Version classiqueVersion mobile

La villa romaine de Grigy à Metz (Moselle)

 | 
Gael Brkojewitsch

Chapitre II. La villa et sa périphérie

Texte intégral

1Voies principale et secondaires, chemins publics et simples sentiers organisaient les campagnes. Après la Conquête, tout le terroir localisé aux portes des villes est structuré pour relier les grandes villes et agglomérations et desservir les divers centres de production. Autour de ce réseau routier, des éléments destinés à délimiter les parcelles et à les drainer, mais également des tombes ou des dépôts étaient parfois mis en place.

AUX ENVIRONS DE LA VILLA : RÉSEAU VIAIRE ET ESPACES FUNÉRAIRES

LE RÉSEAU ROUTIER AU SUD-EST DE METZ : NOUVELLES DONNÉES

2Trois voies traversaient ce secteur à l’époque romaine. La voie 1, la plus importante, a été reconnue sous un chemin qui est toujours en usage de nos jours dans plusieurs sondages, notamment lors de la fouille du site G. La voie 2 est tangente à la voie 1. Plus fruste, elle présentait toutefois des équipements remarquables qui avaient été révélés lors de fouilles au cœur du village de Grigy, puis à l’occasion de la fouille du site D. Plus proche de la définition d’un sentier ou d’un chemin, la voie 3 semble dédiée à la circulation au sud de la villa romaine (fig. 11).

La voie 1 : un axe principal

3Dégagée sur un tronçon de 76 m, la voie 1 avait une largeur variable selon les états entre 3 et 5,50 m (fig. 12). Son tracé suit une orientation nord-ouest - sud-est. Très érodée au nord, elle avait perdu une partie du ballast d’origine. Trois états de la voie 1 ont été repérés (états I à III), ce qui confirme les observations réalisées lors d’une intervention antérieure (Schembri 2006).

4L’état I a subi une forte érosion. Un creusement de faible profondeur d’une largeur oscillant entre 3,90 m et 4,15 m, entaillant le terrain naturel, préside à l’installation de la voie (11). Le niveau de circulation (12) est composé de galets mélangés à une matrice sableuse homogène. La surface est damée et présente une trace d’ornière sur le côté oriental de la voie. Son pendant à l’ouest n’était pas perceptible.

5La finition de l’ouvrage lors de l’état II est plus soignée. L’installation du deuxième état est précédée par une copieuse recharge de sable (15) sur 0,80 m de hauteur. Un creusement (4) de près de 7 m de largeur pour 0,30 m de profondeur est excavé avant la mise en place d’un niveau de circulation empierré (5). Des traces d’ornières larges d’une vingtaine de centimètres attestent du passage des charrois. Au sud, un fossé à profil en cuvette (fo. 16) assure le drainage.

6L’état III est réduit à 3,20 m de largeur. Il est édifié sur un remblai qui condamnait les vestiges plus anciens de l’état II (6). Le niveau de circulation (9) est composé de gros blocs de calcaire bleu dont les bouts atteignaient 8 cm de côté. La bordure orientale est limitée par des blocs de calcaire posés sur chant qui devaient former deux murets bordiers en élévation de part et d’autre de la voie (Maire, Chevaux 2012). Un fossé bordier de 2,50 m de large (fo. 13) longe le côté est de la voie.

La voie 2 : un diverticule

7Un segment de la voie 2 a été observé sur une longueur de 35 m (fig. 13). Il est constitué d’une unique couche de pierre (535) limitée par deux fossés bordiers (fo. 1105 et fo. 1107). La voie est implantée dans un niveau de colluvion (1115) et dans le terrain naturel selon une orientation Ouest-Est. La bande de roulement (535) comporte un seul niveau empierré de moellons de calcaire bleu local grossièrement équarris disposés à plat sur une largeur de 3,25 m. La taille régulière des moellons suggère un calibrage de la matière première. Quatre ornières ont été reconnues, ainsi que plusieurs blocs en remploi. Un fragment de fer indéterminé a été retrouvé dans cette couche.

La voie 3 : un sentier

8Sa surface était très abîmée. La couche de circulation a été reconnue au sud de la villa romaine qu’elle longe d’ouest en est (fig. 14). Le tracé s’interrompt à l’ouest où il a été totalement effacé par les labours récents. Une bande d’une dizaine de mètres de largeur est marquée par une plus forte densité de mobilier et constituée pour l’essentiel d’un fin cailloutis. Un léger creusement (1523) a précédé la mise en place d’un niveau de circulation (2204). La surface de cette couche très légèrement indurée ne laisse apparaître aucune trace d’ornière, ce qui ne permet pas d’établir si ce chemin était fréquenté par des charrois ou s’il s’agissait d’un sentier pédestre.

Des routes et des chemins

9Fréquentés sur le long terme, régulièrement remaniés et sujets à une forte érosion, les routes et les chemins restent difficiles à dater (Chevallier 1998, p. 108). Toutefois, le mobilier résiduel des couches et la présence de fosses datées dans le voisinage des voies permettent de préciser la datation.

10L’état le plus ancien de la voie 1 remonterait au Haut-Empire (Schembri 2006). La toponymie du site du « chemin vert » désigne souvent d’anciennes voies romaines (Baroth et al. 1971a). Il est longé à l’est sur la commune de Peltre par un chemin appelé « le vieux ferré », autre toponyme caractéristique des voies romaines. Le « chemin vert » passe entre les lieux-dits de la Haute et de la Basse Bévoye, évoquant la belle voie ou la voie romaine (Baroth et al. 1971b). Bien que l’on ne puisse fonder la datation sur la toponymie, cette dernière vient conforter l’impression par le mobilier archéologique. Le mobilier métallique récolté dans le niveau de circulation de l’état II ne permet pas de datation fine. La présence d’un fer à cheval indique une occupation jusqu’au Moyen Âge au moins. La fouille de l’état III a livré une panse de céramique non tournée protohistorique et deux fragments de grès au sel de l’époque moderne. La voie 2 a livré 5 tessons dont un mortier Drag.45 en sigillée d’Argonne du iiie s. Lors du diagnostic, deux fragments de panse de gobelet engobés à pâte blanche du iiie s. avaient été découverts sur la bande de roulement ainsi qu’une fibule dans le fossé nord (Dreier et al. 2009). Dans la voie 3, la découverte de trois monnaies atteste la fréquentation du chemin jusqu’à la fin du ive s. au minimum.

Fig. 11 – Trame viaire au sud-est de Metz/ Divodurum (DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 11 – Trame viaire au sud-est de Metz/ Divodurum (DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 12 – La voie 1 : A, relevés en plan et en coupe sur le site G ; B, stratigraphie C2, vue depuis le sud-est

(DAO et cliché : B. Chevaux, Metz Métropole).

11La voie 1 pourrait correspondre à l’axe de circulation représenté sur la Table de Peutinger empruntant la vallée de la Seille. Il reliait Metz/Divodurum à Strasbourg-Argentorate par Delme/ Ad Duodecimum, Marsal/Marosallum, Tarquimpol/Decampagi, Sarrebourg/Ponte Saravi et Saverne/Tabernis. Des fouilles et sondages archéologiques ont permis d’en décrire plusieurs tronçons en Lorraine (Laffite 2004). Raymond Chevallier suggère qu’elle faisait partie du schéma d’Agrippa (Chevallier 1998, p. 226). La seconde voie mise au jour correspond plutôt à un diverticule qui pourrait avoir relié la voie principale à la villa romaine et cette dernière à un autre domaine sous l’actuel village de Grigy. En effet, son orientation et sa même largeur sont comparables à la voie romaine découverte lors de la fouille de l’OPAC Technopôle (Laffite 1995). Presque attenante à la villa romaine, la voie 3 renvoie à une via privata en relation avec le domaine agricole.

Fig. 13 – La voie 2 : A, vues depuis l’est ; B, relevé en coupe sur le site D

(DAO et clichés : Y. Daune, Metz Métropole).

DÉPÔTS ET SÉPULTURES EN MARGE DES VOIES 1 ET 2

12Plusieurs tombes et dépôts ont progressivement été installés le long des tracés, dans la tradition romaine. Deux dépôts secondaires de résidus de crémation ont été documentés à l’ouest (Dreier et al. 2009, p. 30) et à l’est (Maire 2015b, p. 41) le long de la voie 1. Plusieurs vases, qui n’ont pas livré d’ossements, ont été découverts au sud de la voie 2 (Dreier et al. 2009, p. 36).

Des dépôts le long de la voie 1

13Une fosse de plan d’environ 0,80 x 0,50 m a été découverte dans un état d’arasement très prononcé (sp. 3) sur le site F. Elle se situe à quelques mètres au nord de la voie 1 (fig. 15). Le comblement de la fosse renfermait une grande quantité de charbons de bois et des fragments d’os humains incinérés. Par ailleurs, des éléments en verre fondu et de la quincaillerie accompagnaient le dépôt. Parmi les éléments en fer, six clous au moins suggèrent la présence de chaussures sur le bûcher. Enfin, 0,80 g d’ossements de faune provenaient de ce contexte.

  • 3  Étude réalisée lors du diagnostic archéologique par Carola Berzin.

14Au total, le dépôt contenait 22,60 g d’ossements humains incinérés, valeur extrêmement faible d’un point de vue théorique. Sur la base de critères histologiques, il pourrait s’agir d’un jeune adulte assez gracile3.

15Le comblement de la fosse de la sépulture 3 a livré 39 tessons pour un nombre minimum de trois individus. Le mobilier est très fragmentaire et la plupart des tessons présentent de légères traces de recuisson. On dénombre ainsi une assiette Drag.32, une coupe à collerette Drag.38 en sigillée Mosellane et une jatte en céramique rugueuse claire Florange 2 (Legendre et al. 1987, p. 174) (fig. 15, nos 1 à 3). Les fragments de panse appartiennent à un gobelet engobé mosellan et à au moins deux cruches dont l’une à engobe blanc.

16Les vestiges de ce qui peut être interprété comme un dépôt de résidus de crémation (sp. 2) ont été découverts à 14 m de la bordure nord-est de la voie sur le site G (fig. 16).

17Cette tombe isolée est installée dans une petite fosse de plan ovalaire, avec un profil en cuvette de 0,56 x 0,45 m. Son comblement (3) a été fouillé en passes : il est constitué d’un limon sableux, meuble et homogène riche en charbons de bois, en céramique et en ossements brûlés humains et fauniques. L’analyse carpologique a également révélé la présence de matière organique carbonisée de nature alimentaire.

Fig. 14 – La voie 3 : A, vue depuis l’ouest ; B, relevé en coupe sur le site D

(DAO et cliché : Y. Daune, Metz Métropole).

18Le poids total des ossements s’approche des minima théoriques. Les 705 g d’os de sp. 2 sont même comparables au poids minimal observé par Jacqueline I. McKinley une fois exclus les fragments de moins de 10 mm. D’autre part, les ossements présentent un taux de fragmentation assez élevé, le poids moyen d’un fragment étant de 0,07 g.

19Aucune exclusion n’ayant été établie, le NMI s’élève à un. Le sexe n’a pu être déterminé. Les pièces osseuses permettant d’affiner l’estimation de l’âge au moment du décès demeurent rares et n’apportent que trop peu d’information : une racine d’incisive centrale ou latérale mandibulaire présente un apex fermé correspond à un âge minimum de 6 ans (Moorrees et al. 1963). Aucune surface d’aspect métaphysaire n’a été observée ; les ossements présentent un aspect et des dimensions – notamment l’épaisseur des portions de voûte crânienne ou de la corticale des diaphyses d’os longs – compatibles avec un sujet de « taille adulte », adolescent ou adulte.

20L’analyse des indices pondéraux par partie anatomique a donc été menée de manière globale, pour l’ensemble de l’amas. Il en résulte une sous-représentation du tronc, qui constitue 5,40 % de l’assemblage, pour un intervalle théoriquement compris entre 10 et 24 %. En revanche, le bloc cranio-facial, représentant 16,90 % de la masse totale, est bien compris entre 10 et 30 %. De même, les membres sont bien représentés (77,70 % pour un intervalle théorique de 46 à 80 %).

21La sous-représentation des éléments thoraciques est souvent imputable à des phénomènes taphonomiques ou à une sélection moindre de ces ossements sur le bûcher (Duday et al. 2000), plutôt qu’à des difficultés d’identification ; il est en effet assez aisé d’identifier jusqu’à des micro-fragments de côte ou de vertèbre. De plus, la finesse générale des côtes ainsi que la fragilité de l’os spongieux largement constitutif des vertèbres ou du sternum rendent ces ossements fragiles et les soumettent donc préférentiellement aux phénomènes de dégradation naturelle.

22Dans le cas présent, cette hypothèse peut être appuyée par la faible proportion au sein de l’amas des fragments constitués majoritairement d’os spongieux (rachis, sternum, mais aussi épiphyses, os courts, coxal). Bien entendu, une sélection fortuite ou volontaire des ossements des autres régions anatomiques ne peut être catégoriquement exclue et peut avoir également contribué à la sous-représentation du tronc. Les ossements présentent une coloration hétérogène. Si la majorité présente une coloration noire à noire-bleutée, d’autres sont bruns ou blanc crayeux. Plusieurs de ces colorations peuvent être observées sur une même esquille. Certains fragments de diaphyses, par exemple, ont une coloration blanche sur les faces externe et interne de la corticale de l’os, tandis que le centre demeure noir ; d’autres présentent des variations de couleur sur une même face. Il n’existe pas de gradient de couleurs à l’échelle de l’individu : un même type d’os, le crâne par exemple, présentant l’ensemble des couleurs observées. Chacune des couleurs est par ailleurs observable sur l’ensemble du corps. Cela implique que la construction du bûcher et la conduite éventuelle de la crémation ont entraîné une exposition similaire des ossements au feu quelle que soit la région anatomique considérée. La coloration dominante noire indique par ailleurs que la plupart des ossements n’ont atteint qu’un stade de carbonisation moyen.

Fig. 15 – Le dépôt funéraire sp. 3 : A, relevé en plan et en coupe ; B, mobilier céramique : 1, assiette Drag. 32 ; 2, coupe Drag. 38 en sigillée mosellane ; 3, jatte en céramique rugueuse claire

(DAO : Y. Daune, S. Marquié, F. Vorreux, Metz Métropole).

23Le comblement de cette fosse a livré 74 tessons appartenant à trois récipients destinés à la consommation des liquides. Un gobelet de type Stuart 1 à décor de lunules et lignes verticales réalisées à la barbotine et deux cruches (Reims 113 et Reims 106 ?) dont seule la moitié supérieure est conservée (fig. 16, nos 1 à 3). Tous ont été partiellement recuits.

24De nombreux fragments de pain/galette ont été découverts au sein de cette structure. Ils représentent en effet 99 % du corpus global, le reste étant composé d’un reste d’épeautre, d’une légumineuse et d’une mauvaise herbe. Ce chiffre doit être pondéré en raison du comptage de l’ensemble des fragments. En effet, les pains et les galettes ont été détruits par le feu de l’incinération et/ou par des activités post-incinération (transfert des restes de l’incinération dans la fosse, décapage archéologique, etc.). Ces vestiges étant fragiles, il est difficile de les recueillir et il est impossible de quantifier le nombre de galettes ou de pain auquel ils correspondent.

25Quelques ossements d’animaux proviennent de ce rejet d’incinération. Ils sont tous carbonisés. Trente-et-un restes (soit 20,70 g) n’ont pu être identifiés du fait de leur grande fragmentation et de l’absence de critères distinctifs. Cependant, leur taille incite à penser qu’ils proviennent d’une espèce de grande taille, probablement le bœuf.

26Le matériel de la sépulture 2 date du début du iie s. Il est comparable à celui de la structure 2 de la nécropole du Grand Pré à Gravelotte (Faye 1991, p. 54 et pl. 45). Celui de la sépulture 3 est légèrement plus récent puisqu’il date au plus tôt de la deuxième moitié du iie s.

Un dépôt le long de la voie 2

  • 4  Suivant la typologie de Chenet 1941.

27Un dépôt de céramique dont le statut funéraire n’est pas assuré a été découvert au sud de la voie 2 (Dreier et al. 2009, p. 83). Il se compose de trois récipients auxquels sont associés quatre gros clous en fer (fig. 17). Un gobelet en céramique métallescente d’Argonne (type chenet 3344) à décor feuilles d’eau (fig. 17, no 1) est associé à une jatte en céramique rugueuse claire (fig. 17, no 2) et une cruche en commune claire (fig. 17, no 3) se rapportant au service de consommation sont associés à ce dépôt qui date du ive s.

Fig. 16 – Le dépôt funéraire sp. 2 : A, relevés en plan et en coupe ; B, mobilier céramique : 1, gobelet Stuart 1 ; 2, cruche Reims 113 ; 3, cruche Reims 106 ?

(DAO : Y. Daune, S. Marquié, F. Vorreux, Metz Métropole).

UNE PETITE NÉCROPOLE À PROXIMITÉ DE LA VOIE 3

28Au nord de la voie 3, un ensemble funéraire a été intégralement étudié. On y distingue deux groupes de tombes dont la mise en terre est échelonnée dans le temps : d’abord, le dépôt de deux sépultures situées à l’est (sp. 1 et 2), puis la mise en place d’un enclos entouré de fossés qui renfermait au minimum 4 dépôts de crémation en ossuaire (sp. 3, 4, 5 et 6) ainsi que 23 structures funéraires excavées en relation avec les sépultures (fig. 18).

29L’étude croisée des vestiges osseux, des vases ossuaires, des dépôts d’aliments, du mobilier d’accompagnement et des charbons de bois a permis de dresser un inventaire complet des aliments qui étaient consommés ou symboliquement partagés avec les défunts lors des funérailles. Des hypothèses sur l’identification des structures ont pu être formulées et l’étude de toutes les composantes matérielles a permis une analyse cohérente du contexte funéraire.

Description générale

  • 5  sp. 1 à 6.
  • 6  st. 7 à 12.
  • 7  st. 13 à 18.
  • 8  fs. 19.
  • 9  st. 20 à 22.

30Parmi les vestiges découverts à l’intérieur et en périphérie de l’enclos, cinq catégories de structures différentes ont été mises en évidence (fig. 18). Tout d’abord, les fosses de sépultures, au nombre de six, dans lesquelles des restes osseux sont déposés5 (fig. 18, nos 1 à 6). Autour de ces structures, des creusements étendus et peu profonds renfermaient des résidus de banquet6 (fig. 18, nos 7 à 12). Ces structures ont été, à une époque, qualifiées dans la littérature régionale de « pavés d’amphores », car leur surface concentrait des agglomérats de tessons très fragmentés d’amphores à vin (Metzler et al. 1991). Six fosses de plus petites dimensions contenaient des vases presque entiers et des dépôts alimentaires. L’absence d’ossements humains élimine l’hypothèse d’une sépulture et leur morphologie générale nous a amenés à les distinguer des dépôts de résidus de banquet. Elles sont qualifiées de structures de dépôt7 (fig. 18, nos 13 à 18). Une fosse contenait un dépôt de résidus de crémation8 (fig. 18, no 19). Le comblement comporte les ossements non sélectionnés et les offrandes primaires qui étaient disposées sur le bûcher. S’ajoutent trois vidanges de foyer qui contiennent exclusivement des charbons et des cendres9 (fig. 18, nos 20 à 22). La structure 23 n’a pas été caractérisée avec précision (fig. 18, no 23). Enfin, deux trous de poteau étaient en phase avec l’occupation de l’enclos (fig. 18, nos 24 à 25) contrairement aux quatre structures composant un grenier (bâtiment O) au nord-est, qui remontaient au second âge du Fer (voir supra, p. 18).

Fig. 17 – Le dépôt funéraire st. 54 : A, relevé en plan ; B, mobilier céramique : 1, gobelet Chenet 334 en céramique métallescente d’Argonne ; 2, jatte en céramique rugueuse claire ; 3, cruche en commune claire

(DAO : Y. Daune, S. Marquié, F. Vorreux, Metz Métropole).

31Toutes les structures funéraires découvertes ont un caractère secondaire. Un premier ensemble se dessine. Il est composé de deux sépultures secondaires à crémation (sp. 1, sp. 2), d’un dépôt de céramiques et de faune (st. 13) et d’un épandage de tessons (st. 7) datés du dernier quart du ier s. av. J.-C. Ce petit groupe de structures ne semble pas délimité par un enclos fossoyé. Dans un deuxième temps, au début du ier s., l’espace funéraire se structure quelques mètres à l’ouest à l’intérieur d’un enclos rectangulaire de 14,80 m par 13,30 m. La présence de petites fosses remplies de charbons et de cendres pourrait éventuellement être interprétée comme participant de l’entretien de l’espace funéraire. Deux trous de poteau sont intégrés dans les limites de l’enclos (tp. 24 et 25). Le premier se situe le long de la paroi interne du fossé, en position parfaitement centrée. Il pourrait avoir soutenu un élément ou fonctionné comme marquage.

Catalogue des faits funéraires

32Parmi les 28 structures contenant des restes ostéologiques, seules cinq ont été retenues comme contenant des restes humains. Il s’agit de quatre sépultures et d’un dépôt de résidus de crémation. Les autres ne contenaient que de la faune incinérée (voir infra, p. 33 sqq.). D’un point de vue ostéologique, les dépôts analysés sont bien en deçà du poids minimum d’un adulte complet et tous présentent des taux de fragmentation élevés, rendant impossibles la plupart des observations biologiques traditionnellement réalisées sur des sépultures à crémation.

Les sépultures secondaires à crémation

33Les sépultures 1 et 2 sont toutes deux datées du dernier quart du ier s. av. J.-C. Elles constituent les vestiges les plus anciens de cet ensemble funéraire. Il s’agit de sépultures secondaires à crémation déposées dans des vases céramiques. La sépulture 1 (1,12 x 0,90 m) était conservée sur 0,12 m (fig. 19). Les vases étaient disposés dans une fosse de forme ovalaire à fond plat. Trois vases céramiques complets sont déposés au fond du creusement dans les parties est (1190), nord-ouest (1193) et sud-ouest (1194) (fig. 20). Leur contenu est de même nature que le remplissage de la fosse et aucun élément mobilier n’a été observé. Le vase principal contenait quelques traces d’ossements brûlés qu’il n’a pas été possible de prélever en raison de leur fragilité. Des tessons céramiques sont disséminés autour de ces trois vases. Aucun ossement n’a été conservé, mais le tamisage a révélé la présence de 54 fragments de charbons de bois provenant probablement du bûcher (érable champêtre, chêne à feuilles caduques, aubépine et rosacées).

Fig. 18 – Plan de l’ensemble funéraire à proximité de la voie 3

(DAO : Y. Daune, S. Marquié, F. Vorreux, Metz Métropole).

34La sépulture 2 était sensiblement plus petite (0,70 x 0,45 m), mais son état de conservation était comparable (fig. 19). La forme du creusement était également ovalaire. Un bol hémisphérique en céramique (1900) était déposé sur le fond du creusement dans la partie est. Seuls des restes osseux brûlés de plusieurs animaux (1905) ont été identifiés, mélangés à du sédiment de même nature que le comblement de la fosse. Au nord et contre ce vase était positionné un petit bol tronconique (1901) comblé par ce même sédiment. Aucun autre mobilier n’a été observé à part une gouttelette en alliage cuivreux. Le comblement a livré 43 charbons de bois de chêne à feuilles caduques.

35La sépulture 3 (fin du ier s. av. - début du ier s. apr. J.-C.) était constituée d’un vase ossuaire logé au fond d’une fosse ovalaire (fig. 21). Elle se situe à l’intérieur de l’enclos. Le vase ossuaire (1148) est déposée sur le fond du creusement. La forme de la fosse, relativement modeste (0,47 x 0,37 m), semble être adaptée à la taille du réceptacle. Ce dernier a fait l’objet d’un traitement particulier. En effet, une cassure observée sur le fond de l’urne est colmatée par le fond annulaire du même vase (1150). Le tout contient l’amas osseux (1147) sur lequel est déposée une fibule (voir infra, p. 31), non passée sur le bûcher (1146) ainsi qu’un fragment de ressort (fig. 22). Un vase retourné (1149) fait office de couvercle pour l’ensemble. Trente-trois charbons de bois provenant de chênes à feuilles caduques pourraient provenir de la zone de crémation. Les restes ont été retrouvés dans une céramique brisée et fouillée en partie sur le terrain (2 passes) et en laboratoire (4 passes). Le poids total des restes humains est là encore « extrêmement faible » (149 g) avec un taux de fragmentation « intense » (0,38 g) des éléments identifiés et un pourcentage d’identification total « extrêmement faible » (7,90 %). L’identification précise des variables biologiques est impossible, mais le format général correspond à un adulte ou grand adolescent. Cependant, l’aspect fortement vascularisé de certains restes évoque des os immatures qui indiqueraient un NMI de deux : un adulte et un immature. Étant donné la nature des fragments, ces éléments sont à prendre avec précaution. Une fois de plus, la tendance suggérée par la répartition des fragments semble aller dans le sens d’une récupération représentative du squelette complet. De plus, la répartition par poids révèle une certaine homogénéité dans la distribution des restes par région anatomique et par passe, ne suggérant aucun agencement particulier du corps au moment du prélèvement.

36La sépulture 4 est datée plus largement du ier s. apr. J.-C. Elle se situait à l’intérieur de l’enclos dans une fosse quasiment circulaire (0,70 x 0,65 m) (fig. 21). Un fond d’assiette en terra rubra (1556) était disposé au centre du creusement, sur lequel reposaient les ossements d’un individu (1557). Des restes brûlés de plusieurs animaux et trois objets en fer appartenant à un coffret complètent la dotation. Un fragment de panse d’amphore semble avoir servi de couvercle puisqu’il reposait sur les vestiges brûlés. Des fragments de vaisselle en terre cuite et d’amphores (1556) ont été observés au sommet. Ils pourraient correspondre à un marquage au sol de la sépulture. Le comblement a livré de la faune brûlée notamment du porc et un fragment d’humérus de capriné. Les restes ostéologiques ont été trouvés sous une céramique brisée. Le poids total des restes humains est de 173 g, ce qui est « extrêmement faible » selon la table de référence de masse osseuse. De plus, le taux de fragmentation (0,75 g) des éléments identifiés reste « intense », avec un taux de 0,08 g en incluant les esquilles, avec un pourcentage d’identification total, c’est-à-dire avec esquilles (2,5 %), et partiel, c’est-à-dire sans les esquilles (8,5 %), « extrêmement faible ». Cela ne permet pas d’identifier les caractères biologiques du sujet inhumé, que ce soit l’âge ou le sexe. Ici encore, le format général des restes suggère plutôt un adulte ou un adolescent. Seule la région du tronc est complètement absente, mais – au regard de la très faible quantité de restes présents et devant la fragilité des os du tronc – cela n’est pas surprenant. Les restes semblent avoir été prélevés sur l’ensemble du cadavre sans sélection particulière.

Fig. 19 – Relevés en plan et en coupe des sépultures 1 et 2

(DAO : Y. Daune, S. Marquié, F. Vorreux, Metz Métropole).

Fig. 20 – La sépulture 1, vue depuis le sud

(cliché : Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 21 – Relevés en plan et en coupe des sépultures 3 à 6 (DAO : Y. Daune, S. Marquié, F. Vorreux, Metz Métropole).

Fig. 21 – Relevés en plan et en coupe des sépultures 3 à 6 (DAO : Y. Daune, S. Marquié, F. Vorreux, Metz Métropole).

Fig. 22 – La sépulture 3, vue depuis le sud

(cliché : K. Lemoine, Metz Métropole).

37La sépulture 5 remonte à la fin du ier s. av. - début du ier s. apr. J.-C. L’urne (2285.1) est déposée dans la partie ouest du creusement aux dimensions assez modestes (0,40 m de diamètre). Elle contient les restes osseux brûlés d’un individu et d’un ou de plusieurs animaux (fig. 21). Quelques tessons de terre cuite au sein du comblement proviennent peut-être du bûcher. Le poids total des restes humains est de 52 g, ce qui est « extrêmement faible ». De plus, le taux de fragmentation (0,90 g) des éléments identifiés reste « intense », avec un pourcentage d’identification total (7,90 %) « extrêmement faible ». Il est impossible d’identifier les caractères biologiques du sujet inhumé. Les tendances suggérées par la répartition des fragments entre les passes 4 et 5 semblent aller dans le sens d’une récupération représentative du squelette complet. Une autre tendance très discrète s’amorce avec la répartition par passe. La première passe (P4) contient principalement les restes du crâne, alors que la seconde passe (P5) contient surtout ceux des membres inférieurs. Cela indiquerait que les restes ont été prélevés alors que le squelette était encore dans une position anatomique identifiable et que la combustion n’a donc probablement pas été conduite.

38La sépulture 6 (ier s.) se situe à l’intérieur de l’enclos (0,70 m ; l. 0,65 m). Une coupelle céramique (1095) est déposée sur le fond d’une fosse aux dimensions restreintes (fig. 21). L’urne contenait les restes brûlés d’un individu (1096) mélangés à du sédiment de même nature que le comblement de la structure. Tout autour de cet élément principal s’organise le reste du dépôt : vaisselle en terre cuite et amphores brisées, restes de repas brûlés (viande, céréales et légumineuses) et éléments métalliques qui auraient pu appartenir au mobilier d’accompagnement du défunt (coffre ou coffret). De nombreux charbons de bois, parfois centimétriques, sont également observés parmi les vestiges. Le poids total des restes humains est de 230 g, ce qui est extrêmement faible selon la table de référence de masse osseuse. Cependant, le taux de fragmentation (0,22 g) des éléments identifiés reste intense, avec un taux de 0,05 g en incluant les esquilles, avec un pourcentage d’identification total, c’est-à-dire avec esquilles (8,80 %), et partiel, c’est-à-dire sans les esquilles (42 %), extrêmement faible. La conséquence est bien sûr une impossibilité totale d’identification des caractères biologiques du sujet inhumé, que ce soit l’âge ou le sexe. Seule indication, le format général des restes suggère plutôt un adulte ou un adolescent. Cependant, si l’on considère le poids relatif des éléments identifiés par région anatomique, on constate qu’il est comparable à celui du référentiel (Lowrance, Latimer 1957) en termes de représentativité. Cet élément, s’il est bien représentatif, indiquerait donc que les restes ont été prélevés sur l’ensemble du cadavre et qu’il n’y a pas eu de sélection particulière de pièce ou de région anatomique.

Fig. 23 – Relevés en plan et en coupe de la fosse 19

(DAO : Y. Daune, S. Marquié, F. Vorreux, Metz Métropole).

Fig. 24 – La fosse 19 en cours de dégagement, vue depuis l’est

(cliché : K. Lemoine, Metz Métropole).

Fig. 25 – Détail de la fosse 19 avec une monnaie flavienne glissée dans un vase en céramique, vue depuis le nord

(cliché : G. Brkojewitsch, Metz Métropole).

