qu’il est un homme & qu’il est icy bas un vice-Dieu ; L’une de ces pensées modérera sa puissance & l’autre réglera sa volonté. »33

  • 34 AN E 3354, f 346, serment de Montausier pour le Grand Dauphin. AN 273 AP 389 : serment de la duches (...)
  • 35 La moralisation du personnel avait d’ailleurs conduit à exclure Beaumont de Saint-Étienne en 1647 a (...)
  • 36 « Personne ne pouvait lui parler à l’oreille ; même quelques-uns prétendent que le petit marquis de (...)
  • 37 Lettre de Louis XIV à Bossuet, Metz, le 23 février 1678, Correspondance de Urbain et Levesque 1909, (...)

13Cette éducation religieuse approfondie s’accompagne d’une pratique et d’une surveillance quotidiennes afin de « prendre soigneusement garde que son esprit fût exempt de toute sorte de corruption et ne reçût aucune mauvaise tache34 » qui est la tâche principale du gouverneur. L’ensemble du personnel laïc doit toutefois avoir une conduite irréprochable. Tous sont mariés ou se marient en entrant en service35. Il s’agit de conserver le prince dans un état de pureté originel et de lui éviter les mauvais exemples, les pensées peu honnêtes, les péchés communs. Le 25 septembre 1651, Mazarin conseille au duc de Mercœur de « prendre garde, parmi les jeunes gens qui sont auprès du roi [...] au fils du marquis de Mortemart [...] je crains qu’il ne soit vicieux et il faut que vous avertissiez la reine. Ce serait un grand malheur s’il s’introduisait dans l’esprit du roi par ce moyen36 ». Louis XIV surveille le carême de son fils âgé de dix-sept ans. « Je n’ai rien à ajouter au résultat de la conférence que vous avez eu avec mon cousin l’archevêque de Paris. On ne pouvait mieux faire et même après l’avis du sieur Renaudot par écrit, que de laisser commencer le carême à mon fils pour le continuer ou le rompre selon l’état où sa santé se trouvera dans la suite37. »

  • 38 Mme de Sévigné, Lettres, n° 284, tome I, p. 670, 5 janvier 1674.
  • 39 Gastelier J. E., 1993, p. 125.

14Or les princes sont comme tous les enfants, observateurs et curieux, notamment en ce qui concerne les passions et les relations entre adultes. Le grand Dauphin âgé de treize ans en 1674, use de beaucoup d’intelligence pour faire comprendre qu’il a analysé les relations de son père avec ses maîtresses. « Il a vu l’autre jour Mme de Schomberg. On lui contoit combien son grand-père en avoit été amoureux. Il demanda tout bas : Combien en a t-elle eu d’enfants ? On l’instruisit des modes de ce temps-là38» Comment maintenir un esprit pur avec des yeux d’enfants curieux à la cour ? Au début d’août 1738, à neuf ans, Louis le Dauphin, « ce prince qui promet beaucoup assurément, fut curieux de savoir l’autre jour ce que voulait dire le mot de pucelle. Comme M. de Châtillonne ne lui répondait pas, il lui demanda pourquoi on disait Pucelle d’Orléans ; on ne satisfit point sa curiosité. Il me semble qu’il aurait été à propos de lui répondre, sans donner atteinte à sa pudeur, que Pucelle ne voulait rien dire d’autre qu’une fille très sage39 ».

  • 40 Louville, 1812, tome I, p. 110.
  • 41 Saint-Simon, Hiérarchies et mutations, 2003, p. 264.

