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La grotte-abri de Peyrazet (Creysse, Lot, France) au Magdalénien

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Mathieu Langlais
, 
Véronique Laroulandie

Chapitre 7. Les roches autres que le silex

Laure Dubreuil et Mathieu Langlais

Texte intégral

1Rarement étudiées pour cette période, souvent au profit des vestiges en silex, les « autres » roches sont représentées dans l’ensemble magdalénien de Peyrazet par 917 vestiges. L’assemblage est constitué principalement de fragments de galets et comporte des nucléus, éclats et fragments ainsi que du macro-outillage (matériel d’abrasion et de percussion). La présente étude propose de préciser les types d’outils produits et les modes d’utilisation selon les différents matériaux. Notre démarche d’analyse combine donc une détermination des types de matières premières avec une étude technologique et tracéologique des pièces. L’étude fonctionnelle du macro-outillage de Peyrazet s’appuie sur une analyse des traces d’usage à différents grossissements. En général, l’état de préservation des pièces est satisfaisant et autorise une telle approche. Il est cependant variable selon les types de matières premières. Les micaschistes en particulier s’avèrent particulièrement altérés (arénisation in situ). Nous détaillerons les modes de mise en forme et outils identifiés pour chacun des principaux matériaux.

Méthodologie

2La détermination des matières premières est effectuée sur la base d’un examen macroscopique des pièces et par comparaison avec les matières présentes dans l’environnement immédiat du site, en particulier au sein des terrasses de la Dordogne du fait de l’abondance des galets. L’étude technologique s’attache à la mise en évidence de façonnage, de production d’éclats et de méthodes de débitage. Elle s’intéresse en particulier à la question de la production de supports tranchants. L’étude tracéologique repose sur un examen à l’œil nu, ainsi qu’à faibles et forts grossissements (macroscope Leica Z16APO et microscope métallographique Leica DM2500M). Les systèmes de description et les référentiels expérimentaux disponibles ont été décrits dans différentes publications (Dubreuil et al. 2015). L’étude tracéologique, portant sur un échantillon de 844 objets, se concentre sur le macro-outillage même si l’utilisation des éclats et outils tranchants est aussi discutée pour certains matériaux, selon le référentiel expérimental disponible.

3Sur la base de l’examen technologique et tracéologique, plusieurs types sont distingués : débitage (nucléus, éclat, éclat retouché), pièce avec impacts (utilisation en percussion lancée), stigmates d’abrasion ou lustre (utilisation en percussion posée) ou « brutes ». La classification des objets en fonction des traces d’utilisation est fondée sur celle établie par Leroi-Gourhan en 1971 et articulée autour des stigmates de percussion. Au sein de chaque catégorie, une analyse détaillée des traces à différents grossissements vise à préciser, si possible, les gestes et matières en contact. Certaines pièces ont été classées comme de « possibles » outils (traces trop peu développées ou dont l’origine anthropique reste à démontrer).

4L’état de préservation des objets a été enregistré lors de l’analyse. En particulier, nous avons différencié les pièces entières et fragmentées, les délitages et états de surface altérés. Nous nous sommes également intéressés aux thermo-altérations. Bien que celles-ci apparaissent évidentes à beaucoup d’observateurs, leur identification reste cependant très subjective (Rapp et al. 1999, Graesch et al. 2014). Nous avons effectué lors de cette étude une estimation plutôt conservatrice à partir de l’association des stigmates suivants : changement de couleur de la surface, fissuration et fragmentation. Il est important de noter qu’il s’agit ici d’une approche très préliminaire dont l’objectif est de commencer une réflexion sur ces « autres » roches.

Tabl. 18 – Répartition des basaltes en fonction des types de support et des stigmates d’utilisation (crédits L. Dubreuil).

Tabl. 18 – Répartition des basaltes en fonction des types de support et des stigmates d’utilisation (crédits L. Dubreuil).

Distribution of basalt according to blank type and traces of use (credits L. Dubreuil).

