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La démocratie est-elle soluble dans l’islam ?

 | 
Abdellah Hammoudi
, 
Denis Bauchard
, 
Rémy Leveau

Quatrième partie. Pouvoirs et sociétés civiles

Nouvelles technologies et processus démocratiques dans le monde arabe. Yves Gonzalez-Quijano

Texte intégral

1Les nouvelles technologies de l’information et de la communication, que l’on appelle désormais les NTIC, peuvent-elles contribuer à l’élaboration de formules politiques plus démocratiques dans un contexte régional arabe marqué par l’existence de nombreux régimes autoritaires ? Poser la question en ces termes implique déjà un postulat de base, celui selon lequel les NTIC ont atteint dans la région un stade de développement suffisant pour produire d’éventuels effets politiques. Telle est la conviction que l’on défendra ici : en dépit de bien des rapports officiels et de nombre d’analyses qui s’accordent à affirmer le contraire, l’observation des réalités locales montre à l’envie que les sociétés arabes sont bel et bien entrées dans l’ère de l’information, même si c’est à leur manière sans doute...

2Toutefois, dès lors qu’il s’agit d’analyser le rôle éventuel des NTIC sur les processus démocratiques, bien des analyses, et même bien des politiques comme on le verra, restent prisonnières d’anciens schèmes de pensée et ne font que plaquer sur les nouveaux supports de communication des modèles interprétatifs issus du passé. Le plus souvent, les études sur l’impact politique des NTIC se contentent ainsi de chercher à estimer la puissance de persuasion, voire de mobilisation, de formes médiatiques qui ne sont pas forcément inédites, comme par exemple les télévisions satellitaires. Quand elles s’intéressent à des formes de communication plus nouvelles, Internet en tout premier lieu, nombre de recherches se borne, sans autre forme de procès, à en interroger le contenu.

3Près d’un demi-siècle après McLuhan, il est clair que le médium est le message. Comprendre les effets d’un vecteur technique tel qu’Internet suppose donc de penser la manière dont la « matrice technique » transforme les discours politiques. Il faut par conséquent s’intéresser aux formes politiques qui se développent sur le réseau des réseaux mais plus encore à travers lui, ou encore grâce à lui.

4Sans doute, les effets politiques des NTIC dans les sociétés arabes demeurent, aujourd’hui, largement potentiels, ou si l’on préfère « virtuels », au double sens du terme. Mais cela n’ôte rien de leur importance dans la mesure où il ne s’agit pas seulement de noter l’apparition de nouveaux discours, ni même de prédire la constitution d’un nouveau public ou d’une nouvelle opinion. En effet, le véritable enjeu réside en réalité dans l’essor de nouvelles formes de sociabilités, en prélude, peut-on l’espérer, à de nouvelles formes de participation politique, plus démocratiques...

Quelques précisions...

Les nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC)

5En réalité, ces technologies ne sont pas si nouvelles puisque plus d’un demi-siècle s’est écoulé depuis la mise au point des premiers compilateurs électroniques ; trente cinq ans environ depuis les premiers protocoles d’échanges informatiques ; vingt-cinq ans environ pour les premiers ordinateurs individuels, nés en 1981 et une bonne quinzaine d’années pour le web, tissé depuis 1989. Pourtant, ces technologies restent largement « nouvelles », tant les effets de ces innovations techniques, qui se sont succédé à un rythme toujours plus soutenu, sont encore imprédictibles dans les sociétés industrialisées sans doute, et plus encore dans les pays dits « de la périphérie ».

6En tout état de cause, il est clair que la compréhension de ces conséquences ne peut se limiter à un seul domaine. En effet, ces innovations, qui ont bouleversé les données mondiales de l’information et de la communication, ont pour trait commun de relever d’un même phénomène de convergence :

  • convergence technique, notamment par l’utilisation massive d’une même technique, la numérisation ;

    • 1 Laurent Cohen-Tanugi, Le Nouvel Ordre numérique, Paris, Odile Jacob, 1999.

    convergence, au sein du « nouvel ordre numérique mondial1 », d’acteurs venus des industries des télécommunications, de l’information et de l’audiovisuel ;

  • convergence administrative, juridique et financière, enfin, pour les besoins d’une régulation à l’échelle mondiale, et même aujourd’hui convergence politique (surveillance/contrôle des réseaux de communication internationaux dans le cadre de la lutte contre la cybercriminalité, le cyberterrorisme, etc.).

Internet

7Parmi ces innovations intimement liées entre elles, tant sur le plan des techniques que de leurs usages sociaux, il est certainement logique de faire porter l’accent sur le principal moteur de la convergence technologique actuelle, à savoir sur ce que le langage commun appelle improprement « Internet » en d’autres termes le web, la Toile, ou le réseau, lequel n’est que la partie la plus visible d’un ensemble plus vaste de protocoles d’échanges, moins connu du grand public.

  • 2 Voir ci-après, la partie intitulée : « Internet et processus démocratiques ».
  • 3 M. Castells, La Société en réseaux, Paris, Gallimard, 1998-1999.
  • 4 Néologisme formé à partir du mot Napster, le célèbre logiciel permettant l’échange gratuit, entre l (...)