15Malgré la malignité des courtisans, la pureté du prince est généralement conservée jusqu’à son mariage. Ainsi en 1701, Beauvillier responsable de la vertu du roi d’Espagne et Louville, chef de la maison française d’Espagne, voulant déjouer les rumeurs, composent pour rassurer le roi : « Soyez sûr que notre prince est aussi religieux que Saint Louis. Il a son innocence baptismale mais il ne l’a pas en enfant. Ce n’est nullement faute de savoir le mal qu’il ne le fait pas et je vous réponds même qu’il est vertueux contre son tempérament, dont la nature ne le porte à rien moins qu’à la vertu40. » Souvent il s’agit de renverser le principe d’ignorance des aspects sexuels pour favoriser la génération princière, symbole de continuité dynastique : « quand il [le grand Dauphin] fut question de le marier, le roi dit à Monsieur de Montausier de l’instruire et qu’il ne voulait pas avoir un affront de son innocence ». La suite est savoureuse : « M. de Montausier s’en chargea avec grand peine. Il y échoua et le dit au roi. Le roi cru qu’il n’y avait guère pris de peine, se fâcha et répondit qu’il le ferait donc lui-même et en effet, il s’en acquitta de son mieux. Sortant d’avec Monseigneur, il appela le duc, suant à grosses gouttes [...] “Monsieur, lui dit-il tout dépité, vous me voyez bien en quel état je suis ; j’ai fait tout ce que j’ai pu pour instruire mon fils et ne pouvant lui rien faire entendre, je lui ai dit plus d’ordures en une demi-heure qu’il ne s’en est dit en quatre jours dans les plus mauvais lieux et au bout de cela je ne suis pas plus avancé. Voyez donc comment vous ferez car je n’en puis plus davantage et nous allons partir incessamment.” À la fin le roi s’avisa de dire à M. de Montausier de mettre Monseigneur entre mes mains de son gendre [le duc de Crussol]. Cela fut fait aussitôt. On ne sait si ses instructions furent plus heureuses ou celles d’une dame de la cour, veuve d’un maréchal de France depuis longtemps qu’on prétend qui fit faire avec elle l’apprentissage de ce prince41. »

  • 42 La Mothe Le Vayer, La philosophie, éd. 1783, p. 4 et p. 120.

16Le prince est le produit de la doctrine de l’Église tridentine qui a combattu pour que soient traqués les moindres manquements. L’ensemble du personnel contribue à cette formation par son exemple, par son enseignement et par la surveillance. L’objectif n’est pas seulement de former un prince chrétien et d’assurer son salut mais plutôt de parvenir par un contrôle et par un travail acharné à attirer sur son peuple la grâce divine. « L’amour & la pratique de la religion est un lien de parfaite amitié entre Dieu & les hommes, quand ceux qui les gouvernent sont remplis de cet esprit & il n’y a de forte bénédiction qu’ils n’attirent sur eux & sur leurs États ; mais leur zèle pour la religion doit être discret [...] & la gloire, aussi bien que le salut d’un catholique, ne dépend pas selon Saint Augustin de bien raisonner, mais de bien croire42. » Cette mission fondamentale bénéficie des extraordinaires renouveaux des formes de piété qui ont animé, pendant deux siècles, les élites religieuses du royaume qui ont servi les princes.

  • 43 À la mort du duc de Bourgogne, une littérature hagiographique lui donna presque la stature d’un sai (...)

17Les textes sacrés, la prière fréquente servent de leçon perpétuelle aux princes. Formation morale et spirituelle, voire politique elle l’emporte sur tous les autres savoirs, les inspire, les englobe presque et détermine la hiérarchie des savoirs. Rendue visible par les comportements liturgiques princiers, cette éducation religieuse oscille entre la mise en scène d’une pratique extériorisée et la richesse de la vie intérieure. Le prince chrétien que forme Louis XIV met en avant le caractère démonstratif de sa pratique. Ce modèle est poursuivi par le cardinal de Fleury pour Louis XV. Pour le duc de Bourgogne et ses frères, plus éloignés du pouvoir, une pratique personnelle plus dévote, un attrait pour les vertus chrétiennes sont tolérés jusqu’à ce qu’elles deviennent incompatibles avec le pouvoir politique qu’elles contribuent à critiquer. Un siècle plus tard, ce modèle de prince chrétien à la pratique intériorisée, construit autour des figures du duc de Bourgogne et du dauphin Louis, est proposé au duc de Berry, futur Louis XVI dans une quasi-hagiographie souscrite par le pouvoir43. Le prince intime l’a emporté sur le Roi Très Chrétien.