Le basalte

5Disponible sous la forme de galets au sein des différentes terrasses de la Dordogne, le basalte est représenté par 102 objets (tabl. 18). Ce matériau a été principalement exploité pour la production d’éclats tranchants par la mise en œuvre d’un schéma de débitage envahissant entretenu par des produits débordants (fig. 61 ; Langlais 2014). La fin de la production laisse une surface de débitage à tendance centripète (fig. 62). Dans l’ensemble des éclats, seule une pièce retouchée a été identifiée.

Fig. 61 – Exemples d’éclats en basalte. 1-2. Éclats envahissants à débordement distal ; 3. Éclat envahissant ; 4-5. Éclats débordants (clichés et CAO M. Langlais).

Fig. 61 – Exemples d’éclats en basalte. 1-2. Éclats envahissants à débordement distal ; 3. Éclat envahissant ; 4-5. Éclats débordants (clichés et CAO M. Langlais).

Examples of flakes in basalt. 1-2. Invasive flakes with distal overrun ; 3. Invasive flake ; 4-5. Overrun flakes (photos and CAD M. Langlais).

6Deux examens tracéologiques successifs (E. Claud puis l’une d’entre nous : L.D.) n’ont pu déceler que très peu de traces associées à l’utilisation des tranchants. Il faut cependant noter que la préservation des surfaces est inégale. Plusieurs pièces présentent un émoussé généralisé ou localisé allant parfois jusqu’à un arasement significatif des arêtes de débitage. Au sein de l’échantillon analysé lors de cette étude, un éclat cortical présente de probables traces d’utilisation sur une zone du tranchant, localisée sur la partie distale de l’un des bords, et arasée sur environ 2 cm (fig. 63). On ne note pas de développement des traces d’usure sur les faces à proximité de l’arête. Les traces semblent abrasives et se traduisent par des microfractures et arrachements de grains. Ces stigmates pourraient dénoter d’une brève utilisation localisée du tranchant dans des opérations de raclage sur une matière dure, peut-être minérale.

7Pour certaines pièces, une différenciation entre façonnage et débitage apparaît difficile : c’est le cas en particulier des objets arborant plusieurs négatifs d’enlèvement qui évoquent des « épannelés » (Brenet et al. 2014) ou des galets aménagés au tranchant irrégulier (n = 3). L’hypothèse de modifications résultant, au moins en partie, de l’usage des pièces peut également être envisagée.

8L’emploi d’outils présentant des parties tranchantes irrégulières (suite à un aménagement intentionnel ou résultant de leur utilisation) dans des opérations de percussion (percuteur sur arête) a été décrit dans différentes études ethnographiques et associé par exemple au travail de la pierre (ou bouchardage ; Hayden 1987). L’usage de tels percuteurs pour la fragmentation d’os est aussi suggéré par S. A. de Beaune (2000, p. 61). L’auteure associe cette activité à des galets massifs, fragmentés ou non, présentant des traces de percussion dites violentes. La présence de percuteurs de « concassage » ou de « fragmentation » d’os a été proposée pour différents sites paléolithiques (Soressi et al. 2008, Alperson-Afil et Goren-Inbar 2016). Les recherches portant sur les pièces à impacts multiples (battered), polyèdres et sphéroïdes du Paléolithique ancien africain se sont également intéressées à cette question (de la Torre et al. 2013). Il faut noter que si l’utilisation de galets aménagés pour la fragmentation des os est mentionnée au moins dans une étude ethnographique (MacCalman et Grobbelaar 1965), l’emploi de galets non taillés (sans partie tranchante) est plus fréquemment décrit (Nordenskiöld 1882, p. 482 ; Man 1885, p. 131 et 156 ; Teit 1930, p. 94 ; Bonnichsen 1973 ; Hall 1984 ; Hovens 2009 ; Wilson et Scullin 2014, p. 45). Par ailleurs, deux expérimentations comparant percuteurs taillés et non taillés pour la fragmentation des os concluent à une plus grande efficacité des galets bruts (Ashton et al. 1992, Galán et al. 2009). Parmi les rares expérimentations détaillant les stigmates se développant sur le matériel de percussion, I. de la Torre et al. (2013) décrivent la présence de traces d’abrasion associées à un esquillement et écrasement des bords pour les outils de quartz utilisés dans le concassage des os.