Le dépôt de résidus de crémation

39Cette fosse circulaire de 0,60 m de diamètre aux limites nettes accueillait un dépôt (fig. 23 et 24). Le comblement renfermait majoritairement de la cendre et des charbons de bois, du matériel ostéologique et du mobilier archéologique. Aux côtés des ossements humains, près de 4,50 kg de faune ont été déposés. Le mobilier était fortement altéré par le passage sur le bûcher. Il se compose de quatre vases en verre, d’une monnaie découverte dans une cruche (fig. 25), d’éléments de quincaillerie et de clous de chaussures. De nombreux macrorestes – principalement de la matière organique carbonisée et des légumineuses – complétaient le dépôt.

40Les restes de la fosse 19 ont été fouillés en neuf passes sur le terrain. Ce contexte présentait le volume de restes humains le plus important avec un poids total de 649,70 g, ce qui demeure extrêmement faible. Le taux de fragmentation des éléments identifiés est intense (0,24 g) et le pourcentage d’identification total est extrêmement faible (9,90 %). L’identification précise des variables biologiques est donc impossible. Le format général correspond à un adulte ou grand adolescent. La tendance suggérée par la répartition des fragments semble aller dans le sens d’une récupération représentative du squelette complet. Une autre tendance s’amorce si l’on observe la répartition par passe. La première passe (544 qui correspond au décapage) contient principalement les restes des membres inférieurs et très peu de crânes. Ensuite, les passes successives contiennent progressivement de plus en plus de restes de la tête. Cette organisation pourrait indiquer que les restes ont été prélevés de la tête vers les pieds, alors que le squelette était encore dans une position anatomique identifiable et que la combustion n’a donc probablement pas été conduite.

Les résidus de banquets

41Ces six fosses aux dimensions importantes peuvent atteindre 2 m de longueur pour une profondeur allant jusqu’à 0,30 m (fig. 26). Elles se caractérisent par un comblement saturé de mobilier. Le matériel est constitué de fragments de vaisselle, d’amphores, d’ossements brûlés de faune, d’objets métalliques et de charbons de bois (dont la taille varie de la particule millimétrique au fragment d’une dizaine de centimètres) (fig. 27). Ces objets proviendraient de banquets organisés par la famille et les proches du défunt lors des funérailles ou durant des cérémonies commémoratives. Ces pratiques – bien attestées dans les nécropoles du Nord-Est – participent vraisemblablement du rituel de séparation avec le défunt ou de célébrations en son souvenir lors d’anniversaires ou de fêtes annuelles. Six structures appartenant à cette catégorie ont été identifiées. Les cinq premières (st. 7 à 10) sont très comparables en termes de dimension et de nature du comblement (fig. 26). La sixième, plus petite (1,14 x 0,64 m) et plus profonde (0,34 m), renferme également des tessons de plus grande taille (fig. 28). Toutes les fosses, excepté la structure 7, sont situées dans l’enclos.

Les structures de dépôt

42Les six fosses de dépôt sont de petites dimensions (en moyenne, le diamètre est de 0,40 m et la profondeur de 10 cm). Elles renferment généralement un ou plusieurs vases (fig. 29). Un soin particulier semble avoir été porté à l’organisation du dépôt : les céramiques sont empilées, retournées, employées comme couvercle. Des restes brûlés de faune ont été découverts dans plusieurs contenants (fig. 29, vue de st. 17).

43L’absence d’ossements humains permet a priori d’écarter l’hypothèse de sépultures, mais la proximité des dépôts et des tombes indique qu’ils appartiennent à l’ensemble funéraire et qu’ils ont également été déposés en hommage aux défunts. Six structures de dépôt ont été fouillées.

Fig. 26 – Relevés en plan et en coupe des structures 7 à 12

(DAO : Y. Daune, F. Vorreux, Metz Métropole).

Fig. 27 – La structure 11 en quatre phases de démontage, vue depuis l’ouest

(clichés : G. Brkojewitsch, Metz Métropole).

Fig. 28 – La structure 12 vue depuis l’ouest

(cliché : G. Brkojewitsch, Metz Métropole).

Les vidanges de foyer et fosses à vocation indéterminée

44Trois structures concernent des concentrations de surface marquées par des cendres et des charbons de bois allant de la particule millimétrique au fragment centimétrique (fig. 30, st. 20, 21 et 22). Quelques fragments de céramique sont parfois présents dans le comblement. Ces épandages résultent vraisemblablement d’un curage de foyer ou de bûcher funéraire (niveaux inférieurs) et renvoient à la gestion de l’espace funéraire. Enfin, trois creusements à vocation indéterminée ont été relevés dans l’espace funéraire (fig. 30, fs. 23, 24 et 25).

Les données ostéologiques

45Le poids total extrêmement faible (1253 g pour les cinq dépôts), conjugué à des taux de fragmentation intense (0,50 g en moyenne) et des pourcentages d’identification faibles (7,40 % en moyenne) de l’ensemble des dépôts funéraires humains, rend difficile l’interprétation biologique. La nature du contexte archéologique perturbe la lecture en ce qui concerne les modalités de dépôts, primaires ou secondaires. Il semblerait que, dans le cas présent, tous les dépôts soient secondaires. Les structures semblent contenir une distribution représentative d’un squelette adulte complet, comparable, en tendance, à la distribution de référence publiée (Lowrance, Latimer 1957), sous réserve que ces échantillons soient représentatifs des dépôts originels. De plus, trois contextes sur cinq indiqueraient un prélèvement aléatoire des os des régions anatomiques (sp. 3, 4 et 6). Les deux autres (sp. 5 et st. 19) semblent répondre à une organisation plus précise : des pieds à la tête pour la fosse 19 et l’inverse pour la sépulture 5. Dans le premier cas, ce mode de prélèvement est souvent interprété comme un signe de conduite de la crémation. Dans le second, c’est l’inverse, le cadavre n’aurait pas subi de manipulation pendant la crémation. Un seul individu occupe la sépulture en règle générale, mais l’hypothèse d’un second individu dans la sépulture 3 pourrait être envisagée. Ce contexte, associé à un très grand nombre de restes fauniques, reste homogène par son caractère extrêmement fragmentaire, avec un volume très faible d’os et une distribution comparable des régions anatomiques représentées.

Fig. 29 – Relevés en plan et en coupe des structures 13 à 18 et vue depuis le sud de la no 17

(cliché : K. Lemoine ; DAO : Y. Daune, F. Vorreux, Metz Métropole).

Combustible et gestion du bois

  • 10  sp. 1 et 2
  • 11  st. 13, st. 9, st. 17, fs. 19, sp. 3, sp. 4, st. 12, st. 15, st. 14.
  • 12  sp. 6, st. 10 à 12 et st. 22.

46Dans l’espace funéraire, 174 charbons de bois provenant des deux structures funéraires datées de la fin du ier s. av. J.-C.10, 1 429 charbons de bois provenant des dix structures funéraires11 datées du ier s. apr. J.-C. et 2 084 provenant des cinq fosses contenant les rejets de banquets funéraires et datées de la même époque12 ont été identifiés. Six taxons ont été discriminés.

  • 13  sp. 1 et 2, st. 13, st. 9, sp. 3 et 4, st. 14.

47Parmi les 17 structures étudiées, sept ont fourni moins de 100 fragments de charbons13. Seulement huit charbons ont été récupérés dans une des couches de la nécropole datée du ier s. (1054). Aucun élément analysé ne présentait les dimensions suffisantes pour nous permettre de savoir de quelle partie anatomique de l’arbre il provenait.

Fig. 30 – Relevés en plan et en coupe des structures 20 à 25

(DAO : Y. Daune, F. Vorreux, Metz Métropole).

Structures funéraires du ier s. av. J.-C.

48Au début de la période augustéenne, le taxon prédominant est le chêne à feuilles caduques, présent en quantité élevée dans les trois structures avec 76 %. C’est la seule espèce identifiée dans la sépulture 2. Dans la sépulture 1, près de 30 % de Acer cf. campestre (érable champêtre) ont été identifiés. Plusieurs fragments de charbons de bois de Crataegus sp. (aubépine) et de Rosaceae pomoideae en pourcentage très faible (1,03 %) ont été reconnus.

Structures funéraires du ier s. apr. J.-C.

49Durant le ier s. apr. J.-C., le taxon prédominant est incontestablement le chêne à feuilles caduques, présent dans toutes les structures étudiées avec 96 %.

50Le hêtre (Fagus sylvatica), absent dans les contextes augustéens, est représenté par un pourcentage très inférieur au chêne à feuilles caduques (2,70 %) mais supérieur aux autres espèces identifiées à savoir le prunellier/prunier (Prunus spinosa/ domestica, aubépine et Rosaceae pomoideae). Ces deux derniers sont présents dans la structure 12 avec un pourcentage très faible de 0,01 %. À cette époque, la présence du prunellier/prunier dans le dépôt de résidu de crémation de la fosse 19 est notable, avec un pourcentage de 0,30 %. Enfin, l’aubépine (Crataegus sp.) est observée dans trois structures (sp. 3, fs. 19 et st. 12) avec un pourcentage de 0,60 %.

51Dans les fosses contenant des rejets de banquet funéraire, l’unique espèce identifiée est le chêne à feuilles caduques, avec un pourcentage de 96 %. Seule la structure 11 contenait des charbons de bois de Fagus sylvatica (31 fragments) ; un seul charbon de bois appartenant à la famille des Rosacées pomoïdées est issu de structure 12.

  • 14  Un spectre anthracologique est l’expression en diagramme de la fréquence relative de chaque taxon (...)

52Le spectre anthracologique14 des structures datées de la Protohistoire montre la présence et donc l’exploitation d’une partie sélectionnée d’espèces provenant d’une forêt tempérée mixte caducifoliée composée d’un étage arborescent de chênes à feuilles caduques, érable et aubépine. Les chênes à feuilles caduques sont exploités pour toutes les activités liées au feu en raison de leurs caractéristiques technologiques, en particulier la durée et la stabilité au feu. Il s’agit par ailleurs du taxon le plus répandu dans la couverture forestière du Plateau lorrain, bien anthropisé depuis le Subboréal. Dans l’ensemble, toutes les essences identifiées font partie de la végétation environnante. L’absence des autres composantes de ce type de forêt, principalement le charme (Carpinus betulus) et les Prunoïdées (Prunus sp.), renforce l’idée d’une sélection pour la recherche d’un feu stable et durable. La forte présence d’érable dans la sépulture 1 est également due à la qualité de cette espèce comme combustible.

53Le spectre anthracologique de l’époque romaine montre que l’exploitation du chêne à feuilles caduques continue à cette époque en s’enrichissant d’une autre espèce : le hêtre. Son apparition à cette époque est peut-être le signe d’un changement dans la composition végétale des forêts en Lorraine. Cette interprétation s’appuie sur les résultats d’analyses polliniques effectués dans la région. Le hêtre commence sa diffusion en Lorraine à partir du Subboréal (du Néolithique final à l’âge du Bronze) ; sa subordination naturelle aux chênes à feuilles caduques est bien visible dans les résultats de nos analyses. À partir du Subatlantique (de l’âge du Fer à l’époque moderne), il devient la principale composante de la forêt mixte du Plateau lorrain. Dans les diagrammes analysés, les variations des courbes polliniques du hêtre indiquent l’exploitation humaine de cet arbre. Contrairement à ce qui est observé sur le site de la Voie Nouvelle à Metz (Maire et al. 2015c), il devient l’espèce dominante devant le chêne. Le hêtre garde ici une part subordonnée. Les mêmes résultats sont également attestés par les données anthracologiques issues des autres structures funéraires d’époque romaine étudiées en Lorraine (Wiethold 2009 ; Wiethold, Preiss 2009 ; Wiethold, Bellavia 2011). Dans ces structures, le chêne à feuilles caduques continue d’être l’espèce la plus représentée dans les charbons de bois analysés. De plus, on remarque une faible présence du hêtre et des autres espèces typiques de la forêt mixte.

54Les structures funéraires ont donc été alimentées avec du bois qui avait été sélectionné puisque les analyses ne traduisent pas la composition totale des forêts du Plateau lorrain aux époques concernées. L’exploitation constante et la prédominance des chênes à feuilles caduques comme combustible pour alimenter les bûchers funéraires sont remarquables. La forte présence des Prunoïdées et Pomoïdées dans les structures funéraires est interprétable comme le signal d’un milieu bien anthropisé, avec une possible présence d’arboriculture à proximité. Cette proximité expliquerait la possibilité d’utiliser, comme combustible secondaire, des arbres fruitiers.

Vases ossuaires, dépôts funéraires et chronologie

55Malgré l’érosion relevée sur la ZAC du Technopôle II, ce contexte funéraire a livré une quantité relativement importante de mobilier archéologique à l’échelle du site. Quantitativement, la céramique domine nettement, notamment dans les fosses de banquets. La vaiselle en verre est beaucoup moins abondante. Aux côtés des vases, des objets en métal et des dépôts alimentaires ont été découverts.

La céramique

  • 15  Céramique protohistorique tournée fine et cuite en mode B, dite proto-terra nigra : PTB/PTN (Deru (...)

56La nécropole a livré 4 431 tessons (83,10 kg) pour un nombre minimal de 106 individus (Marquié, Brkojewitsch 2017). La céramique de tradition laténienne avec 34 récipients représente 32 % du mobilier. Seize pots et six bols sont ainsi tournés dans une argile riche en fines inclusions de quartz calibré et cuits en mode B15. La céramique non tournée totalise cinq bols, quatre gobelets et trois pots. Elle peut avoir une pâte sableuse ou être dotée de grosses inclusions variées. Les quelques traces de façonnage observées montrent l’utilisation du creusage de motte pour les bols tronconiques et ceux à paroi verticale. La céramique gallo-belge représente 48 % du mobilier avec 51 profils identifiables. La plupart des récipients ont été recuits si bien que pour les plus fragmentaires d’entre eux, il n’a pas toujours été possible de déterminer s’il s’agissait de terra rubra ou de terra nigra. D’un point de vue morphologique, on dénombre 25 assiettes (Deru 1996, types A1, A2, A5, A17/18, A31, A42/43), 12 bols/coupes (Deru 1996, types C8, C4/6, B41, KL15, KL1-5) et 14 pots (Deru 1996, P1/3, P30/32, P41, P61/64). Un gobelet en paroi fine a été identifié (Roth-Rubi 2006, type Dangstetten D6.2, p. 92-93). Parmi la céramique commune (11,40 % du mobilier), on compte sept cruches régionales (dont deux types Reims 101 et une Reims 205) et cinq vases culinaires (trois pots de type Gose 531 en rugueuse B, une jatte Gose 500 et un couvercle en rugueuse A). Enfin, au moins sept amphores (quatre Dressel 1B italiques, une Lyon 7A, une amphore poissée non identifiée, une Dressel 2/4 orientale) et un dolium proviennent de ce site.

Le traitement des céramiques

57Dans cet espace funéraire, la vaisselle en céramique est le mobilier le plus abondant. Elle est ainsi présente dans les sépultures secondaires à crémation, les résidus de banquet, les structures de dépôts et le dépôt de résidus de crémation. Elle y remplit plusieurs fonctions : vase ossuaire, couvercle de vase ossuaire, offrandes primaires déposées sur le bûcher aux côtés du défunt, offrandes secondaires et vaisselle utilisée lors des banquets funéraires ou commémorations. L’examen du traitement des vases apporte ainsi de précieuses informations sur les gestes liés aux différentes étapes de la crémation.

Les sépultures secondaires à crémation

58Après la crémation, une partie des restes osseux est déposée dans un vase ossuaire. Pour les sépultures 1 et 2, les vases ossuaires sont des céramiques protohistoriques tournées fines et cuites en mode B (PTB) : pot à courte encolure concave de type Reims P4 (Deru dir. 2014, p. 190, fig. 103) pour la sépulture 1 (fig. 31, no 1) et un bol hémisphérique Reims KL1 (Deru dir. 2014, p. 189, fig. 102) pour la sépulture 2 (fig. 31, no 8). Dans les quatre sépultures localisées à l’intérieur de l’enclos, le vase ossuaire est systématiquement en céramique gallo-belge : terra nigra pour la sépulture 5 (fig. 31, no 17), terra rubra pour les sépultures 3, 4 et 6 (fig. 31, no 12, fig. 31, no 14, fig. 31, no 20). D’un point de vue morphologique, en revanche, on ne constate aucune règle : pot P1, calice KL15, assiette A31 ou fond cassé d’assiette. Certains vases portent, en outre, les témoignages de traitements spécifiques. Ainsi des coups de flamme sont visibles sur le calice de la sépulture 3, sur le fond d’assiette de la sépulture 4 et sur l’assiette de la sépulture 6. Ces traces ne peuvent pas être liées à un usage domestique, la terra rubra n’étant pas destinée à aller au feu. Dans le cas de la tombe 6, les traces de feu observées en surface sont relativement légères et pourraient être liées à la présence de charbon dans le comblement de la fosse et dans le récipient lui-même (fig. 31, no 20). Cette explication ne tient pas pour l’assiette de la tombe 4, dont seule une partie du fond est préservée, et dont la paroi interne, qui repose sur le fond de la fosse, est entièrement calcinée (fig. 31, no 14). Peut-être s’agit-il, dans ce cas, d’une offrande primaire récupérée sur le bûcher ? Un autre type de traitement observé concerne le fond du calice de la sépulture 3. Une fois détaché, il a été volontairement retourné de sorte que les ossements se trouvent à l’intérieur de l’anneau (fig. 31, no 12). Ces observations montrent que le choix des vases ossuaires est aléatoire tant dans les formes que dans l’origine du vase (offrande primaire ou secondaire). En somme, on utilise ce qu’on a à portée de main (Blaizot, Bonnet 2007, p. 224-225). Sur d’autres sites régionaux contemporains, comme en Moselle à Farébersviller (Lefebvre 2011), au lieu-dit la Machotte à Jouy-aux-Arches (Gebus 1990), au lieu-dit Schemerten à Mondelange (Vanmoerkerke 1994 ; Feller 2008 ; 2009), au lieu-dit le Grand Pré à Gravelotte (Faye 1991), ou en Meurthe-et-Moselle à la ZAC de la Roseraie de Gondreville (Adam et al. 1999, p. 166), les vases ossuaires ont également des formes variées. L’image donnée ici contraste donc avec la nécropole rurale de la Haie aux Angles à Mécleuves (Moselle), où au iie s. apr. J.-C. le vase ossuaire est toujours un pot de type Niederbieber 105 (Oelmann 1914) réservé à l’usage funéraire, si l’on en croit son absence dans l’habitat associé à la nécropole (Ancel et al. 2012, p. 203). Par ailleurs, l’usage d’offrande primaire en guise de vase ossuaire, bien que rare, est connu dès l’époque laténienne, notamment dans la nécropole de Lamadelaine sur l’oppidum du Titelberg au Luxembourg (Metzler-Zens et al. 1999, p. 390), à Duisans dans le Nord-Pas-de-Calais (Jacques, Rossignol 2001, p. 47) et sur le site d’Acy-Romance II (Lambot et al. 1994, p. 150). Pour l’époque romaine, il est attesté à Lyon et en Auvergne (Blaizot dir. 2009, p. 202), à Argentomagus dans l’Indre (Allain et al. 1992, p. 126) et à Avenches en Suisse (Castella 1999, p. 54).

  • 16  Identification typologique rendue possible grâce à la présence de fragments de cols retrouvés en s (...)

59Dans l’ensemble funéraire de Grigy, seule la sépulture 4 possède une panse d’amphore lyonnaise à defrutum imitation du type Haltern 70 (Desbat, Dangréaux 2002 ; Maza et al. 2002, type Lyon 7A)16 qui recouvre l’amas osseux déposé sur le fond incomplet d’assiette en terra rubra (fig. 21 et 31). Il n’est pas exclu que la panse de pot en terra nigra de la tombe 3 ait également servi de couvercle (fig. 31, no 11), mais les perturbations modernes empêchent de s’en assurer. À moins que cette panse n’ait été déplacée par les labours puisqu’elle appartient au même récipient que celui découvert dans le résidu de banquet 8 adjacent (fig. 32, no 12). En Lorraine, les couvercles peuvent être de plusieurs sortes, notamment des assiettes retournées ou non au lieu-dit la Machotte à Jouy-aux-Arches (Gebus 1990, st. 2035 et st. 2070), fragments de céramique brisée ou des fonds de cruche. Dans le Nord de la Gaule, la présence de traces de poix ou de résine sur le bord de certains récipients a permis à Frédéric Loridant d’émettre l’hypothèse de couvercles en tissu (Loridant 2013, p. 154-155). Le choix du type de couvercle semble donc tout aussi aléatoire que celui des vases ossuaires.

60Les offrandes primaires, déposées avec le défunt et brûlées sur le bûcher, sont présentes dans les sépultures 1, 5 et 6 (fig. 31). Leur nombre varie de deux à huit. Concernant la tombe 4, les deux fonds d’amphores (Dressel 2/4 orientale et Lyon 7A) proviennent de la surface et sont plutôt à considérer comme des intrusions liées aux labours (fig. 31, nos 15 et 16). Quatre gobelets non tournés (trois types B.1.20 et un B.8.5) proviennent de la tombe 1 (fig. 31, nos 4 à 7), une assiette en terra rubra A18 et un pot en PTB dans la tombe 5 (fig. 31, nos 18 à 19) ainsi qu’une cruche Reims 205, quatre coupes en terra rubra dont deux types C8, un bol en terra nigra B41 et deux assiettes en terra rubra A31 de la sépulture 6 (fig. 31, nos 21 à 28). Le répertoire morphologique des dépôts issus de cette dernière montre un service constitué de récipients pour la présentation des aliments et pour le service des liquides.

61Les offrandes secondaires sont déposées avec le défunt avant son ensevelissement et peuvent se présenter de différentes manières (objet complet ou bris). Seules les deux sépultures secondaires à crémation du dernier quart du ier s. av. J.-C. ont respectivement livré deux offrandes secondaires en céramique. Dans la tombe 1, il s’agit d’un bol tronconique B.8.5 et d’un gobelet aux parois verticales B.1.20, tous deux en céramique grossière non tournée, déposés sur le pourtour de la fosse (fig. 31, nos 2 et 3). De légères traces de feu ont été observées sur ces récipients. Dans la sépulture 2, une écuelle tronconique en céramique grossière non tournée, dont il manque un éclat de bord, a été déposée contre le vase ossuaire (fig. 31, no 9). Des traces de suie sont visibles sur la surface du vase y compris sur la cassure. Un bris (panse cannelée de pot) en PTB semble provenir de l’intérieur du vase ossuaire (fig. 31, no 10), mais la fouille n’a pas permis de s’en assurer. Il n’est pas possible d’interpréter la présence de coups de flamme observés sur les vases de la sépulture 1, qui peuvent être liés à la cuisson des récipients aussi bien qu’à un deuxième passage au feu en rapport avec les pratiques funéraires. Cependant cette deuxième lecture est vraisemblable pour l’écuelle de la tombe 2, dont la suie recouvre la cassure. À l’intérieur de l’enclos, aucune sépulture secondaire à crémation n’a livré de dépôt non brûlé en céramique. Seule la sépulture 3 possède une fibule déposée au-dessus de l’amas osseux. Cette image contraste notamment avec celle de la nécropole de Mondelange (Vanmoerkerke 1994) et du Grand Pré à Gravelotte (Faye 1991), où les sépultures secondaires du début du ier s. ont livré des offrandes secondaires.

Fig. 31 – Céramiques déposées dans les sépultures 2 à 6

(DAO et clichés : S. Marquié, Metz Métropole).

Les résidus de banquets

62Les résidus de banquets sont au moins au nombre de six. S’agissant de structures peu profondes, à l’exception de la no 12, elles sont très arasées.

63La structure 7, localisée à l’extérieur de l’enclos, a livré onze récipients tous incomplets et passés au feu. On compte ainsi une amphore italique Dressel 1B (fig. 32, no 1), conservée à 25 %, associée à dix vases de tradition laténienne. La PTB est la mieux représentée avec six individus : un bol hémisphérique KL1 et cinq pots (fig. 32, nos 2 à 7). Une écuelle à bord rentrant et un bord éversé de pot sont en céramique fine non tournée (fig. 32, nos 8 et 9). Enfin le groupe non tourné à pâte grossière a livré une écuelle à bord rentrant et un pot à bord éversé (fig. 32, nos 10 et 11). La détermination de groupes fonctionnels est délicate, mais nous pouvons distinguer deux écuelles et un bol qui ont certainement servi à contenir des aliments, sept pots pour la conservation ou la cuisson des denrées et une amphore italique pour le stockage du vin.

64Parmi les résidus de banquets localisés à l’intérieur de l’enclos, la structure 11 fournit les observations les plus pertinentes concernant le déroulement des banquets. Elle a livré au moins quinze récipients différents. Ainsi, la PTB compte cinq vases : trois pots et deux assiettes (fig. 33, nos 1 à 5). La céramique gallo-belge a livré deux assiettes en terra rubra champenoise (type A2 et A31) (fig. 33, nos 6 et 7) et un pot en terra nigra du groupe lorrain (fig. 33, no 8). Un gobelet à paroi fine a également été identifié (Roth-Rubi 2006, type Dangstetten D6.2, p. 92-93) (fig. 33, no 9). La commune claire compte trois cruches, dont deux Reims 101 (fig. 33, nos 10 à 12), et des amphores italiques, trois Dressel 1B incomplètes (fig. 33, nos 13 à 15). On constate ainsi que le service à boire est représenté par six récipients (deux cruches, un gobelet et trois amphores) tandis que celui pour la consommation des solides a livré neuf récipients (quatre assiettes et cinq pots). Aucune céramique de cuisson n’est présente. Une fois le repas consommé, les vases sont détruits et jetés dans les flammes. Ils présentent tous des traces de feu, sont incomplets et souvent déformés. De fait, les trois amphores ont toutes été brisées volontairement (traces de concassage et de débitage sur les anses et les pilons), puis certains fragments ont été passés au feu. Par ailleurs, la plupart des fragments semblent avoir été jetés pêle-mêle, mais ce ne semble pas être le cas pour les trois amphores italiques, l’assiette en terra rubra A2 et le pot à encolure en PTB. La première amphore provient majoritairement de la structure 11 (fig. 33, no 13), alors que la partie supérieure de la deuxième, conservée aux trois quarts, est issue de la structure 10 (fig. 32, no 18). Enfin, la partie supérieure de la troisième amphore est éparpillée dans les structures 10 et 11, tandis que la panse et le pilon ont été déposés dans la structure 12 (fig. 33, no 21). Le poids moyen conservé de chaque Dressel 1B varie entre 12 et 13 kg, suggérant qu’environ 50 % du récipient sont conservés. Cette répartition du matériel est également visible avec l’assiette en terra rubra A2 qui a été volontairement brisée en deux : une moitié est placée dans la structure 11 et l’autre dans la 12 (fig. 33, no 6 ; fig. 31, no 16). Les fragments d’un pot en PTB sont également éparpillés dans ces trois structures, mais la difficulté pour remonter le vase (tessons recuits et déformés) empêche de vérifier l’existence éventuelle d’un choix de répartition (fig. 33, no 1 ; fig. 33, no 17).

65Un dolium complet provient de la structure 12 (Gose 1950, type 356/358) (fig. 33, no 18). Il a été volontairement brisé par percussion externe dans la partie inférieure de la panse avant d’être déposé de biais dans la fosse, le bris contre le fond de la fosse. Ce dolium est calé par la moitié de l’assiette A2 en terra rubra, des fragments de pot en PTB et des trois amphores Dressel 1B, tous mentionnés ci-dessus. Ce type de récipient peut atteindre une capacité de 150 l. Notre exemplaire de 65 l est donc un petit module. D’après les travaux menés sur les nécropoles luxembourgeoises de Clemency (Metzler et al. 1991), de Lamadelaine (Metzler-Zens et al. 1999) et de Goeblange-Nospelt (Metzler, Gaeng 2009), ce récipient aurait le même statut que l’amphore et aurait été utilisé lors des banquets funéraires. Mais l’identification de son contenu demeure hypothétique (bière, hydromel, etc.).

66Les autres fosses interprétées comme des résidus de banquets sont plus arasées et ont livré peu de mobilier : trois fragments de pots et une coupe C4/6 en céramique gallo-belge (st. 8) (fig. 32, nos 12 à 15) et la partie supérieure d’une imitation lyonnaise d’amphore orientale (st. 9) (fig. 32, no 16). À noter que les fragments en terra nigra de la structure 8 collent avec la panse utilisée comme couvercle dans la sépulture 3.

67Si la répartition de récipients dans plusieurs structures est volontaire, il ne faut pas pour autant y voir un geste symbolique. Il peut tout aussi bien s’agir d’un hasard de ramassage.

Les dépôts

68Les six dépôts renferment des aliments déposés dans ou à côté de récipients en céramique. Quatre d’entre eux (13, 14, 16 et 17) apportent des informations intéressantes sur l’organisation de ces dépôts (fig. 34). Les deux restants (15 et 18) sont très arasés et inexploitables.

69Le plus ancien (st. 13) date du dernier quart du ier s. av. J.-C. (fig. 34). Elle renferme une assiette A1 en terra nigra champenoise entièrement passée au feu (fig. 34, no 1) dans laquelle étaient déposées de la faune et cinq offrandes primaires très fragmentées : un gobelet B.1.20, deux écuelles dont un B.8.5 et un pot, tous non tournés à pâte grossière ainsi qu’un pot P4 en PTB (fig. 34, nos 2 à 6). Le gobelet B.1.20 et l’écuelle B.8.5 appartiennent aux vases rencontrés dans la sépulture 1 adjacente (fig. 31, nos 4 et 7).

70Dans la structure 14, la faune est déposée dans un pot ovoïde à bord éversé et à décor peigné en PTB, fermée par une coupe C4/5 en céramique gallo-belge champenoise (fig. 34, nos 7 et 8), le tout calé par des fragments de panse et d’épaule de deux Dressel 1B qui appartiennent aux mêmes récipients que des résidus de banquets (fig. 34, nos 9 et 10). La faune de la fosse 16, quant à elle, est déposée sur des fragments de pot en terra nigra du groupe lorrain et d’un pot à cuire Gose 531 en rugueuse B, le tout scellé par une assiette A43 en terra nigra recuite et retournée (fig. 34, nos 11 et 12). Enfin, la structure 17 a livré en son centre une base annulaire de cruche contre laquelle est accolée une coupe C8 en terra rubra champenoise et, entre les deux, de la faune brûlée. L’assiette A18 en terra rubra champenoise n’a pas pu être localisée précisément (fig. 34, nos 13 à 15).

Fig. 32 – Céramiques déposées dans les fosses à rejets de banquets 7 à 10

(DAO : S. Marquié, Metz Métropole).

Fig. 33 – Céramiques des structures de banquet 11 et 12

(DAO : S. Marquié, Metz Métropole).