8Avec les télévisions satellitaires, qui connaissent un développement spectaculaire dans le monde arabe pratiquement à la même époque, à savoir le milieu des années 1990, Internet a également le privilège d’être considéré comme le vecteur le plus prometteur des transformations à venir dans le secteur de l’information et donc, par voie de conséquence croit-on, dans l’opinion publique, voire sur la scène politique. Mais, à la différence des canaux d’information récemment apparus dans le monde arabe, tels qu’Al-Jazira ou Al-Arabiya qui renouvellent, sans les modifier fondamentalement, les modalités propres aux « anciens » médias de masse apparus à l’ère moderne2, Internet appartient déjà au « nouvel âge de l’information ». Il s’en distingue en particulier par la nature de son « écosystème médiatique », fondé sur une communication, non plus verticale, hiérarchisée et univoque, mais « horizontale », ou encore « en étoile », participative3... Une communication propice par conséquent à ce que l’on nomme aujourd’hui la « napsterisation4 » de l’information, à savoir la « production communautarisée » de l’information sur le réseau.

« Processus démocratiques »

9Proposer une réflexion sur les « références musulmanes et occidentales » de la « démocratie » est une claire incitation à rechercher la présence de formes spécifiques de la gestion du politique dans le monde arabe. Cependant, compte tenu de ce que l’on y observe actuellement, il est sans doute préférable de s’interroger sur le développement éventuel de « processus démocratiques », d’autant plus que cette expression a le mérite de souligner, pour ce qui est de notre sujet, le caractère assez imprévisible de la diffusion des NTIC.

  • 5 S. Kalathil et T. C. Boas, Open Networks, Closed Regimes : The Impact of the Internet on Authoritar (...)

10Une chose demeure : pour penser sérieusement aux éventuelles conséquences politiques d’un accès globalement plus libre et plus diversifié à l’information, il faut absolument oublier nombre d’idées reçues, et rappeler avec force en particulier que la présence de médias, aussi « nouveaux » et « libres » fussent-ils, n’est en aucun cas le gage d’une plus grande démocratie. Il est donc parfaitement abusif d’associer, comme on le fait bien souvent, diversité des médias et pluralisme politique, ou encore liberté des (nouveaux) médias et démocratie... À cet égard, ce que l’on peut observer dans le monde arabe ne fait que confirmer ce que l’on constate partout ailleurs : la libéralisation partielle des flux d’information, on le voit en Chine par exemple mais également en Arabie saoudite et ailleurs, n’entraîne pas mécaniquement l’abandon d’un strict contrôle de l’information, ni la fin de la manipulation de l’opinion. Comme le rappellent utilement Kalathil et Boas dans leur étude sur ces « régimes fermés » qui se sont dotés de « réseaux ouverts »5, les NTIC ne sont que des outils, susceptibles d’être utilisés, y compris dans le domaine politique, de toutes sortes de manières...

La situation des NTIC dans le monde arabe6

Le désert numérique...

  • 7 G. E. Burkhart et S. Older, The Information Revolution in the Middle East and North Africa, Santa M (...)

11Deux points de vue, parfaitement contradictoires, coexistent quant à l’évaluation de la situation des NTIC dans le monde arabe. Le premier, majoritaire, note la présence d’un dramatique « désert numérique », facette supplémentaire d’une crise régionale qui obère toute possibilité de réforme interne, notamment politique. Ainsi, associant explicitement l’existence d’un régime démocratique à la capacité à entrer dans la société de l’information, les auteurs d’un rapport récemment publié aux États-Unis ouvrent leurs réflexions sur le constat suivant : « Most of the countries of the Middle East and North Africa (MENA) show no sign of impending information revolution (IRS). The exceptions are the only democraties in the region : Israel and Turkey7.

  • 8 Programme des Nations Unies pour le développement et Fonds arabe de développement économique et soc (...)

12Plus nuancées et aussi plus riches, les analyses du premier Rapport arabe sur le développement humain s’inscrivent malgré tout dans la même logique. Ils constatent ainsi que le retard global du monde arabe est tout particulièrement marqué vis-à-vis d’Internet et relèvent qu’on ne retrouve pas, dans ce domaine particulier, les corrélations qui peuvent être habituellement relevées entre indices économiques et développement des NTIC. La comparaison avec d’autres secteurs, tels que la téléphonie mobile par exemple, beaucoup plus dynamiques, induit à penser que les obstacles à l’essor d’Internet sont d’une autre nature, « sociétale ». Dès lors, les auteurs de ce rapport considèrent que le véritable obstacle dans cette région du monde, y compris sur le plan des implications politiques associées au développement des techniques de l’information et de la communication, est bien celui d’une certaine (in)tolérance à l’information, et même, plus profondément, celle du « comme mode de vie8 ».