Fig. 62 – Exemples de nucléus de basalte en fin de course (table à négatifs centripètes ; clichés et CAO M. Langlais).

Fig. 62 – Exemples de nucléus de basalte en fin de course (table à négatifs centripètes ; clichés et CAO M. Langlais).

Examples of basalt core at the end of debitage (surface with centripetal scars ; photos and CAD M. Langlais).

Fig. 63 – Éclat avec traces d’utilisation sur un bord (clichés et CAO L. Dubreuil).

Fig. 63 – Éclat avec traces d’utilisation sur un bord (clichés et CAO L. Dubreuil).

Flake with traces of use on one edge (photos and CAD L. Dubreuil).

Fig. 64 – Exemple de retouchoir en basalte (clichés et CAO L. Dubreuil).

Fig. 64 – Exemple de retouchoir en basalte (clichés et CAO L. Dubreuil).

Example of retouchoir in basalt (photos and CAD L. Dubreuil).

9Dans la collection de Peyrazet, un examen détaillé des pièces à enlèvements multiples n’a pas révélé de traces nettes d’utilisation des tranchants (arasement, écrasement, esquillement, lustre ou abrasion). Une pièce présentant des esquillements et rebroussés sur un bord de fracture doit être cependant mentionnée. Ces stigmates ne sont cependant pas associés avec des traces d’écrasement ou d’émoussé des arêtes (notons que l’objet porte également des traces d’utilisation en retouchoir). Il faut par ailleurs signaler ici que pour certains « percuteurs », la morphologie des impacts ou encore leur localisation plaide pour une utilisation autre que pour le travail de la pierre (fracturation osseuse ?).

10Deux objets attestent de l’utilisation de galets de basalte comme retouchoirs ou maillets. Le terme de retouchoir est utilisé ici en référence aux retouchoirs en os (Mallye et al. 2012). Les deux pièces montrent en effet des concentrations d’impacts, dont certains linéaires, localisées sur les faces planes vers les extrémités. La première correspond à un galet plat, entier, qui présente de petites zones de concentration d’impacts sur les deux faces opposées de l’une des extrémités (fig. 64). La seconde pièce est un galet fragmenté dont l’une des extrémités montre de multiples enlèvements (mentionné plus haut). On note sur l’extrémité opposée une zone de concentration d’impacts de morphologie linéaire. À la binoculaire, les impacts sont associés sur cet objet à une petite zone d’abrasion indiquant une utilisation également en percussion posée et un contact avec une matière dure. Au sein des études portant sur le macro-outillage, un certain chevauchement est à noter entre les caractéristiques associées aux retouchoirs et celles des maillets. Selon S. A. de Beaune, les maillets seraient des percuteurs utilisés dans des opérations de percussion indirecte pour le travail de matières dures animales (os, ivoire ou bois ; de Beaune 1989, 1993, 1997, 2000).

11À Peyrazet, bien que localisées sur les faces, les traces sont très proches des bords. La présence sur l’une des pièces de traces d’abrasion contre une matière dure plaide plus pour une utilisation dans des opérations de retouche. On note par ailleurs au sein de l’assemblage des basaltes, un possible percuteur dont les stigmates ne sont pas suffisamment prononcés. Plusieurs pièces présentant des lustres ont également été observées mais ils sont plus probablement post-dépositionnels (répartition assez généralisée et même sur des concrétions).

Les quartz, quartzite et cristal de roche

12Ces matériaux sont également présents au sein des terrasses de la Dordogne à proximité du site. Ils sont représentés à Peyrazet par 354 objets, essentiellement des quartz. La majorité des pièces est fragmentaire, seuls 22 galets entiers ayant été mis au jour. Une production de supports d’outils tranchants (tabl. 19) est attestée par la présence d’éclats et de déchets de débitage (n = 60) et de six possibles nucléus sur galets. Une étude technologique et tracéologique reste à effectuer pour mieux comprendre les modalités de production (percussion lancée, posée sur enclume) et d’utilisation des éclats de quartz et quartzite. Des travaux notent une utilisation fréquente en outils de boucherie (Bracco et Morel 1988) et à Peyrazet cette hypothèse est en l’état des recherches privilégiée.