71La morphologie de ces dépôts, la présence de faune brûlée déposée avec soin dans ou contre des récipients brisés et souvent recuits, aux fonctions diverses peuvent évoquer aussi bien des reliefs de repas pris lors de commémorations en l’honneur du mort que des dépôts carnés. Quelle que soit l’interprétation donnée à ce type de dépôt, seule la fosse 13, par sa localisation et les raccords observés parmi les tessons, pourrait être contemporaine de l’ensevelissement du défunt de la sépulture 1.

Le dépôt de résidus de crémation

72Dans la partie méridionale de l’enclos, la fosse 19 a livré les résidus d’une crémation. Au total sept offrandes primaires en céramique ont été distinguées. Elles sont toutes très fragmentaires et plus ou moins recuites. On dénombre ainsi cinq terra nigra du groupe lorrain (deux pots P41, une assiette A7 (?) et A42, un bol dont il ne reste que le fond ombiliqué) (fig. 34, nos 16 à 20) et deux rugueuses B (un pot Gose 531, un bord de couvercle) (fig. 34, nos 21 et 22). Ces dépôts appartiennent à trois groupes fonctionnels : les vases pour la consommation des aliments solides (deux assiettes, un bol), pour celle des liquides (deux pots) et pour la cuisson des aliments (un couvercle et un pot).

Fig. 34 – Céramiques des structures de banquet 13 à 17 et du dépôt de résidus de crémation en fosse 19

(DAO : S. Marquié, Metz Métropole).

73Parmi le mobilier de ce résidu de crémation, trois autres vases déposés dans la moitié inférieure de la fosse méritent une attention toute particulière. Ainsi la jatte Gose 500 en rugueuse A (conservée à 50 %) a été brisée avant que certains tessons ne repassent au feu (fig. 34, no 23). Le pot Gose 531 en rugueuse B et l’assiette A7 en terra nigra du groupe lorrain – tous deux complets à 80 % – ne présentent aucune trace de feu et ont des cassures rectilignes (fig. 34, nos 24 et 25). Ces récipients ont vraisemblablement servi lors de la cérémonie avant d’être brisés et certains fragments ont pu être jetés dans le feu. Bien que peu fréquente et d’interprétation délicate, la présence d’offrandes secondaires dans ce type de dépôt de résidus de crémation est connue (Blaizot, Tranoy 2004 ; Blaizot, Bonnet 2007, p. 212-213).

Fig. 35 – Mobilier métallique et en verre de la sépulture 3, de la fosse 19, de la structure 13 et des autres vestiges de l’ensemble funéraire

(DAO et clichés : M. Chabrier, A. Reiff, Metz Métropole).

Le verre

74Le mobilier en verre est relativement rare dans l’ensemble funéraire. Seul le dépôt de résidus de crémation (fs. 19) a livré des artefacts fortement dégradés par le feu (fig. 35). Dans le contexte funéraire, une bouteille dotée d’une anse (fig. 35, nos 59 et 60) et deux bols (fig. 35, nos 61 et 62) étaient associés à un bûcher funéraire dont les restes étaient enfouis dans la fosse 19. Une coulure de verre dont une partie est repliée sur elle-même pourrait appartenir à un quatrième récipient (fig. 35, no 63). Ces vases destinés au service des liquides suggèrent que des boissons étaient partagées symboliquement avec le défunt ou dispersées sur le bûcher.

Le métal

75Huit structures funéraires contenaient de la clouterie très fragmentée (fig. 35, nos 2 à 26 ; fig. 35, nos 27 à 54 ; fig. 35, nos 65 à 68 et 70 ; fig. 35, nos 75 à 92). Le nombre d’objets par fosse est généralement modeste, entre un et sept individus. Deux contextes funéraires ont livré du matériel métallique sans association de clouterie en fer.

76La majorité des clous renvoie à la petite menuiserie (L. inf. à 40 mm). Seule la structure 11 a fourni trois clous de plus grand format (L. sup. à 70 mm) (fig. 35, nos 77, 83 et 84). La présence de clous de chaussure est spécifique à la fosse 19 (fig. 35, nos 27 à 38, 40 à 54) et à la structure 14.

77L’aile de charnière provenant de la structure 9, servant à une articulation caisse/ouvrant d’un coffre ou coffret et peu probablement d’un cercueil, est intéressante (fig. 35, no 73). Elle correspond au type 3 de la nécropole En Chaplix d’Avenches. Du fait de son manque de rigidité, les usages auparavant proposés sont exclus. Les découvertes en contexte funéraire sont assez nombreuses (Castella 1999, p. 357-358).

78À noter également des fragments d’un probable ardillon de fibule en fer dans la structure 11 et d’un anneau en bronze dans la structure 17.

79Il s’agit des reliquats typiques des nécropoles à crémation. En l’absence de clous robustes, on peut exclure un usage dans l’assemblage de l’ossature du bûcher. Le format des clous est plus adapté à l’apposition de décor ou à l’assemblage de coffres ou de coffrets, voire au dispositif du corps à proprement parler uniquement pour les grands clous de la structure 11 (brancard, civière, cercueil, etc.). Le matériel préservé reste anecdotique par rapport à la quantité présente lors de la crémation et ne permet pas d’approfondir nos éventualités de mises en œuvre. La fine tige de section ronde (st. 11) et l’aile de charnière (st. 9) peuvent être rapprochées de manière probable du mobilier primaire accompagnant le défunt (parure, coffre ou coffret).

80Deux contextes ont peut-être renfermé des caisses ou des petits meubles. L’unité stratigraphique 529, une des couches de surface du secteur funéraire, a livré de la clouterie avec des traces de bois conservées par perminéralisation, et la structure 10 contenait deux clous décoratifs, à têtes hémisphériques creuses, généralement associés à des menuiseries (fig. 35, nos 72 et 74).

La monnaie

81Un as a été découvert à l’intérieur d’une céramique dans la fosse associée au dépôt de résidu de crémation de la structure 19 (fig. 25 et 35, no 64). Il a été détérioré par le feu avec le reste du matériel déposé dans la fosse. Il peut être attribué au règne de Titus. Une autre fosse contenait une monnaie assez abîmée et malheureusement illisible (fig. 35, no 69).

82Les monnaies déposées et utilisées dans le cadre de gestes funéraires peuvent prendre un sens symbolique particulier lié ou non à l’effigie du droit ou du revers (Duchemin 2012, p. 127-198). Il est par conséquent primordial d’enregistrer la face d’apparition et l’emplacement exact de la monnaie et de la prendre en photographie. Si plusieurs monnaies sont découvertes ensemble dans une sépulture ou un sanctuaire, dans le cas de dépôt, l’ordre d’apparition des monnaies peut avoir son importance. Cette méthodologie a déjà permis d’éclairer les gestes et pratiques funéraires (Duchemin 2012, p. 127-198). Il demeure primordial de préciser que les monnaies provenant de contextes funéraires ne sont probablement pas représentatives de la circulation, car elles correspondent à un choix individuel dans le cadre d’une cérémonie ritualisée. Elles peuvent ainsi avoir été stockées longtemps avant leur usage funéraire.

83La datation des sépultures par la numismatique est donc fort risquée. Il est judicieux de se tourner dans ce genre de cas vers d’autres matériaux permettant de dater, tels que la céramique. Toutefois, dans ces contextes clos, l’étude de ce mobilier permet, avant de donner des indices chronologiques, de mieux appréhender les gestes et les pratiques funéraires. Dans ce cas précis, l’as de Titus semble avoir fait partie d’un bûcher pour avoir été ensuite récupéré et placé dans un vase. La monnaie ne provient pas obligatoirement du bûcher du défunt. Elle a été d’ailleurs ensuite séparée de la sépulture primaire. Si les idées préconçues sur l’obole à Charon sont tenaces, car ce symbole est bien connu chez les Grecs, le même geste dans une région et une période différentes peut symboliser toute autre chose. Or, la monnaie a été découverte dans une fosse associée à un dépôt de résidu de crémation (fs. 19), ce qui signifie que le défunt n’aurait pas eu accès à l’as dans l’autre monde. La monnaie ne semble pas correspondre, par conséquent, à une obole à Charon.

84La destruction au moins partielle par le feu pourrait être alors un type de démonétisation faisant passer la monnaie dans le champ sacré. Toutefois, il n’est pas réellement possible de savoir si son symbolisme diffère vraiment du reste du mobilier se trouvant sur le même bûcher.

Les dépôts carnés

85Le matériel osseux totalise 8570 vestiges ayant subi un très fort impact thermique (fig. 36). La taille de ces éléments est particulièrement restreinte, puisque le poids moyen de tous les restes est de 1 g. Sur ces 8 570 fragments osseux, ceux attribués spécifiquement sont très peu nombreux (seulement 51). Parmi les espèces animales identifiées, le porc est le plus fréquent avec 33 restes. Il est suivi du bœuf, du cheval, du mouton ou de la chèvre et enfin du coq.

86Ces espèces sont classiquement rencontrées en contexte funéraire romain, la préférence étant donnée au porc et au coq. C’est le cas, pour ne donner que deux exemples récents, sur les sites de la Caserne Gouraud à Soissons dans l’Aisne (ier-iie s.) (Gissinger dir. 2012) et de la Haie aux Angles à Mécleuves en Moselle (ier-iiie s.) (Ancel et al. 2012).

87La présence de restes d’un cheval (deux fragments d’os du tarse) est moins courante. En effet, cette espèce – qui n’est habituellement pas consommée durant la période romaine – est peu fréquente dans la majeure partie des contextes romains et encore moins dans le monde funéraire.

88Les restes osseux sont retrouvés dans tous les types de structures, à l’exception des structures de dépôts de céramique et des trous de poteau, dans des proportions parfois faibles. Deux fosses renferment plus de 3 kg d’ossements : la structure 11 et le dépôt de résidus de crémation de la fosse 19. On trouve ensuite quelques centaines de grammes de restes osseux, probablement du porc, dans les écuelles (st. 13 et 17).

Les macrorestes végétaux

89Dix-sept contextes ont fait l’objet d’une analyse carpologique qui a révélé 570 macrorestes végétaux (fig. 36). L’absence de macrorestes dans neuf structures, dont les deux du quatrième quart du ier s. av. J.-C., est à souligner. Les résultats les plus significatifs proviennent de trois fosses datant du ier s. apr. J.-C., qui ont révélé une quantité significative de graines et de fragments de galettes. Cette présence de macrorestes plus forte peut être due à un échantillonnage plus ciblé sur ces trois structures. La structure 15 a révélé 53 macrorestes végétaux. La très grande majorité a été identifiée comme des légumineuses : des lentilles (Lens culinaris : 30 NMI), des pois (Pisum sativum : 2 NMI) et de la féverole (Vicia faba : 1 NMI). Cinq macrorestes de mauvaises herbes accompagnent ce spectre avec la fléole des prés (Phleum pratense), le plantain lancéolé (Plantago lanceolata), la vrillée liseron (Fallopia convolvulus), le trèfle des champs/petit trèfle jaune/pied-de-lièvre (Trifolium campestre/dubium/arvense) et un bulbe de fromental (Arrhenatherum elatius ssp. bulbosus). Cette dernière espèce est récurrente dans les structures funéraires (Roehrs et al. 2012).

Fig. 36 – A, types de structures rencontrées ; B, principales structures ayant livré de la faune et des carporestes

(DAO : G. Brkojewitsch, Metz Métropole).

90La sépulture 6 a révélé 118 macrorestes végétaux. Les légumineuses représentent également la majorité des restes découverts au sein de cette structure (68 NMI). Les pois (Pisus sativum : 26 NMI) sont les plus nombreux, accompagnés des lentilles (Lens culinaris : 14 NMI). De nombreux fragments de légumineuses ont aussi été repérés sans pouvoir être identifiés (28 NMI de Leguminosae sativae indeterminatae). Dans cette structure, les céréales sont présentes sous deux formes : des produits bruts et des produits transformés. En effet, un grain de millet commun (Panicum miliaceum) et 38 fragments de matière organique carbonisée de type pain/galette/pâtisserie ont été repérés. Les mauvaises herbes sont quasiment absentes du corpus avec une seule semence de Phleum pratense.

91L’étude de la fosse 19 a mis en évidence 379 carporestes. Là aussi les légumineuses sont majoritaires : des lentilles (Lens culinaris : 189 NMI), des féveroles (Vicia faba : 44 NMI) et des pois (Pisum sativum : 2 NMI). Les céréales sont aussi présentes sous forme de graines et de matière organique carbonisée. Les grains témoignent de la présence de blé nu (Triticum aestivum s.l./durum/turgidum : 3 NMI), de millet commun (Panicum miliaceum : 2 NMI), d’épeautre (Triticum spelta : 1 NMI) et d’avoine (Avena sp. : 1 NMI). Ont été mis en évidence 140 fragments de matière organique carbonisée de type pain/ galette. Malgré ce nombre important, il n’est pas possible de quantifier les éléments entiers auxquels ils correspondent. Dans une moindre proportion, la présence de pommes (Malus cf. domestica : 3 NMI) et de noisettes (Corylus avellana : 2 NMI) est à noter. Les mauvaises herbes ne sont présentes qu’en très faible proportion (10 NMI). Les résultats carpologiques de cette fosse 19 correspondent à une vidange de bûcher et témoignent certainement des offrandes déposées avec le défunt sur le bûcher au moment de la crémation.

92Sur le site de Grigy, deux types de restes céréaliers principaux ont été retrouvés : des restes n’ayant subi aucune transformation et des produits transformés. Les restes de légumineuses prédominent toujours sur les espèces céréalières. D’après Pline l’Ancien (Histoire naturelle, XVIII, 30), une importance symbolique était donnée aux légumineuses dans les rites funéraires, en particulier concernant la fève et à la lentille qui étaient censées s’occuper des âmes des défunts. Un autre passage de Pline (Histoire naturelle, XVI, 30) rappelle que la fève est utilisée lors des Parentalia, les cérémonies commémoratives du mois de février. Le repas des Feralia partagé à cette occasion comprenait des aliments particuliers parmi lesquels le vin, le sel, les lentilles, les fèves et une bouillie de céréales. Lors des Parentalia d’Anchise, ces mets sont déposés sur le sol, sur une tuile ou une pierre qui communique avec la tombe (Virgile, Énéide, V, 76-77). La prédominance des légumineuses sur les céréales peut ainsi être liée à un choix délibéré : une préférence symbolique pour les semences dans les rites. Cette forte représentation pourrait aussi s’expliquer par les conditions de conservation des céréales, qui résistent moins bien que les légumineuses aux très hautes températures des bûchers et des foyers. Les caryopses de céréales sont dominés par des éléments de matière organique carbonisée (MOC). Le dépôt de galette, de pâtisserie ou de bouillie est un phénomène souvent observé en contexte funéraire (Marinval 1993 ; Lannoy et al. 2002). Les céréales ont donc pu être disposées avec le défunt lors de sa crémation : sous forme de grains non transformés, elles ont pu être déposées dans des vases ou des récipients en matière organique sur le bûcher funéraire et être ensuite carbonisées lors de la crémation du défunt. Il est aussi possible qu’il s’agisse de graines jetées sur le corps en guise d’offrande (Poux 2009), mais elles peuvent aussi être des contaminations accidentelles du lieu de dépôt du défunt. D’une manière globale, l’étude carpologique révèle que les pratiques funéraires faisaient appel à des plantes usuelles du quotidien (Marinval 2004 ; Wiethold, Preiss 2009).

Chronologie

93Cette nécropole a été fréquentée durant plus d’un siècle et trois ensembles se dessinent : un premier daté du dernier quart du ier s. av. J.-C. (Deru 1996, horizon II) localisé à l’extérieur de l’enclos funéraire (sp. 1 et 2), un deuxième ensemble situé lors de la première moitié du ier s. apr. J.-C. (horizon III-IV) se situe à l’intérieur de l’enclos ; et un dernier ensemble, correspondant à la fosse 19, de la deuxième moitié du ier s., voire du tout début du iie s. apr. J.-C. (horizons V-VII), se développe dans la partie sud de l’enclos. Les céramiques utilisées lors des funérailles proviennent toutes de la sphère domestique.

94La céramique de tradition laténienne (PTB et non tournée) domine largement les assemblages précoces et semble encore utilisée dans la première moitié du ier s. apr. J.-C., mais dans des proportions moindres. Elle est, dès lors, remplacée par la terra rubra du groupe champenois puis par la terra nigra du groupe lorrain. Ces changements, également observés pour les amphores, ne traduisent pas seulement une évolution chronologique, mais illustrent aussi des modifications dans les modes d’alimentation et les rites funéraires. Ils sont comparables à ceux observés dans la nécropole rurale de Mondelange (Feller 2009, sp. 108 et 150) et de Farébersviller (Lefebvre 2011, st. 12 à 16). Dans les dépôts du ier s. apr. J.-C., les vases ossuaires, bien que de formes variées, sont systématiquement en céramique gallo-belge. De même, les offrandes primaires se composent majoritairement d’assiettes et de bols en terra rubra et terra nigra et plus rarement de pots à cuire ou de cruches en commune claire régionale. Aucune sigillée italique ou sud-gauloise n’a été identifiée. Dans les résidus de banquets, les amphores sont associées à un dolium, des vases à liquides (cruches et gobelets), de la céramique culinaire et des vases à solides. Le faible éventail de productions observé dans cette nécropole contraste avec celui de la nécropole urbaine de Metz (Cartier 2008, p. 21 et p. 80-82), mais il rejoint les observations faites notamment dans la nécropole rurale la Haie aux Angles à Mécleuves (Ancel et al. 2012), à la Machotte de Jouy-aux-Arches (Gébus 1990) et de Mancourt à Ennery-sur-Moselle (Adam 2001). L’explication la plus plausible serait que l’approvisionnement de céramiques en contexte urbain est plus varié qu’en milieu rural (Ancel et al. 2009). À cela s’ajoute également le statut social des habitants, beaucoup plus difficile à appréhender.

95Le dépôt de résidus de crémation (fs. 19) est sensiblement plus récent puisqu’il renfermait, en plus des céramiques, des formes non identifiables de verre et une monnaie frappée sous Titus.

Pratiques funéraires

96La crémation est la pratique funéraire exclusive dans cet espace. Les faits archéologiques rencontrés ne sont pas tous des sépultures ; elles signalent des gestes et des séquences différents dans le déroulement des funérailles et des diverses cérémonies annuelles.

97Les ossements réduits en morceaux par combustion, sur des bûchers en bois de chêne parfois allumés par des branches d’aubépine ou de prunier, sont collectés dans des récipients en terre cuite ou dans des contenants en matière périssable, avant d’être déposés dans des fosses circulaires.

98La chaleur du bûcher est forte et la température atteinte lors de la crémation, soumise à de nombreuses variables, est suffisante dans quelques cas pour que, du fait d’un phénomène de recuit, la corrosion ne se développe pas sur les éléments métalliques, laissant les surfaces d’origine du matériel en fer intactes (sp. 4, st. 15, fs. 19). L’intensité de la chaleur est également à l’origine de la formation d’une goutte de bronze dans la sépulture 2. Les deux espèces de bois prédominantes (le chêne et le hêtre) sont appréciées comme combustible notamment pour leur capacité à atteindre des hautes températures et à les maintenir stables durant un long moment. On en déduit que les bûchers funéraires ont pu atteindre des températures supérieures à 600 °C durant plusieurs heures, ce qui explique, par voie de conséquence, la forte fragmentation des ossements.

99On ne connaît pas les gestes pratiqués lors des funérailles pour les tombes les plus anciennes. En revanche, dans les différentes fosses à résidus de crémation de la fin du ier s., les restes calcinés restés dans l’aire de combustion sont rassemblés puis enfouis dans une fosse prévue à cet effet. L’examen de la fosse 19 a montré que le corps du défunt, adulte ou grand adolescent, avait été brûlé sur un bûcher en bois de chêne allumé avec des branches d’aubépine ou de prunier (Bellavia, Brkojewitsch à paraître). Le défunt portait probablement des chaussures. Son corps ou ses ossements ont certainement été aspergés de liquide, d’après la découverte d’un récipient en verre. Celui-ci était accompagné de coffre(s) ou coffret(s), d’une monnaie et de dépôts alimentaires : viande de bœuf et aliments à base de céréales (pain/galette/bouillie), légumineuses (lentilles, pois, féveroles) et fruits (pommes, noisettes) vraisemblablement déposés dans des assiettes et des pots en céramique. Un peu plus tardivement, dans la deuxième moitié du iie s., des gestes similaires sont illustrés non loin de là, sur le site G : un défunt adolescent ou adulte est incinéré sur un bûcher. Des restes de repas commémoratif ou des dépôts alimentaires carnés et végétaux (composés principalement de viande de bœuf et de pain ou de galette) sont placés dans des contenants en céramique. Une partie des os brûlés et du mobilier d’accompagnement est ensuite prélevée sur le bûcher pour être déposée dans la tombe.

100Les restes des défunts incinérés ont été enfouis dans des fosses. Aucune aire de combustion n’a été observée, ce qui signifie que l’on brûle les corps en dehors de l’enclos, à moins que les bûchers n’aient été édifiés en surface et que l’érosion du sol n’ait effacé toute trace. De plus, malgré une occupation continue, certaines structures font défaut. C’est le cas des dépôts de résidus de crémation liés aux sépultures secondaires 1 à 6 et de la sépulture associée à la fosse de résidus de crémation 19. L’absence de dépôts de résidus de crémation de la fin du ier s. av. J.-C. au milieu du ier s. apr. J.-C. suggère également qu’ils sont localisés ailleurs. L’image s’inverse à la fin du ier s. : la présence sur le site de la fosse contenant les résidus de crémation 19 et l’absence de sépulture de cette période à l’intérieur de l’enclos montrent qu’à cette époque, cet espace ne sert plus de lieu de sépulture. L’analyse offre malgré tout des informations intéressantes sur le déroulement des funérailles (Brkojewitsch et al. 2014, p. 274-275).

101Ainsi, une fois la crémation effectuée, une partie des ossements humains est mise dans un vase ossuaire en céramique qui est ensuite déposé dans la fosse. Aucune caractéristique anthropologique sur les défunts présents dans les sépultures 1 et 2 du dernier quart du ier s. av. J.-C. n’a pu être déterminée tant les restes osseux étaient dégradés. Les quatre autres, localisées à l’intérieur de l’enclos et qui datent de la première moitié et du milieu du ier s. apr. J.-C., renferment les ossements appartenant à des grands adolescents ou des adultes. Seule la sépulture 3 semble être double et avoir accueilli aussi un immature (voir supra, p. 29).

102Les deux premières sépultures, creusées à l’est de l’enclos, ont une forme ovalaire. Le vase ossuaire est accompagné de deux récipients disposés selon une organisation précise. Les quatre sépultures secondaires à crémation de l’enclos sont, quant à elles, plus ou moins circulaires et de plus petite dimension (sp. 3 à 6). Elles ont livré des offrandes primaires et, à l’exception d’une fibule déposée au-dessus de l’amas osseux de la tombe 3, aucun dépôt secondaire n’a été observé.

103Six creusements étendus et peu profonds renfermaient des résidus de banquet signalés par de fortes concentrations de tessons et d’ossements d’animaux. Ils sont antérieurs au milieu du ier s. et à mettre en relation avec le banquet réel ou symbolique partagé lors des funérailles. À cette occasion, on boit du vin importé d’Italie et de Lyon. Les mets consommés, comme le pain, la galette ou la bouillie, les légumineuses ainsi que le porc, le bœuf, le cheval et le coq sont présentés et servis dans des assiettes et des pots (voir supra, p. 45 sqq.).

104Les six dépôts qui s’échelonnent sur l’ensemble du ier s. sont des fosses de petites dimensions qui ont livré des vases en céramique dans ou contre lesquelles ont été déposés des ossements d’animaux. Leur interprétation est délicate : gestes de commémoration en l’honneur d’une sépulture ou dépôts alimentaires lors de fêtes annuelles.

Un espace funéraire en lien avec le premier établissement rural

105Cet ensemble funéraire est certainement à mettre en relation avec la première phase d’occupation de la villa qui se développera surtout à partir du iie s. Cet espace funéraire, entièrement dégagé et relativement bien conservé, apporte des données nouvelles sur les pratiques funéraires en contexte rural entre le dernier quart du ier s. av. J.-C. et la fin du ier s. apr. J.-C., période charnière encore peu documentée en Lorraine. Si les principales étapes des funérailles y sont perceptibles, l’absence de certaines séquences traduit des changements dans l’utilisation du lieu. Le noyau initial est ainsi constitué de deux sépultures. Dès le tournant de notre ère, on aménage quelques mètres plus à l’ouest un enclos qui accueille quatre nouvelles sépultures. L’absence de sépulture de la fin du ier s., malgré la présence du dépôt de résidus de crémation (fs. 19), suggère déjà les prémices d’un nouveau déplacement de la nécropole qui se confirme au iie s. Celui-ci pourrait être mis en relation avec la reconstruction de la villa en murs de pierre et la réalisation de nouveaux chemins d’accès.

106L’examen de la répartition spatiale des tombes et surtout du mobilier associé met en évidence des différences notoires entre les sépultures les plus anciennes et celles localisées à l’intérieur de l’enclos. Celles-ci sont particulièrement perceptibles au sein du mobilier céramique. Ainsi, les contextes datés du dernier quart du ier s. av. J.-C. renferment de la vaisselle bien ancrée dans la tradition laténienne (pots, écuelles et gobelets) alors que dès le début du ier s., les dépôts de l’enclos livrent de la vaisselle empruntée au répertoire romain et révèlent la consommation de produits méditerranéens importés en amphores. Ces modifications sensibles des habitudes alimentaires sont observables dans la nécropole de Mondelange (Moselle) (Feller 2008).

107En somme, la durée d’utilisation, le faible nombre de sépultures, le mobilier associé et la proximité de l’établissement rural plaident en faveur d’une petite nécropole familiale au statut social relativement modeste.

108Dans cet ensemble funéraire, deux types de tombes sont observables : des sépultures secondaires à crémation dans des larges fosses datées du dernier quart du ier s. av. J.-C., et des sépultures secondaires à crémation logées dans des petites fosses et groupées dans un enclos. Leur association dans un même contexte révèle les changements de pratiques funéraires qui débutent à la période augustéenne.

109Les vestiges de cet ensemble funéraire constituent, en outre, une source d’information importante sur la genèse de ce site. La localisation des sépultures conduit à s’interroger sur le statut des individus qui reposaient dans l’enclos et dont le traitement funéraire montre une emprise assez forte des pratiques romaines. Leur présence constitue un argument en faveur de l’existence d’une exploitation agricole ou d’une petite villa en matériaux périssables installée dès la période augustéenne et ce, malgré la fugacité des contextes associés avec certitude dans les espaces habités.

110L’enclos funéraire, l’enclos occidental et le sentier rural qui les borde s’intègrent dans un projet raisonné. Les trois ensembles possèdent, en effet, une orientation comparable. Le mur d’enclos de la villa est assurément plus récent et l’on ne peut se prononcer sur la chronologie relative des deux autres structures. Pourtant, il apparaît clairement que ces dernières ont fonctionné simultanément.

ÉVOLUTION CHRONOLOGIQUE ET DESCRIPTION DE L’ÉTABLISSEMENT

111Le décapage a mis en lumière la villa ainsi que ses structures connexes (fig. 37 ; fig. 38). À l’origine, entre la fin du ier s av. J.-C. et la fin du ier s. apr. J.-C., le domaine se développe principalement à l’ouest du ruisseau des Linières sur un petit versant accusant un faible pendage ouest-est. L’occupation pluriséculaire et les nombreuses modifications dans le plan de l’habitation indiquent clairement que la construction de la villa relève de processus lents. Peu d’indices permettent toutefois de dater l’ensemble des changements dans un contexte de récupération intense des matériaux de construction et soumis à une très forte érosion. Cette dernière, conjuguée à l’activité agricole, a fait disparaître la plupart des niveaux de circulation (fig. 39).

112La chronologie a été structurée en trois phases. La première partie (phase 1) concerne des vestiges des bâtiments sur poteaux porteurs localisés à l’ouest du vallon sans organisation particulière (fig. 40). Ces constructions sont accompagnées de canalisations et de plots. Cette occupation est située entre la période gallo-romaine précoce (GR1) et la fin du ier s., voire le début du iie s. Cet état est contemporain de l’enclos funéraire (voir supra, p. 27).

Fig. 37 – La villa gallo-romaine de Grigy, vue zénithale. La zone boisée au centre de l’emprise correspond au tracé du ruisseau des Linières

(cliché : 4vents).

113Durant la phase 2 – état 1 –, la villa s’organise selon un schéma bipartite associant pars urbana et pars rustica. La phase 2 – état 2 – est marquée par la transformation de la demeure qui s’agrandit considérablement et pour laquelle une architecture de pierre est adoptée (fig. 41). Il est probable qu’une grande part du chantier se soit déroulée au début de la période antonine. La demeure évolue vers plus de faste et de confort et la partie agricole se développe vers le milieu du iiie s.

114Enfin, le domaine est progressivement abandonné durant la phase 3, mais certaines zones de la pars urbana continuent à être occupées (fig. 42). À partir du début du ve s., les matériaux de construction ont été récupérés et une partie du site, dans le fond de la vallée, a été recouverte par une épaisse sédimentation.

UN PREMIER ENSEMBLE DE CONSTRUCTIONS (PHASE I)

115Trois bâtiments sur poteaux de bois se situent à l’ouest du ruisseau. Le bâtiment 1 est la construction la plus grande et la plus complexe. Il est séparé du bâtiment 2 par une rangée de trois plots. Ce dernier (bâtiment 2) est implanté perpendiculairement à l’axe de la construction principale. Le bâtiment 3, au plan irrégulier et peut-être incomplet, se localisait à une trentaine de mètres au nord.

Une construction originelle : le bâtiment 1

Analyse archéologique

116Seize creusements témoignent de la présence d’un bâtiment (fig. 43). Trois fosses (fs. 1596, fs. 2298 et fs. 2308) ainsi que les vestiges d’un fossé de drainage (fo. 1738) pourraient être contemporains de cette phase d’occupation.

117Les empreintes en négatif des trous de poteau dessinent un rectangle de 11,50 x 4,50 m, soit une superficie de 51,75 m2, orienté du nord au sud. Deux tierces forment des cloisons portant le nombre d’espaces internes à trois. Le plus septentrional d’entre eux (4,50 x 2,50 m) est constitué de trois poteaux corniers (tp. 2294, tp. 2300 et tp. 2302) et d’un trou de poteau médian sur le côté est (tp. 1598). La deuxième pièce (6,90 x 4,50 m), située au centre, est formée par deux supports axiaux (tp. 1602, tp. 1975). Elle est séparée de la première pièce par une première tierce (tp. 2296, tp. 2313 et tp. 2302) et de la troisième pièce par un ensemble de deux tierces (tp. 1637, tp. 248, tp. 1660, tp. 1635, tp. 1639, tp. 1644). La troisième pièce (4,50 x 1,60 m) comporte deux trous de poteau corniers observés (tp. 1637 et 1658) et un trou de poteau médian axial (tp. 252).