... ou bien encore l’oasis numérique

13Mais pour d’autres observateurs, la situation des NTIC dans le monde arabe, Internet compris, mérite un jugement bien plus nuancé. Le constat désabusé d’une « aridité numérique » globale de la région doit être ainsi sérieusement tempéré par la présence de nombreuses « oasis de développement » que révèle la fréquentation du terrain. Sans rien leur ôter de leur importance, et même de leur nécessité, les mises en garde de ceux qui s’alarment de voir se creuser toujours davantage la fracture numérique doivent être fondées sur une analyse de la réalité plus complexe. Il convient de rappeler ainsi :

    • 9 R. Rohozinski (« “Secrets Agents” and “Undercover Brothers” : The Hidden Information Revolution in (...)
    • 10 En termes relatifs, les taux d’investissement dans les NTIC de nombreux pays en voie de développeme (...)

    le manque absolu de fiabilité des données statistiques régionales (sur le parc informatique, le nombre de sites, etc.9), statistiques en définitive non seulement inadéquates mais trompeuses, faute d’être appréciées en données relatives, telles que la part des investissements nationaux dans les NTIC par rapport aux PNB par exemple10 ;

    • 11 Plus de 3 000 en Algérie d’après D. Wheeler (« The Internet in the Arab World : Divital Divides and (...)

    la rareté, pour permettre une meilleure interprétation de ces statistiques, des enquêtes de terrain sur les pratiques locales. On soulignera cependant le rôle des « télécentres » et autres cafés-Internet en tant que palliatifs, pour certaines sociétés moins avancées dans l’âge de l’information, aux carences en matériel, en bande passante et en vitesse de connexion, et même en structures susceptibles d’éduquer le public aux nouvelles techniques11 ;

    • 12 R. Rohozinski (cf. supra) souligne ainsi l’invisibilité presque totale, au regard des indicateurs t (...)

    l’inadéquation, pour apprécier le développement des NTIC, de grilles d’évaluation étroitement quantitatives et « technocentrées » alors qu’il faut s’intéresser à l’impact social de ces techniques, et en particulier à la manière dont elles renforcent certains acteurs, certains flux, capables à leur tour d’exercer des effets politiques12 ;

    • 13 Figure ainsi au crédit du premier ministère arabe des Technologies de l’information, créé en Égypte (...)

    la méconnaissance des initiatives locales qui, par contraste avec un indéniable immobilisme politique, mettent en évidence une prise de conscience généralisée dans la région des enjeux de l’économie du savoir (création de hubs régionaux et de technopoles, politiques de support au développement des NTIC par l’organisation de formations, par des plans d’incitation à l’équipement, par des politiques de tarification13, etc.) ;

    • 14 Cf. les données présentées infra.

    la trop grande généralisation des analyses par rapport à une situation où des retards importants, le plus souvent faute de moyens matériels, coexistent avec des niveaux de développement de NTIC, par exemple dans les pays du Golfe, égaux voire supérieurs à ceux des pays les plus développés14 ;

    • 15 70 % des internautes arabes ont ainsi entre 20 et 30 ans, les femmes représentent le quart des util (...)

    l’oubli des perspectives de développement, y compris à court terme, alors que les principaux utilisateurs et vecteurs de développement des NTIC se recrutent essentiellement au sein des classes d’âge les plus jeunes, très largement majoritaires dans le monde arabe15 ;

    • 16 Cf. infra.

    le manque de mise en perspective historique, lequel fait pourtant apparaître la diminution de plus en plus flagrante des temps de réponse nécessaires à l’introduction, dans la région arabe, des innovations techniques16 ;

    • 17 Sur l’importance de ces réseaux, cf. infra.

    l’absence d’attention portée à des facteurs aussi importants pour le développement des NTIC dans la région que l’existence d’un large bassin doté d’une grande cohésion linguistique et culturelle, et parcouru de réseaux de solidarités très denses17 ;

    • 18 Nous renvoyons sur ces questions à notre article, « À la recherche d’un Internet arabe : démocratis (...)

    en définitive, la méconnaissance de la situation du monde arabe où l’essor des NTIC s’accompagne d’une banalisation, et même d’une démocratisation, de leurs usages18.

Quelques données

  • 19 Combinaison du nombre total de lignes téléphoniques par foyer (fixes et mobiles) et du nombre d’int (...)

14Sans succomber à la fascination statistique, quelques données quantitatives méritent d’être rappelées pour présenter sous un jour plus optimiste qu’on ne le fait habituellement la situation des NTIC dans le monde arabe. La mesure du Taux global de connectivité par pays, TGCP (Total Country Connectivity Measure19), tel qu’il a été récemment apprécié par une société jordanienne spécialisée dans le conseil auprès des entreprises dans le domaine des NTIC (Arab Advisors), permet de constater :

  • un fort taux de croissance global (les résultats négatifs – Liban, Maroc, Oman – étant liés aux baisses, ponctuelles, du nombre de lignes téléphoniques, fixes ou mobiles) ;

  • la présence d’un groupe de tête constitué par les petits États du Golfe (Qatar, Koweït, Bahreïn, Émirats arabes unis), conjointement à la montée en puissance d’autres acteurs régionaux, tels que l’Égypte, l’Arabie saoudite, la Jordanie ou la Tunisie, et à l’absence, dans ces statistiques, d’États restés en retard des changements, pour des raisons politiques (Irak) mais plus souvent économiques (Somalie, Mauritanie, Soudan, Yémen).