Un prince qui connaît parfaitement l’Histoire Sainte

  • 44 La réforme catholique a multiplié ces ouvrages. Il existe des Histoires saintes du type de Figures (...)
  • 45 Flavius Josèphe, L’histoire des Juifs, édition d’Antoine de La Haye, 1597, Paris, Jehan le Preux. I (...)

18L’enseignement de la religion accompagne la connaissance de l’humanisme chrétien reposant sur les deux Antiquités, sacrée et profane. Pendant le xviie siècle, les princes apprennent systématiquement dès sept ou huit ans, l’histoire de l’Ancien et du Nouveau Testament de manière chronologique44. Héritant de pratiques humanistes, Louis XIII est mis en contact avec les ouvrages historiques érudits. En mars 1609, il lit directement la source historique romaine, L’histoire des Juifs de Flavius Josèphe dans l’édition de 159745.

  • 46 Brianville, Histoire sacrée en tableaux avec leurs explications suivant le texte de l’Écriture, 3 t (...)
  • 47 Labbé Ph., Abrégé chronologique de l’histoire sacrée et profane de tous les âges et de tous les siè (...)
  • 48 Doujat revendique l’exemple de Guillaume Rouille, célèbre imprimeur lyonnais qui composa le Promptu (...)
  • 49 Introduction, Projet d’éducation pour un jeune prince, idée générale de l’éducation et des desseins (...)
  • 50 Fleury l’abbé, Catéchisme historique contenant en abrégé l’histoire sainte et la doctrine chrétienn (...)
  • 51 Le Maître de Sacy, Histoire du Nouveau et de l’Ancien Testament avec des figures et des explication (...)
  • 52 Colbert Ch. J., Instructions générales en forme de catéchisme, 3 vol., in-12, 1702.

19Les ouvrages composés ensuite, le sont de façon à ce que le prince commence à apprendre sans contact direct avec les sources, par l’interprétation officielle et expurgée. Le grand Dauphin est initié à l’histoire Sainte en octobre 1669 par l’ouvrage de l’abbé de Brianville : l’Histoire sacrée en tableaux avec leurs explication suivant le texte de l’Écriture46. Les principaux épisodes d’histoire chrétienne toujours tirés de Flavius Josèphe, sont résumés dans des textes courts de deux ou trois pages illustrées de gravures de Sébastien Leclerc47. Le jeune duc de Bourgogne bénéficie de l’ouvrage de Jean Doujat, illustré de cinquante portraits de personnages de l’Ancien Testament « tirés presque tous du promptuaire des Médailles et j’ai voulu par là fournir à la jeunesse quelques idées qui en frappant l’imagination par les yeux, entrassent avec quelques agréments dans l’esprit et adoucissent la peine de l’attention parun plaisir innocent que cet âge cherche partout48 ». Le gouverneur de Louis-Henri, duc d’Enghein projette de commencer l’histoire religieuse de façon plaisante : « Faisons ainsi venir l’imagination au secours de l’esprit. Elle lui rapproche les idées les plus abstraites et les lui rend pour ainsi dire palpables. [...] Mais le temps viendra de spiritualiser leurs connaissances et de leur faire envisager indépendamment de l’entremise des sens les vérités qui ne sont visibles qu’aux yeux de l’esprit. Dans les commencements, il ne faudra que poser les dogmes sans en rendre raison et sans obliger l’enfant d’entrer dans les preuves qui établissent la vérité et la certitude de notre religion. [...] Toute notre religion est fondée sur des faits et que sans le secours de l’histoire sacrée on ne peut entendre ni le symbole, ni la doctrine des sacrements49. » Notons que sont ensuite étudiés le désormais classique catéchisme historique de Fleury50 qui tempère des lectures nettement plus engagées tels l’ouvrage de Le Maître de Sacy51 ou le catéchisme de Montpellier de Colbert52. Cette ouverture doctrinale n’est pas envisageable chez les princes royaux.

  • 53 Buvat, Journal de la Régence, 1715-1723, E. Campardon, Paris, 1865, tome I, janvier 1717, p. 243.