Les structures associées au bâtiment 1

118Un fossé (fo. 2324) orienté nord-ouest - sud-est se situait au niveau de l’angle nord-est du bâtiment 1. Ce dernier était très arasé, mais il conservait une largeur remarquable de 1,10 m. Son comblement (2325) est un limon argileux compact et homogène brun comportant des fragments de terre cuite architecturale et de moellons de calcaire bleu.

119Il était antérieur à la fosse 1596 (0,90 x 0,30 x 0,21 m) dont le profil est en cuvette avec une paroi verticale et un fond concave. Le comblement (1597) d’argile renfermait des fragments de calcaire et de terre cuite architecturale et surtout de la céramique attribuable au ier s.

120Le trou de poteau 2313 recoupait un foyer circulaire (fy. 2304 ; 1,20 m x 0,90 m). Ce foyer possède un creusement (2304) de forme ovalaire, à profil en cuvette, parois inclinées à 45° et fond plat. Son comblement est constitué de plusieurs couches. Au fond du creusement, la terre est rubéfiée (2305) sur une épaisseur de 6 cm. Le premier remplissage (2306) est un niveau charbonneux qui résulte de la dernière charge (ép. 2 cm). Le second et le troisième comblement (2307, 2321) colmatent la surface charbonneuse après son abandon.

Trois fondations en pierre

121À l’est de ce bâtiment sur poteaux porteurs, trois fondations de pierres sont implantées dans l’axe de la future galerie (au nord, st. 51 : 1,12 x 0,97 x 0,26 m ; au centre, st. 1554 : 1,12 x 1,04 x 0,30 m ; au sud, st. 99 : 1,12 x 1,04 x 0,30 m). Les plots composés exclusivement de calcaire local sont distants de 5 m et devaient supporter des éléments en élévation (fig. 44). L’alignement de ces trois fondations de pierres était peut-être complété par d’autres substructions englobées ultérieurement dans les maçonneries de la villa.

Fig. 38 – Plan diachronique de la villa

(DAO : G. Brkojewitsch, Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 39 – Coupe schématique de la villa de Grigy selon un axe ouest-est : évocation de l’érosion et du remblaiement

(DAO : K. Lemoine, Metz Métropole).

Fig. 40 – Plan de la villa durant la première phase de construction : phase I

(DAO : G. Brkojewitsch, Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 41 – Évolution des enclos et structuration des espaces durant la phase II – états 2 et 3

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Une construction annexe sur six poteaux porteurs : le bâtiment 2

122À une vingtaine de mètres à l’est du bâtiment 1, une seconde construction sur six poteaux porteurs en bois a été érigée (fig. 45). Les trous de poteau (tp. 302, tp. 1825, tp. 1879, tp. 1778, tp. 1746, tp. 1757) dessinaient un bâtiment au plan rectangulaire simple et régulier, orienté ouest-est. L’espacement entre les négatifs de poteau est de 3,20 m. Ils couvraient une surface de 20,50 m2. Les limites des creusements étaient nettes et leur profondeur oscillaient entre 0,20 et 0,40 m. Les plans étaient circulaires à l’exception du trou de poteau 1757 dont le creusement est quadrangulaire. Tous les poteaux comportaient un calage réalisé à base de calcaire et de tuiles fragmentées (tp. 302-2161, tp. 1825-2266, tp. 1778-2258, tp. 1746-1829, tp. 1757-2254). Les comblements qui scellaient les fosses étaient constitués d’argile limoneuse meuble de couleur brun foncé. Les inclusions les plus fréquentes sont des charbons de bois, des boulettes de chaux et des fragments de tuiles. Des traces plus sombres, marquant l’empreinte du bois, ont été observées dans les trous de poteau corniers est (tp. 302 – US 1576, tp. 1825 – US 2267). Un septième poteau tp. 1834, de 0,50 m de diamètre, venait renforcer le centre de la paroi sud (tp. 1879). Il est envisageable que ce poteau ait servi lors d’une réfection ou d’une consolidation. Au niveau du pignon, un huitième trou de poteau (tp. 1744) a été relevé. Il mesurait 0,36 m de diamètre, mais sa profondeur de 0,48 m, supérieure à la moyenne, suggère qu’il avait une fonction portante.

Fig. 42 – Plan de la villa durant la phase de récupération et d’abandon : phase III

(DAO : G. Brkojewitsch, Y. Daune, Metz Métropole).

Un édifice incomplet au plan trapézoïdal : le bâtiment 3

Analyse archéologique

123Une concentration de vestiges était située à 40 m au nord de l’habitation (fig. 46). Elle se composait de quatre trous de poteau (tp. 15, tp. 17, tp. 232, tp. 1155) et d’une fosse (fs. 06). Les excavations pour planter les poteaux mesuraient entre 0,30 et 0,46 m de diamètre. Le remplissage de limon argileux compact est commun à toutes les structures. En dehors de la céramique, de nombreuses inclusions de charbons de bois et de boulettes d’argile rougeâtre pourraient constituer les vestiges des pans de murs, constitués de bois et de torchis. Bien qu’aucune organisation structurelle particulière ne se détache, ces vestiges indiquent la présence d’un bâtiment en matériaux légers associés à une fosse à vocation indéterminée.

Les données archéobotaniques

124Le remplissage du trou de poteau 1155 a révélé la présence de 77 macrorestes. Les légumineuses y sont largement majoritaires (82 %) avec des lentilles bâtardes (Vicia ervilia : 59 macrorestes), deux pois et deux légumineuses indéterminées. En quantité moindre (11,50 %), l’orge vêtue ainsi que d’autres céréales indéterminées ont été identifiées.

Fig. 43 – Plan et relevés en coupe des structures du bâtiment 1

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

D’autres vestiges ponctuels à l’est

125Les traces d’occupation romaine au ier s. apr. J.-C. sont assez fugaces. Les vestiges associés sont peu structurés et, au total, seuls cinq faits archéologiques ont pu être attribués à cet état. Il s’agit d’une fosse, d’un trou de poteau, d’un foyer et de deux fossés.

126La fosse 877 (1,67 x 0,86 m) est comblée par une accumulation de moellons de calcaire bleu et de fragments de terre cuite architecturale. Elle pourrait avoir été creusée pour extraire du sédiment (fig. 47).

127Quelques mètres à l’est, un trou de poteau (tp. 692) de 0,50 m de diamètre a été découvert (fig. 47). Il est comblé en deux temps par de l’argile limoneuse compacte et homogène brun clair comportant des inclusions de terre cuite architecturale et de charbon (693), puis par une argile limoneuse meuble et hétérogène brun noir incluant du charbon et de la terre cuite architecturale (1282). L’étude anthracologique traduit la présence de chêne à feuilles caduques.

128Le four est fortement endommagé par un aménagement ultérieur. Le creusement (923) orienté nord-sud était composé de deux parties ovalaires : au nord, la zone de chauffe et, au sud, la zone de charge (fig. 47). Les deux entités ont des profils en cuvette avec des parois évasées et des fonds concaves. La zone de chauffe (1 x 0,60 m) est comblée par un niveau de limon argileux compact et homogène brun rougeâtre (924) contenant des particules de charbons de bois (< 2 cm), des nodules de terre rubéfiée (< 2 cm) et quelques éclats calcaires (< 2 cm). La zone de charge (0,67 x 0,36 m) est remplie par deux niveaux distincts : dans sa moitié inférieure, un niveau d’argile limoneuse compacte et homogène brune (1325) contenant quelques particules de charbons de bois, de terre cuite architecturale et d’éclats calcaires (ép. : 13 cm) ; dans sa moitié supérieure, un niveau de limon argileux très charbonneux compact et homogène brun foncé (1324) contenant de nombreuses particules de charbons de bois (< 2 cm) et de nodules de terre rubéfiée (ép. : 12 cm). Une tegula complète séparait ces deux niveaux de remplissage de la zone de charge.

Fig. 44 – Clichés et relevés en plan et en coupe des trois plots de pierre st. 51, st. 99 et st. 1554

(clichés : J. Maujean, S. Sedlbauer, Metz Métropole ; DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

129Deux aménagements au minimum ont participé au drainage. La première (cn. 312) a été observée sur 4 m environ au nord de la villa. Elle possède un tracé linéaire et son comblement (133) comportait des fragments calcaires et de terre cuite architecturale. Le conduit de la canalisation, peut-être en matériau périssable, n’a pas été conservé.

130Située à l’est du ruisseau, la canalisation cn. 875 rejoint la canalisation cn 1211 en formant un coude de 115° vers le sud-ouest (cn. 1211). Son creusement (875) linéaire a été reconnu sur près de 10,50 m. Son comblement (876, 1212) d’argile compacte et homogène a livré 4 tessons du ier s. ou du tout début du iie s., de la faune, un fût d’épingle en matière dure animale et un clou.

Fig. 45 – Plan et relevés en coupe des structures du bâtiment 2

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 46 – Plan et relevés en coupe des structures du bâtiment 3

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 47 – Relevés en plan et en coupe du four 923, de la fosse 877 et du trou de poteau 692

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

En guise de bilan pour la phase I

131Durant l’état I, l’établissement affiche une taille relativement modeste et se cantonne principalement à l’ouest du ruisseau. Les constructions étaient probablement composées de bois – peut-être du chêne – et de torchis. Les tuiles sont attestées dans les comblements, mais elles demeurent peu fréquentes. L’utilisation de bardeaux ou de tavaillons pour la toiture est plus probable. Le bâtiment 1 par sa forme et sa taille est le plus important de l’ensemble. L’organisation de l’espace est rudimentaire, mais une forme de bipartition pourrait se dessiner. Aucun vestige remarquable ne permet de caractériser les activités qui étaient pratiquées à cette époque. La découverte de marcrorestes carbonisés (légumineuses et céréales) à proximité du bâtiment 3 permet de faire l’hypothèse d’un espace domestique.

LA COUR DE LA VILLA ET LES PREMIERS AMÉNAGEMENTS ASSOCIÉS (PHASE II, ÉTATS 1 ET 2)

132Le domaine gagne progressivement en importance et vers la fin du ier s. ou au début du iie s., les bâtiments en matériaux périssables sont remplacés par des constructions en pierre. À l’emplacement du bâtiment 1, un grand corps de logis est édifié à l’ouest alors qu’un bâtiment à galerie est construit dans la pars rustica. Dans un premier temps, l’espace s’organise autour d’une unique cour (état IIa) avant d’être restructuré en deux puis trois enclos destinés à délimiter les activités.

D’une cour unique à sa subdivision

L’enclos 1 : la cour initiale

133Lors de la monumentalisation de l’établissement, une grande cour quadrangulaire définissait l’espace (fig. 41, 48 et 49). Elle était traversée par le ruisseau coulant du sud vers le nord. Ce dernier devait satisfaire les importants besoins en eau. L’enclos dessinait un grand espace de près de 5424 m2 (90,40 x 59,28 m) à l’est de la résidence.

L’enclos 2 : une création par ajout d’un mur à l’ouest

134Selon un schéma classique, la résidence du maître ouvre à l’ouest sur une cour, peut-être un jardin ou un verger, au plan trapézoïdal qui est entièrement enclose par un mur bâti sur des fondations en pierres délimitant une surface de 3011 m2 (68,50 x 59,40 m). Ce dernier est postérieur à l’enclos 1 sur lequel il s’appuie (fig. 41 et 48). Les radiers de construction réalisés en calcaire local étaient conservés ; ils témoignent de fondations d’une largeur de 0,50 m environ. À l’est du mur, une double interruption dans le tracé (tr. 358, tr. 1990) pourrait signaler l’emplacement d’une porte (fig. 48, nos 5, 6 et 7). Le massif central (tr. 358) (1,30 x 0,54 m) pourrait être interprété comme un plot récupéré ayant servi de support à un montant au centre d’un portail. Le mur au sud (mr. 570) a fait l’objet d’une récupération. Il se distingue par la présence d’un appendice – une petite pièce rectangulaire – situé au sud-ouest de son tracé (fig. 48, nos 27 à 29). Cet espace de 4 m2 environ est délimité à l’ouest et au sud par un radier (mr. 592, mr. 561) et à l’est par une tranchée de récupération (tr. 605). Ce dispositif en avancée par rapport à l’axe du mur pourrait être interprété comme un porche pour une petite porte donnant accès au sud.

Fig. 48 – Relevés en plan et en coupe des enclos 1, 2 et 3

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

L’enclos 3 : vers la bipartition

135La cour agricole est restructurée pour aménager deux espaces distincts : l’enclos 3 et l’enclos 4 (fig. 41 et 48). De ces transformations, l’enclos 3 était tourné vers l’habitation et l’agrément avec la mise en eau d’une fontaine (voir infra, p. 87-88). Par la même occasion, la zone de production était mieux séparée de l’habitat et elle intégrait le tracé du ruisseau. On ne peut toutefois écarter l’hypothèse selon laquelle une cloison en matériaux périssables ou une levée de terre dont nous aurions perdu la trace marquait une limite auparavant.

136Lors de la restructuration de l’espace de l’enclos 3 (65 x 34,80 m), ce dernier est élargi de 5 m au nord par rapport à l’enclos 1 avec la mise en place d’un mur (mr. 320) orienté ouest-est. Les fondations en calcaire de ce mur (321) étaient particulièrement bien conservées sur tout son tracé (34,80 x 0,80 m). Lors de son édification, le mur de la phase 1 (tr. 1011) est entièrement dérasé comme en témoigne sa relation avec le mur de clôture nord-sud (tr. 298, mr. 295) (fig. 50 et 58). Les observations de terrain ont permis de montrer que la fondation de ce mur (mr. 295) recoupait le comblement (1012) de la tranchée de récupération (tr. 1011). Dans cette partie de la cour, une couche (1051) limoneuse renfermant des fragments de terre cuite architecturale et de nombreuses particules de mortier a été observée sur 0,20 à 0,35 m d’épaisseur. Ce niveau d’abandon, en lien avec le démantèlement des maçonneries, recouvrait la tranchée de récupération du mur nord (tr. 1011) de l’enclos ainsi que le sol en pierre (1050) qui lui était associé. Il était par ailleurs recoupé par le mur nord (mr. 320) de l’enclos 3.

Fig. 49 – Relevés en plan et en coupe des enclos 1 et 4

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

137Le mur de séparation orienté nord-sud (tr. 298, mr. 295) avait conservé une assise en élévation (fig. 51). Le mur traversait toute la cour du nord au sud (70 x 0,70 m). Sur le tronçon où la première assise est conservée, on observe une largeur de mur de 0,70 m sensiblement inférieure à la tranchée de fondation qui mesure 0,90 m. La tranchée de fondation (295) était comblée avec des blocs et des éclats de calcaire non équarris (296). Une semelle débordante de 0,20 m se trouvait à la base de l’élévation constituée de blocs parallélépipédiques (30 x 20 x 15 cm) assemblés au mortier de chaux. Entre les deux parements, la fourrure du mur se composait d’un fin cailloutis noyé dans une grande quantité de mortier de chaux.

138Trois pièces s’adossaient aux murs de l’enclos 3. Leur chronologie exacte et leur fonction restent incertaines. Leur position indique que ces murs étaient contemporains ou postérieurs à l’enclos 3 et qu’ils ont coexisté avec lui.

139La pièce XX était une petite construction de plan rectangulaire de 23 m2 (5,80 x 3,90 m), dont les murs prenaient appui sur les enclos 2 et 3 (fig. 52). Deux murs partiellement récupérés (mr. 269 - tr. 271 ; mr. 287) ont été édifiés à l’angle des enclos et créaient une salle. Parmi les inclusions nombreuses (mortier, calcaire), un lot de tuiles a été relevé au fond des creusements. Les fragments de terre cuite formaient une couche homogène d’une vingtaine de centimètres d’épaisseur. La partie sommitale du comblement est plus riche en éclats de calcaire.

140L’existence d’un creusement élargi le long du mur 269 pourrait indiquer qu’un bac ou une cuve longeait la paroi sur toute la longueur. Cette fosse d’une profondeur de 1,10 m, dont une partie était aménagée de tuiles, était implantée dans un espace isolé de la demeure. Un système de récupération des eaux semblait en relation avec la pièce XX. L’hypothèse de latrines est donc envisageable.

Fig. 50 – La tranchée de récupération du mur 1011 (enclos 1) recoupée à l’arrière-plan par le radier du mur 295 (enclos 3), vue depuis l’ouest

(cliché : J. Maujean, Metz Métropole).

Fig. 51 – Vestiges de l’élévation du mur 295 dans la partie centrale de l’enclos 3, vue depuis le sud

(cliché : J. Maujean, Metz Métropole).

141La pièce XXI (3,40 x 3,40 m) était un espace localisé dans l’angle nord-est de l’enclos 3 (fig. 52). Il se compose d’un mur orienté ouest-est (mr. 1003 ; 4 x 0,70 m), associé à un petit retour (mr. 1006) d’une longueur inférieure à 1 m, orienté nord-sud qui forme un espace de 12 m2. Cette salle était probablement semi-ouverte. Il pourrait s’agir d’un système de contrefort ou d’une tourelle.

142La pièce XXIII (2,80 x 2,40 m) au plan rectangulaire de 7 m2 venait s’adosser au mur sud de l’enclos (mr. 291) (fig. 52). Ce petit local était composé de trois murs (mr. 1997, mr. 1641, mr. 1995) qui ont été en grande partie récupérés. Seuls les segments situés au contact de l’enclos ont gardé leurs fondations intactes. Elles sont composées de moellons et d’éclats de calcaire sans liant. Faute d’élément, il n’est pas possible de préciser la fonction exacte de cette salle qui, par ses proportions, pourrait évoquer un portail ou un massif d’entrée.

L’enclos 4 : La transformation de la cour agricole

143La création de l’enclos 4 (70,40 x 50,40 m) vise à mieux délimiter la partie agricole et artisanale (fig. 41 et 49). D’un corps de logis ouvert à l’est sur une grande cour, on passe à une organisation nouvelle marquée par un cloisonnement. L’enclos 1, qui créait un espace muré de plan rectangulaire (90,10 x 58,90 m) de 4 720 m2, est divisé en deux parties grâce à l’érection d’un mur orienté nord-sud (tr. 298 ; mr. 295). À l’ouest, le nouvel espace obtenu (enclos 3) ne semble plus tourné vers des activités productives ou lié à l’exploitation (65 x 34,80 m, soit 1611 m2). À l’est, une nouvelle cour limitée par des murs se dessine (enclos 4). L’enclos gagne 5 m au nord et au sud ce qui porte sa largeur (nord-sud) à 70,40 m alors que la largeur (est-ouest) est fixée à 50,40 m. La surface totale de l’enclos 4 atteint 3548 m2.

144Au nord, le mur est entièrement récupéré (tr. 323) et il n’a été reconnu que sur un faible tronçon situé à l’ouest de son tracé. Dans la partie orientale, il semble que l’activité alluviale ait détruit les fondations ; on ne connaît ni sa forme, ni la nature de l’enclos au point de franchissement par la rivière. La tranchée (0,90 x 0,44 m) renferme du sédiment argilo-limoneux brun foncé qui incluait des éclats de calcaire (324). Le mur est, orienté nord-sud, est intégralement récupéré sur près de 0,40 m. Au sud, le mur orienté ouest-est récupéré à l’est (tr. 707) présentait un état de conservation plus favorable à l’ouest (mr. 1482, mr. 2035). Dans le secteur situé à proximité de l’angle sud-ouest, la tranchée de construction (2035) est plus imposante par sa taille avec une largeur de 1,05 m et une profondeur de 0,65 m. Une fondation de gros blocs de calcaire (30 cm de côté) posés sur chant en composait le lit inférieur (2036). Il était surmonté d’une couche de moellons non équarris de plus petite taille (10 cm de côté) mêlés à du sédiment argileux (2037).

145La rétraction d’environ 4 m en direction de l’ouest a condamné deux structures au moins qui doivent être remblayées et abandonnées.

Limite parcellaire et fosses de gâchage de chaux

Creusement d’une limite parcellaire : le fossé fo. 2347

146À l’extrémité est de l’emprise, un fossé orienté nord-sud a été observé sur 35 m de long (fig. 41). Ce creusement linéaire d’une largeur de 1,16 m de largeur en moyenne a subi une très forte érosion qui a réduit sa profondeur à une dizaine de centimètres tout au plus. Le tracé est implanté parallèlement à l’axe principal des annexes et pavillons de la cour. Son profil est en cuvette et son comblement (2348) était constitué de limon argileux brun foncé. Quelques fragments de tuiles ont été repérés dans le comblement. En raison de sa position sur le site et de son orientation, l’hypothèse d’un fossé parcellaire a été émise d’autant qu’il s’agit d’une limite cohérente avec les annexes agricoles (voir infra, p. 93) situées à l’est de la villa.

Fig. 52 – Locaux associés aux enclos

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Des vestiges du chantier de construction : les fosses à gâcher la chaux

147Les transformations, marquées par le passage d’une architecture en bois et en terre à une architecture en pierre, ont laissé des traces. Plusieurs fosses rectangulaires évoquent le souvenir du chantier de construction initial ou de phases d’aménagements postérieures. À l’intérieur de ces excavations, dont le fond est parfois aménagé de tuiles posées à plat, des croûtes de mortier résultant du gâchage ont été abandonnées.

148La fosse 179 (1,90 x 1 m) est le creusement le plus volumineux (fig. 53). Son profil est doté des parois nettes et verticales, coffrées par des planches de bois (1531, 1534). La surface du bois a laissé des empreintes en négatif (2205) sur les restes de la dernière gâchée. Il semble également qu’une partie de la paroi ouest ainsi qu’une partie du fond étaient aménagées avec des fragments de tuiles en remploi. Le fond de la fosse était recouvert d’une épaisse couche très indurée composée de mortier de chaux solidifié (1529). Cette couche a été abandonnée sur place lors des travaux. Un deuxième comblement (1528) mêlant des morceaux de mortier, des fragments de tuiles et 16 tessons de céramique semble résulter d’une phase intentionnelle de colmatage. Enfin, une dernière couche de terre argileuse (1527) a recouvert la dépression.

149La fosse 1542 (0,80 x 0,60 m) possédait les mêmes caractéristiques que la structure précédente, notamment en ce qui concerne la mise en œuvre du coffrage de la paroi (fig. 53). Une couche de 3 cm de mortier de chaux solidifiée marquait le fond de la fosse (1543).

150Une troisième fosse (fs. 1731 ; 1,20 x 0,60 m) aux contours moins bien définis dessinait une surface irrégulière qui pourrait indiquer qu’un creusement en pleine terre (1731) avait été mis à profit pour stocker de la chaux (1732) (fig. 53). Le fond a été curé et seuls cinq blocs de chaux agglomérée gisaient dans l’angle sud-ouest. La fosse est colmatée par une couche de limon jaunâtre assez homogène (2357).

Fig. 53 – Relevés en plan et en coupe des fosses à gâcher la chaux

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 54 – La fosse 1729, vue depuis le sud

(cliché : J. Maujean, Metz Métropole).

151La fosse 242 est de plan carré de 1 m de côté (fig. 53). Les parois du creusement sont nettes et verticales (242). Le fond de la fosse est recouvert de cinq tuiles soigneusement disposées à plat. Des fragments de tuiles sont insérés dans des interstices et au niveau des parois, afin de bien isoler le contenu de la fosse des terres encaissantes. Le comblement le plus ancien était composé de mortier de chaux solidifié autour de fragments de tuiles (1541). Cette surface est couverte d’une couche de quelques centimètres d’argile jaunâtre (1540).

152Une dernière fosse (fs. 1729 ; 1,20 x 0,80 m) possède un aménagement de tuiles (fig. 53). Le creusement (1729) est rectangulaire. Les parois sont légèrement inclinées et le fond plat est recouvert par endroits de mortier (1730) sur lequel sont disposées cinq tuiles complètes (1752). La quasi-totalité de la gâchée a été récupérée à l’exception peut-être d’une petite concentration dans l’angle nord-ouest (fig. 54). Du sédiment argileux condamnait la fosse (2293).

Dépôt de fondation ?

Description

153Une fosse de stockage pour la chaux était associée topographiquement à une fosse au contenu singulier : la fosse 181 (fig. 55). Cette entité, unique en son genre sur le site, pourrait être interprétée comme un dépôt réalisé lors d’une phase de construction ou de rénovation de la villa. Localisée dans la cour de la pars urbana, cette fosse a livré 9 vases dont 7 complets (fig. 56). Ceux-ci ont été volontairement déposés selon une organisation précise dont la lecture est rendue délicate par les perturbations modernes. Le creusement initial (181) est de plan ovalaire (1,20 x 0,64 m) avec une profondeur conservée de 0,40 m. Un niveau de charbon en tapissait le fond et remontait sur les parois en cuvette (1312). Dans cette couche, de petites esquilles de faune non identifiables étaient disséminées. Une seconde couche venait ensuite (1313) et se distingue de la précédente par l’importante quantité de céramiques fragmentées qu’elle renfermait. Dans ce niveau, une partie des ossements incinérés, possédant un indice de fragmentation beaucoup moins élevé, était rassemblée. D’autres ossements avaient conservé une logique anatomique. Dans la partie est de la structure, un plat à cuire retourné était entouré de deux bougeoirs et d’au moins deux autres vases. Trois clous, dont un porte une empreinte ligneuse, étaient fortement dégradés par le feu. Le tamisage a mis en évidence la présence de deux éclats millimétriques de verre non fondu. Enfin, la fosse était recouverte par une couche de limon argileux, proche par sa nature des limons encaissants (1314 = 182). Quelques tessons de céramique, remontés peut-être par les labours, sont dispersés dans le sédiment.

Fig. 55 – A, relevé en plan et en coupe de la fosse 181 ; B, organisation du dépôt et mobilier

(DAO : G. Brkojewitsch, Y. Daune, S. Marquié, L. Pruneyrolles, Metz Métropole).

Fig. 56 – La fosse 181 en cours de dégagement, vue depuis le nord-est

(cliché : M. Escoffier, Metz Métropole).

Le mobilier céramique

154Un bol en sigillée d’Argonne (Drag.37), dont le bord était déjà absent au moment de la mise en place du dépôt, se trouve dans la partie orientale de la fosse (fig. 55, no 1). Il est orné d’un décor en registres très empâté : rosette/trifol/chèvre dans une arcade torsadée double ?/rosette ajourée). Ce bol était partiellement recouvert par un plat à cuire régional déposé à l’envers (fig. 55, no 2), lui-même encadré par deux lampes à suif (ou bougeoirs) de type Lœschcke XIV posées à l’endroit (fig. 55, nos 3, 6). Celles-ci ont toutes deux le même profil évasé à l’exception du manchon central qui, dans un cas, a été ajouré avant cuisson. Un pot à cuire en céramique rugueuse régionale (Nied. 89) (fig. 55, no 5), déposé debout mais brisé ultérieurement, se situait contre le plat au nord de la lampe (fig. 55, no 3). Entre les deux, des fragments d’un gobelet engobé mosellan (Hees 3a) ont été reconnus (fig. 55, no 4), mais il est impossible de déterminer la position initiale de ce récipient. Dans la partie occidentale de la fosse se trouvait un autre gobelet engobé mosellan (Hees 4) initialement debout, comme le suggère le fond encore en place (fig. 55, no 7). Un morceau de ce gobelet a été retrouvé sur les fragments du pot à cuire Nied. 89, probablement déplacé par les labours modernes. Ces derniers empêchent de déterminer l’emplacement originel du bol en sigillée d’Argonne Drag.40 (fig. 55, no 8) et d’une cruche régionale (fig. 55, no 9), dont il ne reste que le fond et dont les fragments étaient éparpillés sur toute la surface de la fosse. On précisera enfin que les deux vases situés à l’ouest du plat retourné – lampe/bougeoir et gobelet Hees 4 – présentent des traces de feu sur leurs parois internes et externes.

155Les gobelets engobés mosellans circulent tout au long du iie s. (Vilvorder 1999, p. 79-87). Les sigillées d’Argonne leur sont contemporaines et l’empâtement du décor sur le bol Drag.37 suggère une date avancée dans le iie s. La céramique culinaire régionale, quant à elle, regroupe un pot (Nied. 89) et un plat qui appartiennent à la batterie de cuisine de la fin du iie s. et du troisième quart du iiie s. (Lepot, Espel 2010, p. 228-229, horizons IX-X). Les lampes/bougeoirs Lœschcke XIV sont traditionnellement datées des ier-iiie s. ; elles sont notamment connues dans la vallée mosellane aux ier et iie s. sur les sites de Trèves (Goethert 1997, p. 152-154) et d’Éply (Cuvelier, Delestre 1987). L’ensemble de ces observations indique que ce mobilier date de la fin du iie s.

La faune

156Le dépôt a livré un total de 1 764 restes osseux, dont seulement cent-six ont pu être déterminés. Ceci s’explique essentiellement par le fait que le sédiment de cette fosse a été tamisé, entraînant ainsi la récolte de nombreuses esquilles trop petites pour permettre une identification. Les espèces déterminées sont peu nombreuses : le porc, les caprinés, le coq et le brochet. Le brochet est représenté par une vertèbre carbonisée. Le coq est repérable par 4 restes non brûlés et pouvant tous appartenir à un seul et même individu adulte. Cependant rien ne permet d’en être sûr. Les pièces anatomiques présentes sont une scapula, un coxal et deux tibiotarses (un droit et un gauche). Aucune trace de découpe n’a été relevée.

157Pour le porc, les informations sont plus nombreuses. Dans le deuxième tiers est de la fosse 181, sont situés vingt-huit des 34 restes de l’espèce. Seuls treize éléments sont brûlés, la majeure partie à une température proche de l’incinération. Trois ensembles ont été identifiés. Le premier est composé de la mandibule droite et de la moitié droite du crâne d’une jeune truie d’à peine 18 mois (Horard-Herbin 1997). La brûlure portée par la pointe de la canine indique que les poils de la bête ont été grillés. Le deuxième ensemble consiste en une patte arrière gauche. On reconnaît la patella, le tibia, la fibula, le talus et le calcanéum. Aucun de ces ossements n’est épiphysé, ce qui permet de dire que l’animal auquel appartenait cette patte était âgé de moins de 2 ans. Il est possible, même si nous ne pouvons l’affirmer, que la demi-tête et la patte arrière appartiennent au même individu. Il faut noter qu’aucun vestige ne porte de trace de brûlure. Le troisième ensemble est constitué des os d’une patte avant gauche. La scapula, l’humérus, le radius et l’ulna, identifiés dans cet ensemble, n’étaient pas brûlés. Il apparaît que cette patte a été déposée ou rejetée en deux morceaux ; le premier composé de la scapula et de l’humérus, le second du radius et de l’ulna. Cette découpe est attestée par la section au couperet de l’extrémité distale de l’humérus. La scapula avait également été tranchée au niveau de son col. Enfin, l’ulna portait une trace attestant du prélèvement de la viande. Les autres éléments porcins appartiennent également à un ou des animaux jeunes mais sont difficiles à déterminer en raison de la fragmentation très forte des restes osseux.