Pays

Taux global de connectivité

% croissance TGCP

% d’utilisateurs d’Internet

2003

2002

2003

Qatar

215,6 %

193,6 %

11,4 %

11,1 %

Koweït

193,8 %

174,4 %

11,2 %

25,2 %

Bahreïn

191,9 %

183,9 %

4,3 %

19,1 %

EAU

175,9 %

171,0 %

2,9 %

16,8 %

Arabie saoudite

108,2 %

97,3 %

11,3 %

6,7 %

Liban

98,1 %

107,1 %

-8,4 %

13,5 %

Jordanie

79,2 %

78,7 %

0,6 %

4,2 %

Oman

72,5 %

77,8 %

-6,9 %

4,8 %

Tunisie

63,2 %

48,4 %

30,8 %

3,2 %

Égypte

62,4 %

46,4 %

34,5 %

3,9 %

Syrie

60,0 %

54,2 %

10,6 %

2,3 %

Algérie

41,6 %

35,2 %

18,3 %

1,3 %

Maroc

41,4 %

44,1 %

-6,2 %

1,3 %

  • 20 Source : www.itfacts.biz (27 septembre 2004).
  • 21 Source : Al-Hayat (28 février 2005).

15Les données financières les plus récentes confirment le relatif dynamisme du marché local des NTIC, en particulier dans la Péninsule arabe : la société Microsoft annonce ainsi 25 % de croissance par an de son chiffre d’affaires dans le Golfe tout au long des 5 dernières années, et attend plus de 12,5 % de croissance pour l’ensemble du monde arabe pour les trois années à venir. Cette vitalité du marché des NTIC, la troisième en importance dans le monde en 200420, est d’autant plus intéressante qu’elle ne se limite pas aux produits informatiques (matériels et logiciels) mais qu’elle concerne également les industries du contenu (augmentation de 20 à 30 % des revenus globaux du e-commerce par exemple durant les dernières années21).

  • 22 Pour toutes ces données, voir notamment www.internetworldstats.com.

16Pour ce qui est d’Internet, le nombre de ses utilisateurs a été multiplié par 15 en l’espace de cinq ans (de 1 million en 1999 à 15 millions en 2004, soit environ 5 % de la population arabe totale). Pour la seule Égypte, où le taux de pénétration d’Internet reste encore moyen (4,3 % de la population en mars 2005), cette croissance aboutit à la création d’un bassin de plus de 3 millions d’internautes, un chiffre trois fois supérieur à celui des meilleurs tirages du plus important des quotidiens locaux22.

17La croissance du secteur s’explique également par la banalisation des NTIC, en particulier grâce à leur arabisation. À la différence de ce qui pouvait être observé il y a seulement quelques années, l’usage d’Internet, et plus largement de nouvelles technologies telles que le téléphone mobile, la vidéo numérique..., sans parler de la télévision par satellite, n’est absolument plus réservé à un cercle restreint d’élites urbaines. En l’espace d’une décennie, c’est tout l’espace arabe, y compris dans ses zones les plus périphériques, à la fois géographiquement et économiquement, qui est désormais totalement maillé par les réseaux des NTIC.

18Il faut bien se rendre à l’évidence : même s’ils restent sans commune mesure avec ceux que connaissent d’autres régions de la planète, les taux de pénétration d’Internet dans le monde arabe, y compris au sein des couches sociales les plus défavorisées, font d’ores et déjà du réseau mondial un acteur à part entière à l’intérieur du sous-système d’information régional. D’ailleurs, les professionnels de l’information, environ un millier de titres arabes en ligne aujourd’hui, ont joué un rôle pionnier dans la diffusion d’Internet, d’abord avec les quotidiens, et désormais avec la presse audiovisuelle, sans oublier ces producteurs et/ou diffuseurs d’information (e-zines, portails, lettres spécialisées...) qui sont apparus grâce à la diffusion de la nouvelle technique. Le moteur de recherche spécialisé Alexa.com dresse ainsi le palmarès des sites en langue arabe où figurent, directement après le moteur de recherche Google, la chaîne Al-Jazira (www.alja-zeera.net) immédiatement suivie par un de ces portails d’information apparus avec la nouvelle technique, à savoir le e-magazine islam-Online (www.islamonline.net) puis le site du quotidien Al-Ahram. On observe toutefois avec intérêt que leur succèdent, dans l’ordre, un site spécialisé dans le téléchargement de clips musicaux (www.6rb.com) puis un site dédié aux internautes arabes femmes (www.hawaa-world.com). Comme on s’en rend donc compte, il ne serait pas sans danger d’interpréter les effets sociaux, mais peut-être aussi politiques, d’Internet à la seule lumière des sites d’information...

Internet et démocratiques

La foi dans les effets médiatiques

  • 23 D. Lerner, The Passing of Traditional Society : Modernization of the Middle East, 1958.
  • 24 Michael C. Hudson, « Washington vs. Al Jazeera : Competing Constructions of Middle East Realities » (...)
  • 25 Voir dans cet esprit les travaux de J. B. Alterman par exemple.