20L’éducation religieuse de Louis XV commence tout aussi tôt avec Mme de Ventadour qui, sur les conseils de Mme de Maintenon, lui donne les bases de la chronologie ecclésiastique avant l’âge de sept ans : « Comme le roi est d’une vivacité extraordinaire, S. M. demanda à M. Bentivoglio, nonce du pape : “Monsieur le nonce, combien y a t-il eu de papes jusqu’à présent ?” Le nonce ayant hésité et n’ayant pu en dire le nombre au juste, le roi répliqua : “Vous ne savez pas le nombre des papes et moi je sais combien il y a eu de rois de France jusqu’à moi, qui ne suis qu’un enfant.” On fut étonné de l’entendre les nommer l’un après l’autre suivant leur chronologie53. » Ainsi la connaissance des princes sur l’histoire religieuse est profonde car de sept à neuf ans, ils ont acquis ce qui est enseigné dans les grandes classes à examen des Collèges.

  • 54 Le jeudi 2 juillet 1671, le grand Dauphin âgé de dix ans et « Mgrs les princes de Conti, âgés de di (...)
  • 55 Bossuet, Politique tirée des propres paroles de l’Écriture Sainte, 1re éd. en 1709, éd. critique de (...)
  • 56 Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, tome II, p. 1.

21Bossuet dépasse le simple objectif d’une connaissance de l’Histoire Sainte. À la suite des réflexions du Petit Concile, Bossuet fait le choix d’une histoire linéaire parfois apprise par cœur, parfois avec des commentaires des passages de l’Ancien54 et du Nouveau Testament, des Actes des apôtres, de l’Histoire du commencement de l’Église. Le Livre des rois est particulièrement étudié. Bossuet conçoit là la future rédaction des Méditations sur les Évangiles et Elévations sur les mystères. En fin d’éducation du dauphin, en enseignant l’histoire, il s’appuie à nouveau sur les Écritures55, puis liant l’histoire sainte et l’histoire de France, il rédige ses réflexions qui deviendront le Discours sur l’histoire universelle à Mgr le Dauphin pour expliquer la suite de la religion et les changements des empires. En dévoilant une histoire ecclésiastique ininterrompue, soutenue par l’œuvre à succès de Claude Fleury et par son Histoire Universelle, Bossuet et les précepteurs proches du petit concile veulent démontrer la permanence de la religion chrétienne face à la précarité des régimes politiques. « Si l’Antiquité de la religion lui donne tant d’autorité, sa suite continuée sans interruption et sans altération, durant tant de siècles, et malgré tant d’obstacles survenus, fait voir manifestement que la main de Dieu la soutient56. » Cet objectif politique de la supériorité de l’Église entend renforcer le lien que le roi a avec la religion.

  • 57 Les versions du duc d’Anjou à la Bibliothèque nationale de Madrid donnent la chronologie des appren (...)
  • 58 BnF mss fr 1754, versions latines du Livre de l’Exode : « voici les noms des enfants des enfants d’ (...)
  • 59 Dans les premiers mois de 1717 au moment de l’apprentissage du latin, Louis traduit de latin en fra (...)

22Les premiers apprentissages distrayants passés, le duc d’Anjou apprend (de 8 à 13 ans) l’histoire religieuse avec son sous-précepteur Claude Fleury. C’était le confier à celui qui venait de produire une somme exceptionnelle destinée au public : Son Histoire ecclésiastique illustrée par Sébastien Leclerc commence de paraître en 1690. Pendant l’année 1692, Anjou rédige des compositions latines sur le Catéchisme Historique57 tandis que Bourgogne et Berry font des versions latines d’Histoire Sainte, sur l’Exode, le livre de Tobie58. Le programme laissé par Fénelon pour l’éducation des princes jusqu’à l’âge de seize ans, en aurait fait des spécialistes du droit religieux et des textes sacrés des Pères de l’Église. Il prévoyait l’étude de Saint Augustin, lecture difficile pour un jeune homme. Seul le duc de Bourgogne en lira des passages après 1695. Le cardinal de Fleury commence l’enseignement religieux de Louis XV en 1717. S’il n’utilise pas les ouvrages précédents, il fait traduire La Genèse, les Actes des Apôtres et la Doctrine Chrétienne59 et l’idéologie reste inchangée.

