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Le sanctuaire de Corent (Puy-de-Dôme, Auvergne)

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Matthieu Poux
, 
Matthieu Demierre

Chapitre VI. Analyse chronologique et fonctionnelle

Matthieu Poux, Matthieu Demierre et Romain Lauranson

Texte intégral

SYNTHÈSE CHRONOLOGIQUE

1L’un des principaux apports des cinq campagnes de fouilles menées sur le sanctuaire de Corent concerne la chronologie des occupations de l’oppidum, dont elles ont radicalement modifié les contours. L’ensemble de ces occupations contribuent, de façon plus générale, au problème de la relation chronologique et fonctionnelle qui unit ce dernier aux oppida voisins de Gondole et de Gergovie, longtemps considérées dans la perspective d’une succession continue de séquences d’occupation étagées entre le milieu du iie s. et le milieu du ier s. av. J.–C.

CORENT ET LA CHRONOLOGIE DES OPPIDA ARVERNES

2Jusqu’à la reprise des recherches sur le site en 2001, la définition du faciès chronologique de l’oppidum de Corent reposait principalement sur les mobiliers recueillis dans les sondages ouverts au début des années 1990 aux abords du sanctuaire laténien, et plus particulièrement dans une tranchée de quatre mètres sur douze excavée en 1992 au nord du chemin actuel. Ce secteur a livré un épandage très dense de mobiliers, parfaitement scellés par un épais niveau d’empierrement. Le matériel recueilli à ce niveau se distinguait de ceux recueillis dans les précédents sondages, tant sur le plan quantitatif que qualitatif. Leur étude exhaustive a permis de définir un faciès d’occupation généralisé par la suite à l’ensemble du plateau, qui a servi de base aux comparaisons typologiques avec les autres sites du Bassin clermontois : Aulnat, Gondole, Gergovie (Collis, Guichard, 1992 ; Guichard et al., 1993 ; Orengo, 2003 ; Deberge et al., 2001).

3Elle fonde, aujourd’hui encore, les datations proposées dans le PCR « Typo–chronologie des mobiliers du second âge du Fer en Auvergne » – conduit entre 1998 et 2003 par Yann Deberge, sous la direction de C. Mennessier–Jouannet (en cours de publication) –, dont les résultats ont été synthétisés lors du colloque de l’AFEAF (juin 2003) à Clermont-Ferrand (Deberge et al., 2007).

4Considéré dans sa globalité, ce mobilier semblait présenter un faciès homogène (prépondérance des fibules de Nauheim, perles toriques en verre, amphores de type Dressel 1A, céramiques campaniennes A et B, potins et bronzes frappés anépigraphes), caractéristique de la phase La Tène D1b de la chronologie rhénane, empiétant légèrement sur les débuts de la phase D2a. Quelques éléments d’apparence plus récente (amphores Dressel 1B, céramiques campaniennes A et B, bronzes frappés épigraphes à légende MOTVDIACA, EPOS, ADCANAVNOS et CICEDV BRI EPAD, fibules à arc cambré et corde externe) ont été intégrés à ce faciès malgré leur datation plus tardive, traditionnellement située après les années 70 av. J.–C. L’extrapolation de ce faciès à l’ensemble de l’oppidum revenait à lui assigner une durée d’occupation très courte, limitée à une ou deux générations entre les années 110/100 et 80/70 av. J.–C.

5Elle a eu une forte incidence sur la datation des autres faciès régionaux du ier s. av. J.–C., le site de Corent étant considéré, à juste titre, comme un jalon intermédiaire entre l’abandon des sites de plaine clermontois d’Aulnat/Gandaillat et l’occupation du plateau de Gergovie. Ses dates de fondation et d’abandon ont tenu lieu respectivement de terminus ante et de post quem pour de nombreuses catégories de mobiliers, en fonction de leur présence ou de leur absence sur l’oppidum. La datation de certains fossiles directeurs communément attribués à La Tène D2 s’est notamment vue reculée à La Tène D1, en raison de leur présence au sein de l’épandage fouillé en 1992 ; celle de la fondation de l’oppidum de Gergovie a été mécaniquement remontée dans les années 60/70 av. J.–C. sur la base d’indices mobiliers pourtant très ténus. La sériation de ces différents faciès, parfaitement opérante en chronologie relative à l’échelle régionale, masque les décalages avec les datations absolues établies, dans d’autres régions de la Gaule, pour chacune des catégories de mobilier impliquées dans leur définition (amphores, monnaies, céramiques, armement et parures).

6Les fondements de ce modèle ont été remis en question dès 2001 par la reprise des fouilles du sanctuaire laténien. Les premiers rapports soulignent la présence de mobiliers à la fois plus anciens et plus récents, dont les datations outrepassent l’étroite fourchette assignée à l’occupation de l’oppidum. Plusieurs fossiles directeurs caractéristiques de La Tène moyenne, fibules en fer à corde également en fer et large ressort, bracelets en verre à décor côtelé, bouterolles de fourreau d’épée et umbos de boucliers de typologie archaïque, amphores gréco–italiques et céramiques campaniennes A anciennes, retrouvés pour certains d’entre eux dans les niveaux les plus profonds du fossé de péribole, plaident pour une fondation intervenue au plus tard dans les années 140/130 av. J.–C. (La Tène D1a). À l’inverse, le mobilier recueilli dans les niveaux de destruction du sanctuaire laténien précédant sa reconstruction à l’époque romaine, comprend plusieurs fossiles directeurs caractéristiques du second tiers du ier s. av. J.–C. (La Tène D2), notamment, des fibules à arc cambré et coudé, à nodosités, à tête couvrante ou arc outrepassant, ainsi que des bronzes frappés épigraphes, dont une douzaine de pièces de monnaie de type EPAD au guerrier, frappées au plus tôt en 50/51 av. J.–C., témoignant d’une occupation continue du sanctuaire jusqu’à la guerre des Gaules.

7Ce faciès élargi, couvrant plus d’un siècle d’activité ininterrompue entre le troisième quart du iie s. av. J.–C. et le début de l’époque romaine, apparaissait en nette contradiction avec le modèle de sériation chronologique proposé en 1992. Le problème restait toutefois posé, de savoir s’il pouvait être généralisé à l’ensemble de l’oppidum ou, s’il ne traduisait que la perduration d’un lieu de culte isolé de toute occupation, maintenu en état jusqu’au Bas–Empire. La présence de fossiles directeurs de La Tène C2/D1a et D2 parmi les sondages et prospections effectués en différents points du plateau répondait partiellement à cette question (Guichard, 1991). Elle a été définitivement tranchée en 2007, après trois campagnes d’extension des fouilles sur les parcelles situées au nord de l’enclos cultuel.

8Le dégagement extensif des épandages et empierrements qui avaient servi de base au modèle proposé en 1992 a révélé sa faiblesse méthodologique. Bien que deux horizons stratigraphiques aient été distingués à la fouille – le niveau d’épandage proprement dit, d’une part, le niveau d’empierrement qui le recouvre, d’autre part –, le mobilier qui en était issu a été traité indistinctement, en raison de son homogénéité apparente. La fouille extensive des mêmes niveaux a montré que ce postulat était faussé par un net déséquilibre de représentation des fossiles directeurs relatifs aux deux états. Le niveau de sol empierré constitutif de l’horizon le plus récent ne comportait que quelques objets insérés entre les pierres du radier ou à sa surface, très arasée par les travaux agricoles qui ont effacé toute trace de niveau d’occupation. Protégé par les radiers, l’horizon sous–jacent correspondait en revanche à un remblai de sol très riche en mobiliers, concentrant à lui seul près de 90 % du lot étudié. La prédominance statistique de ces mobiliers anciens (La Tène D1) sur les mobiliers plus récents (La Tène D2) issus des niveaux supérieurs a abouti au mélange des deux horizons et à la définition d’un faciès médian, principalement centré sur la phase La Tène D1b.

9Malgré son caractère artificiel, cet horizon a longtemps tenu lieu de terminus ante quem pour la datation des premières occupations de Gondole et de Gergovie. De manière plus générale, il a fortement pesé sur la chronologie de certains mobiliers réputés tardifs (bronzes frappés épigraphes, fibules à arc cambré et corde externe, amphores Dressel 1B). Leur intégration forcée à ce faciès composite induisait, en effet, un décalage d’une à deux générations par rapport aux datations admises jusqu’alors.

10La poursuite de la fouille des quartiers d’habitat situés au nord du sanctuaire, menée entre 2005 et 2008, replace ces mobiliers au sein d’une séquence chronologique cohérente, plus conforme à celles établies dans le reste de la Gaule sur la base des mêmes fossiles directeurs. Le dégagement planimétrique et stratigraphique des vestiges y confirme l’existence de deux horizons successifs, d’importance équivalente, qui ne se distinguent que par leur état de conservation différencié. La superposition ou le recoupement des structures, leur changement d’orientation ou l’évolution des techniques de construction témoignent d’au moins quatre états d’occupation antérieurs à la conquête romaine, articulés autour de deux phases de reconstruction.

11L’étude typo–chronologique des mobiliers relatifs à ces différents états, qui forment un corpus très abondant (260000 tessons d’amphores, 70000 tessons de céramiques, plus de 5000 petits objets isolés, dont environ 220 fibules et près de 400 monnaies) a permis d’asseoir leur chronologie sur une base statistique beaucoup plus large. Elle s’appuie sur de nombreux fossiles directeurs, caractéristiques de toutes les phases de La Tène finale (La Tène D1 et D2). Loin de se répartir uniformément au sein d’un seul et même faciès homogène, ils se distribuent dans des proportions différentes d’un horizon à l’autre, dans l’ordre chronologique reconnu sur les autres oppida de Gaule interne. Chaque état marque l’apparition de nouveaux marqueurs, parfois corrélée à la présence de monnaies tardo-républicaines, de leurs imitations indigènes ou d’importations italiques, dont la valeur de terminus post quem est bien établie par ailleurs. Le phasage chronologique qui en découle s’échelonne des débuts de La Tène D1 à la fin de La Tène D2.

12Cette nouvelle chronologie est largement corroborée par l’analyse du mobilier précédemment recueilli sur le sanctuaire, qui se prête, dans des conditions stratigraphiques moins satisfaisantes et sur une base statistique plus faible, au même travail de sériation et de mise en horizons.

SÉRIATION ET PHASAGE DES MOBILIERS

13La sériation des catégories de mobiliers étudiées au chapitre V s’appuie sur les principaux ensembles stratigraphiques mis en évidence par la fouille. La morphologie du site ne permet pas, en effet, de parler d’horizons stricto sensu selon la définition communément admise, désignant le mobilier compris entre deux niveaux de sol bien distincts. Ces ensembles résultent d’une juxtaposition des contextes les plus fiables et les plus pertinents, non perturbés et exempts d’apports résiduels ou d’intrusions postérieures, distingués dans le phasage réalisé au chapitre II.

14Pour simplifier la démonstration et augmenter l’effectif statistique des ensembles, ont été regroupés les mobiliers issus de l’horizon inférieur (état 1) et supérieur (état 2) du fossé de péribole, de l’enclos A, de la structure sur poteaux D et des cuves libatoires (structure E) inscrites dans l’axe de l’entrée. On se référera, pour leur répartition stratigraphique détaillée, aux tableaux de synthèse chronologique proposés à la fin de chaque étude spécialisée.

15La sériation porte sur un nombre d’objets nettement inférieur à l’effectif global recensé sur le sanctuaire. Elle ne prend en compte que les catégories de mobilier les plus sensibles du point de vue typo–chronologique (amphores, céramiques, fibules, parures en verre et monnaies). Leur distribution statistique par ensemble suffit néanmoins à mettre en évidence un processus de diagonalisation, qui reflète l’évolution typologique des assemblages. Comme déjà observé dans le chapitre de présentation des vestiges, les phases liées à l’établissement du premier enclos palissadé (état 1) sont nettement moins fournies en mobiliers que les niveaux supérieurs (galerie de l’état 2, sols et aménagements internes) qui documentent l’état d’abandon du sanctuaire. Les pourcentages portant sur des effectifs inférieurs à cent individus ne constituent pas un indicateur statistique et ne peuvent être interprétés qu’en termes de tendance.

16Le reste du matériel, issu de contextes moins fiables ou remaniés mais dont la datation intrinsèque correspond à celle des ensembles de référence, sera intégré dans un second temps afin d’étoffer l’argumentaire chronologique menant à la datation des différentes phases d’occupation du site présentées dans ce chapitre VI (p. 516–530 ; voir également fig. 325).

17Les mobiliers romains retrouvés sur le sanctuaire ne bénéficient ni de contextes bien assurés, ni d’un effectif suffisant pour se prêter au même travail de sériation. Leur datation sera discutée dans un second temps, sur la base de quelques fossiles directeurs recueillis dans chacun des états reconnus à la fouille.

Amphores

18L’étude des amphores du sanctuaire de Corent, achevée en 2005 par M. Loughton et intégrée en l’état au présent volume (chap. V, p. 341–392), ne tient pas compte du travail de révision de la chronologie du site exposée dans ce chapitre. Les datations proposées à l’époque, principalement fondées sur la comparaison avec les amphores constitutives de l’épandage fouillé en 1992 au nord du sanctuaire, s’appuient sur une méthode globale de caractérisation des assemblages dont la faiblesse méthodologique a été démontrée plus haut.

19Les lots étudiés sur le sanctuaire comprennent une large palette de variantes importées entre la seconde moitié du iie s. et le milieu du ier s. av. J.–C. (gréco–italiques, Dressel 1A et 1B), dont les proportions varient sensiblement d’un contexte à l’autre. En raison de recollages signalés entre des tessons appartenant à différents contextes, ces différences ne sont pas prises en compte dans la datation du mobilier. L’hétérogénéité des assemblages est présentée, au contraire, comme caractéristique d’un faciès « de transition », globalement conforme à une occupation de l’oppidum « centrée sur La Tène D1b », par contraste avec les lots plus homogènes mis en évidence pour les sites d’Aulnat, de Gondole et de Gergovie (Loughton, 2007 et en dernier lieu : M. Loughton in Deberge et al., 2005).

Fig. 310 – Sériation des amphores par ensemble.

Fig. 310 – Sériation des amphores par ensemble.

20Cette proposition, qui contredit les datations obtenues pour les autres catégories de mobilier, appelle plusieurs remarques d’ordre méthodologique.

  • L’interprétation brute des données, considérant le faciès d’importations dans sa globalité, doit impérativement tenir compte de la durée d’occupation du site. Par définition, un gisement à occupation longue, approvisionné sur le long terme, se caractérise par une plus grande diversité typologique que les sites occupés sur une plus courte période (ce qui est le cas des oppida de Gondole et de Gergovie). Seule une analyse stratigraphique détaillée est à même de mettre en évidence une évolution intrinsèque des assemblages. – Cette analyse doit tenir compte des phénomènes de résidualité qui affectent la position stratigraphique des récipients et leur perduration sur le site, sous la forme de dépôts secondaires ou tertiaires. En ce qui concerne les amphores, les quelques recollages opérés d’un niveau à l’autre du fossé révèlent surtout des liaisons internes au sein des horizons les plus récents (états 2.1, 2.2 et 2.3). Ils n’indiquent rien d’autre que la remontée accidentelle de mobiliers anciens dans les couches supérieures, causée par les nombreux creusements et perturbations (fosses, puits, trous de poteaux) qui affectent le fossé tout au long de son tracé. Leur nombre limité ne remet pas en cause les écarts de faciès typo-chronologiques qui caractérisent ses différentes phases de comblement (fig. 310).
  • La prise en compte des données taphonomiques s’impose a fortiori pour les assemblages constitués en milieu ouvert, sur les sols du sanctuaire et dans les dépôts organisés qui entourent les fosses cuvelées (E) faisant face à l’entrée. Leur faciès est présenté comme contemporain des premières occupations de l’oppidum de Gondole au début de La Tène D2a dans les années 80/70 avant notre ère1. S’il documente bien le dernier état d’occupation du sanctuaire avant abandon et reconstruction, il ne saurait tenir lieu de terminus ante quem. Ces dépôts d’amphores résultant de pratiques libatoires accomplies sur le long terme ont, en effet, un caractère purement symbolique et ostentatoire. Ils se composent souvent de récipients vides, décolletés depuis longtemps, parfois réutilisés, selon un phénomène observé aussi bien sur les habitats que dans les sanctuaires ou les tombes (Poux, 2004). Leur constitution est souvent bien postérieure à la date d’importation et de consommation du contenu des amphores. Ce décalage se creuse encore pour leur date d’abandon : la surface gélifractée des récipients témoigne de leur exposition à l’air libre, sur une durée difficile à préciser, qui peut atteindre plusieurs décennies. S’il est probable que les amphores ont été importées au début de La Tène D2a, dans les années 80–70, leur dépôt et leur abandon ont pu intervenir une génération plus tard, dans les années 60–50 avant notre ère.
  • Un autre facteur, d’ordre à la fois fonctionnel et quantitatif, intervient dans l’analyse statistique des assemblages. Il tient au contexte d’utilisation bien spécifique des amphores introduites dans l’enceinte du sanctuaire de Corent à des fins de consommation collective, dans le cadre de grands banquets organisés périodiquement (voir infra, chap. VII, p. 575–578). Contrairement à la situation observée dans les habitats – fosses et fossés au comblement bien stratifié résultent d’apports réguliers, rejetés progressivement dans des dépotoirs –, ces manifestations font appel, par définition, à des apports homogènes et massifs de vin consommé en une seule fois2. Ces arrivages en très grande quantité relativisent les conclusions statistiques que l’on peut inférer de l’étude globale des amphores du sanctuaire de Corent. Issues de plusieurs événements de même nature, elles ont été introduites par intermittence, à l’occasion de festivités dont la périodicité, la durée et l’ampleur sont difficiles à établir. La superposition et le brassage des dépôts, qui s’explique par la longévité du sanctuaire et la répétition des festivités, ne permet pas de distinguer si elles étaient organisées à intervalle régulier et faisaient appel, à chaque fois, aux mêmes quantités de vin. Un seul banquet impliquant des milliers de convives, tel que le décrivent les sources écrites concernant le territoire arverne au iie s. av. J.–C. (voir infra, chap. VII, p. 588–590), a pu nécessiter des centaines d’amphores – qui suffisent à fausser des statistiques portant sur un effectif de mille individus.
  • Il est établi, par ailleurs, que les amphores de type Dressel 1A correspondent au pic maximal de la période d’importations italiques en Gaule, qui intervient au cours de la phase La Tène D1b, entre la fin du iie s. et le début du ier s. av. J.–C. (Poux, 2004). Elles sont, en général, beaucoup plus nombreuses que les autres variantes sur la plupart des sites de Gaule interne ; elles y prédominent presque systématiquement sur les Dressel 1B, caractéristiques de la phase de déclin des importations (Desbat, 1998). Sur l’oppidum de Gondole, occupé entre les années 80/70 et 30/20 av. J.–C., les « vraies » représentantes de ce type (classe 3 de Guichard, caractérisées par une hauteur de lèvre de 5,5 cm de hauteur) ne totalisent que 20 % d’un lot majoritairement constitué de variantes plus anciennes (classes 2 ou 2/3 de Guichard : M. Loughton in Deberge et al., 2005). Le sanctuaire de Corent ne déroge pas à la règle. La proportion moindre des amphores de type Dressel 1B ou de transition ne plaide pas forcément en faveur d’une chronologie haute. Elle peut s’expliquer aussi bien par un abandon plus précoce, antérieur d’une à deux générations à celui de Gondole, que par un apport plus massif d’amphores destinées à alimenter les banquets organisés sur le site entre la fin du iie s. et le début du ier s. av. J.–C.