158Concernant les caprinés, la grande majorité des ossements étaient brûlés (55 sur 59), principalement incinérés, et proviennent du deuxième tiers est de la fosse. Quelques éléments marqueurs (chevilles osseuses, radius, phalanges) nous permettent d’identifier une chèvre. Le nombre minimal d’individu calculé étant de un, il est très probable que l’intégralité des ossements attribués aux caprinés appartiennent en réalité à un seul animal. Les degrés de brûlure variables suggèrent la mise en place de différents morceaux en plusieurs points du foyer : les os incinérés au centre, ceux simplement carbonisés en périphérie. Cependant, aucune trace de découpe ne permet d’identifier des morceaux. De plus, l’examen anatomique des brûlures ne laisse pas apparaître de logique allant dans ce sens. En effet, pour une même pièce anatomique, nous rencontrons des stades de carbonisation différents. Il en va de même pour des éléments en connexion directe dans le squelette. Seule exception, la tête dont les différentes parties (crâne et mandibules) n’ont subi qu’une carbonisation légère par rapport à la majorité des ossements. L’estimation de l’âge de la bête repose sur deux arguments : le degré d’épiphysation des os longs qui nous indique que l’âge de la chèvre est compris entre 18 et 30 mois et la mandibule droite qui offre une estimation comprise entre 2 et 3 ans. Ces deux hypothèses concordent et permettent d’avancer un âge d’environ 2 ans.

159Quelques ossements de poulet non brûlés complètent le corpus.

160L’identification des ossements, leur assemblage et leur emplacement dans la fosse plaident en faveur d’un dépôt, ce qui est confirmé par la présence de vases complets en céramique.

Les carporestes

161La fosse 181 a livré 75 macrorestes végétaux (densité de 15 macrorestes par litre de sédiment tamisé). Il s’agit exclusivement de restes de céréales. La conservation des carporestes est médiocre, comme en témoigne le taux important de cerealia indeterminata (41 NMI). Deux explications sont envisageables pour expliquer leur état : le tamisage ou une forte exposition à de hautes températures. Quatre espèces de céréales ont été identifiées : le blé nu (Triticum aestivum s.l./durum/turgidum : 5 NMI), l’épeautre (Triticum spelta : 4 NMI), l’orge polystique vêtue (Hordeum vulgare ssp. vulgare : 2 NMI) et l’avoine (Avena sp. : 1 NMI). Concernant cette dernière, il semble plus probable, vu sa faible représentation, qu’il s’agisse de la folle avoine (Avena fatua), une mauvaise herbe. À ces graines s’ajoutent des fragments de pain/bouillie/galettes (16 NMI). Aucun autre macroreste, que ce soit des produits consommables ou des mauvaises herbes, n’est présent, témoignant peut-être d’un soin apporté à nettoyer cette fosse d’éventuels autres végétaux. Bien qu’il soit impossible de savoir s’il s’agit d’un dépôt primaire ou secondaire, on peut supposer que les éléments présents au sein de cette fosse ont été sélectionnés scrupuleusement : les grains de céréales auraient pu se trouver dans des vases et les pains/galettes être déposés dans un plat à cuire au sein de cette fosse.

Quelle interprétation ?

162La présence de cette fosse à l’intérieur de la cour de la villa soulève plusieurs questions. L’association de lampes/bougeoirs et d’une céramique volontairement retournée pourrait indiquer des gestes ritualisés d’ordre religieux ou funéraire.

163Les lampes, les torches et les candélabres sont intimement liés à la symbolique funéraire. L’iconographie funéraire abonde en représentations d’expositions de défunts ou de mises au tombeau durant lesquelles la lumière est employée. Servius précise que les lampes rappellent la vieille précaution de célébrer les funérailles de nuit pour prévenir certains vivants de la souillure (Servius, Commentaire à l’Énéide, I, 727). Il est, par ailleurs, très courant de trouver dans les tombes, aux côtés du défunt, des lampes qui peuvent être posées à l’envers. Ce type de renversement d’objet est fréquent, et on en trouve l’illustration avec le dépôt d’un plat à cuire, rempli de matière organique carbonisée (pains, galettes, bouillie alimentaire), retourné au centre de la fosse. On pourrait en conclure que les gestes opérés à l’occasion du dépôt des objets participent d’un rituel d’inversion, permettant de marquer une distance avec la norme dans la pratique du deuil ou des funérailles (Scheid 1984, p. 137). La sélection des objets est conforme à celle des dépôts funéraires de cette période et le choix des taxons (céréales) et des espèces animales incinérées (poulet, porc) est comparable à celui qui est fait lors d’une crémation dans le cadre de funérailles. Le choix de la chèvre dans l’assemblage est en revanche peu commun dans les dépôts funéraires. L’emplacement même de ce dépôt n’est pas incompatible avec cette hypothèse, comme en témoigne la découverte dans la cour de la pars urbana de la villa de Biberist-Spitalhof (Suisse) d’une sépulture, interprétée comme celle du propriétaire de la villa (Schucany 2006).

164Cependant, la fosse était dépourvue de restes osseux provenant d’un sujet humain. La distance importante qui la sépare de l’enclos funéraire familial et le décalage chronologique qui existe entre le contexte funéraire et la petite fosse isolée constituent des arguments en défaveur d’un dépôt funéraire. Malgré ces réserves et vu la singularité du dépôt, l’hypothèse d’un cénotaphe n’est pas totalement écartée. Mais on doit garder en mémoire le rapprochement topographique de cette fosse avec une fosse pour gâcher de la chaux, qui évoquerait un dépôt de fondation réalisé à l’occasion de travaux de construction dans le corps de logis de la villa. Faute d’éléments complémentaires, les deux hypothèses paraissent recevables.

LA PARTIE RÉSIDENTIELLE (PHASE II)

Description détaillée de la résidence

Une construction sur fondation de pierre : le bâtiment A

165La résidence principale est un bâtiment aux dimensions relativement modestes qui ne devait pas dépasser 35 m de largeur pour 15 m de profondeur, soit une surface au sol de 525 m2 (fig. 57, 58 et 59). Comme c’est souvent le cas dans les provinces du Nord, le plan dit linéaire a été préféré au plan compact (Gros 2006, p. 325).

166Derrière une façade à portique (pièce XIII) de 23,71 m, se développaient trois pièces principales (pièces IV, VII et VIII). De part et d’autre de la galerie, deux petits espaces (pièces IX et XII) ont pu abriter des pavillons d’angle. Dans la pièce située au sud-est (pièce IX), deux soupiraux fournissaient un accès à une cave pour le déchargement des denrées depuis la cour orientale. À l’arrière de l’habitation, une seconde galerie (pièce XVII) ouvrait sur un espace qui sera enclos dans une phase ultérieure d’aménagement. Plus spacieuse que le premier portique (29,60 x 2,90 m), cette galerie est rythmée par trois appendices carrés de 4,40 m de côté (pièces XIV, XV, XVI). L’appendice sud est agrémenté d’un sol chauffant à conduit rayonnant dont l’alimentation se faisait par les jardins. La pièce VIII est dotée d’un aménagement analogue et la stratigraphie relative fait apparaître que son édification a nécessité la fusion de deux espaces anciennement séparés par un mur de cloison (pièces VIIIa et VIIIb). Lors de ces travaux, la cage d’escalier de la cave (pièce IX) est obstruée et une nouvelle entrée est réalisée depuis la galerie de façade (pièce XIII). La pièce centrale (pièce VII), par sa taille et la perspective qu’elle offrait sur le domaine, devait probablement servir de salon ou de salle de réception. On notera la présence d’un four ainsi que celle, plus singulière, d’un canal d’amenée d’eau qui traversait, en sous-sol, la pièce d’ouest en est.

167L’interprétation des vestiges au nord est entravée par l’arasement plus prononcé des substructures. Cette partie de l’habitation est caractérisée par un nombre plus important de cloisons qui définissent des espaces réduits (pièces IVa, IVb, IVc, V, VI). À défaut d’autres indices, la distribution des pièces et leur taille pourraient évoquer des appartements, peut-être des chambres.

168Le plan général de l’édifice originel procède d’un réel souci de symétrie, dont l’axe central est matérialisé par le système d’adduction d’eau qui n’était pas partout apparent. L’observation des profils de coupe des fondations et des tranchées de récupération des murs délimitant les trois pièces centrales a par ailleurs permis de démontrer l’existence probable d’un étage. En effet, à la différence de toutes les autres substructions de la villa, les fondations sont excavées à une profondeur bien supérieure qui atteint parfois 1 m. Si l’on suit cette hypothèse, l’édifice de Grigy serait proche de la représentation sculptée de l’aedicula figurant un corps de logis de villa découvert à Fontoy, en Moselle (fig. 60).

Fig. 57 – Plan du corps de logis de la villa dans sa forme initiale

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

La partie avant de la demeure

La pièce XIII (20,30 x 3,50 m)

169Cet espace de plus de 70 m2 se déploie tout en longueur au centre de la façade (fig. 57 et 58). Très fortement arasées, les tranchées qui subsistent sont le fruit de la récupération des matériaux de construction (tr. 365, tr. 417, tr. 385 et tr. 424). Aucun aménagement ne peut être associé à cette pièce, mais son plan barlong permet de proposer l’interprétation d’une galerie ouverte ou semi-ouverte. Cette composante permet de classer le corps de logis dans la catégorie des villae à galerie de façade (Portikus villa, corridor house) (fig. 61).

Fig. 58 – Relevés en plan et en coupe des murs du corps de logis de la villa

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

La pièce IX (4,20 x 3,40 m)

170Le local de 14,30 m2, situé au sud-est de la villa, était construit sur une cave (fig. 57, 59, 62 et 64), bien conservée, à laquelle on accédait par une cage d’escalier située au nord-ouest (fig. 63) (voir infra, p. 70). Un grand creusement rectangulaire est à l’origine de sa construction (1727). Les quatre murs (mr. 1882, mr. 1920, mr. 1881, mr. 1728) sont bâtis à cru contre le sédiment argileux. Ils sont élevés au moyen de moellons parallélépipédiques en calcaire local. À la base du mur, un hérisson de pierre (1840) est disposé sur toute la surface afin de servir de fondation à un niveau de sol en terre battue de couleur brunâtre (1839). Plusieurs aménagements sont visibles dans les murs. En plus de la porte située à l’ouest, une niche rectangulaire occupe la partie centrale du mur sud (mr. 1920). On peut restituer un plan rectangulaire et des dimensions comparables à la niche située dans la cage d’escalier. Un dispositif similaire agrémente la partie centrale du mur est (mr. 1728), qui donne vers la cour centrale. La niche de plan rectangulaire (0,55 x 0,50 x 0,60 m) est encadrée par deux soupiraux qui fournissaient un accès, depuis la cour orientale, pour le déchargement des denrées (fig. 64 et 65).

Fig. 59 – Suite des relevés en plan et en coupe des murs du corps de logis de la villa

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

171Dans la cave, au centre de ce mur (mr. 1728), un espace de la taille d’un moellon (l. 0,20 ; h. 0,15) a volontairement été gardé en réserve à la base. L’orifice marque l’ouverture d’un conduit de section rectangulaire (2040) qui traverse le mur et permet d’évacuer l’eau d’infiltration de la pièce sous le radier de préparation du sol (fig. 64 et 65). Cette ouverture débouche à l’extérieur et se prolonge par une canalisation (cn. 2013 ; 30 x 0,80 m) enfouie à 1,40 m des niveaux décapés. Cette dernière traverse la partie méridionale de l’enclos pour se jeter dans le ruisseau (fo. 2142). La tranchée d’implantation (2013) de la canalisation présente une largeur à l’ouverture d’environ 1 m pour 0,50 m au fond. Elle a des parois évasées et régulières. Sur son fond plat, des blocs et des éclats de calcaire ont servi à édifier un conduit (2040). La tranchée a été remblayée sur toute sa hauteur par un sédiment argilo-limoneux (2014) meuble et homogène brun jaunâtre dans lequel on rencontre des éclats de calcaire, des particules de mortier et des éclats de tuiles. Le conduit est progressivement obstrué par une sédimentation fine argilo-limoneuse brune (2039) qui conduit à son abandon et à la construction d’un second conduit (cn. 1971 ; voir infra, p. 89) mis en place à l’occasion de restructurations ultérieures.

Fig. 60 – Fac-similé de l’édicule de Fontoy (Moselle)

(clichés : L. Kieffer, Musée de la Cour-d’Or, Metz).

Fig. 61 – La pièce XIII, vue depuis le nord

(cliché : G. Brkojewitsch, Metz Métropole).

Fig. 62 – Plan de la cave IX dans son état initial

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 63 – La cave IX et son escalier, vue générale

(cliché : PhoenixSolution).

Fig. 64 – Relevés en plan et en coupe des systèmes de drainage de la cave IX

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 65 – Le mur oriental 1728 de la cave, doté de soupiraux et percé en bas pour aménager le système de drainage, vu depuis l’ouest

(cliché : J. Trapp, Metz Métropole).

La pièce XII (8,90 x 3,30 m)

172Au nord de la galerie, un espace d’une surface deux fois supérieure à celle de la cave se développait (29,40 m2) (fig. 57, 58 et 66). Il est défini par quatre murs (tr. 365, tr. 424, tr. 430, tr. 385). En dehors de la dernière tranchée mentionnée, les vestiges présentent un état d’arasement très prononcé et les profils ne sont observables que sur une trentaine de centimètres au maximum. En revanche, le mur qui était situé à l’ouest de la pièce XII a été récupéré jusqu’à une profondeur de 0,70 m indiquant la présence de fondations plus puissantes. La tranchée à l’est (tr. 365) s’interrompt brutalement dans sa partie nord. L’intervalle de 3 m de longueur dans le mur est pourrait être interprété comme résultant de la spoliation d’un élément, peut-être un seuil situé entre la demeure et la cour intérieure de la villa.

La partie centrale de la demeure

  • 17  Du nord au sud : pièce IVb, pièce IVc, pièce IVa, pièce V, pièce VI, pièce VII, pièce VIIIa et piè (...)

173Cette partie est vraisemblablement composée de huit pièces17 qui couvraient une surface totale cumulée de 350 m2. Les murs périmétriques (tr. 390, tr. 430, tr. 365, tr. 413) définissant cette partie centrale ont la particularité de posséder des fondations beaucoup plus puissantes qui suggèrent l’existence d’un étage. D’une manière générale, l’état d’arasement est plus important au nord qu’au sud.

Fig. 66 – La pièce XII, vue depuis le sud

(cliché : G. Brkojewitsch, Metz Métropole).

Fig. 67 – Coupe de la tranchée 404 dans la pièce VI et de la préparation de sol qui y était associée, vue depuis l’ouest

(cliché : Y. Daune, Metz Métropole).

La pièce IV (8,80 x 8,80 m)

174Cet espace carré situé au nord de la villa atteint 77,40 m2 (fig. 67 et 68). La limite avec les pièces V et VI, située au sud, est matérialisée par la tranchée 424. La présence de deux cloisons (tr. 428, tr. 2358) au nord-ouest de la pièce permet de diviser l’espace en trois. Au nord-ouest, la pièce IVb (12 m2), à l’est, la prolongation sur quelques dizaines de centimètres de la tranchée 428 évoque une deuxième pièce IVc (23 m2) et la surface restante au sud appartiendrait à une troisième pièce IVa (34 m2).

La pièce VI (4,20 x 3,40 m)

175Avec une surface de 14 m2, cet espace est délimité au sud par la tranchée de récupération 421 qui marque la séparation avec la pièce VII et par la tranchée de récupération 403 qui dessine la limite avec la pièce V (fig. 57 et 58). Dans cette partie de la villa, une meilleure conservation des substructions indique que les tranchées de construction sont bâties à cru dans le sédiment naturel. La fondation est réalisée au moyen de moellons de calcaire équarris allant de 0,20 à 0,30 m de côté. Trois niveaux distincts de pierres sont conservés. Ils sont liés au moyen d’un mortier de chaux homogène qui garnit abondamment toutes les jointures entre les pierres. Cette pièce qui n’était pas chauffée possédait un niveau de sol probablement assez soigné, comme en témoigne la préparation de blocs de pierre (fig. 67). À une soixantaine de centimètres du point le plus bas des fondations, un niveau de préparation (466) de 5 cm, constitué d’un mélange de sable et de chaux, assurait le nivellement du sol. Un radier de pierres, presque exclusivement constitué d’éclats de calcaire local recouvre la surface. Les pierres sont posées sur chant, côte à côte. Malheureusement, aucun élément dans le mobilier résiduel provenant de la récupération ne permet de caractériser la nature du sol.

Fig. 68 – Relevés en plan et en coupe des structures implantées dans la pièce VII

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

La pièce V (3,80 x 3,60 m)

176D’une surface d’un peu moins de 14 m2, elle est sensiblement plus petite que la précédente (fig. 57 et 58). Dans l’angle nord-ouest de la pièce, un niveau qui pourrait être en relation avec la phase de récupération des matériaux a été partiellement dégagé (1718) à une trentaine de centimètres de la base des fondations.

La pièce VII (11,80 x 8,90 m)

177En position plus ou moins centrale dans la demeure, cette pièce est de loin la plus spacieuse avec près de 105 m2 de surface utile (fig. 57 et 58). Elle aurait pu être à l’origine totalement centrée sur l’édifice si l’on considère que les pièces V et VI résultent de transformations ultérieures. Outre les tranchées ouest et est (tr. 390, tr. 385) qui bordent tout le bâtiment durant cette phase, la limite au nord et au sud est assurée par deux murs sur fondations de pierres entièrement récupérées (tr. 421, tr. 419).

178Plusieurs fosses observées dans la pièce VII pourraient avoir fonctionné durant cet état (fig. 68). À l’ouest de la pièce, un four circulaire (fr. 205) présentait des parois fortement rubéfiées (1,30 x 0,84 m). Ce four domestique était situé à proximité de deux trous de poteau (tp. 1587 et tp. 1589) (fig. 68). Son creusement comportait deux lobes (205) avec une chambre de chauffe de forme circulaire et un alandier allongé (fig. 69). Les parois étaient rubéfiées sur environ 10 cm d’épaisseur (2323) et le comblement (206) présentait des inclusions de graviers, terre cuite architecturale et nodules de terre rubéfiée. Les deux niveaux de remplissage ont livré de la céramique romaine ainsi que 4 charbons de bois attribuables à l’érable champêtre, 5 au charme, 3 à des Pomoïdées et 2 au chêne à feuilles caduques. Les quatre essences étaient probablement employées pour alimenter le feu.

179Au sud de cette structure, une fosse ovalaire (fs. 203 ; 1,12 x 0,80 m) concentre des inclusions comparables, principalement des fragments de terre cuite, des cendres et des charbons qui pourraient résulter du curage du four. Elle a livré un tesson de sigillée, des macrorestes de millet commun (1 NMI), de céréales indéterminées (3 NMI) et de chénopode blanc (1 NMI).

180À l’ouest de ces trois fosses, deux trous de poteau (tp. 1587, tp. 1589) ont été découverts. Ces deux montants, d’une trentaine de centimètres de diamètre, ont probablement supporté un dispositif aérien au-dessus du four.

181Au nord, la fosse 2298 (0,90 m de diamètre) avait une forme circulaire, à parois irrégulières et fond plat. Son comblement (2299) argileux était compact et hétérogène. Il comportait des inclusions de charbons de bois, de terre cuite architecturale, de mortier de chaux, de mortier jaune, des petits galets, des petits fragments de calcaire bleu et de rares petits fragments d’argile rubéfiée. Cette fosse a livré de la céramique romaine, ainsi que 2 monnaies : un antoninien à l’effigie de Gallien (253-268) et un éventuel quadrans du Haut-Empire.

182Enfin une structure (st. 463) de 5,80 m de longueur pour 0,66 m de largeur se développait parallèlement à la tranchée de récupération 419 du mur sud de la pièce VII. Son creusement (463) linéaire évoque une cloison. Le comblement (465) est un limon meuble et hétérogène brun verdâtre comportant des inclusions de terre cuite architecturale et de moellons calcaires. Il renfermait 4 tessons appartenant à un bol Chenet 320 en sigillée d’Argonne. Sa mise en place est peut-être en relation avec les transformations de la pièce VIII lors de la mise en place du système d’hypocauste.

Fig. 69 – Les structures fs. 203 et fr. 205 dans la pièce VII, vues depuis l’est

(cliché : M. Escoffier, Metz Métropole).

La pièce VIIIb/Xa (9,30 x 3,20 m)

183Cet espace de 30 m2 est délimité par des tranchées de récupération (fig. 57, 59, 70 et 71). Deux hypothèses sont envisageables : soit la pièce intégrait dès l’origine la pièce Xa et avait pour limites les tranchées 411, 401, 1969, 419, et 385 ; soit une cloison ouest-est existait dès cet état (tr. 456 = tr. 1648). La deuxième hypothèse semble plus fragile. En effet, selon les proportions générales du bâtiment, et si l’on applique un principe de symétrie, la longueur de 8,90 m de la pièce VIIIa dans la première hypothèse correspond parfaitement à la longueur de la pièce IV, son homologue septentrional.

Fig. 70 – Plan de la pièce VIII

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 71 – La pièce VIII, vue zénithale

(cliché : G. Brkojewitsch, Metz Métropole).

184Cette pièce abrite la descente d’escalier permettant d’accéder à la cave située sous la pièce IX (fig. 72). La cage d’escalier mesurait 3 m de longueur pour une largeur de 1,10 m. Elle est définie par un grand creusement (2095) rectangulaire (3,70 x 2 m) où viennent s’intégrer le mur de cage à l’ouest (mr. 2096) et le mur ouest de la cave matérialisé par une récupération de mur (tr. 385 et mr. 2352). Au bas de l’escalier, le mur sud (mr. 1853) est aménagé en une alternance de moellons de calcaire et de fragments de tuiles, à la manière de l’opus mixtum, à la différence du reste des élévations conservées qui sont réalisées en moellons rectangulaires posés en panneresse. Le mur ouest est percé, à 0,90 m du sol, d’une niche de plan rectangulaire (0,60 x 0,50 m). Les trois marches (2289, 2290, 2291) situées dans la partie supérieure de la cage sont conservées. Elles sont constituées de monolithes de calcaire local assez grossièrement taillés. Les marches atteignent 20 cm en moyenne pour des contremarches de 15 cm de hauteur. Malgré la récupération des blocs situés dans la partie inférieure, on peut restituer six marches au minimum. En bas de la descente d’escalier, un sol en terre battue (sl. 1854) était construit sur un radier (1840). Le mur ouest de la cave (mr. 1882/2352 ; tr. 385) est doté d’une ouverture de 1,50 m de largeur qui permettait d’accéder à la cave.

La pièce VIIIa/Xb (9,30 x 5,50 m)

185Cette pièce, située au sud-ouest de la partie centrale, couvre une surface de 51 m2 (fig. 57 et 59). Elle possède un mur comme limite au sud (mr. 1586). À l’est, une tranchée la sépare (tr. 401, tr. 1969) de la pièce VIIIb. Au nord et à l’ouest, deux tranchées de récupération définissent cet espace (tr. 419, tr. 390). Sa fonction exacte n’a pas pu être précisée.

La partie arrière de la demeure

186La partie occidentale de la résidence se compose d’une grande galerie ou d’un portique orienté nord-sud (pièce XVII) auquel sont accolées trois annexes rectangulaires (pièces XIV, XV, XVI) qui rythment la façade arrière.

Fig. 72 – L’escalier donnant accès à la cave depuis la pièce VIII

(cliché : Y. Daune, Metz Métropole).

187Entre les trois appendices, quatre trous de poteau suggèrent l’existence d’une toiture qui couvrait partiellement les espaces. Deux trous de poteau (tp. 133, tp. 135) sont situés entre les pièces XIV et XV. Les deux supports ont un entre-axes de 3,60 m (fig. 57). Elles présentent toutes deux des creusements ovalaires qui peuvent atteindre 0,80 m. Les poteaux étaient implantés sur des dés de moellons de calcaire bleu, moins larges que les creusements initiaux. Deux autres trous de poteau distants de 1,40 m (tp. 137, tp. 139) étaient localisés entre les pièces XV et XVI (fig. 57). Ces éléments architecturaux pourraient avoir rythmé la façace arrière.

La pièce XVII (30 x 3,10 m)

188La galerie située à l’arrière de la demeure occupe une surface de 93,30 m2 (fig. 57, 58 et 73). Elle est délimitée par quatre tranchées de récupération (tr. 436, tr. 390, tr. 415, tr. 395). Elle semble s’ouvrir sur la pièce XIV. Une grande fosse (st. 459) de forme oblongue (2,40 x 0,80 m) était située au sud de la pièce XVII du bâtiment A dans le prolongement de la tranchée 444 du mur nord de la pièce XVI (fig. 74, no 1). Elle présente un creusement (459) bilobé linéaire orienté est-ouest. Cet aménagement pourrait correspondre au radier d’une cloison, en partie récupérée. Il a livré une monnaie de la fin du iiie s.

La pièce XIV (4,40 x 3,70 m)

189Cet appendice était formé de trois murs dont le radier de fondation en calcaire local était conservé sur une vingtaine de centimètres de hauteur (mr. 579 - 580, mr. 452 - 453, mr. 436 - 437) (fig. 67 et 68). Contrairement aux substructures des murs situés au cœur de la villa, les fondations n’étaient pas maçonnées avec du mortier de chaux (fig. 75). Le local est de plan rectangulaire. Il possède une surface de 16 m2 et il communiquait avec la galerie. Dans l’angle nord-ouest de la pièce une surface rectangulaire (0,60 x 0,25 m) était rubéfiée (618). Il pourrait s’agir d’une surface de combustion, peut-être un four ou un foyer domestique (fr. 617) (fig. 74).

Fig. 73 – La galerie ouest (pièce XVII), vue depuis le sud

(cliché : Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 74 – Relevés en plan et en coupe de la fosse 459 et du four 617

(cliché : Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 75 – La pièce XIV, vue depuis l’est

(cliché : F. Vorreux, Metz Métropole).

La pièce XV (4 x 3,50 m)

190Elle possède des dimensions comparables à la pièce précédente : 14 m2 de surface utile (fig. 57 et 58). La pièce est délimitée par quatre murs ou tranchées de récupération (tr. 1765 - mr. 442, mr. 450, tr. 440, tr. 395). L’état de conservation est meilleur à l’ouest où les fondations du mur sont encore conservées. Cette annexe est traversée par une conduite d’eau (fo. 159) (voir infra, p. 88-89).

La pièce XVI (4,20 x 3,80 m)

191Avec 16 m2 de surface utile, cet appendice est sensiblement plus grand que les précédents (fig. 57 et 58). Les murs périmétriques de la pièce sont récupérés (tr. 444, tr. 448, tr. 446, tr. 395). Cet appendice était agrémenté d’un sol chauffant à conduit rayonnant (type FCD II, Degbomont 1984) dont le foyer se situait à l’extérieur du mur ouest (fig. 76). Un creusement circulaire (fs. 1629 ; 0,90 m de diamètre pour une profondeur de 0,35 m) était tapissé de chaux. Ses comblements (1630, 1647) contenaient de nombreux charbons indiquant une action répétée du feu. Le mur est traversé par un conduit composé de fragments de tuiles plates posées à plat (2220) parvenu dans un bon état de conservation. Le conduit alimente en air chaud un espace rectangulaire (1600) situé au centre de la pièce duquel rayonnent quatre conduits de tailles identiques vers les angles (cn. 1604, cn. 1607, cn. 1605, cn. 1606). Les deux conduits situés à l’ouest sont en partie conservés. Ils étaient délimités par des murets (2226, 2227) conservés sur moins de 10 cm de hauteur. Les murets étaient réalisés au moyen de moellons de calcaire local noyés dans du mortier de chaux. Le conduit est apparemment de section rectangulaire mais l’on ne peut statuer sur sa couverture, il possédait une largeur de 15 cm (fig. 77).

Évolution de la résidence

192La demeure du maître évolue progressivement et elle gagne en complexité. Plusieurs pièces sont modifiées à partir de la seconde moitié du iiie s., certains espaces sont condamnés tandis que d’autres gagnent en confort avec la construction d’hypocaustes. Le changement le plus significatif affectant le corps de logis est l’adjonction d’un petit espace balnéaire au sud (fig. 78).

Fig. 76 – Plan de la pièce XVI

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Installation d’un sol chauffant dans la pièce VIII

La pièce VIII (9 x 6,80 m)

193Les pièces VIIIa et VIIIb sont fusionnées pour former un espace unique (fig. 64). À cette occasion, la cloison centrale (tr. 2263) est probablement abattue et la cage d’escalier située dans la pièce VIIIb est remblayée. Quatre couches de remblais ont été individualisées. Il s’agit de niveaux de limon argileux, meubles et hétérogènes contenant de la faune, des matériaux de construction et des tessons de céramique. Plusieurs tranchées sont excavées afin de chauffer la pièce reconfigurée qui atteint à présent une surface voisine de 61 m2. Il semblerait que la source de chaleur provenait de la pièce VII située au nord. Le reste du conduit est matérialisé par une tranchée de près de 0,90 m de largeur (tr. 1807). L’air chaud convergeait vers une chambre centrale de plan rectangulaire (st. 1804) d’une longueur de 5 m pour une largeur de 2 m environ. Des angles de cette cavité centrale, dont tous les matériaux ont été récupérés, partent quatre conduits (tr. 1703, tr. 1705, tr. 1719, tr. 1689) en direction de la jonction des murs périmétriques. Les conduits devaient atteindre une largeur de 0,80 m et une longueur totale de 3,50 m.

Fig. 77 – La pièce XVI, vue zénithale

(cliché : PhoenixSolutions).

Modification de l’accès à la cave de la pièce IX

194Par voie de conséquence, l’accès à la cave de la pièce IX doit être entièrement repensé. L’ouverture qui se trouvait dans le mur ouest (mr. 1882 - mr. 2352) est obstruée avec un amas de matériaux qui alterne des rangées de pierres avec des lits de tuiles (1883) (fig. 67, 79 et 80). Au nord de la pièce, un grand creusement (1,70 x 0,60 m) d’une profondeur de 0,40 m correspond à la réalisation de la nouvelle descente d’escalier, depuis la galerie. Le mur nord (mr. 1881) de la cave est abattu en son centre pour former une porte de 0,95 m de largeur. Les montants verticaux (2060, 2053) sont soigneusement maçonnés et rejointoyés. Au nord, un second creusement dans le sol de la galerie (pièce XIII) permet d’aménager une nouvelle descente d’escalier. Aucun parement maçonné n’était visible le long de la paroi nord tandis qu’à l’ouest un massif maçonné (mr. 2062) en moellons parallélépipédiques d’opus vittatum venait s’adosser au mur existant (mr. 2060). Ce nouvel accès sensiblement plus haut que le précédent va probablement de pair avec la mise en place d’un nouveau niveau de sol (1838) dont la trace a été relevée sur une dizaine de centimètres d’épaisseur.