23Le renouveau des formes de la spiritualité avait déterminé le choix des précepteurs. Ceux-ci ne conçoivent pas une science politique dissociée de l’histoire sacrée. Cette éducation débouche sur le double état sacré et saint du monarque. À la cérémonie du sacre, le prince devenu roi, reçoit l’onction qui matérialise son union avec le divin. Toute son éducation religieuse le conduit à cet acte. C’est ainsi que Louis XVI, devant faire face à des réactions d’incompréhension à l’égard de l’appareil symbolique de cette cérémonie, ne voulut rien changer au sacre le 11 juin 1775.

Notes

1 La Mothe Le Vayer, La philosophie, éd. 1783, p. 1.

2 Idem, p. 3. « Les rois de France n’ont jamais été tenus purs laïcs mais orrez du sacerdoce et de la royauté ensemble. » La dalmatique avec la couronne, le sceptre et la main d’ivoire font partie des insignes royaux.

3 La Vauguyon, IVe entretien, 2000, p. 17.

4 Darricau R., « La spiritualité du prince », xviie siècle, n° 62-63, 1964, p. 78-111. Neveu B., « Futurs rois très Chrétiens », dans Le savoir du prince, p. 195-233, 2002.

5 Louis XIV, éd. Goubert, p. 83.

6 Louville, 1696.

7 Comme pour les autres, enfants, la communion est préconisée vers l’âge de sept ans et correspond à une première confession. La confirmation donné par un évêque est fixée aux alentours de douze ans. Elle n’est accompagné d’aucune cérémonie particulière. Les princes suivent en cela, le Catéchisme romain et les recommandations de l’évêque de Paris de 1665.

8 Le jeune Louis est porté pour la première fois à la messe à six mois, le 7 avril 1602. Le futur Louis XV : « a voulu dimanche dernier entendre une première grande messe, je lui dis : eh bien, Monsieur, demandés une grâce à Dieu, qu’est ce que vous voulez lui demandés ? sans hésiter il me dit, je lui demande celle de conserver le roi toujours en bonne santé ». Lettre de Mme de Ventadour à Mme de Maintenon, lettre n° 27, f 57.

9 Le 12 sept. 1610, Louis XIII dit en rêvant : « Credo in deum protectorem meum. » Le 17 août 1611, il chante en rêvant « Espitola beati Pauli ad corinthios ». Foisil, Journal, tome II, p. 1820 et p. 1945.

10 Rivault D., Sieur de Fleurance, Discours faicts au roi en forme de catéchèse sur le neuvième article de la foi : Sanctam ecclesiam catholicam, sanctorum communionem, Paris, 1614, in-8°, 116 p. Le Fizelier parle d’un deuxième volume manuscrit commencé le 16 juin 1613. Le Paige dans son Dictionnaire de biographie dit que ces deux volumes manuscrits allaient jusqu’au 2 mars 1614.

11 Coton le Père P., Heures du roi Louis XIII, disposées pour Sa Majesté, suivant l’ordre qu’elle tient chaque jour de la semaine en ses prières. Et mises en ceste forme pour l’usage de la Reyne mère. Ensemble les litanies qui répondent à chaque office, deux formulaires de confession, et divers exercices de dévotion, Eustache Foucault, in-4°, Paris, 1615.

12 Bonnefons A., Catéchisme Royal où les points de la foy sont représentez par des images et les images expliquées, Paris, Hénault, 1647, f 3.

13 Catéchisme pour le Roy, 2 tomes, s.l.n.d., 509 et 490 p., in-4°, 115 bandeaux et 40 culs de lampe. Vente de la bibliothèque du commandant Paul Louis Weiller, Paris, Drouot, le 30 novembre 1998, p. 20-22.