19Les conceptions développementalistes attachées à mesurer l’« impact » des médias sur les opinions, à l’image des travaux de Daniel Lerner il y a près d’un demi-siècle maintenant23, sont-elles passées de mode ? Pour certains décideurs politiques en tout cas, il n’en est rien, si l’on en croit le lancement en février 2004, deux ans après celui de la radio FM Sawa, d’une chaîne d’information telle que Al-Hurra, financées à hauteur de 62 millions de dollars octroyés par le Congrès des États-Unis, sans oublier le pilonnage – pas seulement médiatique – des positions occupées par la première chaîne arabe satellitaire en public, Al-Jazira24. À vrai dire, nombre d’analystes, y compris les chercheurs25, continuent à tabler en priorité sur les effets politiques de l’apparition des mass-médias transnationaux, au premier rang desquels figurent les télévisions satellitaires, ne serait-ce que par l’importance de leur public (aux alentours d’une personne sur trois dans le monde arabe, soit près de 100 millions de téléspectateurs ; 35 millions en moyenne pour la seule Al-Jazira).

20Sans nier totalement l’importance de ce qui se joue sur cette scène particulière, il convient malgré tout d’observer que les chaînes satellitaires, dont l’existence remonte désormais à une bonne dizaine d’années, se contentent de modifier, sans les bouleverser totalement, la donne médiatique traditionnelle. Certes, les frontières étatiques sont effacées en termes de réception, mais elles ne le sont que partiellement pour ce qui est de l’émission ; on peut ainsi vainement rechercher, dans les programmes d’Al-Jazira, la moindre critique de la situation au Qatar, son pays d’ancrage. Sans doute également, l’existence d’un éventail médiatique plus ouvert, et plus « moderne », contribue-t-il d’une manière ou d’une autre à la formation politique des auditeurs arabes, et l’on imagine ainsi que la diffusion de débats plus ouverts, durant lesquels un ministre peut être interpellé en direct par un citoyen, constitue un réel événement pour un pays tel que la Syrie par exemple où la situation a pu être observée (mai 2005) lors d’une série d’émission de la chaîne Al-Jazira.

21Il reste que l’on peut légitimement s’interroger sur le potentiel de changement que génèrent ces canaux. Avec les radios, qui furent déjà des organes transfrontaliers comme l’a bien montré aux temps nassériens la célèbre La Voix des Arabes (Sawt al-Arab) diffusée depuis Le Caire, les télévisions satellitaires ont certes la particularité de s’adresser à des publics que ne délimitent plus les frontières étatiques. Mais cette communication s’effectue selon un mode qui reste celui des médias de masse, à savoir selon un schéma d’imposition vertical largement décidé par une autorité (politique et/ou médiatique), sans véritable interaction, à l’intention de récepteurs largement passifs.

  • 26 D. Wolton (dir.), La Télévision au pouvoir, 2004, p. 15 et sq.

22Faute d’espaces de mobilisation politique capables de les traduire en mobilisations, il est à craindre que toutes les bonnes raisons du monde, et toutes les informations, ne se traduiront jamais en actes ; des heures d’émission sur les violences en Palestine ou en Irak ne semblent pas avoir eu d’effets sur le terrain des réalités palpables : qu’on le veuille ou non, le « pouvoir » de la télévision relève en partie du fantasme26.

Internet comme nouvel espace politique

  • 27 L’interdiction pure et simple d’Internet ayant disparu avec la chute du régime de Saddam Hussein. S (...)

23À l’inverse, il est intéressant de constater combien Internet, vecteur central de la nouvelle économie du savoir numérisé, reste parmi les NTIC celle qui tend le plus à rogner les prérogatives de l’État westphalien. Sans doute, ce dernier n’a pas dit son dernier mot et nombre de pays arabes illustrent parfaitement les recours que peut imaginer cet État pour conserver le plus possible son monopole sur les représentations, la circulation des idées ou encore la définition des appartenances. Pour ce faire, la puissance publique dispose d’une gamme de mesures, à la fois en amont des nœuds de redistribution, par le filtrage des connections au réseau mondial comme en Arabie saoudite ou en Syrie, ou en aval, par la surveillance des usages d’Internet comme en Tunisie par exemple27. Cependant, de par les caractéristiques que lui ont données ses premiers concepteurs, le réseau des réseaux demeure en partie rebelle aux tentatives de contrôle. Quels que soient les efforts déployés par les représentants de l’ordre, les « souris » technophiles conserveront toujours une longueur d’avance sur les chats de la censure, même si, comme dans la réalité, ces derniers finissent toujours par l’emporter, temporairement au moins...

24Mieux, l’utilisation d’Internet est infiniment plus ouverte, ou si l’on préfère plus « libre », que celle des autres médias, dans la mesure où les coûts d’accès, non seulement pour la consultation d’informations, mais aussi pour leur production et pour leur mise en ligne, sont extrêmement réduits. Si l’on ajoute à cela les potentialités d’interaction entre les utilisateurs du réseau, il n’est pas étonnant de constater que la Toile soit devenue, en l’espace d’une décennie à peine, une scène politique à part entière.

  • 28 Pour tous ces développements, voir en particulier L. Gayer, « Le voleur et la matrice : les enjeux (...)
  • 29 J. Arquilla et J. Ronfeldt (dir.), Networks and Netwars : The Future of Terror, Crime, and Militanc (...)