21Pour peu qu’elle tienne compte de ces différents paramètres, l’approche stratigraphique des assemblages apparaît mieux adaptée à la caractérisation chronologique d’un site aussi complexe et spécifique que le sanctuaire de Corent.

  • 3 Ont notamment été ajoutés aux comptages deux bords de Dressel 1B identifiées par M. Loughton mais n (...)

22La ventilation, dans les différents contextes distingués lors de la fouille, des données métrologiques obtenues à partir des mesures de bords, fournit une image moins homogène que leur analyse brute (fig. 310). La distribution statistique des classes de lèvre comptabilisées dans la base de données constituée par M. Loughton trahit, en effet, de nettes différences avec les diagrammes qui illustrent le chapitre V (p. 341–392), notamment en ce qui concerne la part d’amphores tardives présente dans l’échantillon. Elle intègre, en particulier, une quarantaine d’individus de type Dressel 1B, non pris en compte dans les diagrammes ou attribués par erreur à la classe inférieure3.

23Correction faite, le faciès des amphores présentes dans les deux horizons du fossé de péribole accuse une évolution sensible dans la répartition des types :

  • l’horizon le plus ancien (état 1) se caractérise par un assemblage presque exclusivement constitué de variantes anciennes (classes 1 et 2, gréco–italiques, Dressel 1A et types de transition), à l’exception notable de deux bords de type Dressel 1B (classe 3 : contextes 11258 et 1187). Ce faciès est caractéristique de la phase La Tène D1, comprise entre le dernier tiers du iie s. av. J.–C. et le premier quart du siècle suivant. La part non négligeable d’amphores gréco–italiques « classiques » (classe 1, 17 individus) et de variantes de transition (classe 2, 41 individus), concentrées de manière homogène dans certains contextes (12518) fait remonter la constitution de ce faciès aux années 140– 130 avant notre ère. Leur présence caractérise, en effet, les assemblages anciens mis en évidence sur les camps de Renieblas à Numance, de la colonie de Frégelle, des puits de Rodez ou encore, dans les épaves de Punta Scaletta, de Marseille–Mont–Rose et de Filicudi A, constitués antérieurement aux années 130–120 av. J.–C. (Gateau, 1990 ; Poux, 1998 ; Poux, Séllès, 1998). Les deux bords de Dressel 1B, produits au plus tôt dans les années 90 av. J.–C. (Poux, 1998, avec références), ont théoriquement valeur de terminus post quem pour le démantèlement du premier enclos palissadé et la construction de la galerie qui lui succède. Le fait qu’ils proviennent tous les deux de dépôts situés dans l’angle nord–est du fossé, fortement perturbés par les creusements postérieurs, n’exclut pas la possibilité d’un apport intrusif.
  • Ce dernier type est sensiblement mieux représenté dans l’horizon supérieur (état 2), avec une dizaine d’individus dont la datation ne saurait être antérieure aux années 80–70 av. J.–C., lorsque les premières importations d’amphores Dressel 1B arrivent en Gaule (Ibid.). Plus significatif encore, le nombre des formes de transition entre les classes 2 et 3 de Guichard dépasse la soixantaine. La part cumulée de ces variantes récentes totalise 44 % de l’échantillon, pour à peine plus de 10 % dans l’horizon inférieur. Cette proportion est certes inférieure à celle mesurée sur les oppida de Gondole (plus de 80 %) ou de Gergovie (près de 100 %), mais bien supérieure à celle qui caractérise le faciès global utilisé par M. Loughton comme base de comparaison (25 %). Les différences qui séparent ce faciès du précédent sont d’autant plus symptomatiques qu’il comprend sans doute une part non négligeable d’apports résiduels liés à la présence de niveaux plus anciens, qui font défaut sur les deux autres sites. Le terminus post quem induit par les Dressel 1B présentes dans l’horizon inférieur et la mixité des types qui caractérise cet assemblage invitent à situer sa formation sur une courte période comprise entre les années 80/70 et 60/50 avant notre ère (La Tène D2a).
  • Bien que nettement moins fournis sur le plan quantitatif, les assemblages constitutifs des épandages de la cour du sanctuaire et des structures qui les recouvrent présentent un faciès similaire. La part des Dressel 1B (29 individus) et des formes tardives de transition entre les types Dressel 1A et 1B (classes 2 et 3 de Guichard) y dépasse également les 40 %. Le risque de pollutions résiduelles y est d’autant plus grand qu’il s’agit d’amas ouverts, constitués sur le long terme. Leur composition très différente des amas enfouis dans les niveaux inférieurs du fossé de péribole est parfaitement représentative des dernières phases de fréquentation du sanctuaire avant son démantèlement et sa reconstruction au milieu du ier siècle.

Fig. 311 – Comparaison du faciès amphorique des différents sites arvernes.

Fig. 311 – Comparaison du faciès amphorique des différents sites arvernes.

24La sériation stratigraphique des assemblages permet de replacer l’étude des amphores dans une séquence évolutive étalée sur près d’un siècle, cohérente avec celle dessinée par le reste du mobilier. Elle met en évidence un premier faciès, contemporain de la première période de construction et d’occupation du sanctuaire (état 1), dominé par les variantes anciennes d’amphores italiques de type gréco–italique ou Dressel 1A. Daté postérieurement aux années 90/80 avant notre ère, du fait de la présence d’amphores Dressel 1B dans ses premiers niveaux, le second faciès est plus proche de celui mis en évidence sur l’oppidum de Gondole ; plus précisément, des assemblages constitutifs du premier horizon du site, daté entre les années 80/70 et le milieu du ier s. av. J.–C. : la fosse 11, par exemple, qui caractérise les débuts de l’occupation du site à La Tène D2a, se distingue comme l’état 2 du sanctuaire par une minorité de Dressel 1B (10 %) et une majorité (53 %) de types de transition entre les types Dressel 1A et 1B (fig. 311) (voir supra, chap. V, p. 343–344).

25La fin de cet horizon est marquée par les amphores extraites du comblement de la tranchée de fondation qui supporte le mur extérieur de la galerie de l’état 2 (13061). Elles forment un lot peu conséquent (39 bords pour 22 individus) mais très homogène, enfoui en une seule fois lors de la destruction du mur. Constitué d’une majorité d’amphores Dressel 1B ou de variantes de transition entre les types 1A et 1B (14 individus rattachables aux classes 2/3 et 3 de Guichard), il est daté par M. Loughton de la fin de La Tène D2a. Cet assemblage fournit un bon terminus post quem pour le démantèlement et la reconstruction du sanctuaire laténien, qui semble intervenir dès le milieu du ier siècle, au plus tôt dans les années 60–50 av. J.–C. Cette datation concorde avec la chronologie tardive des assemblages recueillis dans le comblement des fossés d’enclos A et B, de composition à peu près équivalente (15 individus sur 27 attribuables aux classes 2/3 et 3 de Guichard).

Fig. 312 – Histogramme d’une sélection des séries de production laténiennes représentatives par ensemble (en NR et en NMI).

Fig. 312 – Histogramme d’une sélection des séries de production laténiennes représentatives par ensemble (en NR et en NMI).

26Cette logique évolutive s’est vérifiée, depuis 2005, pour les milliers d’amphores issues des niveaux stratifiés fouillés dans les quartiers d’habitat qui jouxtent le sanctuaire au nord. La sériation des types, réalisée à partir d’ensembles parfaitement clos et très représentatifs sur le plan statistique, dessine une séquence d’occupation étalée sur plus de cinq générations, entre les années 130–120 et les années 50–30 avant notre ère. Elle permet également de distinguer un horizon ancien, compris entre le début et la fin de La Tène D1, et un horizon récent couvrant toute la première moitié de La Tène D2, jusqu’au milieu du ier s. av. J.–C. et même au–delà, pour une minorité de contextes dominés par le type Dressel 1B (Chanteux, 2007 ; Poux, à paraître).

Céramiques

27Un travail similaire de sériation, effectué à partir des assemblages de vaisselles pris en compte par l’étude du chapitre V (p. 393–463), aboutit à un résultat comparable.

28L’évolution de la céramique est décrite, comme précédemment, à partir de trois ensembles chrono–stratigraphiques : les dépôts et comblements inférieurs du fossé de péribole de l’état 1, les contextes liés à l’aménagement et à l’occupation de la galerie de l’état 2, ainsi que les aménagements internes et les niveaux de sols du sanctuaire rattachés au même état. Le regroupement des contextes permet de pallier la faiblesse des effectifs et de niveler les variations aléatoires de représentation des différents groupes de production. On obtient ainsi trois grands ensembles pourvus, respectivement, de 210, 242 et 245 récipients (NMI).

29L’évolution de la céramique indigène s’illustre surtout à travers la sériation des groupes de production les plus courants (céramique grossière, fine, tournée fine, cuisson en mode A, B ou B’), dont les proportions respectives varient au cours du temps (fig. 312).

30La céramique modelée grossière enregistre une baisse continue en nombre de restes (NR), passant de 24 % dans le fossé palissadé du premier état de péribole, à 21 % dans la galerie monumentale du second état, pour atteindre 8 % sur les sols et aménagements liés à l’abandon du sanctuaire. En nombre d’individus, en revanche, cette catégorie atteint son pic maximum (28 %) dans les contextes attribués à la galerie monumentale. Cette différence peut–être mise sur le compte de la récurrence des pots à cuire (ollae) marquant les activités culinaires exercées autour des foyers de l’état 2. La baisse n’en demeure pas moins effective entre l’ensemble des contextes du fossé (25 %) d’une part, les aménagements et sols internes (17 %) d’autre part.

31Les céramiques tournées fines (hors pâtes claires non calcaires) suivent une tendance diamétralement inverse. Exprimée en nombre minimum d’individus (NMI), leur part est sensiblement plus faible dans les contextes de la galerie (56 %), mais globalement en hausse par rapport aux contextes plus précoces (fossé de l’état 1 : 60 %) ou plus récents (sols et aménagements internes de l’état 2 : 71 %), conformément à la hausse continue enregistrée en nombre de restes (NR, de 51 à 81 %). On note, parallèlement, une baisse continue des céramiques peintes (de 10,4 à 1,5 %) corrélée à une hausse des pâtes claires non calcaires (de 2 à 6,1 %).

32Le mode de cuisson des céramiques tournées fines témoigne lui aussi d’une évolution constante entre les trois ensembles chrono–stratigraphiques étudiés (fig. 313).

33Cette évolution se traduit par la progression du mode B (de 48 à 79 % du NR) au détriment du mode A. Dans le détail, cette généralisation du mode B est encore plus forte pour les productions exemptes d’enfumage, qui évoluent de 21 à 42 % du nombre de restes de tournées fines, de sorte que le pourcentage en NMI de récipients cuits en mode B sans enfumage se stabilise autour de 40,5 % entre les contextes de la galerie et les aménagements internes. Le répertoire morphologique accuse également une évolution, particulièrement perceptible dans la représentation des différentes catégories d’importation et de leurs imitations indigènes (fig. 314).

34Au sein du répertoire indigène, les imitations de types méditerranéens passent de 40 % du répertoire pour l’ensemble du fossé du premier état, à seulement 12 % pour les ensembles de l’horizon 2 (fig. 315). Leur typologie traduit une diminution sensible des bols de type Lamb. 31/33 et la stabilité relative des bols Lamb. 33b, de même que des patères Lamb. 6. La tendance est à la diversification des types imités, avec l’apparition dans l’horizon 2 des patères de type Lamb. 5 et 5/7, des bols Lamb. 1, ou encore des patinae Goudineau 1.

35Discrète dans l’horizon 1, avec 1,9 % du NMI, la vaisselle d’importation avoisine les 4,1 % du NMI de l’horizon 2 pour seulement 2,3 % du NR. La composition des lots dénote une évolution classique. La part de la céramique campanienne A décroit sensiblement : de 38,5 % du NR pour les contextes du fossé de l’état 1, à 22,2 % pour la galerie et 17,1 % pour les aménagements internes de l’état 2. La Campanienne B passe de 50 % dans l’horizon 1, à 63,9 % dans la galerie. Sa part diminue ensuite devant la diffusion de nouvelles importations, marquée par une légère recrudescence des pâtes claires, comme par l’apparition et l’augmentation des parois fines ou des plats à enduit rouge interne (VRP).

36La limite haute du faciès est plus difficile à cerner, compte tenu de la faiblesse de l’effectif issu des niveaux de construction du sanctuaire. La présence, il est vrai très discrète, de tessons de jatte d’Aulnat dans les niveaux inférieurs des fossés d’implantation de l’enclos de péribole (phase 1.1) et de l’enclos A n’en est que plus significative. Cette forme de récipient caractéristique des sites de plaine du Bassin clermontois, réputée absente du faciès de Corent (Collis, Guichard, 1992), ancre les débuts de l’occupation du sanctuaire dans le troisième quart du iie s. av. J.–C. La présence exclusive, dans le même horizon, de formes archaïques de céramique campanienne A (Lamb. 31/33), dont certains fonds sont décorés de palmettes, corrobore cette datation.

37Mieux représentée est la céramique constitutive des dépôts accumulés dans le fossé lors de son fonctionnement et de son démantèlement, qui mêle des mobiliers représentatifs de l’ensemble de l’occupation de l’enclos (phase 1.2). Le répertoire typologique couvre la totalité de La Tène D1, avec une présence plus marquée des formes typiques de la fin de cet horizon : Campanienne A (Lamb. 33b, patères Lamb. 6) et B (Lamb. 1), cruches à pâte claire non calcaire, dolia à méplat interne, ollae à lèvre triangulaire, dont la récurrence caractérise un stade avancé de La Tène D1b.

Fig. 313 – Évolution du mode de cuisson des céramiques tournées fines (en NR).

Fig. 313 – Évolution du mode de cuisson des céramiques tournées fines (en NR).

Fig. 314 – Imitation de types méditerranéens en céramique tournée fine (en NMI).

Fig. 314 – Imitation de types méditerranéens en céramique tournée fine (en NMI).

Fig. 315 – Vaisselle d’importation en nombre de restes (NR).

Fig. 315 – Vaisselle d’importation en nombre de restes (NR).

Fig. 316 – Diagramme récapitulatif des types de fibule par ensemble.

Fig. 316 – Diagramme récapitulatif des types de fibule par ensemble.

38L’état 2 se distingue par l’apparition des imitations des bols Lamb. 1 et des assiettes Lamb. 5, de vases à col tronconique et épaulement, de vase bobine, de céramiques à pâte claire méridionale, à parois fines ou à enduit rouge interne. Ces nouveaux fossiles directeurs absents de l’état précédent caractérisent le premier horizon de l’oppidum voisin de Gondole, dont les datations couvrent toute la séquence de La Tène D2a entre les années 80/70 et 50 avant notre ère (Deberge et al., 2009). Ces trois dernières familles d’importation restent toutefois marginales, puisqu’elles ne comptent au total que seize fragments. Elles fournissent cependant un terminus post quem pour l’abandon du sanctuaire, qui semble intervenir au plus tôt autour du milieu du ier s. av. J.–C.

Fibules

39Parmi les petits mobiliers, le spectre des fibules témoigne d’une évolution similaire, jalonnée par des fossiles directeurs caractéristiques de chaque subdivision de La Tène finale et complétée par quelques exemplaires plus anciens de schéma La Tène moyenne. La sériation, qui porte sur soixante individus retrouvés en contexte stratigraphique fiable, permet de préciser le cadre chronologique de la fréquentation du sanctuaire (fig. 316).