14 « En voicy l’idée et le dessein. Les avantages, vertus et obligations des princes et les plus considérables matières de la politique chrestienne en seront le sujet. Voilà un grand champ. Je retrancheray tout ce qui est commun et dont la lecture ennuye les scavans. Il n’est jamais permis d’omettre les choses nécessaires Au reste, Monsieur [Colbert], ce n’est pas depuis quelques jours ou quelques mois ou depuis deux ou trois ans que j’ai formé ce dessein. Il me vient à l’esprit l’an 1653. L’archevêque de Paris alors précepteur du Roy m’ayant dit qu’il faisoit lire et expliquer les commentaires de César, je le pressay par diverses raisons de l’appliquer aussi à la lecture des histoires du Vieux Testament, notamment des livres des Rois, offrant de le soulager par des recueils des Vies des Rois de Juda et des héros du Vieux Testament que je prendrois la peine de dresser, avec des annotations politiques et chrestiennes. Cette pensée ne s’exécuta point, mais dès lors je commencay d’estudier avec application tout ce qu’il y a de plus considérable dans la Bible pour l’instruction des Rois et depuis j’ay continué cet [sic] étude.» Lettre inédite de Léon Bacoue à Colbert, sans date, Archives de l’Évêché de Strasbourg, Mss 4223-4.

15 « Ce beau catéchisme royal de M. Godeau n’y fut pas plus tôt qu’il disparut sans qu’on pût savoir ce qu’il étoit devenu », La Porte, 1645, p. 414.

16 BM Amiens, Mss Les 36A. (81 x 125 cm en maroquin rouge). Griselle E., « Une œuvre inédite de Bossuet. Le « Catéchisme pour le dauphin », Études religieuses, 20 novembre 1898, p. 522-528.

17 Le dieu, Prières ecclésiastiques du diocèse de Meaux, 1689, in-12°, Cramoisy, dans Œuvres, X, p. 462-535.

18 Fleury Cl., Catéchisme historique par M. Claude Fleury, prêtre, précepteur de M. de Vermandois, 2 vol. in-12°, Veuve Clouzier, 1683.

19 Les entretiens, comme les XXXIIIe réflexions de Louis XVI avec son gouverneur La Vauguyon, reprenant la forme de questions et réponses du catéchisme, poursuivent la direction spirituelle à destination d’un prince plus âgé.

20 Massillon, Petit carême, Denn, Paris, 1827, p. 11.

21 Même si parfois, en privé, il se révolte contre les croix de relique que lui fait porter sa mère, comme le rapporte Du Bois.

22 La Gazette, p. 1140.

23 Haffemeyer S., L’information dans la France du xviie siècle. La Gazette de Renaudot de 1647 à 1663, Champion, 2002.

24 Montausier indique les activités du prince chrétien : « Que la qualité de Chrétien l’oblige à connaître, à aimer et à servir Dieu, à le faire honorer par les autres, à venger ses injures, à prendre sa cause en main, à bannir l’impiété, à faire fleurir la religion, à reconnaître les grâces qu’il a reçues de lui et à bien en user ? » Il y est peu question de méditation. BnF naf 10629. 6e question, Sur les devoirs à quoi l’obligent les qualités [...] de Chrétien.

25 On connaît la dévotion mariale de Louis XIII et son vœu de 1638. Henri II de Condé manifestait déjà une dévotion particulière à la Vierge en faisant deux pèlerinages en 1620 et 1622, le premier à Notre-Dame de Liesse prés de Laon, le second à Notre-Dame de Lorette dans les Marches lors du voyage qu’il organisa en fonction de ce pèlerinage, sortant des sentiers battus des Tours en Italie. Bitsch C., Henri II de Condé, thèse dir. Y. M. Bercé, Paris-Sorbonne, 2003.

26 Bossuet, Lettre au pape, Correspondance, éd. 1909, tome II, p. 135-161.

27 Cité par Haillan, 1993, p. 58.

28 Proyart, tome I, p. 71.

29 Haussonville, tome I, p. 472.

30 Il visite la grotte de Charles Borromée à Bordeaux, le mausolée de Saint-Thomas d’Aquin aux Dominicains de Toulouse, la Sainte-Baume à Marseille.

31 Antoine M., Louis XV, p. 78. Ce présumé catéchisme d’André-Hercule n’a pas été retrouvé. Peut-être s’agit-il de celui de Claude Fleury.