25Dans un premier temps, ce nouvel espace a été investi par des acteurs qui y ont transféré des techniques déjà éprouvées dans les médias traditionnels28. À l’image de nombreux sites œuvrant pour la cause palestinienne, ou bien encore à l’instar de la politique médiatique développée par le parti Hezbollah en combinant divers supports de communication, tels que la télévision, les vidéos, les sites Internet, les usages des nouvelles techniques sont longtemps restés fidèles à une perspective utilitariste faisant de la Toile mondiale une sorte de caisse de résonance des luttes « réelles ». Ce n’est que bien plus tard, sans doute avec l’apparition du « zapatisme digital » inventé par les partisans de la cause des indiens chiapas en 1998, que le « cyberactivisme » a pris son essor, en tant que pratique politique non plus sur le réseau mais issue du réseau. Selon des formes résolument nouvelles, « hack-tivistes », contraction de l’anglais hacker et activist, et « cybernationalistes » ont cherché à inventer de nouvelles formes de protestation politique, essentiellement en mobilisant des chaînes de revendication autour de communautés d’utilisateurs partageant les mêmes intérêts. Avec cette autre nouveauté que, dans la société de l’information, leur potentiel d’action pouvait être très largement découplé de leur capacité de mobilisation, au point de susciter les cris d’alarme et les tentatives de contre-mesures répressives de la part de responsables inquiets, sincèrement ou non, des perspectives déstabilisatrices des guerres à venir sur le Réseau (netwars)29.

Le « vert » dans la Toile arabe

  • 30 Voir, même si l’on ne suit pas forcément toutes leurs conclusions, les observations d’auteurs tels (...)
  • 31 Le succès des fatwas en ligne (sur lesquels ont été lancés des travaux tels que ceux d’E. Mariani) (...)

26Que ce soit dans une perspective qui reste encore traditionnelle, dans le prolongement d’autres vecteurs de mobilisation, ou bien selon des modalités plus novatrices, imaginées à partir des ressources offertes par les données techniques propres à Internet, il apparaît que les formes d’expression qui se développent sur la Toile arabe relèvent, pour une grande part d’entre elles, d’une même coloration politique, où domine le vert de l’islam politique. Sans doute faut-il rappeler que les appareils de surveillance du contre-terrorisme éprouvent bien des difficultés à se retrouver dans cet univers relationnel, aux contours sans cesse mouvants, qu’est le réseau des réseaux, particulièrement mal balisé quand il s’agit de ses arcanes arabes. De même, la fréquentation des sites arabes met incontestablement en évidence la pluralité des expressions issues des sociétés civiles locales. Il reste que nombre d’observateurs30 se rejoignent autour d’un même constat : celui de la prééminence sur Internet des références musulmanes, aussi bien au niveau des sites qui exploitent, d’une manière ou d’une autre, le répertoire de l’islam, souvent politique, qu’à celui des utilisateurs qui plébiscitent, par leurs choix de navigation, ce genre d’offre, ou encore à celui des producteurs parmi lesquels on retrouve fréquemment un même profil type31.

27Ce constat, à vrai dire, n’a rien pour surprendre, tant la scène d’Internet n’a aucune raison de se distinguer des autres scènes politiques, sauf à croire que le médium technique est capable de créer à lui seul un langage politique, avec son potentiel de mobilisation. Or, Internet n’est d’abord qu’un vecteur de représentations, rien de plus qu’un connecteur entre des individus qui se réunissent, au-delà des contraintes physiques, au sein de « communautés d’intérêt virtuelles ». Les mouvements politiques repérables sur la Toile ont une existence à part entière, mais elle n’est possible qu’en tant que prolongement de représentations identitaires et de mobilisations qui s’élaborent parallèlement dans d’autres espaces d’expression politique.

28Faute de recul suffisant en effet, les phénomènes dont on traite n’ont même pas une décennie d’âge, on peut seulement postuler que l’effet d’agglutination propre aux réseaux virtuels est d’autant plus puissant qu’il recoupe d’autres réseaux d’intérêt. L’importance du facteur religieux, au moins dans le contexte du monde arabe contemporain, pour la création et le maintien de réseaux socio-politiques de toutes sortes suffit probablement à expliquer la densité des référents religieux sur la Toile. Dès lors, il est peut-être vain de se demander si l’essor des nouvelles technologies en général et d’Internet en particulier, favorise, ou au contraire dessert, les potentialités démocratiques des peuples du monde arabe. Pour le meilleur ou pour le pire, le contenu des sites arabes ne peut qu’offrir l’écho, globalement fidèle, de la situation politique de cette région. Les NTIC peuvent contribuer à diversifier les sources d’information disponibles, saper les divers systèmes de filtre et de contrôle mis en place par les régimes en place, densifier et renforcer les réseaux de résistance à l’autorité... En revanche, elles ne sauraient produire, d’elles-mêmes, des orientations politiques, déconnectées – c’est bien le terme ! – de la réalité et de ses acteurs.

Internet, nouveaux médias et espace public

29Les éventuels gains, en termes d’ouverture politique, que rendraient possible l’entrée de plus en plus résolue du monde arabe dans la société de l’information ne doivent donc pas être recherchés au niveau des contenus. La diversification de ces derniers, pour autant qu’elle s’affirme, n’est nullement le gage de pratiques plus libres. En vérité, il faut déplacer l’analyse pour mieux saisir le véritable « potentiel démocratique » des NTIC.