40Le début de l’occupation du sanctuaire, dont témoignent les objets retrouvés dans les niveaux inférieurs du fossé palissadé de l’état 1, est marqué par l’association d’une fibule de schéma La Tène moyenne à quatre spires et corde externe basse, caractéristique des contextes de la fin de La Tène C2 et du début de La Tène D1. Le même horizon a livré trois exemplaires de type « Nauheim », dont un individu classique à arc en tôle fine, une fibule à arc trapu et un dernier individu à arc large, vraisemblablement caractéristique des premières variantes du type. La faiblesse quantitative de cet ensemble, globalement caractéristique de la seconde moitié du iie s. av. J.–C., reflète des pratiques cultuelles différenciées de celles de l’état 2, où les dépôts de fibules ont une importance nettement plus marquée. L’absence de fibule filiforme situe sa limite basse dans une phase évoluée de La Tène D1b. Le même faciès caractérise les sites de plaine de la Limagne clermontoise occupés au iie s. av. J.–C., comme la ferme du Pâtural ou l’agglomération ouverte de Gandaillat (Deberge, Orengo, 2007), abandonnés avant le début du siècle suivant.

41Le faciès de la galerie de l’état 2 se distingue du précédent par la présence majoritaire des fibules de Nauheim, associées à des fibules filiformes appartenant à différentes variantes. La phase initiale de cette occupation peut être cernée au niveau de la branche ouest du fossé. Les vidanges de foyer situées à l’interface entre les dépôts issus du démantèlement de la palissade et les aménagements d’amphores liés à la construction de la galerie (13736–37) ont livré une fibule filiforme en alliage cuivreux, en association avec un exemplaire de schéma La Tène moyenne à arc coudé qui trouve des parallèles à Verna (Isère) ou encore au Fossé des Pandours au col de Saverne (Bas–Rhin) (Perrin, Schönfelder, 2002). Cette association caractéristique d’une phase évoluée de La Tène D1b fournit un terminus post quem pour le début de l’occupation de la galerie, marquée par plusieurs types caractéristiques de La Tène D2.

42Cette occupation est définie notamment par plusieurs fibules filiformes en fer à corde externe et arc cambré ou tendu, une fibule à nodosité dérivant du type de Nauheim, ou encore un exemplaire à arc coudé en angle droit et nodosité (Knickfibel), qui correspondent en Auvergne à des fossiles directeurs de La Tène D2a. Seule détonne dans cet assemblage une fibule à pied grillagé, arc polyédrique et arc outrepassant le ressort, recueillie sur un sol empierré de l’état 2.3 et attribuable à La Tène D2b. Ce type évolué, mais dépourvu de dispositif de protection du ressort (griffe, fixe–corde ou plaquettes), fournit un terminus post quem pour la fin de l’occupation de la galerie. Attesté dans les ouvrages de fortification césariens liés au siège d’Alésia en 52, il caractérise l’horizon de la guerre des Gaules, dans les années 60–50 av. J.–C. (Brouquier–Reddé, Deyber, 2001). Deux exemplaires piégés dans la tranchée de fondation du mur externe de la galerie (13060) correspondent à des variantes évoluées de fibules filiformes, à arc coudé rubané et pied trapézoïdal plein, attribuables à une phase avancée de La Tène D2.

43Le faciès des niveaux de sols livre un assemblage très diversifié, qui résume toute la durée de fréquentation du sanctuaire laténien. L’hétérogénéité des dépôts est imputable à la difficulté de collecter des objets aussi fragiles et réduits que les fibules, qui échappent aux opérations successives de nettoyage des sols du sanctuaire. Le faciès général qui en résulte est caractéristique d’un ensemble de formation lente, mêlant types anciens et récents. Trois fibules en fer de schéma La Tène moyenne représentent les marqueurs les plus anciens. La fin de l’occupation est matérialisée par une grande fibule en fer à arc outrepassant rubané qui constitue, à l’instar de la fibule à pied grillagé mise au jour sur le sol de l’état 2.3 et représentative de La Tène D2b. L’absence d’autres types caractéristiques de cette séquence de La Tène finale, comme des fibules à collerette, à ailettes développées, à pied grillagé ou à griffe préfigurant les systèmes à fixe–corde du début de l’époque augustéenne, ne plaide pas pour une perduration de l’activité du site au–delà des années 50–40 avant notre ère.

44Les types les plus évolués retrouvés sur le sol du sanctuaire présentent, par ailleurs, un excellent état de conservation. Épargnés par les opérations de nettoyage, ils ont vraisemblablement été abandonnés avant la destruction du sanctuaire, à moins qu’ils ne correspondent à des pratiques cultuelles sporadiques, postérieures à sa destruction. Cette seconde hypothèse se heurte toutefois au très bon état de conservation des fibules de Nauheim retrouvées dans les niveaux de remblaiement des fossés de l’enclos A, où elles sont nettement majoritaires. L’association de ces variantes, caractéristique de La Tène D1, avec des exemplaires du type filiforme, ainsi que des monnaies de type EPAD au guerrier frappées à la fin des années 50 av. J.–C. (voir infra), laisse envisager un mode particulier de déposition. Il est possible qu’elles aient été thésaurisées dans le bâtiment, à titre d’offrandes de parures ou de vêtements.

Monnaies

45Des quelque 900 monnaies découvertes dans l’enceinte du sanctuaire de Corent, qui comptent un grand nombre de pièces non identifiées, seules 236 se prêtent à un phasage en stratigraphie (fig. 317). À l’instar des autres catégories de mobilier traitées précédemment, cet effectif se répartit très inégalement sur les trois ensembles chrono–stratigraphiques pris en compte et se concentre à plus de 90 % dans les niveaux supérieurs, contemporains de l’abandon du sanctuaire.

  • 4 Une monnaie à légende MOTVDIACA, réputée tardive, est attribuée au remplissage inférieur de la bran (...)

46Le faciès qui caractérise les niveaux inférieurs du fossé palissadé de l’état 1 est très pauvre, sur un plan tant quantitatif que qualitatif. Composé de dix–sept pièces seulement, dont cinq indéterminées, il inclut principalement des potins, du type au long cou (8 ex.), à la grosse tête (2 ex.) ou à tête diabolique (1 ex.). Leur prédominance est caractéristique des sites de plaine occupés durant le dernier tiers du iie s. av. J.–C. et définit, par exemple, les dernières structures de l’habitat ouvert d’Aulnat–Gandaillat ou la phase 3 de la ferme du Pâtural (Malacher, Collis, 1992 ; Guichard et al., 1993 et, en dernier lieu, Deberge, 2008). Ils sont associés à un bronze d’imitation de Marseille et à un bronze frappé au cheval–cheval, retrouvé dans un niveau de la phase 1.2 contemporain de la fin de cet horizon4. Un autre bronze frappé anépigraphe, monnaie du type « au renard », peut également être attribué à la fin de cet horizon, puisqu’il est attesté dans les remblais liés à l’établissement du sol de la galerie de l’état 2 (phase 2.1).

47Cette dernière se distingue de l’état précédent par un faciès beaucoup plus diversifié, avec cent cinquante–quatre monnaies en contexte pour vingt–huit types différents, accumulés pour une grande part aux abords de l’entrée. Ce faciès est clairement marqué par la domination des bronzes frappés anépigraphes, avec une centaine de pièces comprenant une majorité de monnaies au renard ou cheval–cheval, apparues à l’extrême fin de la phase précédente. Leur proportion est très largement supérieure à celle des potins, qui, avec vingt–cinq pièces, ne représentent plus que 17 % de l’effectif. Celui–ci comprend aussi une part non négligeable de bronzes frappés épigraphes, représentatifs d’une phase plus avancée du ier s. av. J.–C. : sur les dix–huit exemplaires identifiés, neuf correspondent à des bronzes à légende MOTVDIACA et quatre à des bronzes à légende ADCANAVNOS, vraisemblablement frappés sur l’oppidum et présents dès la phase 2.2, à l’instar des bronzes contemporains à légende EPOS.

Fig. 317 – Sériation des monnaies par ensemble.

Fig. 317 – Sériation des monnaies par ensemble.

48Les émissions plus tardives à légende EPAD, CIDU BRI EPAD et EPADVMNACA n’apparaissent que dans la phase suivante, respectivement dans les niveaux d’interface et de démolition de la palissade extérieure. Ce contexte est particulièrement représentatif d’une phase avancée de La Tène D2, avec la présence d’une monnaie A3 du type La Chapelle–Laurent et de deux potins au sanglier, qui correspondent à des types bien attestés à Alésia dans les contextes liés au siège de 52 av. J.–C.

49La frappe des trois variantes de légendes épigraphes fondées sur le thème EPAD, qui renvoie au patronyme du chef arverne Epa (d) snactus distingué par César, apparaît également centrée sur la guerre des Gaules. La plus récente, dite « au légionnaire », est représentée sur le site par une dizaine d’exemplaires. Son émission est incontestablement postérieure à la fin de la guerre et se place, selon les spécialistes, à l’extrême fin des années 50 av. J.–C. La variante plus ancienne CIDU BRI, majoritaire dans la phase 2 de Gondole (Deberge et al., 2009), lui semble à peu près contemporaine. La discrétion des monnaies à légende MOTVDIACA et ADCANAVNOS, beaucoup mieux représentées sur le reste de l’oppidum (respectivement 140 et 144 occurrences) est significative, tout comme l’absence d’autres types caractéristiques de La Tène D2 ou de l’époque augustéenne, tels que les monnaies à légende VERCA ou DONNADV. Ce faciès permet de proposer, pour la galerie, une date de démolition située à la transition entre La Tène D2a et La Tène D2b dans les années 60/50 av. J.–C.

50Les niveaux de sols et les aménagements internes du sanctuaire livrent, au cours de la même phase, un faciès relativement riche et diversifié avec soixante–trois monnaies et vingt-cinq types différents, représentatifs de la totalité de la fréquentation du sanctuaire. Aucun d’entre eux ne se dégage clairement du lot, mais les bronzes frappés sont majoritaires dans tous les contextes. Leurs premières variantes anépigraphes sont les mieux représentées (41 ex.) et prédominent sur les potins de datation ancienne (au long cou, à la grosse tête ou à tête diabolique, soit 10 des 18 ex. répertoriés, dont un potin au sanglier de chronologie plus récente). Ce faciès est surtout caractérisé par une forte proportion de bronzes épigraphes tardifs frappés dans le courant de la guerre des Gaules. Il comprend, en particulier, une dizaine de monnaies à légende EPAD « au légionnaire » retrouvées dans la cour et au sommet des comblements supérieurs de l’enclos A, qui attestent une fréquentation du site après la conquête ou une démolition du sanctuaire durant cette période (Poux et al., 2002).

Fig. 318 – Planche récapitulative des mobiliers du iiie s. av. J.-C.

Fig. 318 – Planche récapitulative des mobiliers du iiie s. av. J.-C.

51Comme pour les fibules, la diversité des types représentés plaide en faveur des ensembles de constitution longue, notamment en ce qui concerne les sols qui entourent les fosses cuvelées (E) et la structure sur poteaux (D). Dans la mesure où elle ne renvoie pas à des phénomènes de circulation secondaire, cette diversité pourrait s’expliquer, d’un point de vue taphonomique, par la petite taille des pièces, qui ont pu échapper au nettoyage drastique du sanctuaire à la fin de l’état 1 et à la mise au rebus des offrandes dans les terres de remblai du fossé palissadé.

HORIZONS CHRONOLOGIQUES

Une fréquentation au iiie siècle avant J.–C.?

52Quelques mobiliers épars, issus pour la plupart de contextes plus récents, témoignent d’une fréquentation du site à la période laténienne à partir du iiie s. av. J.–C. Ce premier horizon, attribuable au début de La Tène moyenne, n’est attesté sur le sanctuaire que par une petite série d’artéfacts (fig. 318) :

  • un fragment de bouterolle à faible ajour du type 3B de Th. Lejars, caractéristique du début de La Tène C1 ;
  • un fragment de bracelet méandriforme à fil tressé en « S » du type 4 de H. Delnef, dont la datation couvre les périodes La Tène B2 et La Tène C1, soit entre la fin du ive s. et la fin du iiie s. av. J.–C. ;
  • deux pots culinaires de forme subovoïde, dont un à panse raclée, caractéristiques de la phase de transition entre La Tène ancienne et La Tène moyenne ;
  • deux écuelles à profil concave et lèvre arrondie, ainsi qu’une jatte à lèvre à gorge sommitale, semblable à un exemplaire issu d’une fosse du site de Pied de l’Âne à la Moutade, en Auvergne.

53À ce petit corpus peut être associé un fragment de bracelet en bronze à protubérances, caractéristique de la même période et découvert en prospection sur le plateau. Réunis, ces objets de qualité attestent d’un contact entre le iiie s. av. J.–C. et la fin de La Tène moyenne, qui assiste à la fondation du sanctuaire. Cette relation pourrait être d’ordre fonctionnel, puisque ces artéfacts – en particulier la bouterolle – peuvent aisément être intégrés dans les modalités de dépôt connues pour les sanctuaires de La Tène C1.

54Interpréter ces quelques objets comme les témoins d’une activité religieuse demeure toutefois aléatoire, quand bien même ils ne refléteraient la célébration que d’une seule cérémonie. L’hypothèse d’un ensemble issu d’une ou plusieurs tombes remaniées, ou encore celle de dépôts régis par des rites complexes faisant appel à des objets anciens, sélectionnés à ce titre, peuvent également être évoqués sans que l’on soit en mesure de fournir une argumentation pertinente pour le démontrer.

Phase 1.1 : construction de l’enceinte palissadée (La Tène D1a)

55Les niveaux de calage de la palissade fournissent peu d’éléments céramiques, qui se limitent à trente–neuf vases comportant un taux trop élevé de résidualité pour permettre d’avancer une datation fiable. L’étude céramologique a toutefois permis de mettre en évidence un ensemble directement superposé aux calages de la palissade et correspondant probablement aux toutes premières traces d’occupation de l’état 1. Cet ensemble (12518– 12522) montre un faciès antérieur à celui de la phase suivante, avec plusieurs types attribuables à La Tène D1a, dans le courant du troisième quart du iie s. av. J.–C.

56Il est caractérisé par :

  • des vases cuits en mode A, majoritaire pour les céramiques fines ;
  • l’absence de céramiques à pâte claire non calcaire, bien représentées sur le reste du site ;
  • un répertoire de céramiques grossières et fines caractéristiques des faciès régionaux du iie s. av. J.–C., où les imitations sont exclusivement composées de dérivés de coupe Lamb. 31/33, déjà fréquents durant la phase 3 du Pâtural datée de La Tène D1a/b ;
  • une présence déjà significative de la céramique cuite en mode B, qui exclut une datation plus ancienne, durant La Tène C2.
  • des amphores qui, pour certaines, présentent des caractères archaïques relevant de la catégorie des types gréco–italiques « classiques » (classe 1 de Guichard) ou des variantes de transition (classe 2), dont la période de diffusion est antérieure aux années 120–130 av. J.–C.

57Cette datation est corroborée par le petit mobilier associé, qui comporte :

  • une fibule en fer à quatre spires et corde externe basse, correspondant vraisemblablement à un exemplaire de schéma La Tène moyenne ;
  • une variante de bouterolle de type Giubiasco 2, attribuée à l’extrême fin de La Tène C2 ou au début de La Tène D1 et attestée localement à Aigueperse, dans un contexte de la seconde moitié du iie s. av. J.–C.

58On précisera encore que la seule monnaie susceptible d’être attribuée à cette phase est un potin au long cou, type présent sur les sites de plaine dès le milieu du iie s. av. J.–C.

59Cet ensemble montre un faciès nettement plus ancien que celui issu du comblement détritique de l’enclos palissadé. Sa dynamique occulte la phase d’occupation liée à cet état – dont les vestiges ont été rejetés pêle–mêle dans le vide laissé par la palissade lors de son démembrement. Il permet de fixer la construction de l’état palissadé dans le courant de La Tène D1a, soit dans le troisième quart du iie s. av. J.–C. (fig. 319). De nombreux éléments résiduels issus de la phase 1.2, ainsi que du reste du site, confortent cette attribution chronologique (voir également infra).

Phase 1.2 : occupation et destruction de l’enceinte palissadée (La Tène D1a-D1b)

60Le mobilier de la phase 1.2 correspond aux dépôts piégés dans les négatifs de la palissade lors de son démantèlement. Il peut, par conséquent, être assimilé à un corpus mixte mêlant le matériel lié à l’occupation et à la démolition de l’état palissadé. Deux catégories d’ensembles ont été sélectionnées pour établir la datation de cet horizon : les couches scellées par les remblais de construction de la galerie monumentale, d’une part, et les portions du fossé où les niveaux de l’état 2 n’ont pas été conservés, d’autre part, garantissant l’homogénéité des ensembles.

61Bien que faussé par un fort taux de résidualité (38 % du NMI), le corpus céramique se rapporte principalement à La Tène D1b (fig. 320). L’ensemble de cette phase se distingue des niveaux précédents par plusieurs évolutions significatives :

  • une prédominance du mode de cuisson B véritable pour les céramiques fines, avec une part encore nettement majoritaire d’éléments enfumés ;
  • une bonne représentation des cruches à pâtes claires non calcaires, au détriment des céramiques peintes ;
  • un faciès d’importation dominé par la Campanienne B par rapport à la Campanienne A avec une attestation de bol Lamb. 1, caractéristique du ier s. av. J.–C. ;
  • des imitations de Campanienne fréquentes dans le répertoire des formes basses en céramique fine, comportant toujours une majorité d’imitations de bols Lamb. 31/33 mais aussi de nouvelles variantes de type Lamb. 33b et des patères Lamb. 6 ;
  • un répertoire typologique indigène qui conserve des caractères anciens, tels que des pots à provisions à col court, les décors lissés radiaux sur les céramiques fines, avec de rares éléments attestés plus fréquemment au ier s. av. J.–C., comme les dolia à col incurvé souligné par un méplat et les pots à cuire à lèvre triangulaire ;
  • un faciès des amphores, toujours dominé à plus de 95 % par les nombreuses variantes anciennes du type Dressel 1A, qui ne comprend que deux lèvres d’amphores Dressel 1B, type produit au plus tôt à partir des années 90–70 av. J.–C., peut–être d’origine intrusive.