Tabl. 19 – Caractères techno-fonctionnels des quartz, quartzite et cristal de roche en fonction des types de support et de stigmates (crédits L. Dubreuil).

Tabl. 19 – Caractères techno-fonctionnels des quartz, quartzite et cristal de roche en fonction des types de support et de stigmates (crédits L. Dubreuil).

Techno-functional characters of quartz, quartzite and rock crystal according to blank type and traces of use (credits L. Dubreuil).

13On décompte par ailleurs quatre objets pouvant se rapporter à la catégorie du macro-outillage et à des utilisations comme percuteur, percuteur-abraseur et enclume. Les enclumes sont définies ici comme des pièces portant des traces de percussion au centre de leur face indiquant une probable utilisation passive. Sur l’ensemble de ces pièces cependant, les marques sont peu prononcées ou les zones de concentration très limitées et ces objets ont été classés comme de possibles outils (fig. 65).

Les roches métamorphiques

14Dans l’ensemble des roches métamorphiques (n = 96), cinq pièces portent des stigmates nets ou probables d’une utilisation en percuteur (n = 3) ou percuteur-abraseur (n = 2). Les percuteurs présentent des impacts concentrés sur leur extrémité ou une partie du pourtour. Les impacts de percussion apparaissent nets notamment sur une pièce (fig. 66a) avec des zones de réflectivité différentielle ainsi qu’un léger micropoli sombre localisé (fig. 66b). Ce dernier est interprété comme correspondant à un micropoli de préhension. L’hypothèse d’une utilisation pour la taille de la pierre est privilégiée. L’une des deux pièces notées comme probables percuteurs présente des impacts concentrés sur une extrémité, dans le prolongement de son axe d’allongement. Cette localisation des stigmates suggère un geste de percussion différent de celui de la taille, plus proche de celui des pilons, c’est-à-dire plus perpendiculaire par rapport à la matière travaillée que tangentiel.

15Les percuteurs-abraseurs associent quant à eux des stigmates de percussion lancée et posée. Le premier objet (fig. 67) est plus probablement lié à la taille du silex : il s’agit d’un petit galet plat portant des stries et des impacts linéaires sur deux extrémités opposées créant un léger facettage. Les stigmates indiquent une utilisation dans des opérations combinées de taille (retouche ?) et d’abrasion. Le mode d’utilisation du second percuteur-abraseur semble différent. Ce fragment de galet (fig. 68), issu des fouilles Chalard et rapportable à l’ensemble Magdalénien, présente des impacts sur une partie correspondant au pourtour. Ces impacts sont par ailleurs associés à un émoussé ainsi qu’à un micropoli. Tandis que les traces d’impacts indiquent un contact en percussion lancée sur une matière dure, l’émoussé et le micropoli dénotent d’un contact en percussion posée sur une matière souple. Le type de micropoli est clairement différent de celui lié au travail d’une matière dure et/ou abrasive mais se rapproche en revanche des micropolis de type végétal. À ce stade de l’analyse, l’hypothèse que nous privilégions est celle d’un travail de fibres végétales. La localisation de la partie active sur le pourtour du galet indique un geste différent de celui du pilage-broyage. En outre, le micropoli ne présente pas les caractéristiques d’opération de broyage (composante abrasive) et la présence d’impacts ne semble pas concorder avec l’hypothèse d’un broyage de végétaux. A. Schroth décrit plusieurs exemples de plantes et écorces travaillées par percussion afin d’en extraire des fibres qui sont ensuite séchées et utilisées dans la fabrication de fils ou cordage (Schroth 1996). Il serait important d’effectuer des expérimentations afin de tester ces hypothèses car nous manquons de référentiel pour ce type particulier d’activité. Par ailleurs, il faut noter que cette même pièce présente des fissures, probables stigmates d’altération thermique qui ont pu affecter la préservation des traces d’usure.