30L’histoire sociale des techniques importe et la révolution de l’information à laquelle s’ouvre aujourd’hui le monde arabe doit être replacée dans son contexte, celui d’une indéniable crise politique, sans doute, mais également celui d’un vaste mouvement, tout aussi certain, de transformation de ces sociétés. Les pressions externes, exercées par l’accélération de la mondialisation des échanges économiques et des idées, s’y conjuguent à la longue maturation de facteurs sociaux aussi divers que l’exode rural et la multiplication des migrations de travail, la généralisation de l’éducation, l’émancipation progressive des femmes et plus largement des individus par rapport aux liens sociaux traditionnels...

31Dans ce contexte, le développement de ces nouveaux médias, quelles que soient leurs orientations politiques en l’occurrence, est à la fois le vecteur et la conséquence de la formation de nouveaux publics, eux-mêmes générés par ces transformations sociopolitiques. Les outils de la communication moderne se sont multipliés : Internet, y compris dans ses formes les plus interactionnelles telles que le chat, ou conversation en ligne, et les blogs, sortes de journaux intimes numériques, les télévisions satellitaires et toute la gamme des outils de la communication numérique, depuis le téléphone mobile jusqu’au CD-Rom en passant par la vidéo numérique... Ils sont ainsi adoptés par des utilisateurs qui ne se recrutent plus au sein des seules élites politiques, économiques, intellectuelles ou religieuses traditionnelles, et où les couches les plus jeunes sont naturellement les plus nombreuses, les plus motivées et les plus audacieuses.

  • 32 On constate ainsi que la modernisation des moyens de communication repousse toujours davantage la b (...)

32Mais les nouvelles technologies, et singulièrement Internet, ont en commun de participer d’une nouvelle économie des échanges symboliques qui modifie en profondeur les stratifications sociales du savoir. Plus interactifs que les anciens médias imprimés ou audiovisuels, par ailleurs d’accès faciles et à moindre coût, non seulement pour la réception de messages, mais également pour leur émission, relativement dégagés, de par leur nouveauté, des inhibitions qui entravent traditionnellement le maniement d’une culture socialement surinvestie32, les nouveaux outils de la communication moderne introduisent à un univers où les textes et les références n’existent plus dans un absolu immuable mais sont au contraire remaniés par la méthode du « coupé-collé », placés les uns à côté des autres comme autant de fenêtres sur l’écran de l’ordinateur, à des fins de comparaison et d’argumentation.

33La pratique d’Internet contribue ainsi à brouiller les frontières du savoir légitime, à multiplier les controverses où les acteurs sont aussi bien récepteurs qu’émetteurs, et cela alors que la seule navigation à l’intérieur de la Toile, sans même passer par la rencontre virtuelle de l’Autre, est déjà le produit d’un choix individuel opéré (presque) en-dehors de toute contrainte. Cependant il reste des barrières, notamment techniques et économiques. Autour des réseaux numériques de la Toile se greffent ainsi d’autres réseaux, plus ou moins formalisés qui fournissent un espace d’interactions et d’échanges de toute première importance dans un espace politique où les lieux d’expression n’abondent pas forcément.

  • 33 A. Salvatore et Dale F. Eickelman (dir.), Public Islam and the Common Good, 2004. Voir également, p (...)

34De par les caractéristiques de ses techniques et de ses usages, Internet favorise donc une certaine érosion du principe d’autorité, qu’il soit établi sur une base religieuse ou politique. Il contribue donc à construire un espace d’échanges fondés sur la reconnaissance tacite de l’Autre et sur la valeur per se de son argumentation. C’est de ce point de vue qu’il est possible de tabler sur l’aspect « libérateur », voire « démocratique », que jouent les NTIC en contribuant au processus collectif de reconstruction d’une identité partagée, autour d’une croyance en un même « bien commun33 » (common good).

35Il est vrai que l’essor des NTIC et des nouveaux médias comme les progrès de l’éducation ou encore la multiplication des voyages et des échanges, ne signifient pas, loin s’en faut, la démocratie. Mais leur développement conjugué, qui renforce et étend les multiples formes d’engagement individuel, rend possible la constitution d’un espace public, au sens habermassien du terme. C’est au sein de cet espace public que peuvent s’élaborer, selon les formulations propres à l’histoire et à la culture de la région, des pratiques politiques modernes, qui rendent justice – au sens étymologique du terme tout au moins – à la démocratie, au « gouvernement du peuple ».

Notes

1 Laurent Cohen-Tanugi, Le Nouvel Ordre numérique, Paris, Odile Jacob, 1999.

2 Voir ci-après, la partie intitulée : « Internet et processus démocratiques ».

3 M. Castells, La Société en réseaux, Paris, Gallimard, 1998-1999.

4 Néologisme formé à partir du mot Napster, le célèbre logiciel permettant l’échange gratuit, entre les usagers du réseau, de fichiers musicaux.

5 S. Kalathil et T. C. Boas, Open Networks, Closed Regimes : The Impact of the Internet on Authoritarian Rule, 2003.

6 Sur ces questions, cf. Y. Gonzalez-Quijano, « La révolution de l’information aura-t-elle lieu ? Les enjeux des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans le monde arabe », Politique étrangère, 2002.