62La majorité du corpus montre un faciès caractéristique du début de La Tène D1b, centré sur le dernier tiers du iie s. av. J.–C. La présence relativement marquée de formes dont l’apparition n’est pas antérieure au ier s. av. J.–C. permet de proposer un terminus post quem pour cette phase avant la fin de La Tène D1b, dans les années 90 avant notre ère.

Fig. 319 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique de la phase 1.1.

Fig. 319 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique de la phase 1.1.

Fig. 320 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique de la phase 1.2.

Fig. 320 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique de la phase 1.2.

63Le lot de parures attribuées au même horizon montre également des caractéristiques imputables au dernier tiers du iie s. av. J.–C. :

  • deux fragments de fibules, dont un seul exemplaire clairement identifiable, attribué au type de Nauheim ;
  • des bracelets métalliques à jonc lisse, dont un fragment d’exemplaire à épissure et un individu complet à extrémités moulurées fermées par chevauchement, datés à Fesques comme à Mirebeau de La Tène C2 et présents sur les sites de plaine arvernes (Le Pâtural, Gandaillat ou Aigueperse) dans la seconde moitié du iie s. av. J.–C. ;
  • l’absence de bracelets tubulaires, considérés comme caractéristique d’une phase évoluée de La Tène D1 en Auvergne ;
  • un faciès de parures en verre dominé par les perles, avec toutefois deux fragments de bracelets à section en « D », association caractéristique des faciès de la seconde moitié du iie s. av. J.–C. sur les sites de Limagne ;
  • une prédominance des perles en verre monochromes (bleu, incolore, brun) associées à des exemplaires en verre brun à décor moucheté jaune et en verre bleu à décor spiralé, attestés dès La Tène D1a dans les tombes de la nécropole de Sarliève ;
  • l’absence de perles à damier, pourtant relativement fréquentes sur la totalité du site.

64L’état 1 livre la plus grande quantité d’armement, avec plusieurs éléments caractéristiques de la seconde moitié du iie s. av. J.–C., dont :

  • plusieurs fragments constitutifs d’une extrémité de fourreau du type A1 de J.–P. Guillaumet, datés sans autre précision de La Tène C2, par comparaison avec plusieurs exemplaires similaires issus du « Massenfund » de Berne–Tiefenau ;
  • deux pinces de bouterolle en fer caractéristiques des fourreaux du groupe « Ludwigshafen », attesté dès la fin de La Tène C2 et durant toute La Tène D1 ;
  • une extrémité de fourreau caractérisée par un reliquat de bouterolle à gros bouton, spécificité typologique qui disparaît à la fin de La Tène C2 ;
  • une attache de ceinture à plate–forme atrophiée et bouton émaillé du type 4A1b de G. Bataille, datée de la transition La Tène C2–La Tène D1 ;
  • un fragment d’umbo à spina très amincie, caractéristique du type 6 de Gournay–sur-Aronde, daté de la fin de La Tène C2 et de La Tène D1.

65Le faciès monétaire se distingue principalement par la pauvreté du corpus (10 pièces) par rapport à l’état 2, observation qui constitue en soi un élément de datation, caractéristique du début de La Tène D1. Les cinq exemplaires identifiés correspondent au faciès habituel des sites de plaine arvernes de la seconde moitié du iie s. av. J.–C., marqué par la prédominance des potins (au long cou, à la grosse tête, à la tête diabolique), un petit bronze d’imitation de Marseille et un bronze frappé au cheval–cheval. Ce dernier représente la monnaie la plus évoluée de cet horizon, qui ne comporte aucun bronze frappé épigraphe et ne saurait, par conséquent, avoir perduré bien au–delà de la première décennie du ier s. av. J.–C.

66Ce corpus, globalement caractéristique de la seconde moitié du iie s. av. J.–C., est étayé par quelques pièces datées typologiquement de la même période mais découvertes à l’extérieur du fossé :

  • des céramiques emblématiques du iie s. av. J.–C., comme les jattes à bord rentrant ou les vases à épaulements, un fragment de jatte d’Aulnat ou encore, des céramiques campaniennes A, représentées par un bord de bol Lamb 31 et une coupe Lamb 1/8 ;
  • plusieurs bracelets côtelés en verre bleu, dont un exemplaire à côte centrale fine, un exemplaire à quatre côtes et applique de filament jaune, ainsi qu’un exemplaire incolore à grand côte centrale ;
  • un fragment de perle oculée à protubérances en verre bleu et applique de filaments jaunes, attribuable à La Tène C2–D1 ;
  • plusieurs fibules en fer de schéma La Tène moyenne, absentes sur le reste du site, comportant des exemplaires à quatre spires et corde externe basse, encore attestés en contexte de La Tène D1 sur les sites de plaine arvernes, un individu à arc massif caractéristique d’une phase ancienne de La Tène C2, ou encore une fibule à ressort en arbalète, attestée localement dans les contextes de transition entre La Tène moyenne et finale ;
  • une bague à terminaisons enroulées, attestée dans les tombes de La Tène D1a ;
  • des bracelets à extrémités empâtées, caractéristiques des sites de Limagne ;
  • un talon de lance à soie, système de fixation de hampe qui a tendance à disparaître à partir de la fin de La Tène C2 pour faire place aux exemplaires à douille ;
  • un fragment de fourreau de type Giubiasco 2, attribuable à la fin de La Tène C2 ou au début de La Tène D1.

67Cette combinaison d’éléments résiduels liés à la phase de fondation du sanctuaire (phase 1.1) et de rejets liés à son occupation (phase 1.2), permet d’avancer, pour l’ensemble de l’état 1, une datation centrée sur la phase de transition D1a–D1b, dont les limites extrêmes s’inscrivent entre la toute fin de La Tène C2 (140–130 av. J.–C.) et la fin de La Tène D1b, au début du ier s. av. J.–C. (100–80 av. J.–C.).

Phase 2.1 : construction de la galerie monumentale (fin de La Tène D1b)

68La phase de construction de la galerie monumentale n’est documentée que de manière éparse, principalement par une concentration du mobilier incluse aux remblais de pouzzolane disposés, à proximité de l’entrée, sur les rejets détritiques de la phase précédente. Il est vraisemblable, dans ces conditions, qu’une partie du mobilier provienne des mêmes dépôts et se rattache, en stratigraphie, à l’état 1.

69Sur le plan du mobilier céramique, le corpus à disposition (300 NR pour 19 NMI) ne permet pas d’avancer des arguments de datation très assurés. Le faciès est très similaire à la phase précédente (phase 1.2), mais s’en distingue toutefois par quelques caractères plus évolués : la présence de formes nouvelles, comme une jatte à goulot verseur en céramique grossière, ou encore une coupe à col cylindrique en céramique fine, plaide en faveur d’une datation centrée sur la première décennie du ier s. avant notre ère. Le rapport entre les modes de cuisson des céramiques fines, qui montre une prédominance encore plus marquée du mode B qu’à la phase précédente (55 à 61 % des restes de céramique fine tournée), constitue également un élément chronologique fiable.

70Les amphores Dressel 1B « classiques » demeurent extrêmement discrètes dans un faciès presque exclusivement constitué de variantes plus anciennes et se limitent à une seule lèvre rattachable à la classe 3 de Guichard, découverte à l’interface des niveaux supérieurs. Les formes de transition entre les types Dressel 1A et 1B (classes 2 et 3 de Guichard) ne sont guère mieux représentées (11 individus, soit à peine 8 % de l’effectif).

71L’étude de la parure conduit globalement à la même datation, avec la présence de deux fibules de Nauheim dont un exemplaire à arc large, daté de La Tène D1b, d’une perle en verre bleu monochrome attestée depuis la fin de La Tène C2 et durant toute La Tène D, ou encore d’un fragment de bracelet tubulaire caractéristique d’une phase évoluée de La Tène D1. Les restes de deux bracelets en lignite, de chronologie identique, sont également à signaler. L’évolution du faciès monétaire n’est pas non plus très marquée : il reste dominé par les potins, dont six exemplaires au long cou et un exemplaire à la grosse tête, désormais associés aux petits bronzes frappés au renard produits sur le site, représentés par trois exemplaires.

72Cet horizon de construction, encore très marqué par les éléments résiduels arrachés aux occupations antérieures, demeure fortement ancré dans La Tène D1b, à la charnière du iie et du ier s. av. J.–C. Au vu des éléments les plus récents présents dans ce niveau, sa limite basse ne saurait excéder les années 90/80 av. J.–C.

Phase 2.2 : occupation de la galerie (La Tène D1b-D2a)

73Ce faciès d’occupation est établi à partir du mobilier issu d’ensembles clos situés sous les empierrements, correspondant aux réaménagements de la phase suivante (2.3). Il provient principalement de niveaux de circulation qui sont clairement différenciés de ceux de l’état précédent, soit par un niveau de remblai de pouzzolane, soit par des aménagements de sol en tessons d’amphores posés à plat. La position stratigraphique des ensembles garantit leur homogénéité et exclut la présence d’éléments intrusifs, antérieurs ou postérieurs.

74Le faciès de la céramique indigène, qui présente des différences notables (fig. 321) avec celui de l’état précédent, se distingue par :

  • l’apparition, dans le répertoire des céramiques grossières, de nouvelles variantes de dolia à bord infléchi et de formes d’ollae à col et épaule plus affirmés ;
  • une nette prépondérance du mode B pour les céramiques fines, avec une forte proportion de céramiques dites « froides », cuites en mode B sans enfumage ;
  • une diversification générale du répertoire des céramiques fines, qui comprend de nouvelles formes hautes comme les vases bitronconiques et des formes basses montrant une grande variété de déclinaisons d’écuelles, dont une part croissante possède un bord déversé ;
  • une augmentation notable des céramiques décorées à la molette ou ornées d’ondes peignées ;
  • un faciès d’importations largement dominé par la campanienne B avec l’apparition des patères Lamb. 5, ainsi que par la présence de pâtes claires méridionales, de parois fines et de céramique culinaire à enduit rouge interne ;
  • une évolution du répertoire des imitations de céramique campanienne, avec une plus grande proportion de patères Lamb. 6 au détriment des Lamb. 31/33, majoritaires à la phase précédente, et l’apparition encore discrète des formes Lamb. 1 et Lamb. 5 ;

75Les amphores Dressel 1B sont représentées de manière plus significative, avec une part de lèvres « classiques » attribuables à ce type (classe 3 de Guichard) qui atteint près de 10 % et s’assortit d’une proportion importante de formes de transition (classes 2 et 3 de Guichard) dont le nombre cumulé atteint 44 % de l’échantillon.

76La parure liée à cette phase est nettement plus abondante que celle de la phase précédente. Elle est majoritairement dominée par les fibules, dont une vingtaine d’exemplaires en contexte, correspondant aussi bien à des types en usage à La Tène D1 qu’à La Tène D2 :

  • huit fibules de Nauheim caractéristiques de La Tène D1, voire de La Tène D1b, dont le port se poursuit vraisemblablement dans le courant de La Tène D2 ;
  • trois exemplaires à ressort à corde externe et à arc tendu, qui apparaissent dans la région à l’extrême fin du iie s. et perdurent jusqu’à la fin du ier s. av. J.–C. ;
  • deux fibules filiformes à corde externe haute en fer, caractéristiques de La Tène D2 lato sensu ;
  • une fibule en fer à coquille, emblématique d’une phase évoluée de La Tène D2 ;
  • une fibule à ressort à corde interne et arc coudé orné d’une perle (Knickfibel) caractéristique de La Tène D2 et dont l’apparition est située à la transition entre La Tène D1b et La Tène D2a.

Fig. 321 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique de la phase 2.2.

Fig. 321 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique de la phase 2.2.

77L’accroche chronologique fournie par les fibules est confortée par la présence d’autres éléments de parure tels que :

  • des fragments de bracelets tubulaires, qui apparaissent dès le début de La Tène D1 mais dont la fréquence augmente au cours de cette phase de La Tène finale ;
  • un faciès général des parures en verre représenté uniquement par des perles toriques attribuables à La Tène D1, dont plusieurs exemplaires présentant une ornementation de plus en plus complexe.

78Le corpus des monnaies présente, dans cette phase, un effectif beaucoup plus fourni et varié comprenant plus de cent cinquante monnaies en contexte. Les bronzes frappés y prédominent par rapport aux potins qui ne représentent plus qu’un quart du faciès. Bien qu’attestés dans la phase précédente, les petits bronzes arvernes au cheval–cheval et surtout les monnaies au renard constituent les numéraires majoritaires, avec respectivement 12 % et 32 % du corpus. Leur émission est globalement caractéristique de la première moitié du ier s. av. J.–C. Cette fourchette tardive est confortée par la présence de monnaies épigraphes arvernes à légende MOTVDIACA (7), IIPOS (1) et ADCANAVNOS (4). Considérées comme des marqueurs très représentatifs de La Tène D2a, ces monnaies sont bien attestées sur le site de Gondole daté de La Tène D2. Les premières monnaies de la série (MOTVDIACA) étant plus nombreuses que les autres types épigraphes attestés en grand nombre à Gondole, il est tentant d’y voir une relation d’antériorité pour ce type qui n’est représenté que par une seule occurrence dans le mobilier provenant des fouilles récentes menées sur le site.

79On soulignera encore que les monnaies à légende ADCANAVNOS constituent l’une des monnaies arvernes les mieux représentées à Corent comme à Alésia. Aucune émission caractéristique du monnayage arverne post–conquête, comme les EPAD au guerrier, n’est attestée dans cet ensemble, excluant par la même une datation débordant sur La Tène D2b. L’absence des monnaies à légende CICEDVBRI/EPAD, des plus communes à Alésia et dans la seconde phase de l’oppidum de Gondole (La Tène D2b), plaiderait en fait pour une datation légèrement antérieure au milieu du premier siècle.

80En comparaison avec les ensembles étudiés sur l’habitat adjacent, ces données distinguent un faciès de La Tène D2a encore bien marqué par les caractères typologiques de la phase précédente (La Tène D1b) et peu perméable aux apports tardifs qui caractérisent les faciès postérieurs à la guerre des Gaules (La Tène D2b). Cette phase semble donc devoir être datée, en chronologie absolue, entre les années 90/80 et 60/50 av. J.–C.

État 2.3 : réaménagement de la galerie monumentale (La Tène D2a/D2b)

81L’étude du mobilier de cette phase prend en compte les ensembles découverts en surface des empierrements – qui correspondent à des réfections ponctuelles de la galerie périphérique – ainsi que dans la tranchée de fondation du mur extérieur de la galerie, comblée lors de son démantèlement. Les premiers se trouvent au contact direct des niveaux de construction et de fonctionnement du sanctuaire d’époque romaine et demeurent, de ce fait, difficiles à individualiser.

82La présence de marqueurs céramiques tardifs, bien identifiés au sein de la sériation régionale et sur le site même de Corent, permet de garantir la pérennité du fonctionnement du sanctuaire jusqu’à une étape avancée de La Tène D2 avec notamment (fig. 322) :

  • des importations et des imitations de patère Lamb. 5, attestées par deux exemplaires issus des empierrements ;
  • des importations de patinae italiques à vernis rouge interne ;
  • des lèvres en gouttière rattachables à des récipients en forme de bulbe caréné, caractéristiques d’un faciès évolué de La Tène D2 ;
  • des céramiques indigènes à engobe rouge, dont la production tardive est attestée à Gondole, ou encore quelques pâtes claires régionales à engobe micacé.

83La rareté de ces marqueurs interdit cependant un rapprochement avec les ensembles régionaux de La Tène D2b de Gondole ou de Gergovie. Le faciès céramique incite à proposer une datation n’excédant guère le milieu du ier s. pour l’occupation liée à ce réaménagement.

84Le petit mobilier ne permet pas non plus d’envisager une perduration de cette occupation très au–delà du début de La Tène D2b :

  • des fibules en alliage cuivreux à corde externe haute et arc filiforme cambré, dont un exemplaire à pied grillagé caractéristique d’une phase évoluée de La Tène D2 ;
  • des fibules filiformes en fer, dont un exemplaire à corde interne et arc coudé (Knickfibel), un individu à arc tendu et un exemplaire à arc coudé et corde externe haute, formant un ensemble caractéristique de La Tène D2 ;
  • des perles en verre à décor en damier attesté uniquement à partir de cette phase mais dont la technologie est connue depuis La Tène D1.

85Le faciès monétaire, très semblable à celui de la phase précédente, conduit à la même conclusion. Hormis l’apparition d’une monnaie à légende CICEDV BRI EPAD dans la tranchée de palissade extérieure, le terminus post quem est fourni par une dizaine de monnaies de type EPAD « au légionnaire », émises en 52/51 av. J.–C. et abandonnées au sommet des niveaux de démolition de l’enclos A, qui doivent être rattachées au début de l’état suivant.

Fig. 322 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique de la phase 2.3.

Fig. 322 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique de la phase 2.3.

État 3 : sanctuaire romain, premier état en terre et bois (La Tène D2b-Auguste)

86La période qui succède au démantèlement du sanctuaire au milieu du ier s. av. J.–C. et précède la construction de la galerie maçonnée du Haut–Empire, n’est matérialisée que par des vestiges mal conservés de constructions périssables et très arasées (galerie, enclos A, fosses cuvelées), corrélées à des mobiliers gallo–romains précoces établissant le lien entre ces deux horizons. Si ces vestiges sont à l’évidence postérieurs à ceux des aménagements de la galerie gauloise de la phase 2.3, dont ils recouvrent les négatifs d’arrachage, il est plus difficile de les distinguer en chronologie absolue.