Modification du système de drainage de la cave IX

195L’édification des bains nécessite une révision en profondeur du système d’évacuation de l’eau au sud du corps de logis. Cela correspond sans doute à la création d’un grand collecteur au sud-est de la cour. La cave située sous la pièce IX devait faire face à de fréquents épisodes d’inondation. En effet, le niveau de la nappe affleure à 201 m NGF et au fil des années, le conduit initialement prévu pour le drainage (cn. 2013) s’est progressivement abîmé et le sédiment (2039) s’est introduit dans le conduit en entravant la circulation de l’eau.

196La base du mur est de la cave (mr. 1728) est percée au nord (fig. 79). Des moellons ont été arrachés sur trois assises pour ménager une ouverture qui débouche à l’extérieur sur une canalisation en pierre installée au fond d’une longue tranchée (cn. 1971) orientée nord-ouest -sud-est. Cette canalisation d’une largeur de 0,60 m est enfouie à 1,40 m des niveaux décapés. Elle communiquait avec un collecteur situé en contrebas au sud-est de la cour (fo. 1891, fo. 1941, st. 1955). La tranchée d’installation (1971) possèdait un profil régulier aux parois verticales et au fond plat. La canalisation en pierre (1973) – constituée par deux files parallèles de moellons de calcaire se superposant sur 2 à 3 assises et recouverts par des dalles de pierre – délimitait un conduit de 10 cm de largeur par 35 cm de hauteur. Un amas de blocs et éclats de calcaire recouvre les pierres de la canalisation. La tranchée est par la suite remblayée sur toute sa hauteur au moyen d’une argile limoneuse (2038). L’abandon de la canalisation est marqué par une sédimentation fine argilo-limoneuse brune (1972) qui a colmaté le conduit.

Fig. 78 – Plan du corps de logis de la villa dans sa forme la plus évoluée

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Modification de la façade au niveau de la pièce IX

197Des transformations sont intervenues au niveau du mur de façade (mr. 1728). Une fosse oblongue (fs. 1925) d’une largeur de 0,60 m pour une profondeur maximale de 0,75 m a été excavée le long du mur est de la cave (fig. 79). Cette fosse est comblée par du limon argileux brun clair comportant de nombreuses inclusions de chaux et un lot de céramique chronologiquement assez homogène. Il pourrait s’agir d’un creusement lié à la spoliation du mur, cependant la datation haute fournie par la céramique au début du iiie s. et l’existence d’un deuxième creusement de tranchée de récupération (tr. 365 = tr. 2015) qui entaille la couche (1926) apportent deux arguments en défaveur de cette proposition. L’origine de ce creusement est peut-être à mettre en relation avec des modifications sur la façade telles que le percement, la consolidation ou la rénovation des soupiraux.

Construction de trois grandes pièces au nord

198Deux, voire trois, pièces viennent s’ajouter à la demeure au nord. L’état d’arasement très prononcé rend l’interprétation des vestiges quasiment impossible (fig. 78).

La pièce I (13,50 x 11,20 m)

199Une surface murée de 150 m2 est définie par plusieurs tranchées de récupération qui ne sont pas toujours dans un parfait alignement (tr. 389, tr. 352, tr. 362, tr. 369, tr. 430, tr. 390, tr. 436). La pièce possède un plan irrégulier, et une interruption dans le mur situé à l’ouest pourrait évoquer l’existence d’une porte ou d’un passage.

La pièce II (8,90 x 5,10 m)

200Elle est située au nord-est de la demeure (45 m2). Elle s’appuyait au nord sur le mur de l’enclos 2 (mr. 320) sur lequel deux murs viennent en buttée (tr. 362, tr. 365), ce qui semble assurer leur postériorité par rapport à l’enclos. Au sud, la pièce est délimitée par un mur entièrement récupéré (tr. 434). Une interruption dans la tranchée est (tr. 365) de près de 3 m de largeur pourrait indiquer l’existence d’une ouverture à cet emplacement.

Fig. 79 – Plan de la cave IX dans sa nouvelle configuration

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

La pièce III (8,90 x 6,90 m)

201Elle possède des dimensions sensiblement plus grandes que la pièce précédente et une surface de 61 m2. Les quatre murs ont été intégralement récupérés (tr. 430, tr. 369, tr. 434 et tr. 365).

Édification des bains au sud

202Le corps de logis est agrémenté de bains auxquels on accédait probablement par la galerie arrière (pièce XVII). Ce complexe composé de quatre pièces vient s’agglomérer au sud du corps de logis (pièce Xb, XIa, XIb, XVIII). La stratigraphie de la salle de chauffe a permis de restituer une partie de l’histoire de la construction des bains qui se divise au moins en deux temps. D’abord, la partie sud-ouest de la villa est transformée pour accueillir une petite suite balnéaire sur un modèle très courant dans le Nord-Est de la Gaule. Ce petit balnéaire se compose d’un espace en L à l’entrée, d’une pièce interprétée comme un bain froid et de deux pièces équipées de chauffage par hypocauste alimentée par un praefurnium au nord (fig. 81).

Pièce Xb (7,80 x 6,10 m)

203L’ancien corridor qui permettait d’accéder à la demeure depuis l’ouest est modifié avec l’adjonction d’une pièce perpendiculaire limitée par deux murs (tr. 395, mr. 1666). L’espace nouvellement constitué se compose de deux couloirs perpendiculaires d’une surface totale de 31 m2. Les dimensions de la pièce assez étroites (2 m environ) et son agrégation à un couloir d’entrée sont deux arguments en faveur d’un espace de passage qui se décompose vraisemblablement en un frigidarium /apodyterium.

Pièce XIb (5,90 x 3,50 m)

204Au cœur du dispositif, dans l’angle formé par ce couloir, est mise en place une salle de chauffe (pièce XIb) de 21 m2 (fig. 81). Des tranchées sont excavées dans le terrain naturel afin d’ériger les murs périmétriques. Il est probable que le mur situé au nord (mr. 1586) ait préexisté à ces aménagements. À l’ouest, un creusement (1665) permet de mettre en place un radier sur lequel reposent plusieurs assises (mr. 1666). Au sud, la tranchée de construction (2272) précède la construction du mur (mr. 1702) tandis qu’à l’est, un mur d’une longueur de 1,50 m forme la limite. La tranchée de construction (1922) de près de 1 m de largeur accueille un radier (1923) sur lequel reposent les assises de pierre (mr. 1924). Ce dernier mur, plus court que son vis-à-vis, rend possible l’accès à la salle de chauffe depuis l’extérieur de la villa. Cette ouverture permettait probablement de ventiler le praefurnium lorsqu’il était en fonctionnement.

Fig. 80 – L’ouverture initiale de la cave murée (au centre) et une nouvelle porte creusée dans le mur nord (à droite), vues depuis l’est

(cliché : F. Vorreux, Metz Métropole).

Fig. 81 – Plan des bains de la villa dans leur forme originelle

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

205Un premier sol marquait la fréquentation de la pièce (1886). Cette couche compacte et homogène de limon sableux semble avoir été rapportée. Elle était déjà présente lors de la mise en marche du foyer (fy. 1628) et du canal de chauffe (cn. 1627) (fig. 82, fig. 83, no 1 et 2). Le foyer était implanté dans un creusement rectangulaire (2137) dont le fond était aménagé d’une couche préparatoire d’argile homogène (2046) de quelques centimètres de hauteur. Tout le périmètre du foyer se composait de deux assises de petits moellons (20 x 15 x 10 cm) de calcaire (2048) à l’intérieur desquelles une couche de remblai de construction réalisée à base d’éclats de calcaire compacté (1895) était introduite. Le muret et la fourrure interne servaient de socle pour l’installation de la sole du foyer réalisée au moyen de tuiles et de fragments de tuiles posés à plat. Un creusement (2122) dans l’angle nord-est a entraîné la disparition de quelques moellons. Cette cavité a été comblée de tuiles et sa présence n’a semble-t-il pas entravé le fonctionnement du foyer où s’est progressivement accumulé du sédiment à fortes charges charbonneuses, déposé en fines strates successives. Ces niveaux sont visibles sur la surface du foyer (1790, 1884) ainsi que dans le local (1887, 1888, 1790). Afin d’enrayer ce processus de sédimentation, un niveau de sol en mortier de tuileau (1785) est réalisé dans le local. Cette surface reconnue principalement dans le quart nord-est de la pièce possède une épaisseur de 8 cm. Sur ce niveau de sol, l’activité du foyer laisse encore des traces matérialisées par des couches assez fines, qui n’excèdent pas 3 cm, composées de charbons de bois et de sédiments très sableux (1787, 1786).

Fig. 82 – La salle de chauffe (pièce XIb) avec le foyer 1628 et le canal de chauffe 1627, vus depuis le nord-est

(cliché : R.-M. Bigoni, Metz Métropole).

206Le mur (mr. 1625) situé au sud de la salle de chauffe était traversé par le canal de chauffe de 0,40 m de largeur pour une longueur totale de 2,05 m. Le creusement était contemporain du foyer. Le fond était recouvert d’une couche de sable gris homogène (2135) qui supportait une assise de blocs de calcaire (2134) au module calibré (32 x 32 x 12 cm). Une tuile posée sur chant (2136) au bord de la paroi ouest du creusement assurait le réglage horizontal du canal et jouait le rôle de coffrage. La surface plane obtenue était généreusement garnie de mortier (2138) avant la pose d’un niveau de tuiles à plat sur lequel reposaient, au centre, les tuiles sur chant du canal de chauffe et, latéralement, les quatre plots (pl. 1623 à pl. 1626) qui supportaient l’arc en plein cintre du canal. Les plots de 0,70 m de côté sont aménagés en briques (0,38 x 0,30 x 0,04 m). L’élévation à l’ouest conservait 11 assises pour une hauteur totale de 0,67 m. L’ensemble était assemblé au moyen de mortier hydraulique.

La pièce XIa (5,30 x 4,30 m)

207L’air chaud pénétrait dans une première salle chaude (fig. 81, 83 et 84). Le plan de masse invite à voir deux espaces distincts. Une première pièce de 10 m2 (5,30 x 2 m) située à l’est se terminait par une schola accueillant une probable vasque d’eau froide. Cette pièce jouxtait un second espace rectangulaire de 7 m2 (3,30 x 2,30 m) à l’intérieur duquel la température était plus tempérée. Dans cette hypothèse, une cloison ou un muret aurait divisé l’espace au-dessus du sol suspendu. La salle chauffée était délimitée par des murs dont les fondations sont encore dans un bon état de conservation, car elles n’ont été que partiellement récupérées (mr. 1625, mr. 1694, mr. 1803, mr. 1822, mr. 1666). Le mur nord (mr. 1702) est mitoyen avec la salle de chauffe. Les fondations des pièces chauffées sont ancrées dans le sol naturel nettement plus profondément que les autres substructions de la villa.

208La face interne des murs était parementée et elle avait conservé jusqu’à six assises. L’intérieur de la pièce est comblé par un niveau d’argile sableuse compacte (2094) auquel se superposait une seconde couche de remblai argileux (1710). Ces deux couches préparatoires d’une épaisseur de 0,40 m étaient surmontées par un radier de 0,30 m d’épaisseur de pierres disposées en position oblique (1709) (fig. 84, no 3 et fig. 85). Le sol de l’hypocauste (1695) est aménagé sur cette solide fondation. Une couche de mortier de quelques centimètres (1697) permet de solidariser et de niveler les dalles rectangulaires de terre cuite (34 x 22 x 3 cm) qui couvrent la surface. Quelques pilettes (17 x 17 x 2,20 cm) destinées à soutenir le sol suspendu sont conservées (1696). Ces dernières, conservées sur une vingtaine de centimètres, sont réparties tous les 0,30 m en respectant l’axe des murs. Les différentes composantes sont assemblées dans cette partie du système de chauffage avec du mortier de tuileau. La jonction entre les dalles et les murs est garnie d’une couche de mortier qui remonte sur le nu formant une plinthe en quart de rond assez grossière.

209Le remblaiement a livré de la faune, un fond de céramique commune claire et des fragments d’enduit peints.

210Deux conduits traversaient le mur est (mr. 1694) pour converger 5 m plus bas vers un collecteur ou des latrines (st. 1955) après avoir emprunté une canalisation (cn. 225, cn. 1899) en pierre (fig. 81).

211La première canalisation (cn. 225) a été observée sur 5 m. Elle reliait l’espace quadrangulaire de la pièce XIa au collecteur qui longeait les bains. Une ouverture quadrangulaire d’environ 0,30 m de large était aménagée à la base du mur est dans sa partie centrale. Elle débouche à l’extérieur sur une canalisation installée au fond d’une tranchée de plan linéaire (225) qui accuse un profil régulier aux parois verticales et au fond plat. Le conduit est soigneusement aménagé au moyen de deux murets en moellons et petits blocs de calcaire. Cette maçonnerie conservée sur deux assises délimitait un canal d’évacuation d’environ 15 cm de largeur sur 18 cm de hauteur. Quelques inclusions de particules de mortiers et de terre cuite architecturale y sont visibles.

212Un deuxième dispositif (cn. 1899) était situé 2 m au sud de la canalisation 225. Il était installé sous le sol de l’hypocauste de l’espace en abside de la pièce XIa. Le conduit qui traverse l’extrémité sud du mur est possède une largeur d’environ 0,20 m. Le creusement linéaire possédait un profil régulier aux parois verticales.

Fig. 83 – Coupes stratigraphiques au sein des bains de la villa

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 84 – Suite des coupes stratigraphiques au sein des bains de la villa

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 85 – Détail de la construction du sol de l’hypocauste sl. 1695, vue générale depuis l’est

(cliché : G. Brkojewitsch, Metz Métropole).

La pièce XVIII (4 x 2,30 m)

213Une troisième pièce, appartenant au programme, était logée dans l’angle sud-est du corps de logis (fig. 81, 83 et 84). Son plan et ses dimensions répondent de manière spéculaire à la partie orientale de la pièce XIa. La contemporanéité des pièces XI et XVIII laisse peu de doute, car aucune reprise n’a été observée sur le mur de séparation (mr. 1666). Cette salle, qui n’était pas alimentée par le système de chauffage, devait être remplie d’eau froide. L’interprétation comme bain froid ou comme piscine s’appuie sur la morphologie générale de la cuve (9 m2), sur la présence d’un enduit hydraulique mural partiellement conservé et, enfin, sur l’association d’un système d’adduction et d’évacuation de l’eau (cn. 1862). La paroi interne de la piscine, aux dimensions modestes, prend la forme d’une abside au sud (fig. 86) tandis qu’au nord, une large tranchée de récupération (409) indique probablement l’emplacement d’un dispositif d’escalier. La tranchée d’une largeur supérieure à 1 m excède celle des tranchées de récupération classique. Cette paroi était peut-être aménagée avec un placage de bois ou de matériaux plus nobles qui auraient été intégralement récupérés. La largeur de la récupération permet de restituer trois marches au minimum. Le sol semble avoir été récupéré lui aussi, et il ne subsiste que les niveaux de préparation, constitués d’une couche imperméable argileuse (1751) surmontée par un mélange de sable et de galets (1750) (fig. 84, no 4). Les murs sont conservés sur près de 1,20 m de hauteur. Dans l’abside, dix assises de calcaire local étaient encore visibles. Les moellons sont généralement positionnés en panneresse, mais une certaine diversité est observable dans le choix des modules de moellons (entre 15 et 30 cm). La hauteur d’assise (10 cm) et l’épaisseur des joints (2 cm) sont quant à eux plus homogènes. Peu de soin semble apporté aux finitions, ce qui renforce l’hypothèse que la paroi était entièrement enduite. De cette couche d’enduit, seuls subsistent localement des aplats de la couche préparatoire.

214Au centre du mur concave, à environ 0,55 m du sol, une ouverture (0,40 x 0,20 x 0,66 m) est aménagée avec des moellons plus petits (0,38 x 0,10 x 0,15 m). Cette embouchure – qui était à l’origine recouverte de tuiles assemblées au mortier hydraulique – assure la communication de ce conduit avec l’extérieur. En amont, un système de canalisation (cn. 1809) doublait les murs extéreurs à l’ouest (tr. 395, mr. 1812). L’eau transitait par une conduite de tuiles comme en attestent les fragments de tuiles creuses auxquelles était aggloméré du mortier de tuileau, retrouvés en position secondaire. Il est probable qu’un système de vanne complétait le dispositif.

Fig. 86 – Les bains, vus depuis le nord

(cliché : G. Brkojewitsch, Metz Métropole).

Fig. 87 – Plan des bains de la villa dans leur forme évoluée

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

215Une première canalisation (cn. 1809) bordait les murs ouest (mr. 1813) des pièces Xb et XVIII, et un second conduit (cn. 527), observé sur près de 11 m convergeait vers la canalisation 1809 au niveau du point d’inflexion. À son extrémité nord, le creusement était orienté selon un axe nord-sud, puis bifurquait en direction de l’est en longeant le sud des bains pour déboucher dans un collecteur (fo. 1891) situé en aval, dans la cour (voir infra, p. 88-89). Au total, la canalisation mesurait 14,50 m de longueur pour une largeur de 1,15 m. Le conduit implanté à l’aplomb des maçonneries est délimité à l’extérieur par une murette constituée de moellons de calcaire bleu et de tuiles (1810). Le conduit obstrué par une argile limoneuse (1811) a fourni plusieurs artefacts : dix tessons, une emboîture de canalisation et un axe timon en fer, de la faune, du verre ainsi que des fragments d’enduit peint. Ce dispositif, qui recueillait probablement les eaux de pluie de la toiture de la villa, alimentait également la pièce XVIII par l’intermédiaire d’un conduit (1862) qui traverse le mur en abside au sud.

Agrandissement des bains

216Après une période de fonctionnement dont la durée n’est pas déterminable, le complexe évolue et s’agrandit. La principale modification se situe dans l’angle sud-est du bâtiment A où une nouvelle pièce est édifiée (fig. 87).

La pièce XIc (6 x 7,40 m)

217Les murs de cette salle de 44 m2 s’appuyaient sur l’ancien mur pignon signalé par une tranchée de récupération (tr. 411). À l’est, au sud et à l’ouest, trois nouveaux murs, dont il ne reste aujourd’hui que les tranchées de récupération (tr. 365, tr. 407, tr. 1616), avaient été érigés.

218Dans l’angle nord-ouest de la salle, un radier d’éclats de calcaire local stabilisait un sol en dalles de terre cuite rectangulaires (34 x 22 x 3 cm) installé sur une fine chape de mortier de tuileau (1061). La jonction avec les murs, dans l’hypocauste, était ici encore assurée par des quarts de rond en mortier de chaux. La surface conservée du dallage (2,70 x 2,50 m, soit 7 m2) est probablement inférieure à la surface de la pièce qui était chauffée dans le passé (fig. 88).

219Les transformations nécessitent l’arasement partiel du mur situé à l’est de la chambre de chauffe XIb (mr. 1924). Plusieurs fosses sont oblitérées et le dernier niveau d’activité charbonneux (1786) est recouvert d’un sol en mortier de tuileau (1788) qui recouvrait la crête du mur détruit (mr. 1924). Ce niveau semble avoir servi de fondation à l’édification d’un second foyer de chauffe (fig. 88). Depuis cette surface, un second canal (cn. 2349), auquel on peut restituer une longueur de 2 m en cumulant la partie récupérée à la zone conservée, est excavé. D’un point de vue technique, c’est une reproduction du canal précédemment décrit. Il possède une orientation à 45° vers le sud-est et se dirige à présent en direction de la pièce XIc.

220Le creusement du canal de chauffe intervient après la mise en place du sol de la pièce XIc (sl. 1060) car, outre l’axe du canal qui n’épouse pas celui du pavement, on observe clairement que les terres cuites de l’area ont été recoupées, voire cassées, pour introduire les briques sur chant du canal.

221Un trou de poteau (tp. 1986) de 12 cm de diamètre est apparu au centre de la pièce XIc. Il pourrait s’agir d’un poteau faîtier supportant une cloison. Deux canalisations parallèles (cn. 1946, cn. 1948), situées sous le niveau de préparation (1611) du sol d’hypocauste (sl. 1060), assuraient le drainage de la pièce XIc. La première (cn. 1946), orientée nord-ouest - sud-est, se dirigeait depuis la partie centrale de la pièce XIc en direction du collecteur qui traverse la cour. Cet aménagement de 11 m de longueur traversait l’angle sud-est de la pièce. Le creusement (1946) avait un profil en cuvette et un fond concave. Son comblement final (1947) était constitué par un sédiment limono-argileux brun jaunâtre compact et homogène dans lequel sont piégés quelques fragments de terre cuite architecturale. La seconde canalisation (cn. 1948) était située 0,25 m au nord parallèlement à la canalisation 1946. Elle avait les mêmes caractéristiques.

Peintures murales

222Les ruines du corps de logis, et principalement des bains, ont fourni un lot modeste d’enduits peints comptant moins de 200 fragments. Aucune peinture en place n’a été observée et les principaux contextes de découverte se limitent donc aux tranchées de récupération des murs, aux couches de démolition des pièces ainsi qu’à certaines canalisations bordant les façades.

Fig. 88 – Le second canal de chauffe 2349 mis en place après l’arasement du mur de cloison 1924, vu depuis l’ouest

(cliché : J. Maujean, Metz Métropole).

223Près de 90 % des fragments se localisent dans la partie sud de la pars urbana, essentiellement autour des bains (pièces XIa et XVIII) et à proximité des pièces VIIIb et IX (fig. 89). Cette concentration du mobilier est le fait d’un phénomène de conservation différentielle plus qu’à une réalité archéologique, car une grande partie des surfaces murales de la villa devait être enduite.

Supports

224Dans l’ensemble, les mortiers sont homogènes et de bonne qualité et l’étude macroscopique a permis de distinguer quatre ensembles. Le premier, le plus friable, est constitué de trois couches à la granulométrie assez fine et sableuse. Le second, relativement compact, est composé d’éléments plus grossiers. Le troisième, également caractérisé par trois couches successives contient de nombreux nodules de chaux. Sa dernière couche, complète, comporte des empreintes ligneuses, négatifs d’un clayonnage constitué de lattis en bois pouvant correspondre à celui d’un plafond. Enfin, le dernier ensemble est formé d’un mortier de tuileau à la couleur rosée. Ce type de mortier possède des qualités hydrauliques permettant d’isoler les maçonneries de l’humidité. Situé exclusivement au niveau des bains, son décor pouvait orner l’intérieur comme l’extérieur des pièces.

Couches picturales et état de surface

225Sur la plupart des fragments, la couche picturale est en assez mauvais état, voire inexistante sur certains. Cependant, la couche de préparation est soigneusement lissée sur la majorité des fragments.

226En ce qui concerne les pigments, seules quatre couleurs sont présentes : le rouge, le blanc, le jaune et le vert. En règle générale, les éléments colorés sont appliqués sur le fond blanc. Pour les imitations de roches décoratives, et notamment le marbre jaune, la couche de couleur jaune a été déposée sur une première couche de couleur rouge. Les nervures rouges n’ont été réalisées que dans un second temps. Le même procédé a été utilisé pour la deuxième roche décorative avec des nervures réalisées dans diverses teintes : rouges clair et rouge foncé et vert clair et vert foncé.

Fig. 89 – Plan de répartition des enduits peints dans la pars urbana

(DAO : K. Lemoine, Metz Métropole).

Fig. 90 – Enduits peints : 1, imitant des roches décoratives ; 2, situé sous les plafonds ; 3, à champ rouge

(clichés : K. Lemoine, Metz Métropole). 

Décors et comparaisons stylistiques

Les imitations de roches décoratives

227Deux types de roches décoratives ont pu être identifiés pour l’ensemble 1 (fig. 90, no 1). Le premier correspond à un faciès de marbre jaune de Chemtou reconnaissable à son fond jaune et à ses nervures rouges. Le second n’est pas identifiable et renvoie à une roche indéterminée : sur un fond jaune, s’entrecroisent des nervures rouges et vertes plus ou moins foncées. Les éléments observés ne permettent pas de comprendre l’organisation générale du décor : modules, association des deux imitations, motifs répétés.

228Un troisième faciès pourrait être présent en partie basse d’une des fresques (ensemble 2). Il se situe au-dessus d’un champ rouge (plinthe) et est constitué de nodules représentés dans diverses nuances de vert. Cependant, l’état de conservation de la couche picturale ne nous permet pas de déterminer précisément la roche concernée.

229Les imitations de roches décoratives sont relativement fréquentes entre les iie et iiie s. Plusieurs décors messins témoignent de la diffusion de ce type de décor comme le parking de l’Esplanade, la rue Marchant, l’îlot Sainte-Chrétienne, la place de la République, l’îlot Turmel ou la rue Paille-Maille. Deux sites seulement attestent de la présence d’une imitation de marbre jaune antique, à l’îlot Sainte-Chrétienne et à l’îlot Turmel.

230L’association de l’imitation de roche décorative et d’une plinthe rouge a également été mise en évidence sur le site de l’îlot Sainte-Chrétienne. Les peintures en place présentaient une zone inférieure incomplète constituée d’une plinthe rouge et d’une bande blanche assurant la transition avec le soubassement composé de deux compartiments avec des imitations de marbre (Heckenbenner, Mondy 2014).

Les décors de plafond

231Les fragments de l’ensemble 3 montraient des filets (jusqu’à 1 cm de large) et des bandes (jusqu’à 10 cm de large) rouges sur un fond blanc (fig. 90, no 2). La particularité de ces filets réside dans leur orientation qui peut être horizontale, à 65° ou encore à 80°. Malgré l’absence de remontage, on pourrait envisager la présence d’un décor à réseau constitué de formes géométriques répétées.

232Un probable décor de plafond a été mis au jour dans la pièce 2044 de la villa de Larry à Liéhon (Moselle), datée entre 190 et 250 apr. J.-C. (Mondy 2005). Tout comme les fragments de l’ensemble 3, le mortier, très léger, était essentiellement constitué de chaux. Le décor est constitué d’un champ blanc prédominant sur lequel s’organisent un bandeau rouge et une bande noire. Là encore, le décor est lacunaire et l’organisation n’est pas connue.

233En ce qui concerne les décors à réseau avérés, quatre ont été mis au jour dans la cité des Mediomatrici notamment sur les sites de l’ancienne chambre des Métiers, de la rue de la Pierre-Hardie, de l’îlot Sainte-Chrétienne et de la rue de la Glacière. Les deux premiers sont clairement associés à des plafonds et le troisième à une embrasure de fenêtre. L’emplacement du dernier est, quant à lui, inconnu. Un dernier décor à réseau ornait les murs d’un vestiaire de l’ensemble thermal de la villa de Damblain dans les Vosges (Mondy et al. 2012). Dans tous les cas, ce type de décor semble associé à des pièces dotées d’un certain statut (Heckenbenner, Mondy 2014).

Champ rouge

234Le dernier ensemble (mortier hydraulique) se caractérise par un champ rouge plus ou moins bien conservé (fig. 90, no 3). La présence d’un fragment dont la moitié inférieure ne possède pas de couche de finition plaiderait en faveur d’une position en bas de paroi (zone inférieure/plinthe). La présence d’un filet de couleur blanche (larg. 0,50 cm) sur l’un des fragments indique que cette partie de la fresque n’était pas totalement monochrome.

235Des enduits comparables ont été mis au jour à plusieurs endroits de la villa de Larry à Liéhon : au niveau du porche d’entrée, de la galerie sud et de la partie sud-est. Ces enduits de couleur rouge sont posés sur un mortier dense constitué de nombreux fragments de tuileau et pourraient avoir été disposés sur la plupart des murs de la villa, au moins en partie basse (Mondy 2005). Il pourrait en être de même pour la villa de Grigy.

236Bien que lacunaires, les peintures de la villa de Grigy s’intègrent dans un contexte régional bien documenté et trouvent des parallèles avec des sites urbains et ruraux. Le programme iconographique devait offrir un exemple de raffinement, comparable à ce que l’on pouvait observer dans les habitations urbaines assez cossues de la capitale de cité des Mediomatrici et il est en parfaite adéquation avec le contexte de cette villa qui témoigne d’une forme d’aisance dans l’architecture et la décoration mais sans excès apparent.

Gestion de l’eau

L’alimentation

237L’adduction d’eau courante était assurée par une longue canalisation (fo. 159) qui traversait toute la pars urbana d’ouest en est. Le conduit, dont l’origine se situe en haut du plateau, a été dégagé sur 110 m (fig. 91A). Son creusement (159), d’une largeur de 1,40 m, possède un profil concave. À son point de traversée du mur ouest de l’enclos 1 (mr. 333), le conduit était soigneusement maçonné avec des moellons parallélépipédiques de calcaire local (37 x 30 cm) dont deux assises sont conservées (fig. 91B). Le creusement du fossé est plus large (1,40 m) et plus profond (0,44 m) à l’intérieur de l’enclos, mais ces variations sont probablement imputables à la récupération de certains matériaux. Le comblement (160) était assez homogène, constitué d’argile limoneuse compacte de couleur brune. Les inclusions de blocs de calcaires, de fragments de tuiles, de mortier et de charbons de bois y étaient fréquentes. Dans le tronçon qui traversait le corps de logis, les charbons de bois sont beaucoup plus nombreux. Dans la partie orientale de l’enclos 1, la découverte de plusieurs emboîtures métalliques précise la nature de la canalisation qui était en bois. Le fond était aménagé au moyen d’un fin cailloutis composé d’éclats de calcaire. Le tracé de la canalisation est plus ou moins rectiligne dans l’enclos avant de traverser le sous-sol de la demeure. Son point de pénétration se situe dans la pièce XV qui serait peut-être un local technique, car sa vocation semble liée à cette canalisation. Le tracé de la canalisation s’infléchit vers l’est en divisant l’enclos 2 en deux portions de surfaces égales. Dans l’enclos 2, le creusement (cn. 1568) affichait un profil différent avec un fond plat et des parois inclinées à 45°. Plusieurs creusements étaient situés en périphérie du conduit (fig. 91C). Au nord du fossé, en amont de la fosse 1571, un trou de poteau (tp. 1740) était fiché dans le sol. Le creusement circulaire de 0,64 m de diamètre portait les traces d’un calage de pierre (1741). La canalisation était bordée au sud par une fosse (fs. 1571) quadrangulaire (1,20 x 0,40 m) de 0,59 m de profondeur. Son creusement (1571) à fond plat et parois abruptes suggère peut-être qu’il s’agissait d’une cuve. Le comblement (1572) concentrait des éléments issus du démantèlement des maçonneries voisines (calcaires, tuiles, galets, mortier). Un conduit secondaire (0,90 x 0,30 m) a été observé en plan (cn. 1608). Il communique avec une fosse carrée (fs. 1579) (fig. 91C) aux limites nettes (1,10 m de côté). À 5 m à l’est, le creusement de la canalisation s’élargit considérablement. On discerne une fosse circulaire de 2,80 m de diamètre pour 0,40 m de profondeur, à cheval sur le tracé de la canalisation principale (fs. 1612). Au sud de la fosse circulaire, deux plots en calcaire damé apparaissent (st. 246, st. 1742). Les deux structures, à l’origine de plan rectangulaire (0,90 x 0,80 m), sont conservées sur quelques centimètres. L’excavation circulaire (1612) est comblée dans un premier temps par une couche d’argile limoneuse (1610 = 1878) compacte et homogène brun-gris comportant de nombreuses inclusions. Une deuxième couche de remblai (1570), de même nature, qui contient moins d’inclusions de mortier, renfermait un pot horticole complet à bord pendant, panse tronconique et fond plat. Trois perforations réalisées avant cuisson ont été observées dans la partie inférieure de la panse et une autre au centre du fond (fig. 92). D’après les textes antiques (notamment Pline l’Ancien, Histoire naturelle, XVII, 7, 11, 21 et XXV, 102 ; Caton, De l’agriculture, LXI, CXLII ; Palladius, Traité d’agriculture, III, 10, 25 ; IV, 10 et VI, 6, X, 14), les pots percés peuvent être utilisés pour le marcottage, le semis. Une dernière couche de gravats et de matériaux divers (tessons de céramique, éléments de scellement en plomb, trois clous en fer et deux tôles en alliage cuivreux) vient sceller la fosse et marque son abandon (49). À l’est de la fosse circulaire, le tracé de la canalisation (fo. 1568) reprend son cours et se dirige en direction de la rivière et du grand bassin de l’enclos 4.