7 G. E. Burkhart et S. Older, The Information Revolution in the Middle East and North Africa, Santa Monica (CA), Rand, 2003, p. ix.

8 Programme des Nations Unies pour le développement et Fonds arabe de développement économique et social, Rapport arabe du développement humain, 2003, p. 73 (http://www.undp.org/rbas/ahdr/fbychapter.html pour le texte français). Cf. sur ce sujet S. Aïta, « Le contenu arabe sur Internet : espace de liberté ou fracture sociale ? », in « L’Internet arabe », Maghreb-Machrek, n° 178.

9 R. Rohozinski (« “Secrets Agents” and “Undercover Brothers” : The Hidden Information Revolution in the Arab World », 2004) se plaît ainsi à rappeler qu’à la grande stupéfaction de toute personne familière de la région, les statistiques officielles de la Banque mondiale et de l’ITU affirment que les pays arabes (Afrique du Nord et Moyen-Orient) se caractérisent par le plus bas taux au monde (à l’exception de l’Afrique subsaharienne) de diffusion télévisée !

10 En termes relatifs, les taux d’investissement dans les NTIC de nombreux pays en voie de développement sont supérieurs à ceux de bien des pays industrialisés. Cf. C. Fink, Kenny, W(H)iter The Digital Divide ?, 2003.

11 Plus de 3 000 en Algérie d’après D. Wheeler (« The Internet in the Arab World : Divital Divides and Cultural Connections », conférence au Royal Institute for Inter-Faith Studies, 16 juin 2004).

12 R. Rohozinski (cf. supra) souligne ainsi l’invisibilité presque totale, au regard des indicateurs traditionnels, du rôle des nouvelles technologies dans les nouvelles formes de l’économie arabe actuelle, telle que la hawala.

13 Figure ainsi au crédit du premier ministère arabe des Technologies de l’information, créé en Égypte en octobre 1999, la mise en place d’une politique tarifaire innovante (janvier 2002), visant à la gratuité de l’accès au réseau Internet dont la connexion est facturée au prix d’une communication locale.

14 Cf. les données présentées infra.

15 70 % des internautes arabes ont ainsi entre 20 et 30 ans, les femmes représentent le quart des utilisateurs.

16 Cf. infra.

17 Sur l’importance de ces réseaux, cf. infra.

18 Nous renvoyons sur ces questions à notre article, « À la recherche d’un Internet arabe : démocratisation numérique ou démocratisation du numérique », Maghreb-Machrek, n° 178.

19 Combinaison du nombre total de lignes téléphoniques par foyer (fixes et mobiles) et du nombre d’internautes reporté à la population totale. Cf, www.arabadvisors.com.

20 Source : www.itfacts.biz (27 septembre 2004).

21 Source : Al-Hayat (28 février 2005).

22 Pour toutes ces données, voir notamment www.internetworldstats.com.

23 D. Lerner, The Passing of Traditional Society : Modernization of the Middle East, 1958.

24 Michael C. Hudson, « Washington vs. Al Jazeera : Competing Constructions of Middle East Realities », TBS Journal on line, n° 14.

25 Voir dans cet esprit les travaux de J. B. Alterman par exemple.

26 D. Wolton (dir.), La Télévision au pouvoir, 2004, p. 15 et sq.

27 L’interdiction pure et simple d’Internet ayant disparu avec la chute du régime de Saddam Hussein. Sur la situation des libertés par rapport à Internet, cf. notamment E. Goldstein, The Internet in the Middle East and North Africa. Free Expression and Censorship, Washington, Human Right Watch, juin 1999, et, plus récemment, D. Farhat, Jawlat Hurra fil-Riqaba al-Arabiyya ala al-Intarnit » (Libre circulation dans la censure arabe d’Internet), Al-Hayat, 17 février 2005.

28 Pour tous ces développements, voir en particulier L. Gayer, « Le voleur et la matrice : les enjeux du “cybernationalisme” et du “hacktivisme” », Questions de recherche, n° 9, mai 2003.

29 J. Arquilla et J. Ronfeldt (dir.), Networks and Netwars : The Future of Terror, Crime, and Militancy, Rand Corporation, 2001.

30 Voir, même si l’on ne suit pas forcément toutes leurs conclusions, les observations d’auteurs tels que O. Roy, Hudson, Mandaville ou encore G. Bunt.

31 Le succès des fatwas en ligne (sur lesquels ont été lancés des travaux tels que ceux d’E. Mariani) en est un indice parmi beaucoup d’autres.

32 On constate ainsi que la modernisation des moyens de communication repousse toujours davantage la barrière symbolique que représente l’usage, dans les cultures locales, des langues vernaculaires. Pour s’en convaincre, il suffit de fréquenter les salons de discussion en ligne ou de lire les messages SMS, qu’échange la jeunesse arabe. Écrits en caractères latins, mais également en arabe, ils violent, sans le moindre complexe, tous les tabous linguistiques d’une langue pourtant lourdement chargée de sacralité.

33 A. Salvatore et Dale F. Eickelman (dir.), Public Islam and the Common Good, 2004. Voir également, parmi les références, les mentions aux divers travaux de Dale F. Eickelman et de John W. Anderson.

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