87Le solin empierré qui recouvre les niveaux de comblement de la tranchée de fondation, datés de La Tène D2, est associé en plusieurs endroits à un niveau d’argile issu de l’effondrement de son élévation en terre, globalement très pauvre en mobilier. Le seul tesson identifiable, découvert sous la branche septentrionale de la galerie en 1993, correspond à un plat en céramique fumigée, imitant une forme du service sigillée I de Haltern (Guichard, 1993 et supra, chap. V, p. 365). Les niveaux contemporains (19055) fouillés en 2009 dans le même secteur ont livré une fibule à arc polyédrique outrepassant, caractéristique de la seconde moitié du ier s. av. J.–C.

Fig. 323 – Petit mobilier caractéristique de l’état 3.

Fig. 323 – Petit mobilier caractéristique de l’état 3.

88Cet horizon d’interface, inscrit entre la destruction du sanctuaire laténien dans le courant de la guerre des Gaules et le début du règne d’Auguste, est caractérisé sur le site par un faciès gallo–romain précoce qui correspond grosso modo à la phase La Tène D2b (60/50– 30/20 av. J.–C.). Sa définition s’appuie principalement sur une série d’éléments résiduels mis au jour dans des contextes plus récents ou à la surface de la cour, dans les premiers niveaux de fréquentation qui recouvrent le comblement des structures en creux du sanctuaire laténien (fig. 323) :

  • des bronzes frappés épigraphes arvernes émis dans les années qui suivent la conquête romaine, parmi lesquels une dizaine de bronzes frappés à légende EPAD au guerrier, dont l’émission date des années 51/52 av. J.–C., ont été retrouvés sur le comblement sommital des fossés de l’enclos A. Au niveau de l’entrée, les remblais gallo-romains antérieurs à la destruction de la galerie maçonnée (12033) ont eux aussi livré un important lot de monnaies gauloises très tardives : pièces à légende DONNADV, EPAD au guerrier ou VERCA, associées à d’autres frappes contemporaines du siège d’Alésia (ADCANAVNOS, deniers de type La Chapelle–Laurent). Ce lot monétaire homogène, qui inclut une minorité d’éléments en relation avec les occupations laténiennes antérieures, documente un niveau d’interface mal différencié à la fouille et lié aux premières années d’occupation du sanctuaire romain ;
  • une fibule à ailette naissante (Knotenfibel) caractéristique des années 60–40 av. J.–C., provenant d’une fosse (13035) dont le creusement a traversé les sols empierrés de la branche orientale de la galerie laténienne (état 2.3) ;
  • une fibule à collerette (Kragenfibel) découverte hors contexte, mais caractéristique de l’extrême fin de La Tène D2b et du début de la période augustéenne ;
  • quelques clous de chaussure appartenant à l’équipement militaire (caligae) d’époque tardo–républicaine, retrouvés en surface des empierrements ou dans des contextes remaniés ;
  • une virole de pilum en fer ornée de guillochis, dont un parallèle exact découvert à Lyon provient d’un remblai daté du tout début de notre ère ;
  • une sonde de trousse de toilette moulurée, datée par J. Metzler et A. Miron du début de la période augustéenne ;
  • un demi as de Nîmes, incrusté dans le revêtement de dalles calcaires (11369) qui recouvre les sols environnant les fosses cuvelées héritées du sanctuaire laténien ;
  • un as d’Auguste, piégé au sommet du négatif d’arrachage de l’un des trous de poteaux de la galerie de l’état 2 (11239).

89À ce premier horizon romain se rattachent théoriquement les autres monnaies augustéennes découvertes sur le site, hors contexte ou en situation résiduelle, dans des niveaux plus récents (as ou dupondii de Nîmes, as à l’autel de Lyon). Leur présence peut tout aussi bien être imputée à un phénomène de circulation secondaire, puisqu’elles ont continué à être en usage jusqu’à la fin du ier s. et même au–delà.

90Ce mobilier témoigne d’une phase de reconstruction et de fréquentation du sanctuaire consécutive à la conquête, après un laps de temps qu’il est difficile de déterminer précisément, compris entre les années 40 et 20 avant notre ère. Au niveau du péribole, cette première construction en matériaux périssables est rapidement remplacée par une nouvelle galerie maçonnée dont l’édification ne saurait être antérieure, dans la région, à la fin du règne d’Auguste, voire à l’époque tibéro–claudienne.

Phase 4.1 : sanctuaire romain, premier état maçonné (ier s. apr. J.-C.)

91La reconstruction du sanctuaire intervient au plus tôt au début du ier s. de notre ère. Cet horizon marque l’apparition des premières structures maçonnées du portique de péribole, antérieures à la galerie monumentale constitutive de son dernier état (4.2 et 4.3). Il est aussi le plus mal daté, puisque aucun niveau de sol ne peut lui être clairement associé. Le faciès correspondant aux tracés de murs les plus anciens et au solin formant le stylobate du portique est documenté par quelques contextes et mobiliers épars (fig. 324) :

  • un niveau romain (13024) piégé au sommet de la branche orientale du fossé laténien, composé de mortier et de tuile issus de la démolition de ce premier état maçonné, est caractérisé par l’association de trois fibules d’époque julio–claudienne : une variante évoluée du type Aucissa (Feugère 22b2), une fibule à ressort caché (Hülsenspiralfibel) et une fibule de type « pseudo La Tène II », caractéristiques des deuxième et troisième quarts du ier s. apr. J.–C. ;
  • la favissa ou édicule qui occupe la portion de cour située devant l’entrée livre, dans ses couches les plus anciennes qui recouvrent les niveaux laténiens (12035), un autre lot de fibules entières ou bien conservées, vraisemblablement déposées à titre d’offrande : fibules de type Nertomarus, à queue de paon, « pseudo La Tène II » ou Langton Down, ainsi qu’une fibule géométrique cruciforme, dont l’apparition se situe entre la fin du règne d’Auguste et la période flavienne. Elles sont associées, dans le même niveau, à un as de Claude ;
  • des marqueurs céramiques contemporains qui sont plus rares mais bien caractérisés (céramique engobée rouge ou blanche, sigillée de Gaule centrale non grésée de type Ritt. 5 ou de type Drag. 27, lampe à volutes). Dans les niveaux de remblai servant au rehaussement des sols de la cour ou de la galerie, ils sont souvent mêlés à des éléments plus récents, liés à la fréquentation de cet espace aux époques postérieures. Certains niveaux (11121, 11123, 11136) se distinguent néanmoins par leur composition plus homogène et l’absence de marqueurs tardifs liés à l’état suivant (formes tardives de sigillée de Gaule centrale, marmites à collerette, céramique métallescente…).
  • Les radiers de construction (12034, 12042 et 12043) du sol (12018–12019) de l’état suivant (4.2) comportaient un nombre important d’éléments en remploi, dont une tête de statuette en calcaire, associée à un as de Néron (12043) et à quelques tessons de céramique engobée blanche, de céramique tournée grise ou pâle fine, caractéristiques du ier siècle.
  • En relation avec le mur (12038) de la galerie orientale ont été retrouvés deux tessons de sigillée de Gaule centrale, de type Drag. 35–36. À l’instar des tessons de bols à reliefs moulés de type Drag. 37 inclus aux maçonneries de l’état suivant (4.2, voir infra), ils indiquent que cette occupation a perduré au moins jusqu’à l’époque flavienne et fournissent un terminus post quem pour la fin de cet état, qui intervient au plus tôt dans les années 70 apr. J.–C.

92Ces éléments permettent d’assigner aux maçonneries de la phase 4.1 une datation assez large couvrant tout le ier siècle, comprise entre le changement d’ère et l’époque flavienne. Le faciès général des fibules, qui ne comprend aucun type augustéen « classique » (Aucissa, Almgren 241), tend à resserrer cette datation entre le deuxième et le troisième quarts du siècle.

Phase 4.2 : sanctuaire romain, second état maçonné (iie s. apr. J.-C.)

93Cet état caractérise une phase majeure de reconstruction et de monumentalisation du sanctuaire. Superposé à l’état précédent, dont il reprend ou recoupe les murs, le péribole acquiert son aspect définitif et s’enrichit de nouveaux bâtiments (temple à galerie périphérique, édifié dans l’axe de l’entrée). Cette étape est mieux datée que la précédente, par la découverte de quelques monnaies et fossiles directeurs inclus aux maçonneries ou aux remblais sur lesquels elles s’appuient (fig. 325) :

  • un fragment de sigillée de Gaule centrale a été piégé dans le hérisson de fondation (15323) de la galerie périphérique du temple à cella centrée. Ce tesson, auquel adhèrent encore des traces de mortier utilisé dans les maçonneries de cet état, est identifié avec certitude comme provenant d’un bol à relief de type Drag. 37, forme produite au plus tôt durant l’époque flavienne. Son décor moulé, entouré d’un médaillon circulaire de facture grossière, se range parmi les productions évoluées du iie s. apr. J.–C. Il a valeur de terminus post quem pour la construction du bâtiment, qui ne saurait être antérieure à la fin du ier s. apr. J.–C. ;
  • un fragment de bol du même type était inclus dans les maçonneries du mur (10135– 12021) de la branche orientale de la galerie, qui recouvre un mur de l’état précédent et peut être attribué à la même phase de construction ;
  • au niveau de l’entrée, entre les deux branches de la galerie, un niveau d’occupation ou de remblai (12069) sous–jacent au radier (12034) du sol en terrazzo (12018) a livré un as de Nerva (RIC II, 80), qui fournit un terminus post quem pour la constitution de cet état.

94La simultanéité des marqueurs chronologiques rattachés à cette phase de monumentalisation du sanctuaire montre qu’elle intervient au plus tôt à l’extrême fin du ier s. et, plus vraisemblablement, au début du iie s. L’occupation de la galerie se prolonge tout au long du siècle et durant tout l’état suivant (4.3), qui correspond plus à un réaménagement des maçonneries existantes qu’à une véritable phase de reconstruction.

Fig. 324 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique du premier état maçonné (état 4.1).

Fig. 324 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique du premier état maçonné (état 4.1).

Fig. 325 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique des phases 4.2 à 5.

Fig. 325 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique des phases 4.2 à 5.

Phase 4.3 : modifications et destruction de la galerie (iie-iiie s. apr. J.-C.)

95La galerie bénéficie d’une ou plusieurs réfection(s) ponctuelle(s) qui ne sont pas forcément synchrones et qu’il est difficile de situer dans le temps, faute de mobiliers et de sols clairement associés à cet état. Ce dernier s’intercale, en chronologie relative, entre la construction de l’état précédent (4.2) et la destruction définitive de la galerie, mieux datée par les mobiliers présents dans sa couche de démolition (voir fig. 324) :

  • les niveaux de démolition (12505) de la branche septentrionale de la galerie de la phase 4.2 et des structures connexes ajoutées au cours de la phase 4.3 comportent dans leur portion inférieure de nombreux mobiliers liés à l’occupation qui précède leur destruction : hormis de nombreuses formes de sigillée de Gaule centrale, caractéristiques des horizons du iie s. et de la première moitié du iiie s. apr. J.–C. (Drag. 37 ou 31/Lez. 54), plus tardives, comme les amphorettes en céramique engobée rouge, les marmites à collerette en céramique tournée grise et, surtout, les gobelets en céramique métallescente, dont l’apparition n’est pas antérieure à la fin du iie s. et dont la diffusion couvre tout le iiie s. apr. J.–C. ;
  • une fibule en fer de type « omega » retrouvée dans les mêmes contextes (12505), appartenant à une variante tardive qui se distingue de l’exemplaire précoce lié aux horizons laténiens, confirme que sa destruction est intervenue au plus tôt dans le courant du iiie s. de notre ère ;
  • les couches d’occupation et de démolition (10290–10293, 11122, 11144), recouvertes par la toiture effondrée de la branche orientale du péribole (11109), présentent le même faciès : sigillées de Gaule centrale, de type Drag. 35/36, Drag. 37, Lezoux 30a ou Curle 23, céramique engobée blanche, diverses formes de jattes, marmites à collerette et pots en céramique tournée grise, céramique métallescente, caractéristiques du iie et iiie s. apr. J.–C. ;
  • un faciès similaire caractérise les niveaux d’occupation et d’abandon de la cour (11092, 11101, 11111–11117, 11134, 11169, 11323), constitués de sols et de remblais attribués indistinctement à l’ensemble de la phase 4. La présence d’éléments anciens (Drag. 27, 24/25, lampe à volutes, monnaies augustéennes) liés aux premières constructions de la phase 4.1, situés au contact des couches de démolition de la phase 4.3, témoigne de phénomènes de brassage et de résidualité qui interdisent toute distinction stratigraphique plus fine. Les éléments céramiques les plus récents (amphorettes en céramique engobée rouge, marmites à collerette, céramique métallescente) retrouvés dans ces niveaux induisent, comme pour les précédents, un terminus post quem dans le courant du iiie s. apr. J.–C. ;
  • les monnaies retrouvées dans les mêmes niveaux relèvent d’un faciès caractéristique du Haut–Empire au sens large, couvrant une période qui s’étale du règne d’Auguste à la Tétrarchie et inclut une part non négligeable de pièces résiduelles arrachées aux niveaux antérieurs d’époque gauloise. Hormis quelques pièces émises dans le courant du ier s. (Caligula) et du iie s. apr. J.–C. (dont trois sous Hadrien et une sous Marc Aurèle), une majorité d’entre elles se rapporte aux empereurs gaulois ou illyriens de la fin du iiie siècle. Les pièces identifiables les plus récentes correspondent à des antoniniens et dérivés, appartenant successivement aux règnes de Victorinus (1 ex., 161 apr. J.–C.), de Claude II le Gothique (1 ex., 268–270), Tetricus (6 ex., 271–273), Claude Tacite (3 ex., 275–276) et Probus (1 ex., 276–282) ;
  • la monnaie de Probus, retrouvée dans un niveau de sol de la cour (11107) piégé sous le niveau de tuiles résultant de l’effondrement des toitures de la galerie de la phase 4.2–4.3, impose un terminus post quem dans les années 270–280 de notre ère.

96La destruction définitive du péribole romain semble intervenir à l’extrême fin du Haut-Empire, peu avant l’époque tétrarchique ou au cours de cette période. Il est peu probable qu’elle soit postérieure à la fin du règne de Dioclétien. En effet, les niveaux scellés par la couche de démolition ne comportent aucun des marqueurs du ive s. recueillis sur le site, qui n’apparaissent qu’à son sommet ou dans les secteurs où elle n’est pas présente (bâtiment A et centre de la cour).

État 5 : indices de fréquentation ou de réoccupation tardive (ive-ve s. apr. J.-C.)

97Les secteurs de la cour qui n’ont pas été recouverts par la démolition de la galerie de péribole ont livré quelques indices de datation plus tardive, témoignant d’une fréquentation du sanctuaire durant l’Antiquité tardive (voir fig. 324).

  • Le plus ancien de ces indices postérieurs à la destruction de la galerie est un antoninien de Dioclétien (284–305), retrouvé au sommet des couches d’abandon du bâtiment A (11022).
  • Les niveaux de la cour situés à l’interface avec la couche de labours ont livré deux petits bronzes constantiniens comportant la légende VICTORIAE DD AVGGQ NN, introduite à partir de 341. Une troisième pièce, découverte hors contexte, porte la légende FEL TEMP REPARATIO, qui ne peut être antérieure aux années 344–345.
  • La pièce la plus récente, abandonnée sur une portion de la cour située au sud–ouest de l’entrée, a été émise sous l’empereur d’Orient Valens entre 374 et 378.
  • Une fosse tardive (10131) dont le creusement a entamé la démolition de la galerie de la phase 4.2–4.3 contenait une petite perle de couleur noire, décorée d’un filet de verre blanc opaque, qui semble avoir été produite au plus tôt au ve s. apr. J.–C.
  • Une monnaie de Constantin ainsi qu’une fibule cruciforme « en arbalète » ou « à têtes d’oignon » ont été recueillies anciennement dans les couches de surface du sanctuaire (9371) ou hors contexte.

98Ces éléments ont tous été retrouvés hors contexte stratigraphique, dans les niveaux supérieurs du site ou dans des secteurs de la cour qui n’ont pas été directement recouverts par la démolition des bâtiments de l’état 4. En l’occurrence, il est impossible d’établir avec certitude s’ils ont été abandonnés avant ou après la destruction définitive des constructions du sanctuaire. Le fait qu’aucun d’entre eux ne figure dans les couches sous–jacentes au niveau d’effondrement de la galerie de péribole, particulièrement riche en mobilier, plaide plutôt pour la seconde hypothèse ; tout comme l’absence, dans les mêmes couches, du moindre tesson attribuable aux productions céramiques du ive siècle.

99La présence de ces éléments témoigne plutôt d’une fréquentation tardive du sanctuaire, postérieure à sa destruction. Leur concentration dans la partie centrale de la cour peut s’expliquer par un phénomène de piégeage dans la dépression créée par l’accumulation, à sa périphérie, des gravats issus de l’effondrement de la galerie du péribole.

100L’hypothèse d’une occupation précaire des vestiges peut également s’appuyer sur d’autres indices. La surface du sol en terrazzo (12018–12019), constitutif du dernier état du sanctuaire, était percée de trous de poteaux qui témoignent de son recouvrement par un bâtiment en construction légère, ne pouvant être que postérieur à la destruction du sanctuaire. À cette occupation tardive se rattache peut–être la fosse 10131, dont est issue la perle en verre datée du ve siècle, ainsi qu’une sépulture d’époque tardive découverte en 2007 à l’extérieur du sanctuaire (voir infra, chap. V, p. 281). Cette fréquentation, pour l’heure mal documentée sur le site, clôt une séquence d’occupation qui semble continue depuis le troisième quart du iie s. av. J.–C., selon un rythme résumé par la figure 326.