32 Massillon, Petit carême, Denn, Paris, 1827. D’Alembert, dans son Éloge de Massillon, appelle le Petit Carême « le vrai modèle de l’éloquence de la chaire ; un livré digne d’être appris par tous les enfants destinés à régner, et d’être médité par tous les hommes chargés de gouverner le monde ».

33 « Qu’un roy qui veut être obey de son sujet, obéisse à Dieu qui est son roy », « Vous êtes l’image de Dieu, dans toute son étendue [...] Que Votre Majesté se souvienne à tous moments qu’il est un homme & qu’il est icy bas un vice-Dieu ; L’une de ces pensées modérera sa puissance & l’autre réglera sa volonté ». Fortin de La Hoguette, Catéchisme royal, éd. 1656, p. 11, p. 59.

34 AN E 3354, f 346, serment de Montausier pour le Grand Dauphin. AN 273 AP 389 : serment de la duchesse de Ventadour : « de garantir leur esprit de la corruption du vice et de mauvaises habitudes ».

35 La moralisation du personnel avait d’ailleurs conduit à exclure Beaumont de Saint-Étienne en 1647 après qu’il ait notamment enlevé Mlle de Salenove en 1643. Ses incartades, ses duels ne furent plus tolérés en 1646. La Bourlie qui le remplaça en novembre 1648, se maria en entrant en service avec Geneviève de Longueval en présence d’Anne d’Autriche et de Mazarin, au Palais Royal.

36 « Personne ne pouvait lui parler à l’oreille ; même quelques-uns prétendent que le petit marquis de Créqui lui avait indiqué à la dérobée certaine pratique vicieuse, Millet, le sous-gouverneur du dauphin, s’en étant aperçu, se tenait avec une verge auprès du lit du prince, et quand il voyait remuer les mains sous la couverture, il lui appliquait des coups », Primi Visconti, Mémoires, éd. Lemoine, Calmann-Levy, p. 264.

37 Lettre de Louis XIV à Bossuet, Metz, le 23 février 1678, Correspondance de Urbain et Levesque 1909, tome II, lettre 165, p. 56.

38 Mme de Sévigné, Lettres, n° 284, tome I, p. 670, 5 janvier 1674.

39 Gastelier J. E., 1993, p. 125.

40 Louville, 1812, tome I, p. 110.

41 Saint-Simon, Hiérarchies et mutations, 2003, p. 264.

42 La Mothe Le Vayer, La philosophie, éd. 1783, p. 4 et p. 120.

43 À la mort du duc de Bourgogne, une littérature hagiographique lui donna presque la stature d’un saint laïc. Martineau, le R. P. Isaac, Recueil des vertus de Louis de France, duc de Bourgogne et ensuite Dauphin, pour servir à l’éducation d’un grand prince, Paris, Mariette, mai 1712, Journal de Trévoux, nov. 1712, p. 1878, Journal des savants : 12 sept. 1712, p. 577. Ceci est nuancé par le texte de Fleury Cl., Portrait de Louis de Bourgogne. L’abbé Proyart accentua encore ce courant : Vie du Dauphin, père de Louis XV, 1re édition, 1777, Paris.

44 La réforme catholique a multiplié ces ouvrages. Il existe des Histoires saintes du type de Figures de la Sainte Bible, accompagnées de Briefs discours contenans la plus grande partie des histoires sacrées du vieil et nouveau Testament, [...] le tout dédié au Roy Très Chrétien, chez Jean Leclerc, 2e édition, Paris, in-folio avec 273 figures. Première édition : 1596, Seconde : Jean Le Bè, 1635.

45 Flavius Josèphe, L’histoire des Juifs, édition d’Antoine de La Haye, 1597, Paris, Jehan le Preux. Il n’en existe pas d’autre édition avant celle d’Arnaud d’Andilly vers 1668.

46 Brianville, Histoire sacrée en tableaux avec leurs explications suivant le texte de l’Écriture, 3 tomes, Paris, 1re édition, 1670-1675 chez Ch. de Sercy, trois volumes, et 2e édition en 1677.