Fig. 91 – A, plan du réseau d’adduction de la villa ; B, aménagement des fondations au niveau de la traversée de l’enclos 2 par le fossé 159, vue depuis le sud ; C, plan des structures hydrauliques situées dans la zone centrale de l’enclos 3 ; D, relevés en plan et en coupe des principaux éléments du réseau d’adduction

(cliché et DAO : K. Lemoine, Metz Métropole).

238Ce canal d’amenée d’eau desservait la demeure et un groupe de fosses situé au centre de l’enclos 2. Sa fonction était possiblement de subvenir aux besoins primaires en eaux de l’habitat (cuisine, chauffage, toilette). La canalisation a probablement alimenté ce qui semble avoir été une fontaine (fs. 1612). Par analogie avec d’autres villae, on peut restituer la présence d’un point d’eau qui aurait été entièrement récupéré. La fouille du secteur a livré une grande quantité de pierres et de moellons ainsi qu’une plaque de calcaire lisse polie sur une face. Une base de colonne en calcaire de Norroy-lès-Pont-à-Mousson retrouvée à proximité a pu contribuer au programme architectonique du point d’eau (fig. 93). La forme originelle est difficilement lisible. La fosse rectangulaire en amont (fs. 1571) pourrait évoquer, par sa forme et sa capacité, un réservoir tandis que la fontaine en tant que telle aurait été située dans la fosse circulaire. Deux plots en calcaire damés (st. 246 et st. 1742) contigus à la fosse d’épierrement de la fontaine servaient d’assise ou de support à un dispositif surélevé.

Récupération des eaux usées

239En plus du système de drainage de la cave IX (cn. 2013 puis cn. 1971 ; fig. 64), plusieurs canalisations (cn. 1809, cn. 527, cn. 470, cn. 558, cn. 575, cn. 1946, cn. 1948) provenant du corps de logis (bains et caves) assuraient l’évacuation des eaux usées (fig. 93). Toutes ces conduites d’eau convergent vers un grand fossé de récupération qui orientait les eaux usées en direction de la rivière. Le fossé fo. 1891 fonctionnait à la manière d’un collecteur et plusieurs concentrations de blocs pourraient avoir constitué des barrages filtrants. Le collecteur (43 x 1,25 m) se présente sous la forme d’un fossé de 0,90 m de profondeur au plan linéaire orienté est-ouest. Implanté dans le prolongement de la canalisation 1809, il bordait les bains et traversait les cours. Six coupes stratigraphiques ont été réalisées le long de son tracé. Le creusement possédait un profil en cuvette asymétrique aux parois évasées. Un surcreusement de 0,20 à 0,30 m de profondeur est réalisé dans le fond de la tranchée pour accueillir la canalisation (1941, 1953) de 0,30 à 0,50 m de largeur. Dans la portion ouest du dispositif, un muret de trois assises, constitué de blocs de calcaire, renforçait la paroi sud du surcreusement. À son extrémité ouest, la tranchée est remblayée par un sédiment limono-argileux renfermant des matériaux de construction, des fragments d’enduit peint et de la céramique. Une emboîture métallique y a également été recueillie.

Fig. 92 – Dessin et photographie d’un pot horticole en position primaire dans le périmètre de la fontaine, vue depuis le nord-est

(cliché : R.-M. Bigoni ; DAO : S. Marquié, Metz Métropole).

240Deux conduits secondaires assuraient l’évacuation de l’eau en surface. Une canalisation (cn. 470) doublait au sud le tracé principal du collecteur distant d’environ 0,55 m. Elle suivait le tracé sur près de 9 m et assurait l’évacuation des eaux de surface. Une autre canalisation (cn. 2004) avait une orientation divergente. Elle recoupait le mur sud de l’enclos (mr. 291) et semblait rejoindre le collecteur fo. 1891.

241Enfin, la canalisation se développait sur 18 m de longueur environ jusqu’à rejoindre le cours d’eau (fo. 2142) qui traversait le domaine.

Fig. 93 – A, plan de masse du réseau de récupération des eaux usées la villa ; B, relevés en plan et en coupe des principales structures du réseau d’adduction

(DAO : K. Lemoine, Metz Métropole).

Fig. 94 – Relevés en plan et en coupe de l’ensemble de fours situé au nord de la pars urbana

(DAO : G. Asselin, Metz Métropole).

Aménagements à proximité de la résidence

242En périphérie de la demeure, plusieurs constructions ont été identifiées. L’architecture est plus rudimentaire et se limite généralement à des petits ensembles sur quatre ou six poteaux plantés. Ces bâtiments, qui abritent des fours ou des foyers, restent toutefois difficiles à interpréter.

Fours et foyers

Analyse archéologique

243Un premier ensemble est constitué à partir d’une vaste aire de travail excavée dans le substrat (5,75 x 4,85 m). Au fond de cette dernière, six poteaux porteurs, entouraient deux aires de combustion circulaires dont la contemporanéité n’est pas assurée (fig. 94).

244Le creusement (fs. 1875) de plan ovalaire (1,70 x 1,15 m) a été réalisé à près de 1 m de profondeur. La paroi est verticale et elle s’articule perpendiculairement au fond qui est quasiment plat. La fosse est d’abord comblée par des effondrements de parois (1959, 1960), puis par une lentille d’argile limoneuse brun sombre compacte et hétérogène comportant des nodules de terre rubéfiée et du charbon (1961). Cet état pourrait correspondre à une première utilisation de cet espace en tant que four. Ensuite, un sédiment sombre présentant des particules de calcaire, de terre cuite architecturale, de charbons de bois et de mortier est venu combler l’espace (1876, 1404).

245Cette première fosse est située à proximité d’une fosse (fs. 19) au plan rectangulaire (fig. 94) d’une taille supérieure (4,50 x 3,40 m), en limite extérieure de laquelle sont implantés 5 creusements de poteau (tp. 1867, tp. 1869, tp. 1871, tp. 1873, tp. 1957). Ils possèdent un plan circulaire d’un diamètre allant de 0,25 à 0,55 m, et leur profondeur varie entre 0,20 et 0,40 m. Les trous de poteau centraux n’étaient pas alignés avec les corniers, ils présentaient un décalage de 0,30 m vers l’extérieur. La surface du bâtiment est estimée à 15,30 m2. Deux fours occupaient la partie sud de la fosse, ce qui ménageait une grande aire de travail couverte à l’arrière des bouches. Le premier four (fr. 1177) est creusé au sud-est. Il comportait une zone de chauffe circulaire au sud de 1,10 m de diamètre et un alandier au nord (0,30 x 0,50 m) d’une profondeur de 0,45 m (fig. 95). Les parois étaient verticales et le fond plat et lisse. La chambre de cuisson était surélevée de 10 cm par rapport à l’aire de travail. Une butte de terrain naturel d’environ 5 cm d’épaisseur marquait la séparation entre les deux espaces. Une couche de cendres et de charbon de bois couvrait l’alandier et une partie de l’aire de travail. Elle témoigne probablement de la dernière utilisation de ce four (1199). Cette couche a livré un tesson de céramique protohistorique et un autre daté de la fin du iie-iiie s. Lors de l’abandon du four, une partie de paroi rubéfiée épaisse de 10 cm s’est effondrée sur le fond de la chambre (1180) avant que du limon sableux gris jaunâtre meuble et homogène (1179) n’envahisse le reste du volume. Un deuxième four (fr. 1191) avait les mêmes proportions. Il a été aménagé dans un deuxième temps au sud-ouest de la grande fosse (fs. 19). La chambre de cuisson était installée dans un creusement (1191) circulaire et régulier. L’alandier se résumait à une petite embouchure située au nord de la structure. Les parois et le fond rubéfiés sur 10 cm d’épaisseur (1401) étaient couverts d’un niveau charbonneux (1403). Le comblement a livré deux clous en fer. La dépression laissée par la fosse 1875 servait de cendrier. Lors de son abandon, la chambre se remplit d’un sédiment argileux (1192). L’aire de cuisson correspondant à cette phase est comblée par un limon gris hétérogène (1196) comportant des inclusions de terre cuite architecturale, des blocs calcaires et deux tessons de céramique. C’est probablement lors de cette étape que les poteaux de l’auvent ont été définitivement démantelés et que les fosses ont été remplies de sédiment. L’ultime comblement (20) a fourni un clou, un palâtre, un anneau et une plaque en fer ainsi que six tessons de céramique romaine.

Fig. 95 – Le four fr. 1191, vu depuis le nord

(cliché : J. Maujean, Metz Métropole).

246Deux trous de poteau (tp. 1197, tp. 1296) de plan circulaire sont ensuite excavés à cet emplacement. Leur appartenance au four n’est pas assurée.

Interprétation

247Le dépôt charbonneux (1199) du four 1177 a livré 12 charbons de bois : quatre ont été identifiés comme provenant du noisetier et deux comme du hêtre. Quatre autres fragments ont été identifiés comme appartenant à la famille de Pomoïdées. Un seul fragment a été identifié comme Prunus padus/avium. Le niveau charbonneux (1043) a, quant à lui, livré un nombre plus important de taxons : la majeure partie des fragments de charbons de bois (soit 27) a été identifiée comme du chêne à feuilles caduques. Dix fragments appartiennent au charme. Les autres espèces identifiées sont le sapin pectiné, le hêtre, l’érable, le frêne et le cerisier à grappes/cerisier et Rosaceae pomoideae, tous en nombre inférieur à dix.

248Le mobilier archéologique et les restes végétaux ne permettent pas de caractériser finement cet ensemble, mais la morphologie générale qui associe un espace couvert (un bâtiment, un auvent) sur poteaux porteurs et un foyer indique que cette construction n’a pas fonctionné de manière occasionnelle. Cet espace a par ailleurs été entretenu avec la création d’une seconde aire de combustion. La conservation satisfaisante, qui laisse deviner le départ de la coupole, indique qu’il s’agit bien de fours et non d’un foyer ou d’un chauffe-eau. Ces fours, implantés à quelques mètres de la pars urbana, semblaient donc en relation avec des activités domestiques. La présence d’un four à l’extérieur du mur de l’enclos s’expliquerait par le souci d’éloigner des nuisances occasionnées (odeurs, fumées, etc.). La surface du bâtiment sur poteau (25 m2) est comparable à celle du four à pain maçonné de l’établissement rural de Nacelle (Vial 2013, p. 227-228). Comme à Grigy, le four était construit à l’écart du corps de logis à proximité d’une limite parcellaire fossoyée. Le dispositif est relativement rarement décrit dans le Nord-Est de la Gaule ; il pourrait correspondre à un four culinaire ou à un four de boulangerie.

Fig. 96. – Relevés en plan et en coupe des bâtiments G, K, F, M et de l’alignement de poteaux

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Les bâtiments sur poteaux porteurs

249Quatre petites constructions à ossature de bois ont été mises au jour. Elles sont respectivement implantées dans l’enclos 2 (bâtiment F, bâtiment G) et dans l’enclos 3 (bâtiment K, bâtiment M). Leur contemporanéité n’est pas totalement assurée, mais l’on note qu’elles affichent des dimensions très proches et une morphologie assez comparable (fig. 96). Aucun élément ne permet d’interpréter précisément ces constructions. Les plans simples sont généralement interprétés comme des greniers. L’hypothèse ne peut être confirmée sérieusement par l’étude des macrorestes végétaux qui signale une proportion anecdotique de graines de céréales indéterminées (4 NMI).

Le bâtiment K (3,50 x 2,70 m)

250Le bâtiment K est localisé dans la partie nord de l’enclos 3 (fig. 96). Les quatre trous de poteau (tp. 89, tp. 83, tp. 1761, tp. 1755) dessinent une surface de 9,50 m2. Les comblements renferment de la tuile et du mortier, des éléments de calage sont visibles.

Le bâtiment M (3,70 x 2,70 m)

251Le bâtiment M est constitué de six éléments porteurs, le poteau d’angle sud-ouest n’a pas été reconnu (fig. 96). Il comporte trois trous de poteau cornier (tp. 1791, tp. 300, tp. 1780), deux trous de poteau médians (tp. 1782, tp. 1774) et un trou de poteau axial (tp. 1776). La surface au sol est estimée à environ 10 m2. La terre cuite, le mortier et les charbons de bois sont les inclusions récurrentes dans les comblements.

Le bâtiment G (3,30 x 2,80 m)

252Ce petit bâtiment était situé dans la partie centrale de l’enclos 2 (fig. 96). Il se composait de quatre poteaux porteurs (tp. 145, tp. 147, tp. 161 et tp. 163) qui dessinaient une surface rectangulaire de 9,20 m2. Les creusements circulaires avaient un diamètre allant de 0,42 à 0,50 m. L’empreinte en négatif des poteaux subsistait (146, 148, 162 et 164). L’analyse anthracologique de ces charbons de bois a mis en évidence la présence du chêne à feuilles caduques et du charme (162) qui auraient pu être utilisés comme bois de construction. Le montant en bois était calé au moyen de moellons de calcaire bleu et de fragments de tuiles (1122, 1123, 1124 et 1125).

253Un clou en fer (148) et une panse de céramique commune claire confirment que le bâtiment est contemporain de la villa sans pouvoir être plus précis quant à sa datation.

Le bâtiment F (3 x 2,10 m)

254Le bâtiment F était localisé au sud du précédent (fig. 96). Son plan formait un parallélogramme d’une surface légèrement supérieure à 6 m2. Les quatre trous de poteau (tp. 165, tp. 167, tp. 169 et tp. 171) possédaient des plans assez similaires avec des diamètres allant de 0,24 à 0,30 m. Contrairement au bâtiment G, seuls des moellons de calcaire bleu ont été utilisés comme calage. Enfin, un limon argileux compact et homogène brun orangé – comportant des particules de calcaire, de charbon, de terre cuite architecturale et des gravillons – comble les différents trous de poteau.

Un alignement de six trous de poteau

255Six trous de poteau (tp. 121, tp. 123, tp. 125, tp. 127, tp. 1015 et tp. 1025) alignés au nord-est du corps de logis (fig. 96) formaient deux groupes distincts possédant les mêmes caractéristiques. L’alignement de 9,50 m pourrait correspondre à une palissade accolée au mur récupéré (tr. 589). Le trou de poteau 121 a livré une panse de gobelet engobé attribuée au iie s.

LA PARTIE AGRICOLE ET ARTISANALE (PHASE II)

256Lors de la monumentalisation de l’établissement, vers la fin du ier s. ou au début du iie s., les activités agricoles et artisanales se concentraient à l’est de la villa au sein d’une vaste cour quadrangulaire délimitée par un enclos (enclos 1, fig. 41) et traversée par le ruisseau s’écoulant du sud vers le nord. Un bâtiment composé de quatre espaces édifiés sur des fondations en pierre (bâtiment C) faisait front au corps de logis, à l’extérieur de l’enceinte. Une aire empierrée (sl. 1204) facilitait probablement la circulation entre ce secteur de l’exploitation et la voie principale située au nord du site. La cour dévolue aux activités artisanales a été restructurée avec la construction d’une limite maçonnée qui séparait la pars urbana de la pars rustica. Le nouvel enclos intégrait le ruisseau et des équipements. Trois bâtiments annexes (bâtiments D, E, H) sur poteaux porteurs ont été construits à l’est et au sud du bâtiment C, qui était toujours en activité durant cette période.

Pars rustica et le ruisseau

257Le secteur d’exploitation de la villa était traversé par un ruisseau orienté selon un axe nord-nord-est - sud-sud-ouest. Ce dernier, qui occupait le fond du vallon, s’écoulait en direction du nord à travers l’enclos 4. Les installations artisanales (voir infra, p. 99 sqq.) présentes dans la cour étaient implantées le long de sa rive droite.

258Le cours du ruisseau a été observé sur 21 m de longueur. Ses parois étaient évasées et le fond irrégulier. Le ruisseau (2142) incisait les couches d’origine alluviale sur 0,80 à 0,90 m de hauteur (fig. 97). Des éclats de calcaire, des fragments de terre cuite architecturale et des débris de matières organiques (branches) étaient piégés dans les sédiments. La nature et l’aspect de ces couches renvoient à des dépôts de crue.

259Les sédiments charriés par le courant ont fini par envahir complétement le lit de la rivière. Plusieurs couches de nature argileuse ou argilo-sableuse se sont mises en place (1241, 1243, 2070) (fig. 97A).

260La partie supérieure de la rivière est comblée par une épaisse couche (2070) compacte et homogène d’environ 0,55 m d’épaisseur. Cette sédimentation fine résultant d’une faible énergie du cours d’eau est mêlée à des particules de charbons, des petits fragments de terre cuite architecturale, des débris végétaux, des éclats de calcaire, un fragment de céramique commune claire d’époque romaine et des pièces de bois travaillé. Le dépôt a également piégé une planche (1443) en chêne (170 x 0,20 x 4 cm). La planche, disposée à proximité de la rive orientale de la rivière, pourrait correspondre à un aménagement sommaire de berge destiné à faciliter la circulation dans cet environnement régulièrement inondé et marécageux (fig. 97B). Un creusement (cn. 2068) est implanté dans cette couche à proximité des équipements de la cour agricole. Cette canalisation, non reconnue en plan, devait permettre de collecter les eaux de la rivière en cours de comblement (fig. 97A).

261Ce terrain argileux a été assaini par la mise en place d’un niveau de remblai constitué de blocs et éclats de calcaire, de galets et de fragments de terre cuite architecturale (1242). Il recouvre partiellement la berge est de la rivière sur 25 cm d’épaisseur.

Fig. 97 – A, relevé en coupe du fond de thalweg fo. 2142 ; B, la planche 1443 disposée sur la berge du chenal 2142, vue depuis le sud-ouest

(cliché et DAO : A. Dumontet, Metz Métropole).

Entre bâtiments annexes et aires empierrées

Le bâtiment sur fondation de pierre (bâtiment C)

Analyse archéologique

262À l’est, un grand bâtiment C (29,30 x 17,70 m soit 518 m2) dominait le secteur artisanal (fig. 98). Sa position axiale par rapport à la demeure (A) témoigne d’un véritable plan régulateur. Le corps principal de l’édifice est composé de trois pièces rectangulaires et d’une quatrième pièce (IV) qui se développe le long de la façade occidentale, en forme de galerie (fig. 99).

263Les pièces I et III, d’une superficie de 48 m2, marquaient l’extrémité sud-est et nord-est de la construction. Ces espaces étaient en mauvais état de conservation comme la pièce IV qui occupait la façade ouest du bâtiment et qui marquait l’emplacement d’une galerie sur fondation de pierre d’une superficie au sol de 121,10 m2.

Fig. 98 – Relevés en plan et en coupe du bâtiment C et des structures associées

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 99 – Le bâtiment C, en vue zénithale

(cliché : 4vents).

264Au centre du bâtiment, la pièce II atteignait une superficie d’environ 203 m2. Cinq trous de poteau y ont été identifiés. Le trou de poteau 881, implanté dans l’axe médian de la pièce à environ 2 m du mur nord, pourrait correspondre à l’emplacement d’un support faîtier de la charpente. Le creusement (1,20 x 0,75 m) était marqué par un négatif de 0,40 m de diamètre qui signalait l’emplacement du poteau dont l’ancrage était stabilisé par un amas de blocs et d’éclats de calcaire.

265La fonction des quatre poteaux (tp. 772, tp. 780, tp. 786, tp. 929) est plus difficile à établir.

266Cet espace était pourvu d’un système de drainage interne (cn. 764). Le dispositif, matérialisé par un fossé d’une largeur de 0,48 m à l’ouverture pour 0,24 m au fond, longeait le mur nord de la pièce. Dans la moitié sud de la pièce, se trouvaient quatre surfaces rubéfiées associées à des concentrations charbonneuses (fy. 784, fy. 782, fy. 879, fy. 1337). Ces dernières, regroupées sur une aire de 9 m2 environ, trahissent vraisemblablement la présence d’aires de chauffe éventuellement associées à des vidanges de foyers.

267Un aménagement maçonné (fr. 788) a été identifié au nord-est. Il a été reconnu sur une superficie de 5 m2. Quelques moellons de calcaire grossièrement équarris matérialisaient un conduit large d’environ 0,70 m précédé au sud d’un massif a priori rectangulaire de 2 m de longueur par 1 m de largeur environ. Les moellons étaient alignés avec soin de part et d’autre du conduit. Les pierres mises en œuvre dans le massif situé à l’arrière étaient de plus grandes dimensions. L’état de conservation rend l’interprétation difficile et incertaine ; toutefois, le plan en forme de T rappelle les séchoirs fréquents en contexte rural gallo-romain (Van Ossel 1992, p. 137-145 ; Van Ossel, Huitorel 2017).

Fig. 100 – La plateforme empierrée au nord du bâtiment C, vue depuis l’ouest

(cliché : 4vents).

268La question de l’accès au bâtiment et de la circulation entre les pièces n’est pas abordable en raison de la récupération des matériaux de construction et de la disparition des seuils et des linteaux. La présence à l’extérieur du bâtiment de deux trous de poteau (tp. 1339, tp. 1344) espacés de 2 m à l’est de la pièce centrale pourrait cependant indiquer l’existence d’une porte précédée d’un porche attenant à l’édifice.

Matériaux et techniques de construction

269L’épaisseur des murs varie entre 0,70 et 0,85 m de largeur pour une profondeur conservée oscillant entre 0,40 et 0,80 m. Les fondations, profondes de 0,30 à 0,50 m, sont réalisées au moyen de blocs et moellons de calcaire grossièrement équarris disposés sans ordre apparent dans la tranchée de fondation.

270Deux assises de l’élévation étaient préservées dans la partie nord de l’édifice. La partie inférieure du mur, conservée jusqu’à 0,30 m de hauteur, était édifiée au moyen de moellons de calcaire local soigneusement équarris au module régulier (0,20 x 0,10 m). La fourrure du mur était constituée d’éclats de calcaire mêlés à un liant relativement pauvre en mortier. L’omniprésence du mortier dans les couches de démolition et dans le comblement des tranchées de récupération indique leur utilisation probable dans l’élévation des murs. Enfin, la toiture du bâtiment semble avoir été constituée de tegulae et d’imbrices comme en témoignent les nombreux fragments découverts dans les remblais résultant de la destruction du bâtiment.

Entre production et maintenance

271Par sa situation en regard de la pars urbana et par son plan qui constitue une réplique du bâtiment résidentielle, cette construction évoque les pseudo-résidences étudiées par Pierre Nouvel dans le Centre-Est de la Gaule (Nouvel 2016, p. 322-327). L’édifice partage par ailleurs des caractéristiques structurelles avec un bon nombre d’établissements recencés, à savoir une surface interne importante rythmée par des supports verticaux, la présence d’une galerie et une planification poussée qui l’intègre pleinement dans le projet architectural. John Thomas Smith (Smith 1997) et Roger Agache avant lui avaient proposé d’y voir des unités d’habitation dévolues à un villicus. L’interprétation d’une maison de régisseur en charge de la gestion technique et agronomique est battue en brèche, sur la base des résulats de fouilles préventives. Comme dans une majorité des pseudo-résidences découvertes dans le Nord-Est de la Gaule – Damblain (Boulanger, Coquerelle 2017), Bulgnéville (Boulanger 2018) ou Bassing (Thomashausen, Laffite 2017) – le bâtiment C de Grigy ne présente pas de décoration fine digne d’une habitation. Lorsque les vestiges ne sont pas trop abîmés, certains équipements révèlent des activités liées à l’activité agricole (forgeage, stockage, etc.) comme à Champion (Belgique) (Van Ossel, Defgnée 2001) ou à Damblain (Boulanger, Coquerelle 2017). Malgré un arasement des maçonneries très poussé à Grigy, tous les aménagements repérés à l’intérieur ou à proximité du bâtiment C semblent consacrés à l’activité productive ou de maintenance. Pour ce bâtiment, qui occupe une position hiérarchique importante dans l’organisation du domaine, l’hypothèse d’un édifice plurifonctionnel semble la plus plausible sans pour autant pouvoir trancher définitivement sur les activités qui y étaient pratiquées. Selon P. Nouvel (Nouvel 2016, p. 322-327), l’exploitation des données de fouilles et de prospections indiquent que ces bâtiments répondent à trois besoins complémentaires : abriter les récoltes, les outils et les ouvriers agricoles. Le bâtiment C renferme un aménagement qui ressemble à un séchoir (fr. 788) et se situe à proximité d’une aire de déchet ayant livré des scories et un demi-produit (fr. 2120, fig. 143). Il aurait pu servir à stocker les matières premières, les produits finis ainsi que l’outillage nécessaire à ces activités. En définitive, ce type de bâtiment, par sa position et par son caractère ostentatoire, devait contribuer à magnifier la dimension productive du domaine (Trément 2017, p. 766).

Une plateforme empierrée

272Une vaste surface empierrée (sl. 1204) jouxtait l’angle nord-ouest du bâtiment C et s’étendait en direction du nord (fig. 98 et 100). Elle permettait peut-être de relier le secteur d’exploitation au diverticule de la voie Divodurum-Argentorate identifié au nord. La surface occupée par l’empierrement a été reconnue sur 50 m de longueur et 25 m de largeur. Plusieurs remblais de nivellement comblaient une dépression dont la profondeur oscillait entre 0,50 et 0,70 m. Ces apports de sédiments argileux mêlés à des blocs et des éclats de calcaire supportaient un niveau de circulation d’une épaisseur d’environ 0,10 à 0,20 m. Cette surface, constituée de petits blocs et éclats de calcaire associés à des galets et plus occasionnellement à des fragments de terre cuite architecturale, était équipée d’une canalisation en pierre (cn. 937) qui assurait l’évacuation des eaux pluviales en suivant le pendage naturel du terrain en direction du fond du thalweg. La canalisation prenait place dans une tranchée large d’environ 0,60 m et dont la profondeur conservée variait du nord au sud entre 16 et 34 cm. Le conduit d’évacuation, construit au moyen de blocs et de moellons de calcaire équarris, présentait une largeur d’environ 15 cm.

Les constructions sur poteaux porteurs

273Trois bâtiments sur poteaux porteurs, orientés nord-sud, ont été dégagés à l’est et au sud-ouest de la pars rustica à l’extérieur des murs de l’enclos. Ces derniers ont été édifiés lorsque la cour a été restructurée avec la construction de l’enclos 4.

Le bâtiment D

274Le bâtiment D était situé à l’est du bâtiment C précédemment décrit (fig. 101). Son ossature en bois s’articulait autour de 15 fosses d’implantation de poteaux qui dessinaient un plan rectangulaire (15 x 6,60 m soit 99 m2). Huit poteaux formaient les parois du bâtiment alors qu’un neuvième creusement (tp. 849), situé à l’extrémité sud de la paroi orientale, marquait l’angle sud-est de l’édifice. L’axe faîtier constitué de deux poteaux (tp. 829, tp. 1301) supposait une division interne en deux nefs.

275Quelques hypothèses sur l’accès et la circulation dans le bâtiment peuvent être avancées à partir de la disposition de certains poteaux supportant les parois de l’édifice. Un couple de poteaux (tp. 827, tp. 1326) situé au centre du pignon nord pourrait indiquer la présence d’un passage d’une largeur de 1,50 m. Une deuxième ouverture pourrait avoir été aménagée dans la paroi est. Deux poteaux distants de 1 m (tp. 841 et tp. 839) implantés dans la partie centrale de la paroi pourraient matérialiser l’emplacement des piédroits d’une porte.

Le bâtiment E

276Au sud-ouest du bâtiment C, le bâtiment E possédait un plan rectangulaire à deux nefs articulé autour de 13 poteaux (14,50 x 7,50 m, soit 108 m2) (fig. 101 et 102). La construction, orientée nord-nord-est - sud-sud-ouest, s’organisait en deux rangées parallèles de quatre poteaux disposés en regard l’un de l’autre et qui supportaient les parois. Un neuvième poteau (tp. 670) est implanté à l’extrémité nord du grand côté ouest du bâtiment. L’axe faîtier, matérialisé par la présence de deux supports (tp. 656, tp. 672), a été renforcé au sud par un contrefort (tp. 658).

277L’accès au bâtiment pouvait éventuellement se faire par le côté est permettant ainsi un accès direct à l’espace central comme le suggère la présence d’un trou de poteau (tp. 674) supplémentaire dans la paroi qui marque une ouverture d’environ 2 m de largeur.

Le bâtiment H

278Le bâtiment H est constitué de neuf fosses d’implantation de poteaux (fig. 101). Son plan rectangulaire à une nef orienté nord-nord-est - sud-sud-ouest (7 x 5 m, soit 35 m2) s’organisait autour de deux alignements parallèles de quatre trous de poteau dotés de puissants calages (fig. 103). Un poteau intermédiaire était implanté au sud (tp. 1224). Une fosse (fs. 702) de plan ovalaire était excavée à l’intérieur de la construction (1,20 x 0,86 m). La fonction exacte de cette fosse n’a pas été déterminée.