Fig. 326 – Diagramme de synthèse des horizons chronologiques.

Fig. 326 – Diagramme de synthèse des horizons chronologiques.

ASSEMBLAGES FONCTIONNELS

101L’analyse des assemblages fonctionnels s’intéresse à la répartition statistique des différentes catégories de mobilier dans les principaux ensembles de vestiges individualisés à la fouille. Elle vise à distinguer et à caractériser certains pôles d’activités en mettant en évidence des associations d’objets et leurs modalités de dépôt, prenant en compte aussi bien les données qualitatives, quantitatives que spatiales et taphonomiques.

102L’entrée du sanctuaire, ses enclos (A, B et C), les divers comblements du fossé périphérique et les sols de la galerie qui lui succède, le dépôt de type « trophée », les sols de la cour, les fosses cuvelées (E) ou la structure sur poteaux (D), constituent autant de secteurs bien dissociés sur un plan spatial et fonctionnel. Leur sériation chronologique, opérée au début de ce chapitre VI (p. 506–530), permet d’appréhender de manière diachronique l’évolution des assemblages, des pratiques rituelles et des autres activités exercées dans le sanctuaire (tabl. XL). Compte tenu de l’étroitesse du corpus, le matériel lié aux occupations romaines du sanctuaire ne se prête pas à une véritable analyse par unité fonctionnelle et sera abordé de façon globale.

Tabl. XL – Quantification du petit mobilier par unité spatiale.

Tabl. XL – Quantification du petit mobilier par unité spatiale.

PÉRIBOLE

103Les deux états du péribole sont analysés séparément sur un plan fonctionnel, quantitatif et spatial, afin de générer la base d’une réflexion diachronique portant sur les activités du sanctuaire. On tentera de cerner, pour chacune des deux phases, les types de pratiques représentées et de déterminer leur importance relative, tant en termes d’investissement humain et matériel, que de fréquence.

État 1

104À l’instar du phasage chronologique, la définition du faciès fonctionnel de l’état palissadé prend en considération le mobilier issu des phases 1.1, 1.2 et 2.1 du comblement du fossé périphérique et des apports de remblais préalables à l’installation de la galerie qui lui succède. Constitué entre le troisième quart du iie s. et le début du ier s. av. J.–C., l’ensemble comprend principalement des mobiliers en position secondaire, résultant du nettoyage du sanctuaire lors du démantèlement de la palissade.

105Proportionnellement aux niveaux de l’état 2, cet état livre peu de mobilier, avec seulement 487 restes pour un total de 175 objets en NMI, en tenant compte de la quincaillerie (98 objets). La parure et l’armement prédominent nettement sur les autres catégories fonctionnelles, puisqu’ils totalisent 71 % du NMI hors monnaies et jetons (fig. 327).

106Ce premier horizon témoigne de modalités de dépôt mêlant, en proportion égale, pièces d’armement et de parure. Cette association de mobiliers métalliques a déjà été observée par G. Bataille dans l’enclos cultuel de Montmartin, durant La Tène C2–D1, ainsi que sur les sanctuaires de Mathay–Mandeure, de Fesques, de Bennecourt et de Mirebeau pour la phase La Tène C2 (Bataille, 2008, p. 195–196).

107La diversité des objets de parure s’illustre par un corpus composé de bracelets et de perles en bronze, en verre et en lignite, de fibules et d’un torque en fer. Avec huit individus, les bracelets sont mieux représentés que les fibules. Comme explicité précédemment, les deux bracelets complets semblent constitutifs d’un dépôt primaire, remanié dans le fossé. La déposition du torque paraît également intentionnelle, puisqu’il a été retrouvé complet − seule une partie du jonc est cassée − et presque intact avec les deux fermoirs encore en connexion. Cet assemblage de parures correspond à celui mis en évidence à Fesques et Mandeure pour les mêmes périodes (Bataille, 2008, p. 179–181, fig. 117) et se distingue des associations de mobilier du ier s. de notre ère, où les fibules sont majoritaires.

108L’armement se compose de quatre fourreaux, d’un fragment d’umbo et deux fragments d’orles, d’une flamme et d’un talon de lance et d’une attache de ceinturon. La fourchette chronologique couverte par ces individus renvoie aux phases La Tène C2–D1. Seule une bouterolle fait exception, puisque datée du début de La Tène C1.

109Des manipulations volontaires sont observées sur la plupart des objets, qui sont tous fragmentaires ou cassés. L’état de conservation des fourreaux démontre bien ce type de pratiques, puisque leur dépôt intervient après deux traitements successifs. Il apparaît qu’ils ont été intentionnellement détruits et leurs vestiges triés, seules les parties inférieures étant déposées dans le fossé. Ces pratiques font écho à celles mises en évidence dans les grands sanctuaires guerriers de Gaule septentrionale comme ceux de La Villeneuve–au–Châtelot (Aube), Ribemont–sur–Ancre (Somme), Gournay–sur–Aronde ou dans l’enclos sacré de Montmartin (Oise) où la pratique d’anathemata ou de suspension d’armes en l’honneur des divinités, puis leur déposition dans le sanctuaire après un bris inhumatoire, sont particulièrement bien documentées. Le tri des parties basses, en revanche, correspond à une pratique peu commune qui pourrait constituer une spécificité locale. Elle illustre peut–être la volonté de déposer uniquement une partie de l’objet symbolisant le tout, analogue au rite de pars pro toto attesté dans le monde méditerranéen.

Fig. 327 – Répartition du mobilier de l’état 1 en NMI par catégorie fonctionnelle (hors monnaies et jetons).

Fig. 327 – Répartition du mobilier de l’état 1 en NMI par catégorie fonctionnelle (hors monnaies et jetons).

110La position des fourreaux dans le fossé nord invite à y situer le déroulement de ces pratiques. L’état de conservation différencié des vestiges ne permet pas, toutefois, de généraliser cette observation à l’ensemble de l’enclos. On signalera cependant la présence, dans les constructions qui jouxtent le sanctuaire au nord de son enceinte, de pièces d’armement mutilées retrouvées en association avec un facial découpé de crâne humain (voir supra, chap. V, p. 490). Ce type d’association se retrouve dans le fossé de la palissade du sanctuaire, où plusieurs fragments de crâne humain ainsi qu’un humérus ont été mis au jour. Une patte antérieure de cheval en connexion, non consommée et déposée entière dans le fossé, renvoie aux mêmes pratiques que celles observées dans les sanctuaires picards où les équins ne sont en principe jamais consommés.

111Les autres catégories fonctionnelles sont très peu représentées, respectivement par un seul individu pour la toilette, le transport et les éléments non classifiés. La sonde de trousse de toilette ainsi que le pendant de harnais sont des objets assez rares au début de La Tène finale. Tout comme les armes, ils révèlent que le sanctuaire a été fréquenté dès sa première phase par des classes sociales privilégiées.

112Les monnaies et les jetons forment déjà un ensemble majoritaire, si on les compare aux autres catégories de mobilier (respectivement 19 et 33 individus). Néanmoins, les pratiques qui leur sont liées ne semblent pas encore constituer une caractéristique principale de ce premier état, leur nombre étant sans commune mesure avec celui qui sera observé dans la phase suivante.

113Les activités culinaires sont attestées principalement par des fragments de plaques foyères, utilisées comme surfaces de combustion amovibles pour la préparation de repas. Elles pallient l’absence, dans cette phase, de foyer structuré. Un couteau et un cerclage de seau, issus de la phase 2.1, viennent compléter le lot de mobilier dédié aux banquets. Cette pratique est attestée, par ailleurs, au travers d’un riche faciès faunique comportant de nombreuses traces d’exposition au feu, ainsi que par quelques amphores collectées dans le fossé.

114Trois foncets à serrure à lève–loquet témoignent de la présence d’ameublement. Ces deux plaques d’entrée de serrure constituent l’un des rares éléments de construction métalliques mis en œuvre au cours de cet état, qui livre relativement peu de clous de menuiserie (69) et de construction (11). La plupart d’entre eux proviennent de l’état 2.1 et peuvent tout aussi bien être liés à la construction de la galerie de l’état 2. Cette carence est révélatrice d’une architecture et d’un aménagement interne du sanctuaire réalisés presque entièrement en matériaux périssables, sans éléments de liaison métalliques (tenons, mortaises et chevilles de bois). Elle peut aussi résulter d’une récupération du métal lors de la construction de la seconde phase. Quelques chutes de tige, interprétables comme des extrémités de clous découpées, en portent peut–être témoignage.

Dépôt de type « trophée »

115L’assemblage de pièces d’armement mis au jour en 2009 occupe, du point de vue stratigraphique, une position intermédiaire entre le premier enclos palissadé et la galerie qui lui succède. Issu de la base du comblement de la tranchée de fondation du mur extérieur de la galerie, cet ensemble comporte des fragments de bouclier dont la typologie est caractéristique de l’horizon antérieur (La Tène D1). Sa position au fond de la tranchée exclut par ailleurs tout lien fonctionnel avec la période de fonctionnement du portique (état 2). Deux hypothèses sont donc envisageables. Selon la première, il peut correspondre à un ensemble démantelé et enfoui en guise de dépôt de fondation, lors de la construction du mur de la galerie. Selon la seconde, son enfouissement a pu intervenir bien plus tard, lors du démantèlement du mur extérieur au milieu du ier s. av. J.–C. Dans les deux cas de figure, cet ensemble se rattache du point de vue typologique et fonctionnel au faciès d’offrandes du premier état d’enclos palissadé (état 1).

116Composé principalement de pièces d’armement, soit quatre umbones, une extrémité de plaque de fourreau, plusieurs fragments d’une cotte de mailles, une crête de sanglier–enseigne ainsi que diverses pièces de quincaillerie, cet ensemble présente plusieurs singularités, tant qualitatives que taphonomiques, faisant appel à une analyse plus approfondie.

117Toutes ses composantes présentent des traces de traitement spécifique à chaque type d’armement. Ainsi, le fragment de fourreau d’épée semble avoir été démantelé selon les mêmes modalités que les autres exemplaires du sanctuaire, puisque seule une extrémité distale des plaques qui le constituaient à l’origine est conservée.

118Les umbones portent de nombreuses traces de destruction volontaire, qui varient selon les individus entre un coup de talon de lance marqué par un écrasement de la coque (voir supra, pl. 13, n° 4), des traces de cisaillement attestées par des découpes ondulées (pl. 13, n° 2), en passant par des vestiges d’arrachage caractérisé par le repli de l’angle d’une des ailettes, qui a servi de prise pour détacher l’umbo de la planche du bouclier (pl. 12, nos 1, 2 et 4). Ces gestes de démantèlement sont parfois complémentaires, comme l’illustre la pièce (pl. 13, n° 2) qui possède à la fois des traces de cisaillement et d’arrachage. Des traitements similaires sont documentés sur le sanctuaire de Gournay–sur–Aronde, ou sur celui de Montmartin qui a livré un umbo mutilé typologiquement identique (Brunaux, Rapin, 1988, p. 47–53 ; Lejars, 1997).

119Un exemplaire demeure toutefois intact et comporte encore ses rivets de fixation. Sa position de découverte, légèrement inclinée vers le sol, laisse supposer que ces pièces de fixation ont glissé lors du pourrissement de la planche de bois composant la majeure partie du bouclier. Cet exemplaire présentait en outre des traces ligneuses sur sa face interne, confirmant la conservation du bois jusqu’à leur dépôt (voir l’étude des restes organiques, p. 498–502).

120Des vestiges de matière organique spongieuse, qui pourraient être interprétés comme la couverture de cuir du bouclier, ont été mis en évidence au contact entre l’umbo et la cotte de mailles (voir l’étude des restes organiques en annexe : chap. V, tabl. XXXIX, zone 7, p. 498–502). Si des traces similaires ont pu être observées sur les trois autres exemplaires, il est difficile de confirmer qu’elles attestent la présence de la planche du bouclier, plutôt que celle de pièces de bois mêlées au dépôt. On peut également admettre que ces traces résultent de l’exposition à l’air libre des boucliers. En effet, leurs umbones présentent une épaisseur plus fine que celle observée habituellement sur ce type d’objet. Doublée d’une première couche de corrosion, comportant très peu d’inclusions liées au contact du sédiment (pierre, résidus organiques), leur surface laisse supposer leur dégradation durant une relativement longue période. De même, la présence d’une corrosion spongieuse sur l’un des exemplaires démantelés suggère l’existence d’une couverture en cuir dont quelques lambeaux ont été piégés par la rouille lors de son exposition. Là encore, un contact avec d’autres matériaux organiques constitutifs du dépôt ne peut être exclu.

121À l’instar des éléments précédents, la crête de sanglier–enseigne présente des marques qui témoignent de sa désolidarisation du corps de l’animal. En effet, des traces de métal blanc à la base des esses indiquent qu’elle était fixée à l’origine sur un corps en tôle de bronze, auquel elle a été arrachée sans ménagement. Les pratiques de mutilations volontaires sur ce type d’objet sont particulièrement rares, mais ont notamment été mises en évidence sur l’exemplaire de Soulac–sur–Mer (Gironde), totalement démantelé (Moreau et al., 1995).

122Enfin, les différentes pièces de la cotte de mailles ont–elles aussi été désolidarisées puis découpées à plusieurs reprises, comme l’attestent les quatre fragments mis au jour et en particulier l’épaulette fractionnée au milieu de sa partie dorsale. L’empilement de ces différentes pièces signale, cependant, la volonté de les maintenir associées, bien qu’il semble qu’elles aient été déposées sans soin particulier.

123Cette dernière observation et la parenté fonctionnelle qui unit ces différents objets confirment leur appartenance à un assemblage cohérent. Ces pièces d’équipement militaire, initialement exposées ensemble, ont été démantelées de façon symbolique et finalement déposées, en prenant la précaution de maintenir la symbolique exprimée lors de leur exposition primaire. La mutilation de ces armes objets renvoie aux mêmes rites que ceux décrits pour les autres offrandes liées au premier état du sanctuaire. La composition de l’assemblage, en revanche, renvoie plus spécifiquement à une pratique d’exposition des trophées bien illustrée par l’iconographie gréco–romaine, dont les modalités et la symbolique seront discutées plus loin (voir infra, chap. VII, p. 566–570).

État 2

124Le mobilier issu du second état du sanctuaire, la galerie monumentale, provient des niveaux de sols effondrés dans le fossé, suite au tassement de ce dernier. Le matériel issu de ce comblement a été en conséquence traité comme du matériel en position de dépôt primaire. Afin de conserver le même raisonnement que lors de la synthèse chronologique, les assemblages présentés comprennent le mobilier des états 2.2 et 2.3 ainsi que celui de la palissade extérieure correspondant au démantèlement de cet ensemble architectural.

125Les modalités de dépôt changent dans le courant de La Tène D1, avant la première restructuration du sanctuaire à la fin du iie s. av. J.–C. On assiste alors à une nette augmentation du nombre de monnaies, de jetons et de parures déposés, proportionnellement aux autres catégories de mobilier (fig. 328).

Fig. 328 – Diagramme comparatif de la représentation des jetons, des monnaies et les autres catégories de mobilier en NMI à l’exception des catégories mobilier/immobilier, indéterminés et objets inclassables.

Fig. 328 – Diagramme comparatif de la représentation des jetons, des monnaies et les autres catégories de mobilier en NMI à l’exception des catégories mobilier/immobilier, indéterminés et objets inclassables.

Fig. 329 – Répartition du mobilier de l’état 2 par catégorie fonctionnelle en NMI (hors monnaies et jetons).

Fig. 329 – Répartition du mobilier de l’état 2 par catégorie fonctionnelle en NMI (hors monnaies et jetons).

126Les monnaies et les jetons deviennent fortement majoritaires lors de l’état 2, avec des concentrations marquées notamment au niveau de l’entrée du sanctuaire et des enclos A et B. Avec 188 jetons et 159 monnaies, ces deux types de mobilier constituent les objets les plus représentés en tenant compte du choix des contextes basés uniquement sur leur fiabilité. La quantité de ces objets pourrait encore fortement augmenter si l’on incluait le mobilier issu de contextes dont le phasage n’est pas assuré. L’interprétation du dépôt de cet assemblage particulier est développée en synthèse au chapitre VII (p. 591–609).

  • 5 On notera ici que le ratio de quatorze perles pour un collier a été utilisé afin de pondérer le NMI (...)

127Le corpus restant du petit mobilier lié à cet état s’élève à 1480 restes pour 905 objets en NMI, en tenant compte de la quincaillerie et à 73 en l’excluant5 (fig. 329). Il est principalement dominé par la parure qui représente plus de 47 % du NMI. Les autres catégories fonctionnelles se partagent le reste du corpus avec 21 % pour les activités culinaires, 8 % pour l’armement et 10 % pour les activités artisanales.

128Les parures sont principalement composées de fibules et de quelques bracelets, en proportion moindre que lors de la première phase. Les modalités de déposition de ces parures, qui correspondent au mode II de G. Bataille (Bataille, 2008, p. 179–181, fig. 117), continueront jusqu’à la fin de la période laténienne et perdureront même jusqu’au ier s. de notre ère. L’armement a toujours sa place dans les pratiques de dépôt, mais il perd de l’importance par rapport aux parures et surtout par rapport à la phase précédente.