Fig. 65 – Possible percuteur, état de surface différentiel observé sur une partie du pourtour et de la face (traces d’impacts ou altération naturelle), matière rouge et noire adhérant à la surface (observée sur d’autres pièces ainsi que sur des plans de clivage ; clichés et CAO L. Dubreuil).

Fig. 65 – Possible percuteur, état de surface différentiel observé sur une partie du pourtour et de la face (traces d’impacts ou altération naturelle), matière rouge et noire adhérant à la surface (observée sur d’autres pièces ainsi que sur des plans de clivage ; clichés et CAO L. Dubreuil).

Possible hammer, differential surface condition observed on part of the edge and surface (traces of impacts or natural alteration), red and black material adhering to the surface (observed on other pieces and on cleavage planes ; photos and CAD L. Dubreuil).

Fig. 66 – Percuteur en roche métamorphique avec lustre de préhension. a. Zone de percussion ; b. Zone sombre et réflective associée à un micropoli fluide, translucide moyennement réflectif à fort grossissement (clichés et CAO L. Dubreuil).

Fig. 66 – Percuteur en roche métamorphique avec lustre de préhension. a. Zone de percussion ; b. Zone sombre et réflective associée à un micropoli fluide, translucide moyennement réflectif à fort grossissement (clichés et CAO L. Dubreuil).

Hammerstone in metamorphic rock with sheen from prehension. a. Percussion zone ; b. Dark and reflective zone associated with fluid translucent micropolish, moderately reflective at high magnification (photos and CAD L. Dubreuil).

Les autres roches non transformées

16Cette catégorie comprend les micaschistes et plusieurs fragments de grès. Les grès sont représentés sous la forme de fragments (n = 72) de petite taille qui pour la plupart ne portent pas de surface néo-corticale. L’ensemble comprend une esquille ainsi qu’un possible éclat. Il semble donc qu’un bloc de grès (dont la provenance reste à définir, Permien du bassin de Brive ?) a été débité ou façonné sur place (polissoir, lampe ?). Aucun stigmate d’utilisation n’a pu être identifié. La matière présente en général une cohésion faible et se délite – ainsi, les états de surface n’apparaissent pas bien préservés. De même les micaschistes (n = 216) sont particulièrement altérés. Si quelques galets entiers sont notés, beaucoup des micaschistes sont représentés sous la forme de poudre sableuse (processus d’arénisation) ou encore de très petits fragments. Un possible percuteur a été identifié dans cet ensemble.

Synthèse

17Les roches autres que le silex du Magdalénien de Peyrazet se caractérisent par un fort taux de fragmentation, un trait que l’on retrouve, à notre connaissance, dans nombre d’assemblages datant du Pléistocène. En dehors des cas évidents de façonnage ou de débitage, il est souvent difficile d’établir les origines de la fragmentation pour chacune des pièces de la collection. Au niveau de l’assemblage en général, une combinaison de causes, anthropiques ou naturelles, liées aux différents modes d’exploitation de ces roches ainsi qu’à des altérations post-dépositionnelles peut être évoquée. Nous aimerions également suggérer l’importance des activités de chauffe pour expliquer ces phénomènes de fragmentation et, plus généralement, l’apport en nombre important de galets sur le site. Bien qu’encore peu nombreuses, certaines expérimentations permettent aujourd’hui de mieux cerner l’incidence de la chauffe dans la fragmentation des roches non siliceuses (Rapp et al. 1999, Nakazawa et al. 2009, Gur-Arieh et al. 2012, Gao et al. 2014, Graesch et al. 2014). Graesch et al. (2014) montrent par exemple que 122 galets en quartz et roches ignées soumis à une chauffe unique (en foyer ouvert et certains utilisés pour faire bouillir de l’eau) produisent un assemblage de 2208 fragments dont plus de la moitié est récoltée au tamis de 3,2 mm et 20 % à une maille de 25,6 mm. Dans l’assemblage de Peyrazet, un peu plus de 6 % des pièces arborent des indices d’altération thermique selon une estimation qui se veut conservatrice. Il faut rappeler ici les problèmes précédemment évoqués concernant la subjectivité et la variabilité des critères de reconnaissance macroscopiques des stigmates de chauffe. Certaines expérimentations décrivent par exemple une importante variabilité des changements de couleur liée à la chauffe, et ce au sein d’un même type de roche (Gur-Arieh et al. 2012, Schaefer et al. 2014). Il apparaît important de développer des méthodes d’analyse mieux contrôlées, telles que proposées par exemple dans différentes études portant sur des roches siliceuses (Weiner et al. 2015, Delagnes et al. 2016, Schmidt et al. 2017).