47 Labbé Ph., Abrégé chronologique de l’histoire sacrée et profane de tous les âges et de tous les siècles [...] depuis Adam jusqu’à Louis XIV, Libraires du Palais, in-18°, 1666, 4 tomes.

48 Doujat revendique l’exemple de Guillaume Rouille, célèbre imprimeur lyonnais qui composa le Promptuaire des médailles. Pour ceux dont il ne connaissait pas la représentation, il plaça des effigies imaginaires : « au lecteur : nous ne denyons que les effigies des premiers et tres anciens hommes comme de Adam, de Abraham et des patriarches, ne ayent esté en deffaut de premier patron, par nous controuvés phantatisquement, selon leur description historialle ». Rouille G., Promptuariii iconum insigniorum, promptuaire des médailles des plus renommées personnes qui ont été depuis le commencement du monde avec brieve description de leurs vies et faicts, recueillie des bons auteurs, Lyon, G. Rouillé, 1553, in-4°. Doujat, Éloges des personnes illustres de l’Ancien Testament, pour donner quelques teintures de l’histoire sacrée à l’usage de Monseigneur le duc de Bourgogne, Paris, Gabriel Martin, 1688, avec cinquante portraits miniatures sur fond or à la gouache.

49 Introduction, Projet d’éducation pour un jeune prince, idée générale de l’éducation et des desseins pour Louis-Henri, futur M. le duc. AC cote 317.

50 Fleury l’abbé, Catéchisme historique contenant en abrégé l’histoire sainte et la doctrine chrétienne, Clouzier, 2 vol., in-12°, 1683.

51 Le Maître de Sacy, Histoire du Nouveau et de l’Ancien Testament avec des figures et des explications édifiantes tirées des SS Pères pour régler les mœurs dans toutes sortes de condition, dédié à Mgr le Dauphin, Le Petit, 1671, in-4.

52 Colbert Ch. J., Instructions générales en forme de catéchisme, 3 vol., in-12, 1702.

53 Buvat, Journal de la Régence, 1715-1723, E. Campardon, Paris, 1865, tome I, janvier 1717, p. 243.

54 Le jeudi 2 juillet 1671, le grand Dauphin âgé de dix ans et « Mgrs les princes de Conti, âgés de dix à douze ans, vinrent à l’étude de Monseigneur qui explique en latin et en français, la cheute de Davit avec Bersabée, la mort d’Euri, comme [nt] Absallon tua son frère Amenon et la raison du viol de sa sœur Thamar, la révolte d’Absallon, sa mort, la vanité de Davit dans le dénombrement de ses troupes, sa pénitence ». Du Bois, p. 467. Depuis septembre 1670, le dauphin est arrivé à la lecture du Livre des rois, livre II, 11-24, au milieu des Livres Historiques.

55 Bossuet, Politique tirée des propres paroles de l’Écriture Sainte, 1re éd. en 1709, éd. critique de Jacques Le Brun, 1967.

56 Bossuet, Discours sur l’histoire universelle, tome II, p. 1.

57 Les versions du duc d’Anjou à la Bibliothèque nationale de Madrid donnent la chronologie des apprentissages. Madrid Mss 321 du 31 décembre 1691 au 29 juin 1692, Composition latine avec le Catéchisme Historique (paru en 1683) et Passion du Christ.

58 BnF mss fr 1754, versions latines du Livre de l’Exode : « voici les noms des enfants des enfants d’Israël qui sont entrés avec Jacob dans l’Égypte », chapitres XL, f 223, 232, chapitre 1er du Livre de Tobie, f 298, chapitre XIV, f 310, fin de Tobie, Nabuchodonosor, f 341.

59 Dans les premiers mois de 1717 au moment de l’apprentissage du latin, Louis traduit de latin en français des Miscellanea comprenant une brève analyse de la Doctrine Chrétienne, des éléments de catéchisme, les six premiers chapitres des Actes des Apôtres, des fragments des pièces de la messe et des vêpres, le Confiteor, et des phrases de morale. De 1718 à la fin 1719, il traduit des extraits de l’Ancien Testament comme la Genèse, l’Exode, le Lévitique et les Nombres. BnF ms fr 1755, 1756 et 1757.

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