129Les modalités de dépôt des autres petits mobiliers observées pour cet horizon, bien que toujours largement dominées par la parure, présentent un faciès diversifié qui intègre la totalité des catégories fonctionnelles. Cette fois–ci, ce sont les activités culinaires qui tiennent le second rôle au niveau de la composition de l’assemblage, alors que l’armement, toujours présent, est très minoritaire. Cet agencement diversifié – parure et activités culinaires en forte proportion – ne correspond à aucune des modalités observées par G. Bataille. Elles semblent être une particularité de certains sites, où se juxtaposent pratiques de banquet et offrandes personnelles. On pense notamment aux dépôts allobroges des deux sites isérois, Larina (Perrin, 1990) et Sainte Blandine (Chapotat, 1970), chronologiquement contemporains et présentant les mêmes types d’assemblage.

130Compte tenu de l’importance de la parure (98 restes) par rapport à l’ensemble du mobilier, il est indéniable que des offrandes de ce type d’objet ont eu lieu durant cette phase du sanctuaire. Les dépôts sont composés principalement de fibules (31 ex.) et de perles en alliage cuivreux, en os et en verre (46 ex.) ainsi que de quelques bracelets (7 ex.), d’une bague, d’une boucle d’oreille, d’un torque en fer et d’une applique vestimentaire. Contrairement au premier état où l’on constate une grande diversité avec un ratio équilibré entre les différents types de parure, les fibules et les anneaux sont ici fortement majoritaires. Les dépôts de fibules se retrouvent sur la quasi–totalité du fossé d’enclos, mais présentent une concentration dans son angle nord–est. Les types sont représentés principalement par des fibules filiformes à corde externe avec un ratio d’une pour deux par rapport aux fibules de Nauheim. La plupart des fibules de ces niveaux ne sont pas complètes, mais très peu présentent des traces de mutilations évidentes. Leur taphonomie montre une meilleure conservation des types les plus récents, vraisemblablement en raison d’une fréquentation moins importante du site et de l’absence de remaniements des couches dont sont issus ces individus. De même, le nombre des fibules renforce l’hypothèse d’un dépôt rituel de ces parures. La répartition des anneaux et des perles en matériaux divers indique une zone préférentielle au niveau de l’entrée. Quant aux autres parures, on soulignera les traces de ploiement ou de cisaillement constatées sur quelques bracelets impliquant d’autres pratiques que celles appliquées aux fibules.

131Les objets liés aux activités culinaires sont spécifiquement bien représentés pour cet état puisqu’ils représentent 21 % du NMI. Ils peuvent être divisés en deux groupes selon qu’ils aient trait à la nourriture ou à la boisson. La préparation et la consommation de nourriture attestées par des couteaux, croc, cuillère et autres chaudrons se situent principalement à proximité des cellules à amphores placées au milieu de chaque branche du fossé. En conséquence, ils correspondent plus à l’instrumentum de la cuisine qu’aux objets personnels de consommation. Cette interprétation est renforcée par la répartition fonctionnelle de la céramique culinaire et de stockage (ollae et dolia) dans les différentes branches du fossé qui suit la même répartition. Le faciès céramique montre également une augmentation des ollae pour cette phase par rapport à la précédente, phénomène corroborant l’augmentation perçue au niveau du mobilier métallique et attestant de l’intensification des activités liées à la cuisson de nourriture. L’aspect détritique de ces pièces à vocation culinaire exclut toute hypothèse de leur dépôt volontaire. Elles doivent être considérées comme du matériel liturgique lié à la préparation et à la consommation carnée des banquets dans un cadre rituel.

132Tant dans la phase 2.2 que 2.3, les récipients, passoires et autres seaux liés à la consommation de boissons se situent principalement près de l’entrée en relation avec les cuves à libations. Le même phénomène est également perceptible sur le plan de la distribution des vases à boire en céramique, nettement plus nombreux dans la branche est du fossé. Leur présence près de ces cuves permet de localiser les pratiques rituelles liées à la boisson tandis que la préparation de la nourriture est cantonnée aux cellules de la galerie. Le comblement du fossé, près de la cellule de la branche ouest, livre un ensemble − fragments de passoire, potence, fragments de chaudron et un fond de récipient − qui, contrairement aux cellules de la branche nord, témoigne d’une mixité entre consommation ou préparation de boissons et de nourriture.

133Le petit nombre de fragments d’armement découverts dans le fossé pour cette phase est composé de sept individus : deux boucliers, une lance, deux fourreaux et deux extrémités de lame d’épée. Ces fragments épars devaient faire partie du décor lié aux pratiques de suspension d’armes encore en vigueur à cette période. Leur fragmentation et les traces nettes de déformation volontaire sur certains exemplaires attestent le même genre de pratiques que celles observées pour le premier état du sanctuaire. Il n’est du reste pas inconcevable que certains éléments correspondent à l’activité du premier état du site, même si la provenance de la majorité de ces armes dans des couches clairement stratifiées atteste de la poursuite de ces pratiques durant cette période. Il semblerait même qu’elles se concentrent au niveau de l’entrée d’où proviennent les deux lames d’épée, deux fragments de fourreau ainsi que plusieurs fragments d’orles.

134Les quelques outils permettent d’envisager le déroulement d’activités liées au travail du cuir, du textile et du bois, en l’absence de concentrations et d’un nombre suffisant pour attester une pratique cultuelle. Aucun de ces artisanats, le cuir mis à part, n’est représenté par un assemblage d’outils significatif d’un corps de métier. Il semble donc plus vraisemblable d’y voir la trace d’activités peu fréquentes ou liées à des tâches particulières dans le sanctuaire, comme sa construction, son entretien ou sa décoration. Des réflexions similaires peuvent être émises à propos du travail des métaux. Plutôt qu’une activité de longue durée, on aurait affaire à des activités sporadiques voire ponctuelles. Cette activité de manufacture métallique, localisée à l’est des cellules de la branche nord et au nord de la branche ouest, peut être autant liée à la construction de la galerie qu’au démantèlement de structures dans l’enceinte du sanctuaire, si l’on considère les chutes de tiges comme des tiges de clou coupées.

135L’hypothèse d’une frappe monétaire sur le sanctuaire peut être formulée à partir du fond de creuset d’électrum et de l’hypothétique matrice de coin découvert dans ses abords. La présence de balances de précision et de poids de petite taille en plomb dans ce même état corrobore également cette hypothèse. L’émission de monnaies produites ou du moins fortement liées à un lieu de culte, déjà mise en évidence sur d’autres sanctuaires (Delestrée, 1996, p. 121–124), et la présence d’autres coins monétaires sur le site renforcent cette interprétation.

136Les autres catégories fonctionnelles, comme la toilette et le transport, ne sont attestées chacune que par un individu et leur interprétation en l’absence de concentration avérée ou de nombre statistiquement élevé demeure problématique. Déterminer si des objets comme des pinces à épiler font partie intégrante des offrandes ou du mobilier liturgique n’est guère possible eu égard aux informations dont nous disposons concernant ces objets. De même, la découverte sur les lieux d’une pièce de harnais (mors) peut correspondre à une offrande de type pars pro toto et/ou plus simplement être interprétée comme un témoignage d’une fréquentation aristocratique.

Fig. 330 – Diagramme de répartition du mobilier par état et par structure interne (hors monnaies et jetons).

Fig. 330 – Diagramme de répartition du mobilier par état et par structure interne (hors monnaies et jetons).

137Les catégories « mobilier » et « immobilier » sont des plus importantes pour cette phase du sanctuaire avec 876 restes pour 471 individus. Ces deux catégories témoignent d’un investissement en métal dans la construction beaucoup plus fort que lors de la phase précédente. Ils permettent de restituer une galerie qui devait comporter de nombreux meubles (étagère, armoire, coffre…), mais aussi une construction bien plus complexe que celle de l’état 1.

138En résumé, la première phase du sanctuaire attribuée au début de La Tène D1 a connu dans un premier temps des dépôts d’armement et de parures variées (bracelets, fibules, bague…) dans des proportions relativement proches (fig. 330). À l’état 2, durant la première moitié du ier s. av. J.–C., les activités du sanctuaire évoluent vers un faciès largement dominé par les dépôts de monnaies et de jetons, et principalement caractérisé sur le plan du faciès métallique par des objets de parure, avec une part fortement majoritaire réservée aux fibules. En marge de ces dépôts relevant de la sphère individuelle, les assemblages du sanctuaire se diversifient en ménageant une place désormais des plus importantes aux activités culinaires liées au déroulement de banquets sur le site. Les objets relatifs aux activités de consommation de nourriture et de boissons sur le site ne sont pas déposés et doivent être considérés comme des objets liturgiques ou comme les reliefs de ces activités en ce qui concerne les nombreux restes fauniques et amphoriques.

ENTRÉE

139Les couches stratigraphiques de l’entrée du sanctuaire des états 2.2 (UF 12074) et 2.3 (UFs 12037 et 12068) présentent un faciès de mobilier spécifique qui nécessite une analyse distincte. Elle est caractérisée par une concentration notable de monnaies, des jetons et d’autres éléments circulaires des perles en alliage cuivreux et en verre. En témoigne la part très majoritaire de ces objets dans le diagramme de répartition du mobilier (fig. 331).

140Hormis ces artéfacts, elle livre un matériel composé de 232 restes et de 127 individus en tenant compte de la quincaillerie. Le NMI de cette couche, riche en anneaux, a été calculé selon la méthode considérant ces derniers comme des éléments de colliers – soit un ratio de quatorze anneaux pour constituer un collier (tabl. XLI).

Tabl. XLI – Comptages en NR et en NMI à l’entrée du sanctuaire en incluant la quincaillerie.

Tabl. XLI – Comptages en NR et en NMI à l’entrée du sanctuaire en incluant la quincaillerie.

Fig. 331 – Répartition du mobilier par état au niveau de l’entrée.

Fig. 331 – Répartition du mobilier par état au niveau de l’entrée.

*Le chiffre concernant les parures est obtenu en considérant les anneaux comme des constituants de colliers ou comme des offrandes à part entière.

141Si l’on excepte les monnaies et les jetons, la parure y joue un rôle prédominant : soit 45 % du NMI en considérant les anneaux comme des constituants de colliers et 69 % s’ils sont traités comme des dépositions différenciées. Avec une vingtaine d’individus, les anneaux sont largement majoritaires par rapport aux fibules qui ne comportent que cinq individus dans la zone. Les bracelets, avec trois individus − sans compter les éléments tout proches dans le fossé de cette phase − sont également bien représentés. Le dépôt de parures annulaires dans cette zone semble donc privilégié au détriment des fibules. Considérés un par un, les anneaux peuvent correspondre aux pratiques de paiement de taxe d’entrée ou de libéralité suggérée par l’étude des jetons. La présence de plateaux à cet endroit précis – où, rappelons–le, un très grand nombre de monnaies a été recueilli –, ainsi qu’une balance avec ses deux plateaux, appuierait également l’hypothèse de la perception d’un droit de passage pour prendre part au banquet. La suspension décorative de colliers de perles en bronze ne peut toutefois pas être exclue puisque des perles tant en verre qu’en os ou en ambre proviennent du même contexte de fouille. Leur association avec des monnaies ou des jetons permet cependant de penser que chaque perle est le fruit d’une offrande séparée plutôt que le simple constituant résultant du dépôt d’un ou de deux colliers.

142Les quatre individus de fourniment – deux extrémités distales effilées d’épée et deux fragments distaux de fourreaux – sont regroupés à l’intérieur du sanctuaire dans une zone réduite. Leur association suggère la présence de deux épées dans leur fourreau. Portant des traces de découpe et de ploiements volontaires, ils attestent d’une exposition d’armes à La Tène D2 devant l’entrée du sanctuaire.

143On peut également aborder les activités artisanales et culinaires du sanctuaire via cette couche d’entrée. Celles–ci sont perceptibles grâce aux fragments de chaudrons et de cerclages de seau ainsi que par une aiguille et un fragment d’outil non identifiable. Déterminer si leur déposition résulte d’un acte délibéré ou involontaire n’est guère possible compte tenu de leur fragmentation et de la probabilité d’un dépôt résultant d’une perte en ce qui concerne les outils.

144Les éléments de quincaillerie sont très nombreux dans cette couche. La catégorie immobilière est particulièrement riche avec une vingtaine d’individus, principalement des clous de construction. À ces éléments, s’ajoutent soixante–sept individus pour lesquels la distinction fonctionnelle demeure impossible. Ces éléments, qui peuvent tous être mis en relation avec la construction de la porte d’entrée du sanctuaire, permettent de restituer une porte monumentale qui devait certainement comporter un étage comme le laissent entrevoir le nombre de clous de construction ainsi que le plan des trous de poteaux du bâtiment. Les parallèles de ce genre de construction sont les portes d’entrée de ville comme celles de Manching et de la Chaussée–Tirancourt. Les nombreux cabochons et rivets en bronze issus de cette couche peuvent être mis en relation avec une volonté de décorer la structure, même si leur perte reste envisageable. Il en est de même pour les clous et rivets à tête hémisphérique creuse qui, malgré leur faible nombre (2 ex.), renforcent l’idée d’un portique muni d’une porte, hypothèse également étayée par la présence d’un fragment de clé de grande dimension.

145L’entrée du sanctuaire peut être vue sous l’aspect d’un bâtiment voire d’une tour comportant au moins un étage orné d’armes exposées comportant des épées et des fourreaux ainsi que des boucliers (voir supra, fig. 145, carte de répartition de l’armement). Une porte qui pouvait être verrouillée limitait l’accès des « indésirables » au sanctuaire. Les très nombreuses monnaies, jetons et anneaux posent la question du « coût » d’entrée dans le sanctuaire, aussi symbolique qu’il puisse être. Si l’on s’en tient aux premières constatations, on notera que les fibules ne sont que très peu déposées à cet endroit en comparaison avec les parures annulaires très fréquentes. Cette différence de répartition spatiale induit une disparité des pratiques suivant le type d’objets de parure. Sous–estimer l’hypothèse d’un dépôt volontaire des objets artisanaux, culinaires ou liés au transport présente un risque d’erreur d’appréciation dans un contexte où un si grand nombre d’artéfacts ont été déposés. Si l’on ne peut assurer que leur déposition est volontaire, force est de constater que l’entrée du sanctuaire livre un ensemble de mobilier qui résume à lui seul toutes les modalités de dépôt pratiquées au cours du second état du sanctuaire.

ENCLOS A

146Les fossés de l’enclos A peuvent être interprétés comme les vestiges d’un bâtiment palissadé, détruit dans le courant du troisième quart du premier ier s. av. J.–C. Le comblement homogène de ces fossés, remplis d’ossements animaux et d’amphores, correspond à la tenue des derniers festins dans le sanctuaire. Le négatif constitué lors de l’arrachage des cloisons de cette construction comporte en effet un faciès faunique particulier avec une prédominance des crânes d’ovi–caprinés, présents sous la forme de mâchoires et de crânes complets dans la partie sommitale du fossé. Si des restes relatifs à la consommation de nourriture sont également attestés, il n’en demeure pas moins que ces éléments majoritaires constituent une mise en scène clairement identifiée. Ainsi, les crânes sont disposés alignés le long de la face interne du négatif de la structure tandis que les mâchoires, découvertes par paire d’individus distincts, peuvent être restituées comme des vestiges résultant de l’exposition de guirlandes réalisées à l’aide d’un lien organique.

147Cet enclos est également le théâtre de dépôts de jetons et de monnaies, attestés respectivement par quatre–vingt–quinze et vingt individus. Leur présence dans l’enclos A, principalement au milieu de l’enclos sud pourrait faire écho au faciès observé au niveau de l’entrée où une concentration similaire est attestée aux mêmes périodes.

148Le faciès du mobilier métallique de cet enclos est largement dominé par la parure qui représente plus de vingt–huit fragments, soit une dizaine d’anneaux en alliage cuivreux, dix–sept fragments de fibules et un fragment de bracelet. Les fibules, pour la plupart de type Nauheim (La Tène D1), sont si bien conservées − une majeure partie d’entre elles sont complètes avec quelques exemplaires encore fermés − qu’elles peuvent être interprétées comme un dépôt volontaire. Leur petite taille standardisée permet de relativiser leur incidence chronologique dans le dépôt puisqu’il semble probable que ces fibules aient été conçues pour y être déposées (fig. 332). Présentes dans tous les comblements des fossés, elles n’influent guère sur la datation relative du démantèlement de l’enclos (vers le milieu du ier s. av. J.–C.). Il est cependant difficile de préciser si cet ensemble de dépôt est le résultat d’une déposition unique ou d’offrandes répétées. L’hypothèse de dépositions échelonnées dans le temps dans l’enclos ou contre la palissade, puis d’un ramassage lors du démantèlement de l’enclos paraît plausible pour ces objets dispersés sur l’ensemble de la zone (voir supra, fig. 40). Il en est autrement pour les anneaux qui sont principalement concentrés au milieu de l’enclos sud tout comme les monnaies et les jetons.

  • 6 Ce javelot provient de la tranchée moderne ayant détruit une partie du fossé sud de l’enclos. Il a (...)

149Avec douze fragments et un NMI de trois, soit un fourreau, un javelot6 et un fragment de pointe de lance, l’armement est sous–représenté par rapport à la parure. La présence d’armes de jet, en particulier dans un contexte de la première moitié du ier siècle avant notre ère, renvoie à un mode de déposition d’armement attesté notamment à La Villeneuve–au–Châtelot (Aube) où quatre fers de javelot ont été mis au jour dans des couches contemporaines (Bataille, 2008, p. 147). L’aspect fragmentaire de l’un des individus, de même que la pointe émoussée de la javeline – manipulation souvent mise en évidence sur ce type d’arme (Bataille, 2008, p. 156–157, fig. 95) –, laissent entrevoir un traitement rituel de ces pièces avant leur déposition. Il en est de même pour les fragments de fourreau composant probablement un seul et même fourreau issu du sol de la structure. Leur concentration et le haut degré de fragmentation suggèrent la pratique d’un « bri inhumatoire » d’un ou de plusieurs fourreaux (Brunaux, 2004, p. 99). Cette pratique, souvent subséquente à la présence d’armes suspendues comme trophée dans le sanctuaire, incite à envisager leur exposition dans l’enclos A. Il est toutefois difficile de cerner à quel moment ces opérations ont eu lieu, compte tenu de l’absence de tout élément utilisable sur le plan chrono–typologique. La fragmentation, pouvant en partie être due au piétinement, plaiderait pour une pratique ponctuelle ayant eu lieu avant la destruction de l’enclos. A contrario, le contexte général des dépositions dans l’enclos indique plutôt une pratique liée au démantèlement de ce dernier. On insistera encore sur la découverte, dans les comblements supérieurs de cette structure, de clous tardo–républicains et d’une dizaine de monnaies à EPAD au guerrier qui confortent l’hypothèse d’un démantèlement dans le courant de La Tène D2b.