18Une revue ethnographique effectuée par A. Thoms indique que l’utilisation de pierres au sein des structures de combustion est fréquemment associée à la cuisson des aliments, les pierres chauffées étant employées dans différents modes de cuisson (griller, cuire à la vapeur, au four ou bouillon ; Thoms 2008). Une utilisation de pierres est en particulier essentielle pour réaliser des cuissons lentes (four ou bouilli), ce mode de cuisson permettrait d’inclure dans la diète certaines racines et tubercules et d’en maximiser l’apport nutritionnel.

Fig. 67 – Percuteur-abraseur (clichés et CAO L. Dubreuil) /

Fig. 67 – Percuteur-abraseur (clichés et CAO L. Dubreuil) /

Hammerstone-abrader (photos and CAD L. Dubreuil).

19La présente étude s’est appuyée plus particulièrement sur la combinaison des approches technologique et tracéologique. L’analyse montre en premier lieu l’utilisation des roches telles que le quartz ou le basalte dans la réalisation d’outils tranchants. Une étude approfondie des éclats de quartz reste à effectuer. L’examen tracéologique des éclats de basalte n’a révélé que peu d’indices sur la fonction de ces éclats qui n’apparaissent que très rarement retouchés. Ces données semblent indiquer une utilisation plutôt opportuniste et de courte durée de ce type de support. Au sein de l’assemblage des basaltes, les pièces à enlèvements multiples comprennent des galets aménagés ou épannelés dont le mode de formation et la fonction même nous échappent encore (percuteur utilisé pour la fragmentation de l’os ?). Plus généralement, un développement des études expérimentales portant sur les percuteurs utilisés dans la fragmentation des os est nécessaire. Comme le note S. A. de Beaune (2000), il est important de mieux cerner les différences entre percuteur de taille et percuteur pour os. Il semble par ailleurs qu’il y ait dans la littérature portant sur le macro-outillage une certaine confusion entre fragmentation des os (débitage, extraction de la moelle) et concassage pour la préparation de bouillons gras.

Fig. 68 – Galet avec impacts et micropoli résultant possiblement du travail d’une matière végétale (clichés et CAO L. Dubreuil).

Fig. 68 – Galet avec impacts et micropoli résultant possiblement du travail d’une matière végétale (clichés et CAO L. Dubreuil).

Pebble with impacts and micropolish possibly resulting from working plant matter (photos and CAD L. Dubreuil).

20Le macro-outillage (n = 13 dont sept probables) est représenté dans quasiment toutes les catégories de roche, à l’exception du grès dont l’état de préservation est généralement mauvais et composé surtout de déchets de taille. La majorité des outils portant des stigmates nets d’utilisation apparaissent liés à des activités de taille et de retouche de roches dures (n = 5). Il faut noter une pièce dont les traces sont localisées sur une extrémité indiquant une percussion perpendiculaire à la matière travaillée. Si le geste d’utilisation se rapproche de celui des pilons, cela n’atteste pas pour autant d’un broyage de matière végétale car d’autres matières peuvent être transformées ainsi. Dans l’ensemble de la collection, il n’y a pas d’indice clair de transformation des végétaux en vue de leur consommation. En revanche, un outil porte des traces d’utilisation combinant percussions posées et lancées associées à un micropoli de type végétal qui pourrait témoigner d’un travail des végétaux pour l’obtention de fibres. Cette hypothèse reste cependant à explorer plus avant notamment par la conduite d’expérimentations. Dans le Paléolithique européen en général, seul un petit nombre d’outils a pu être à ce jour clairement relié à la réduction de végétaux en gruau ou farine. Les dimensions des pièces suggèrent le travail de petites quantités de matière (Revedin et al. 2014). Ces données indiquent à notre avis que, dans cette zone de l’Europe, les techniques de broyage sur pierre des végétaux comestibles sont connues, ou en cours d’exploration, mais ne constituent pas une part importante des activités de subsistance ou des pratiques culinaires (Dubreuil et Nadel 2015). S.A. de Beaune (2002) a cependant décrit différents outils dits « de broyage » attribués au Magdalénien pour lesquels il serait nécessaire d’effectuer des analyses approfondies.