Fig. 332 – Répartition des anneaux (ronds), des fibules (étoiles) et de l’armement dans l’enclos A (carrés et triangles).

Fig. 332 – Répartition des anneaux (ronds), des fibules (étoiles) et de l’armement dans l’enclos A (carrés et triangles).

150Hormis la parure et l’armement, les autres catégories de mobilier ne livrent pas d’artéfacts faisant l’objet d’une déposition clairement identifiable. L’artisanat n’est en effet représenté que par trois fragments d’outils, dont une enclumette d’identification incertaine et deux aiguilles provenant de contextes remaniés. Les activités culinaires ne sont quant à elles attestées que sous la forme de quatre individus : un fragment de chaudron, une hypothétique applique de seau, une barre de gril et un pied de récipient, qui sont issus soit de remblais gallo–romains, soit de typologie gallo–romaine. Il est donc hasardeux de les rattacher aux activités laténiennes de la structure. Ce constat confirme l’interprétation de la structure basée sur l’étude de la faune, considérant l’enclos A comme un lieu d’abattage sacrificiel et d’exposition de crânes et non comme un lieu de consommation, malgré les nombreux restes osseux caractéristiques de cette activité dans les comblements des fossés de cet enclos.

151La présence de nombreux fragments de ferrure, d’éléments d’huisserie ainsi que de plusieurs fragments de mobilier décoratif tel que des clous–rivets et des cabochons en alliage cuivreux dans les fossés d’enclos permet d’estimer que l’intérieur de la structure était meublé. Les clous de construction, au nombre de sept dans les fossés d’enclos, renforcent l’hypothèse déjà évoquée de la destruction d’un bâtiment imposant. Leur nombre peu élevé suggère néanmoins que le démantèlement d’une bonne partie de la superstructure en bois a dû avoir lieu dans un autre endroit que les fossés de l’enclos.

ENCLOS B

152L’enclos B, fortement touché par les labours, présente une configuration identique à celle de l’enclos A avec des dépôts de crânes d’ovi–caprinés, réalisés à des fins ostentatoires. De même, son faciès de petit mobilier, malgré un faible nombre d’individus, est très proche de celui observé dans l’enclos A avec tout de même deux monnaies et huit jetons. La parure y est également dominante avec neuf individus, dont six anneaux, deux fibules et un bracelet (fig. 333). Comme explicité lors de leur analyse spatiale, les anneaux se retrouvent dans le fossé nord, en miroir de la concentration découverte dans l’enclos A. Le seul fragment d’armement issu de cette structure, celui d’une pointe de flèche, fait également écho aux armes d’hast de l’enclos A et comporte un traitement qui corrobore les observations évoquées précédemment.

Fig. 333 – Répartition des anneaux (ronds), des fibules (étoiles) et de l’armement dans l’enclos B (triangles).

Fig. 333 – Répartition des anneaux (ronds), des fibules (étoiles) et de l’armement dans l’enclos B (triangles).

STRUCTURE SUR POTEAUX D

153Cette structure présente un assemblage d’ossements animaux essentiel à son interprétation fonctionnelle. Elle comporte en effet une concentration de crânes d’ovi–caprinés dans un angle, ainsi qu’un bucrane présentant une découpe longitudinale dans un autre angle, qui permettent de restituer une structure légère sur poteaux, dévolue aux expositions de crânes et/ou de carcasses ainsi qu’à la boucherie. Cette dernière activité est en outre confortée par la présence de fœtus pouvant correspondre à l’éviscération d’animaux. La présence toute proche dans le fossé périphérique de la potence, dont l’utilisation en tant qu’élément de suspension de chaudrons ou de carcasses est discutable, confirme également cette interprétation. Cet espace peut en outre être considéré comme un perchoir pour des rapaces au vu des nombreux restes de muridés et soricidés, résultant de la déjection de leur pelote de digestion.

154L’instrumentum de cette structure, vraisemblablement réservée à la boucherie, a été recensé en excluant les éléments de typologie non laténienne issus des décapages de surface. Au nombre de 158 restes, le corpus livré par cette structure est particulièrement faible puisqu’il se réduit à soixante–deux individus en incluant la quincaillerie et à quarante en l’excluant (fig. 334).

155On notera à nouveau une prédominance de la parure avec une dizaine d’individus et des monnaies qui suggèrent une attribution de la structure au second état du sanctuaire. Un talon de lance à soie ainsi qu’un ressort à six spires et corde externe datés de La Tène C2–La Tène D1a avèrent toutefois son fonctionnement lors de l’état palissadé. Cette structure semble donc avoir été le théâtre de dépôts de fibules conjointement aux activités de consommation de nourriture attestées par deux fragments de chaudron et quatre rivets par refoulement utilisés principalement dans l’assemblage de ces derniers ainsi que dans le cadre de la réparation de vaisselle métallique. La consommation de boissons y est également attestée par deux fragments de passoire et un fond de récipient. Le nombre réduit de clous et de ferrures conforte l’hypothèse d’une structure légère sur piquets. Elle devait être décorée ou du moins présenter un ameublement orné attesté par une douzaine de cabochons et de clous–rivets, qui représentent 10 % du NMI.

Fig. 334a – Diagramme quantitatif de la structure de boucherie (en NMI).

Fig. 334a – Diagramme quantitatif de la structure de boucherie (en NMI).

156Soulignons par ailleurs le déroulement ponctuel d’un artisanat de l’os avéré par quatre déchets de tabletterie et pouvant être complémentaire ou avoir succédé aux activités de boucherie, ainsi que des traces de manufacture des alliages cuivreux attestées par plusieurs petites coulures et une scorie. Cette dernière pose toutefois un problème, car elle implique l’utilisation d’un foyer et la pratique d’une activité de recuit. Ce travail artisanal pourrait correspondre à la mise en forme ou à la réfection d’un chaudron ou encore être assimilé à la confection des quelques cabochons et autres rivets décoratifs mis au jour. Cet ensemble pourrait aussi correspondre à du mobilier en position tertiaire, ne reflétant aucunement l’activité de la zone.

157Dans ce petit bâtiment en structure légère avaient donc lieu de la découpe bouchère, des activités collectives de consommation de viande et de boissons ainsi que des dépôts individuels de fibules. Orné de têtes d’animaux (bœuf, mouton, chèvre), il pourrait aussi être interprété comme un cadre privilégié de consommation réservé à l’élite, plutôt qu’un simple lieu d’exposition et de boucherie. Sa position centrale au milieu du sanctuaire, immédiatement en face de l’entrée et dans le même axe que les cuves à amphores, suggère que cette construction faisait partie intégrante de la mise en scène du sanctuaire. Il semble donc possible d’associer à la boucherie et aux expositions de carcasses une fonction de représentation.

Fig. 334b – Diagramme de répartition du mobilier des sols et des cuves à amphores (structure E).

Fig. 334b – Diagramme de répartition du mobilier des sols et des cuves à amphores (structure E).

SOLS ET FOSSES CUVELÉES (E)

158Les sols du sanctuaire ont dans leur ensemble été fortement touchés par les labours, à l’exception de la zone située en face de l’entrée et autour des cuves à amphores (E). Établir une quantification pondérée en NMI des données de cette zone semble assez difficile, compte tenu du nombre d’éléments retrouvés dans les contextes de remblais gallo–romains qui devaient initialement reposer sur le sol du sanctuaire laténien. Quelques éléments marquants issus de ces niveaux de circulation sont toutefois à souligner (fig. 335).

159Les fibules sont particulièrement nombreuses à la fois sur les niveaux de sol laténien et sur les couches de remblai gallo–romain. Une concentration est perceptible au sud des cuves à amphores, avec six éléments de fibules dont une fibule de Nauheim et cinq de type filiforme, toutes fragmentaires. Ces trois ressorts de fibule filiforme, dont un à corde interne et deux à corde externe, sont en effet associés à deux arcs de fibule, composant probablement un même objet. Cette proximité permet de supposer un dépôt volontaire de fibules à cet endroit. Il n’est pas aisé de définir s’il s’agit d’un dépôt à même le sol, d’une fosse non détectée à la fouille ou d’une offrande déposée contre un bâtiment en structure légère. Les fibules proviennent principalement des niveaux de sols tandis que la rareté des autres parures dans ce type de contexte est flagrante. Ce mode de dépôt particulier est marqué par le manque proportionnel de bracelets, mais surtout de perles sur les niveaux de circulation alors qu’ils sont très présents au niveau de l’entrée. De même, les quelque vingt–six monnaies et trente–quatre jetons issus de ces niveaux ne représentent pas une forte concentration au regard des centaines d’individus observés au niveau du porche d’entrée. Cette hypothèse demeure toutefois sujette à caution en raison de l’ampleur chronologique des types attestés sur les sols allant de La Tène C2 au début de La Tène D2b. Dans ces conditions, il demeure plausible que les individus découverts sur les sols relèvent uniquement de pertes tandis que les éléments mis au jour presque intacts dans l’enclos A constituent véritablement des dépôts.

160Les sols laténiens ne livrent que quelques exemplaires des autres catégories fonctionnelles. On notera par exemple la présence de barres de gril attestant, si besoin est, de la consommation carnée sur les sols du sanctuaire. Les cuves à amphores se démarquent des sols du sanctuaire par le peu de mobilier qu’elles recèlent. Les activités de libation et de consommation de vin par exemple n’y sont attestées que par deux fragments de seau. On soulignera également la présence de clous dans les cuves ainsi que d’un clou de construction à la surface de ces structures. Ces quelques clous, combinés aux traces de deux trous de poteaux ainsi qu’aux effets de parois observés sur le terrain, permettent d’imaginer une construction légère bâtie sur cette structure d’amphores qui ne présentent guère de traces de gélifraction. L’intérieur de ce petit bâtiment semble avoir été nettoyé de manière systématique compte tenu du manque de mobilier à sa surface. Contrairement aux enclos A et B qui présentent des faciès plus diversifiés, l’intérieur de ces structures semble consacré exclusivement aux pratiques de libation et de consommation de vin, mais n’est pas dédié au dépôt d’instrumentum. Son extérieur, par contre, pouvait faire l’objet de dépositions comme l’atteste par exemple la concentration de fibules située plus au sud.

DÉPÔTS D’ÉPOQUE ROMAINE

161Le sanctuaire romain livre un mobilier où les dons de parures, toujours dominés par les fibules, tendent à se diversifier avec notamment des bagues, des bracelets ou encore une épingle. Ces dépôts de parures, bien que principalement attestés au ier siècle de notre ère, couvrent la majeure partie du Haut–Empire.

162Le sanctuaire demeure également un lieu de transaction, comme l’atteste plusieurs poids de typologie romaine. Les stylets peuvent aussi être interprétés comme le témoignage de pratiques et/ou d’activités du même acabit ou correspondant à la gestion du sanctuaire. On signalera encore les quelques fragments de miroirs ainsi que les tintinnabula qui peuvent être assimilés à des instruments liturgiques (Bataille, 2008 ; Pommeret, 2000), tant on les retrouve fréquemment en contexte cultuel.

163Avec soixante–quinze individus durant toute la période romaine, les offrandes de monnaies sont encore relativement fréquentes au ier s., se raréfient au iie s., pour finalement connaître une recrudescence au iiie s. apr. J.–C., phénomène attesté sur de nombreux lieux de culte gallo–romains (Rey–Vodoz, 1991).

Notes

1 Datation fixée initialement aux alentours de 90/80 av. J.–C. dans les rapports d’étude, corrigée sur la base de celles proposées dans un article de synthèse récemment paru (Deberge et al., 2009).

2 Cette spécificité a bien été mise en évidence par l’étude des assemblages de banquet enfouis en une seule opération, par exemple, dans les fossés du Verbe–Incarné à Lyon ou sur le Terrain Coq à Aix–en-Provence (Genin, 1989 ; Poux, 2004 ; Maza, 1998).

3 Ont notamment été ajoutés aux comptages deux bords de Dressel 1B identifiées par M. Loughton mais non comptabilisées dans les graphiques, issues respectivement de l’UF 11258 (état 1.2.) et de l’UF 1187 (état 2.3.), ainsi que trente–six bords de plus de 5,5 cm de hauteur, faussement attribués à la classe intermédiaire 2/3 de Guichard (10036, 10036, 11159, 12907, 12713, 12087, 15012, 15059, 9249, 9339, 9336, 10245, 10258, 10070, 11250, 11255, 12922, 12518, 13263, 9339, 11174, 11184, 12712 et 9269). Sur la définition des classes de V. Guichard en général et les critères métrologiques de la classe 3 en particulier, voir Lavendhomme, Guichard, 1997.

4 Une monnaie à légende MOTVDIACA, réputée tardive, est attribuée au remplissage inférieur de la branche est du fossé au nord de l’entrée mais semble devoir être interprétée comme une pollution, compte tenu de sa découverte à proximité de la fosse gallo-romaine (Fo 15366) dont le creusement a traversé les couches de l’état 1.

5 On notera ici que le ratio de quatorze perles pour un collier a été utilisé afin de pondérer le NMI (cf. supra, fig. 137, pour l’explicatif de ce ratio).

6 Ce javelot provient de la tranchée moderne ayant détruit une partie du fossé sud de l’enclos. Il a été néanmoins pris en compte dans l’étude du bâtiment.

Table des illustrations

Titre Fig. 310 – Sériation des amphores par ensemble.
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Titre Fig. 311 – Comparaison du faciès amphorique des différents sites arvernes.
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Titre Fig. 312 – Histogramme d’une sélection des séries de production laténiennes représentatives par ensemble (en NR et en NMI).
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Titre Fig. 313 – Évolution du mode de cuisson des céramiques tournées fines (en NR).
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Titre Fig. 314 – Imitation de types méditerranéens en céramique tournée fine (en NMI).
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Titre Fig. 315 – Vaisselle d’importation en nombre de restes (NR).
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Titre Fig. 316 – Diagramme récapitulatif des types de fibule par ensemble.
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Titre Fig. 317 – Sériation des monnaies par ensemble.
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Titre Fig. 318 – Planche récapitulative des mobiliers du iiie s. av. J.-C.
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Titre Fig. 319 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique de la phase 1.1.
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Titre Fig. 320 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique de la phase 1.2.
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Titre Fig. 321 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique de la phase 2.2.
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Titre Fig. 322 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique de la phase 2.3.
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Titre Fig. 323 – Petit mobilier caractéristique de l’état 3.
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Titre Fig. 324 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique du premier état maçonné (état 4.1).
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Titre Fig. 325 – Planche récapitulative du mobilier caractéristique des phases 4.2 à 5.
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Titre Fig. 326 – Diagramme de synthèse des horizons chronologiques.
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Titre Tabl. XL – Quantification du petit mobilier par unité spatiale.
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Titre Fig. 327 – Répartition du mobilier de l’état 1 en NMI par catégorie fonctionnelle (hors monnaies et jetons).
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Fichier image/jpeg, 15k
Titre Fig. 328 – Diagramme comparatif de la représentation des jetons, des monnaies et les autres catégories de mobilier en NMI à l’exception des catégories mobilier/immobilier, indéterminés et objets inclassables.
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Titre Fig. 329 – Répartition du mobilier de l’état 2 par catégorie fonctionnelle en NMI (hors monnaies et jetons).
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Titre Fig. 330 – Diagramme de répartition du mobilier par état et par structure interne (hors monnaies et jetons).
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Titre Tabl. XLI – Comptages en NR et en NMI à l’entrée du sanctuaire en incluant la quincaillerie.
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Titre Fig. 331 – Répartition du mobilier par état au niveau de l’entrée.
Légende *Le chiffre concernant les parures est obtenu en considérant les anneaux comme des constituants de colliers ou comme des offrandes à part entière.
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Titre Fig. 332 – Répartition des anneaux (ronds), des fibules (étoiles) et de l’armement dans l’enclos A (carrés et triangles).
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Titre Fig. 333 – Répartition des anneaux (ronds), des fibules (étoiles) et de l’armement dans l’enclos B (triangles).
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Titre Fig. 334a – Diagramme quantitatif de la structure de boucherie (en NMI).
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Titre Fig. 334b – Diagramme de répartition du mobilier des sols et des cuves à amphores (structure E).
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Auteurs

Archéologue, professeur à l’université Lumière Lyon 2, directeur d’ArAr – UMR 5138 Archéologie et Archéométrie, dirige les fouilles de l’oppidum de Corent depuis 2001. Coordinateur de l’ouvrage grand public Corent, voyage au cœur d’une ville gauloise (Errance, Paris, 2012), il est l’auteur de plusieurs ouvrages et articles consacrés à la Gaule préromaine et romaine.

Archéologue chargé de recherche et d’enseignement à l’université de Lausanne, a participé comme adjoint aux fouilles du sanctuaire de Corent depuis 2003. Il est l’auteur de plusieurs contributions scientifiques consacrées à l’étude des artefacts d’époque gauloise et antique.

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