Table des illustrations

Titre Tabl. 18 – Répartition des basaltes en fonction des types de support et des stigmates d’utilisation (crédits L. Dubreuil).
Crédits Distribution of basalt according to blank type and traces of use (credits L. Dubreuil).
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Fichier image/jpeg, 23k
Titre Fig. 61 – Exemples d’éclats en basalte. 1-2. Éclats envahissants à débordement distal ; 3. Éclat envahissant ; 4-5. Éclats débordants (clichés et CAO M. Langlais).
Crédits Examples of flakes in basalt. 1-2. Invasive flakes with distal overrun ; 3. Invasive flake ; 4-5. Overrun flakes (photos and CAD M. Langlais).
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/55860/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 68k
Titre Fig. 62 – Exemples de nucléus de basalte en fin de course (table à négatifs centripètes ; clichés et CAO M. Langlais).
Crédits Examples of basalt core at the end of debitage (surface with centripetal scars ; photos and CAD M. Langlais).
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Titre Fig. 63 – Éclat avec traces d’utilisation sur un bord (clichés et CAO L. Dubreuil).
Crédits Flake with traces of use on one edge (photos and CAD L. Dubreuil).
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/55860/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 91k
Titre Fig. 64 – Exemple de retouchoir en basalte (clichés et CAO L. Dubreuil).
Crédits Example of retouchoir in basalt (photos and CAD L. Dubreuil).
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/55860/img-5.jpg
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Titre Tabl. 19 – Caractères techno-fonctionnels des quartz, quartzite et cristal de roche en fonction des types de support et de stigmates (crédits L. Dubreuil).
Crédits Techno-functional characters of quartz, quartzite and rock crystal according to blank type and traces of use (credits L. Dubreuil).
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Titre Fig. 65 – Possible percuteur, état de surface différentiel observé sur une partie du pourtour et de la face (traces d’impacts ou altération naturelle), matière rouge et noire adhérant à la surface (observée sur d’autres pièces ainsi que sur des plans de clivage ; clichés et CAO L. Dubreuil).
Crédits Possible hammer, differential surface condition observed on part of the edge and surface (traces of impacts or natural alteration), red and black material adhering to the surface (observed on other pieces and on cleavage planes ; photos and CAD L. Dubreuil).
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Titre Fig. 66 – Percuteur en roche métamorphique avec lustre de préhension. a. Zone de percussion ; b. Zone sombre et réflective associée à un micropoli fluide, translucide moyennement réflectif à fort grossissement (clichés et CAO L. Dubreuil).
Crédits Hammerstone in metamorphic rock with sheen from prehension. a. Percussion zone ; b. Dark and reflective zone associated with fluid translucent micropolish, moderately reflective at high magnification (photos and CAD L. Dubreuil).
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Titre Fig. 67 – Percuteur-abraseur (clichés et CAO L. Dubreuil) /
Crédits Hammerstone-abrader (photos and CAD L. Dubreuil).
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Titre Fig. 68 – Galet avec impacts et micropoli résultant possiblement du travail d’une matière végétale (clichés et CAO L. Dubreuil).
Crédits Pebble with impacts and micropolish possibly resulting from working plant matter (photos and CAD L. Dubreuil).
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