279Un aménagement de sol (sl. 945) constitué par un dallage de calcaire a été mis en place au nord (fig. 104). Cet empierrement de blocs de calcaire (5,30 x 4 m) équarris formait une aire de circulation. Quelques fragments de terre cuite architecturale, des blocs et des éclats de calcaire de calibre inférieur étaient mêlés au radier. La présence de ce dallage à l’avant de la construction pourrait indiquer la présence d’une entrée.

280Ces bâtiments en matériaux périssables étaient constitués d’une ossature en bois, matérialisée au sol par les empreintes de poteaux (axiaux et latéraux), qui supportait les parois et la charpente. Les cloisons aménagées entre les poteaux périphériques n’ont pas laissé de trace au sol.

281Les fosses d’implantation des poteaux des bâtiments D et E, de plan circulaire, présentent des diamètres compris entre 0,40 et 0,75 m pour une profondeur conservée maximale de 0,55 m. Les empreintes en négatif de plusieurs poteaux révèlent la mise en œuvre de bois circulaire d’environ 0,20 et 0,40 m de diamètre. Enfin, plusieurs d’entre eux étaient pourvus d’éléments de calage composés de blocs et d’éclats de calcaire. Les poteaux sont installés dans des fosses circulaires ou ovalaires dont les dimensions oscillent entre 0,60 et 1,20 m de diamètre. Les fantômes de poteaux indiquent l’utilisation de pièces de bois circulaires d’environ 0,20 à 0,30 m de diamètre maintenues par des blocages de pierre et de tuiles organisés en corolle.

Fig. 101 – Relevés en plan et en coupe des bâtiments D, E et H

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 102 – Le bâtiment E, vu depuis le sud

(cliché : S. Sedlbauer, Metz Métropole).

Fig. 103 – Le trou de poteau 680 et son calage de pierre, vu depuis le nord

(cliché : J. Maujean, Metz Métropole).

Fig. 104 – Le bâtiment H et l’aménagement de sol 945, vus depuis le nord

(cliché : J. Maujean, Metz Métropole).

282La disposition symétrique des poteaux latéraux, couplés aux supports faîtiers, permet d’envisager un système de charpente mixte associant des liaisons transversales d’entraits et une panne faîtière. Ces entraits, entre chaque couple de poteaux, ont probablement renforcé la charpente du bâtiment H.

Halles, granges ou greniers ?

283Ces trois bâtiments occupent la partie orientale du vallon et ils sont implantés au sud et à l’est du grand bâtiment C. Ils présentent tous trois des plans rectangulaires et ils se répartissent en deux types : des bâtiments en bois à deux nefs d’une surface de 100 m2 environ (bâtiments D et E) et un bâtiment plus trappu à une nef à entraits (bâtiment H).

284Pour les deux premiers, l’agencement des poteaux centraux témoigne d’une volonté de libérer l’espace central en privilégiant les supports directs de la poutre faîtière au nord ou au sud. Ces constructions rapprochées du modèle architectural de « Alphen-Ekeren » – phase 2 possèdent de nombreux parallèles dans la cité des Tongres (Van Ossel, Defgnée 2001, p. 99-100). L’hypothèse d’une entrée latérale ouvrant sur un espace interne ouvert semble confirmée à Grigy grâce au rapprochement systématique de deux poteaux qui permettaient d’aménager une ouverture. Ce type de construction a toutefois une diffusion plus large et plus méridionale. Un édifice comparable a été reconnu à Damblain. Ce dernier est interprété comme un bâtiment d’habitation en raison de la présence de vaisselle de table dans les comblements de fosses (Boulanger, Coquerelle 2017, p. 249).

285Le troisième bâtiment (H) détermine un plan rectangulaire à une nef à trois travées. La surface interne de 35 m2 est entièrement exploitable. Ce dernier se singularise par ses calages de pierres assez puissants et par la présence d’une petite aire empierrée. Ce type de construction pourrait être apparenté au modèle architectural reconnu à Grobbendonk (Belgique) et dans plusieurs bâtiments de la villa de Champion (Van Ossel, Defgnée 2001, p. 105).

286Bien que les modèles architecturaux soient nombreux, l’interprétation de ces bâtiments reste très difficile. Les sols associés n’ont pas subsisté et le mobilier découvert dans les comblements de poteaux n’est pas éclairant. La surface importante de ces trois constructions (près de 250 m2) et leur implantation dans la partie productive du domaine pourraient indiquer qu’il s’agissait d’annexes agricoles destinées au stockage ou au bétail.

Équipements hydrauliques

287La cour agricole de la villa de Grigy se singularise par sa relation étroite avec l’élément liquide. En effet, de nombreux aménagements sont dédiés à canaliser, extraire et stocker de l’eau.

Le puits 1450

288À l’intérieur de l’enclos, à l’ouest du mur est, un puits circulaire (pt. 1450) de 2,60 m de diamètre était installé dans le calcaire et les marnes naturelles (fig. 105). Le cuvelage (1452) de 1,30 m de diamètre était édifié en petit appareil irrégulier de moellons de calcaire taillés et assemblés à joints vifs (fig. 106). La structure d’une profondeur de 4 m se terminait par un léger surcreusement dans la roche naturelle. Le puits était chemisé par un remplissage hétérogène de blocs et éclats de calcaire (1451). Lors de son abandon, dès l’Antiquité, la partie supérieure du puits a été récupérée sur environ 1 m de hauteur (tr. 2271) et sept rondins de chêne (Quercus sp.) (1454 à 1460) ont été disposés sur l’ouverture afin d’en condamner l’accès.

Fig. 105 – Relevés en plan et en coupe du puits 1540 et de la cuve 1465

(DAO : S. Sedlbauer ; Y. Daune, Metz Métropole).

Aspects morpho-technologiques des bois travaillés du puits 1450

289Les différentes pièces de bois de chêne associées à la phase d’abandon du puits 1450 sont fragmentées et dégradées. Toutes proviennent de bois refendus sur quartier selon un plan de fente radial (fig. 107). La longueur des fragments varie entre 0,28 et 1,32 m pour une largeur oscillant entre 0,10 et 0,20 m. Les bois, dont l’épaisseur s’échelonne entre 0,05 et 0,10 m, présentent des faces irrégulières et une section triangulaire caractéristique du clivage radial.

Données dendrochronologiques

290Sur les sept bois de chêne provenant du puits 1450 retenus pour l’analyse dendrochronologique, six échantillons ont livré un résultat. Six courbes de croissance ont pu être synchronisées. Concernant la courbe moyenne longue de 110 ans, un calage sur les référentiels régionaux a été obtenu entre 40 et 149 apr. J.-C. (fig. 108 et 109A). Cette synchronisation est confirmée par une très bonne corrélation des valeurs statistiques (fig. 109B). La datation par dendrochronologie sur aubier de deux pièces (1457, 1458) situe la date d’abattage des bois en 162 ± 10 apr. J.-C. Cette datation donne un terminus post quem à l’abandon du puits.

Fig. 106 – Le puits 1450 en cours de dégagement, vu depuis le nord

(cliché : S. Sedlbauer, Metz Métropole).

Fig. 107 – Le puits 1450 dont l’accès est condamné par des rondins de chêne, vu depuis le nord

(cliché : S. Sedlbauer, Metz Métropole).

Fig. 108 – Relevés des coupes transversales des bois refendus du puits 1450

(DAO : W. Tegel, Institut des sciences de la forêt).

Les cuves en bois et les canalisations associées

291Parmi les aménagements présents dans la cour, trois cuves en bois (cu. 1465, cu. 1962, cu. 1471), associées à un réseau de canalisations enterrées, ont été découvertes. Une quatrième fosse carrée correspond peut-être à une ancienne cuve dont le cuvelage aurait été récupéré (cu. 1488).

La cuve 1465

292La cuve 1465 était installée au centre d’une fosse quadrangulaire (1,75 x 1,24 m) (fig. 105 et 110). L’espace entre le creusement et la cuve en bois était remblayé par des pierres (2086) ainsi que par une superposition de couches d’argile homogènes (2012, 1259, 2030) visant à étancher le caisson de bois. Le cuvelage (1466) dont la face interne mesure 0,70 m de côté et 0,90 m de hauteur, reposait directement sur le substrat. Il était constitué de deux assises de planches en chêne (Quercus sp.) superposées horizontalement selon la technique du blockbau.

293Le module inférieur était percé à l’ouest (planche 1466/6) d’un orifice quadrangulaire (10 x 9 cm) qui mettait en relation le contenu de la cuve avec un conduit d’évacuation (cn. 2029) qui drainait l’eau vers le sud-ouest dans un collecteur ou un puisard (cn. 1266).

294Le conduit cn. 2029 était installé dans une tranchée à parois verticales et à fond plat large de 0,58 m et profonde de 0,88 m. Le fond était aménagé au moyen de sept fines (0,50 à 2 cm) planches (2073) de chêne (Quercus sp.) allant de 0,30 à 0,85 m de longueur pour une dizaine de centimètres de largeur. Les bois reposaient sur une couche d’argile rapportée (2076). À la sortie de la cuve, le fond était d’abord aménagé au moyen de deux planches contiguës (2073/4, 2073/5) transversales à l’axe de la conduite, puis par des planches (2073/1, 2073/2, 2073/3, 2073/6, 2073/7) disposées longitudinalement qui se superposaient sur une longueur de 3 m. Les différentes pièces sont assemblées par chevauchement (fig. 111).

295Deux files parallèles de blocs de calcaire (2072) recouverts par une couverture de dalles de calcaire (2140) délimitaient le canal interne de 10 cm de largeur par 12 cm de hauteur. Au départ de la canalisation, un conduit circulaire de 10 cm de diamètre est réalisé au moyen de deux imbrices assurant la jonction avec l’orifice percé dans le module inférieur de la cuve. La tranchée d’installation de la canalisation était remblayée sur toute sa hauteur par des couches d’argile compacte et homogène (2030, 1259, 2012).

Aspects morpho-technologiques du bois d’œuvre

296Huit planches (1466/1 à 8) en chêne (Quercus sp.) composaient la cuve 1465. L’épaisseur des pièces variait entre 6 et 7 cm (tabl. I). Tous les éléments possédaient une section rectangulaire et présentaient des surfaces dressées. Les planches étaient assemblées au moyen de queues-d’aronde avec les éléments mâles de forme trapézoïdale et les éléments femelles de forme rectangulaire en plan et trapézoïdale en section (fig. 112, no 1).

297Toutes les planches provenaient de billes de bois débitées tangentiellement (fig. 112, no 2). Les traces de sciage sont visibles sur les faces internes et externes d’au moins trois pièces (1466/1, 1466/2, 1466/3) où des stries inclinées, régulières et parallèles indiquent l’utilisation de l’outil (voir infra, p. 148-151). Des marques identiques et des traces d’entame de scie sont également visibles sur les tenons et mortaises des assemblages.

Fig. 109 – A, présentation des six séries de cernes provenant du puits 1450 datées en position synchrone (A) et de la courbe moyenne en position synchrone avec la courbe de référence du département de la Moselle (B) ; B, résultats des corrélations dendrochronologiques des bois du puits 1450. THO : T.test 1 (Transformation selon Hollstein 1980) ; TBP : T.test 2

(Transformation selon Baillie, Pilcher 1973) (W. Tegel, Institut des sciences de la forêt).

Fig. 110 – La cuve 1465 et la canalisation 2029 en cours de dégagement, vues depuis le sud-ouest

(cliché : R.-M. Bigoni, Metz Métropole).

Fig. 111 – Les planches marquant le fond de la canalisation 2029 en cours de dégagement, vues depuis l’ouest

(cliché : R.-M. Bigoni, Metz Métropole).

Fig. 112 – Relevés de pièces en bois : 1, planches 1466/1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 de la cuve 1465 (clichés et DAO : S. Sedlbauer, Metz Métropole) ; 2,, coupes transversales des planches 1466/5, 6, 7 et 8 de la cuve 1465

(DAO : W. Tegel, Institut des sciences de la forêt).

Tabl. I – Tableau récapitulatif des données métriques moyennes (exprimées en cm) des bois de la cuve 1465

(S. Sedlbauer, Metz Métropole).

Fig. 113 – Relevés de pièces en bois : 1, portions des planches 2073/1, 3, 5 et 6 marquant le fond de la canalisation 2029 ; 2, coupes transversales des planches 2073/1, 2, 3, 4, 5, 6, et 7 marquant le fond de la canalisation 2029

(clichés : S. Sedlbauer, Metz Métropole ; DAO : W. Tegel, Institut des sciences de la forêt).

298La face externe de la planche 1466/4 portait quelques traces linéaires peu marquées, de 6 à 11 cm de longueur. Elles pourraient correspondre aux empreintes laissées par le tranchant d’une hache employée dans le cadre d’opérations de retouche et de finition. Enfin, les pans obliques et irréguliers, qui délimitent l’orifice d’évacuation percé dans la planche 1466/6, pourraient avoir été obtenus à l’aide d’un ciseau ou éventuellement au moyen d’une herminette à tranchant courbe et étroit.

299Les planchettes (2073/1 à 7) mises en œuvre dans la canalisation 2029 ont été fendues radialement (fig. 113, nos 1 et 2). Le débitage opérant par décollement longitudinal des fibres a probablement été réalisé à la hache.

Données dendrochronologiques

300Deux des huit planches en chêne (Quercus sp.) provenant de la cuve 1465, (1466/7, 1466/8) ont fait l’objet d’une datation par analyse dendrochronologique. La synchronisation des deux séries de cernes a permis l’obtention d’une courbe moyenne, longue de 88 ans, qui a pu être calée sur les référentiels régionaux entre 71 et 158 apr. J.-C. (fig. 114A). Le positionnement de chaque série à l’intérieur de cet assemblage est étayé statistiquement par de hautes valeurs de corrélation (fig. 114B). Enfin, le degré de similitude des courbes de croissance des bois permet de supposer qu’ils proviennent du même arbre. La présence sur chacun des bois étudiés du dernier cerne de croissance produit sous l’écorce a permis de déterminer la date d’abattage des arbres en 158 apr. J.-C.

301L’étude des cernes réalisée sur les sept planches (2073/1 à 7) en chêne (Quercus sp.) qui composent le fond de la canalisation 2029 indique que les différentes pièces proviennent d’arbres relativement âgés. Sur les sept échantillons analysés, seules six courbes de croissance ont pu être synchronisées. La courbe moyenne ainsi obtenue, longue de 193 ans, a pu être calée sur les référentiels régionaux pour la période comprise entre 43 av. J.-C. et 149 apr. J.-C. (fig. 114C). Cette synchronisation est confirmée par une très bonne corrélation des valeurs statistiques (fig. 114D). La datation des six séries de cernes, pour certaines obtenues sur aubier, situe la date d’abattage des bois en 161 ± 10 apr. J.-C.

La cuve 1962

302Distante d’une dizaine de mètres au sud-ouest, la cuve 1962 était installée au centre d’une fosse circulaire correspondant probablement à une aire de travail (fs. 1461) vers laquelle convergeaient plusieurs canalisations (cn. 1463, cn. 1269, cn. 2006, cn. 1468, cn. 2050) (fig. 115).

303L’aire de travail consistait en un creusement plus ou moins circulaire d’environ 3 m de diamètre pour une profondeur maximum de 0,75 m.

304Sur la moitié est de l’excavation, le fond était constitué par un banc de calcaire rencontré à environ 0,55 m de profondeur. Deux planches (1968, 2128) en chêne (Quercus sp.) disposées dans l’aire de travail permettaient peut-être l’accès à la cuve 1962 (fig. 116 et 117). La première planche (1968) était disposée à plat en travers de la fosse, au sud-est du cuvelage, selon un axe nord-est - sud-ouest. Elle surmontait la seconde (2128), orientée nord-sud, inclinée en direction du fond de l’aire de travail contre la paroi est de la cuve.

305L’étanchéité du cuvelage en bois était garantie, ici encore, par des couches d’argile (1462, 2000, 2001, 2098) rapportées sur le fond de l’excavation ainsi que sur toute la hauteur de la cuve dans la moitié nord-est de l’aire de travail.

306Le fond de la cuve a été aménagé au moyen de cinq planches (2103, 2104, 2105, 2106, 2107) de sapin (Abies alba) posées côte à côte sans système d’assemblage. La cuve proprement dite formait un espace carré de 0,81 m de côté pour 0,36 m de profondeur. Elle était formée d’un unique module composé de quatre planches (2099, 2100, 2101, 2102) en chêne (Quercus sp.) assemblées au moyen de queues-d’aronde.

307Une surverse (2045) réalisée dans une pièce de bois (analyse anatomique non réalisée) permettait d’évacuer le trop-plein d’eau en direction de la rivière par le truchement d’une canalisation (cn. 2050) (fig. 118).

308Postérieurement à la mise en fonctionnement de la cuve, une canalisation (cn. 1468) en provenance du bâtiment sur fondation en pierre (C) a été reliée à l’aire de travail. Une planche (1475) en sapin (Abies alba) marquait le fond de cette conduite (fig. 116).

Fig. 114 – A, présentation des deux séries de cernes provenant de la cuve 1465, datées en position synchrone (A) et de la courbe moyenne en position synchrone avec la courbe de référence du département de la Moselle (B) ; B, résultats des corrélations dendrochronologiques des bois de la cuve 1465. THO : T.test 1 (Transformation selon Hollstein 1980) ; TBP : T.test 2 (Transformation selon Baillie, Pilcher 1973) ; C, présentation des six séries de cernes provenant de la canalisation 2029 (2073) datées en position synchrone (A) et de la courbe moyenne en position synchrone avec la courbe de référence du département de la Moselle (B) ; D, résultats des corrélations dendrochronologiques des bois (2073) de la canalisation 2029. THO : T.test 1 (Transformation selon Hollstein 1980) ; TBP : T.test 2 (DAO : W. Tegel, Institut des sciences de la forêt).

Fig. 114 – A, présentation des deux séries de cernes provenant de la cuve 1465, datées en position synchrone (A) et de la courbe moyenne en position synchrone avec la courbe de référence du département de la Moselle (B) ; B, résultats des corrélations dendrochronologiques des bois de la cuve 1465. THO : T.test 1 (Transformation selon Hollstein 1980) ; TBP : T.test 2 (Transformation selon Baillie, Pilcher 1973) ; C, présentation des six séries de cernes provenant de la canalisation 2029 (2073) datées en position synchrone (A) et de la courbe moyenne en position synchrone avec la courbe de référence du département de la Moselle (B) ; D, résultats des corrélations dendrochronologiques des bois (2073) de la canalisation 2029. THO : T.test 1 (Transformation selon Hollstein 1980) ; TBP : T.test 2 (DAO : W. Tegel, Institut des sciences de la forêt).
Aspects morpho-technologiques du bois d’œuvre

309Quatre planches (2099, 2100, 2101, 2102) en chêne (Quercus sp.) composaient le cuvelage (cu. 1962, fig. 119, no 1). Les planches, d’une épaisseur constante d’environ 5 cm, montraient une section rectangulaire et présentaient des surfaces dressées (tabl. II). L’assemblage en queue-d’aronde était particulièrement soigné et se rapproche techniquement de la cuve 1466.

310Les planches ont été débitées suivant un clivage tangentiel (fig. 119, no 7). La présence de petites stries obliques et parallèles à la surface d’un nœud sur la face externe de la planche 2100 et le soin apporté au traitement de surface des tenons et des mortaises évoquent une découpe à la scie. Les traces d’entames observées sur plusieurs planches aux angles des découpes confirment son utilisation.

311Les cinq planches (2103, 2104, 2105, 2106, 2107) de sapin (Abies alba) employées dans la réalisation du plancher de la cuve provenaient de billes de bois débitées tangentiellement (fig. 119, nos 2 et 6). Trois pièces (2104, 2015, 2107) extraites de la périphérie des fûts correspondaient à des dosses. Les planches avaient des dimensions irrégulières oscillant de 0,96 à 1,28 m en longueur et de 0,16 à 0,22 m en largeur. Seule l’épaisseur de 3 à 4 cm était constante. Les planches à section rectangulaire portaient des traces de stries très resserrées et parallèles, imprimées en surface du bois sur trois planches (2104, 2105, 2106). Cette observation confirme le débitage par sciage.

Fig. 115 – Relevés en plan et en coupe de la cuve 1962

(DAO : G. Brkojewitsch, Y. Daune, S. Sedlbauer, Metz Métropole).

Fig. 116 – La cuve 1962 installée dans l’aire de travail fs. 1461, associée aux planches 1968 et 2128 et à la canalisation 1468, vues depuis le nord-est

(cliché : G. Brkojewitsch, Metz Métropole).

Fig. 117 – La cuve 1962 en cours de dégagement et vue en coupe des canalisations 1269 et 1463, vues depuis le nord-est

(cliché : S. Sedlbauer, Metz Métropole).

Fig. 118 – La cuve 1962 associée à la surverse cn. 2045, vues depuis le nord-ouest

(cliché : S. Sedlbauer, Metz Métropole).

Fig. 119 – Relevés de pièces en bois : 1, planches 2099, 2100, 2101 et 2102 de la cuve 1962 ; 2, planches du fond 2103, 2104, 2105, 2106 et 2107 de la cuve 1962 ; 3, surverse 2045 associée à la cuve 1962

(clichés et DAO : S. Sedlbauer, Metz Métropole) ;

4, coupes transversales des planches 1968 et 2128 associées à l’aire de travail fs. 1461 ; 5, coupe transversale de la planche 1475 associée à la canalisation 1468 ; 6, coupes transversales des planches 2103, 2104, 2105, 2106 et 2107 habillant le fond de la cuve 1962 ; 7, coupes transversales des planches 2099, 2100, 2101 et 2012 de la cuve 1962

(DAO : W. Tegel, Institut des sciences de la forêt).

Tabl. II – Tableau récapitulatif des données métriques moyennes (exprimées en cm) des bois de la cuve 1962

(S. Sedlbauer, Metz Métropole).

312Les planches 1968 et 2128 associées à l’aire de travail ont été débitées tangentiellement (fig. 119, no 4) dans un même tronc de chêne (Quercus sp.) comme le montre le degré de similitude des courbes de croissance obtenues pour chacune des planches (fig. 120). La planche 1968, de section rectangulaire (2,10 x 0,26 m), avait une épaisseur régulière de 5,50 cm qui s’explique par l’utilisation d’une scie. Des traces obliques et resserrées sont visibles en surface de plusieurs nœuds.

313La planche 2128, de dimensions inférieures (1,06 x 0,26 m) avait une épaisseur identique. Quelques empreintes, assez estompées, pourraient concerner des impacts de haches portés obliquement par rapport aux fibres. Elles apparaissent sous la forme de traces linéaires peu marquées et étroites d’environ 5 cm de longueur et sont espacées les unes des autres d’environ 1,50 à 2 cm.

314La canalisation (cn. 2045) disposée au nord-ouest de la cuve 1962 était constituée d’un demi-rondin de bois (analyse anatomique et dendrochronologique non réalisée) (fig. 119, no 3). La pièce à section semi-circulaire de 10 cm de hauteur a été taillée dans une bille de bois fendu (0,62 x 0,20 m). Le centre de la face plane est évidé en longueur sur 5 à 6 cm de largeur pour former un conduit au profil concave d’environ 2 cm de profondeur. Aucune trace particulière d’outil n’a été mise en évidence à la surface du bois. Les faibles dimensions de la partie évidée au centre de la pièce permettent d’exclure l’utilisation d’un outil de frappe. L’emploi d’un ciseau à bois ou d’une gouge à tranchant courbe semble bien adapté à ce type de travail.

315La planche (1475) de sapin (Abies alba) qui marque le fond de la canalisation 1468 (4,30 x 0,26 m) a été extraite d’une bille de bois débitée tangentiellement pour former une planche de 5,50 cm d’épaisseur (fig. 119, no 5). Les stries laissées par l’utilisation d’une scie sont observables à la surface de plusieurs nœuds. Les deux faces de la planche montrent également de nombreuses incisions linéaires très marquées d’environ 10 à 16 cm de longueur, espacées régulièrement de 4 à 6 cm. Ces traces, qui occupaient la largeur de la planche, pourraient correspondre à des impacts de hache à tranchant large (voir infra, p. 150). Les rives de la pièce portent des empreintes analogues. Les tranches parfaitement planes et régulières des bouts de la planche pourraient avoir été sciées.

Données dendrochronologiques

316L’analyse dendrochronologique a porté sur deux planches (2100, 2102) appartenant au cuvelage 1962. Une courbe moyenne longue de 90 ans a été établie grâce à la synchronisation des courbes de croissance de ces deux pièces. Cette dernière a pu être calée sur les référentiels régionaux entre 69 et 158 apr. J.-C. (fig. 120, A et B). Les échantillons, ne possédant pas d’aubier, ont été datées sur bois de cœur et donnent une première date d’abattage possible après 168 apr. J.-C.

317Les séries de cernes de la planche 1968 ont permis la constitution d’une courbe moyenne longue de 119 ans. Cette dernière a pu être calée sur les référentiels régionaux entre 51 et 169 apr. J.-C. (fig. 120C). Cette synchronisation est confirmée par une très bonne corrélation des valeurs statistiques (fig. 120D). La datation sur bois de cœur indique un abattage de l’arbre après l’an 179 apr. J.-C. Concernant la planche 2128, la synchronisation des séries de cernes a permis la réalisation d’une courbe de croissance moyenne longue de 68 ans, calée sur les référentiels régionaux entre 103 et 170 apr. J.-C. L’échantillon a été daté sur bois de cœur et, après reconstitution de l’aubier manquant, les résultats obtenus situent l’abattage de l’arbre après 180 apr. J.-C.

318Enfin, l’analyse denchronologique réalisée sur ces deux planches a mis en évidence des courbes de croissance similaires ce qui laisse supposer que les produits obtenus proviennent d’un même arbre.

319La série de cernes de la planche en sapin 1475 a été synchronisée avec la courbe moyenne obtenue pour les bois du bassin 826 (voir infra, p. 122). Cette synchronisation a permis d’établir une courbe moyenne longue de 60 ans calée entre 176 et 235 apr. J.-C. (fig. 120, E et F). La datation par dendrochronologie sur bois de cœur de la planche 1475 fixe la date d’abattage du bois après 235.

La cuve 1471

320La cuve 1471 était implantée au centre d’une fosse de plan quadrangulaire à une dizaine de mètres au sud-ouest de la précédente (fig. 121). L’espace entre le creusement et la cuve est remblayé par des couches d’argile sableuse (2008, 1480) renfermant des éclats de terre cuite architecturale et des fragments de calcaire. Le cuvelage rectangulaire (2009) de 1,04 x 0,90 m, et d’une hauteur de 0,82 m, était formé de deux modules de quatre planches en chêne (Quercus sp.) se superposant selon la technique du blockbau (fig. 122). Les planches étaient assemblées à mi-bois d’angle. Les bois des longs côtés sont pourvus aux extrémités de feuillures dans lesquelles vient s’emboîter le bout des planches des petits côtés.

321Le cuvelage en bois était surmonté par une margelle monolithique de calcaire local de couleur blanche de 1,30 m de côté (1473) (fig. 123). Trois encoches de section circulaire pourraient avoir été destinées au levage. Le bloc était percé en son centre d’un orifice circulaire de 0,90 m de diamètre. Autour de la pierre, trois pieux courts pourraient avoir servi à la fixation de la cuve lors de sa mise en place dans la fosse.

Fig. 120 – A, présentation des deux séries de cernes provenant de la cuve 1962 datées en position synchrone (A) et de la courbe moyenne en position synchrone avec la courbe de référence du département de la Moselle (B) ; B, résultats des corrélations dendrochronologiques des bois de la cuve 1962. THO : T.test 1 (Transformation selon Hollstein 1980) ; TBP : T.test 2 (Transformation selon Baillie, Pilcher 1973) ; C, présentation des deux séries de cernes des planches 1968 (en noir) et 2128 (en vert) en position synchrone (A) et de la courbe moyenne en position synchrone avec la courbe de référence du département de la Moselle (B) ; D, résultats des corrélations dendrochronologiques des planches 1968 et 2128 associées à l’aire de travail fs. 1461. THO : T.test 1 (Transformation selon Hollstein 1980) ; TBP : T.test 2 (Transformation selon Baillie, Pilcher 1973) ; E, présentation de la courbe moyenne de la planche 1475 associée à la canalisation 1468 en position synchrone avec la courbe moyenne des échantillons du bassin 826 ; F, résultats des corrélations dendrochronologiques de la planche 1475 associée à la canalisation 1468. THO : T.test 1 (Transformation selon Hollstein 1980) ; TBP : T.test 2 (Transformation selon Baillie, Pilcher 1973)

(DAO : W. Tegel, Institut des sciences de la forêt).

Fig. 121 – Relevés en plan et en coupe des cuves 1471 et 1488

(DAO : S. Sedlbauer, Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 122 – La cuve 1471 en cours de dégagement, vue depuis l’ouest

(cliché : M. Escoffier, Metz Métropole).

Fig. 123 – La cuve 1471 surmontée par une margelle monolithique en calcaire, vue depuis l’ouest

(cliché : M. Escoffier, Metz Métropole).

Tabl. III – Tableau récapitulatif des données métriques moyennes (exprimées en cm) des bois de la cuve 1471

(S. Sedlbauer, Metz Métropole).

Aspects morpho-technologiques du bois d’œuvre

322La cuve 1471 était constituée de huit planches (2009/1 à 8) en chêne (tabl. III). Les planches avaient toutes été débitées selon un plan de fente tangentiel (fig. 124, nos 1 et 2). Les rives inférieures des planches 2009/6 et 2009/7 (module inférieur) sont localement marquées par une dépression circulaire. Ces empreintes résultent vraisemblablement d’une opération de façonnage visant à rectifier la rive des planches pour un meilleur ajustement aux irrégularités du banc calcaire qui compose le fond de la cuve.

323La finition des planches est moins aboutie que dans les exemples précédemment décrits : les nœuds et aspérités du bois n’ont pas été complètement éliminés, l’épaisseur des pièces n’est pas régulière et les sections sont de forme variable.

324Des traces de façonnage (2009/3, 2009/6, 2009/8) apparaissent sous la forme d’une succession de petits enlèvements de matière, larges de 6 à 8 cm, qui correspondent aux impacts d’une herminette à tranchant courbe et étroit. L’utilisation conjointe d’une hache dans ces opérations de façonnage est attestée par les empreintes de lignes brisées sur les faces externes de deux autres planches (2009/4, 2009/7). Ces traces d’impacts, d’environ 4 à 8 cm de longueur, pourraient correspondre au négatif de l’angle d’un tranchant de lame pénétrant obliquement à la surface du bois. Ces empreintes sont compatibles avec la largeur du tranchant de la hache-herminette découverte au sud du bassin 826. Enfin, la finition très minutieuse des feuillures témoigne vraisemblablement d’un travail de découpe à la scie (voir infra, p. 150).

325Les trois pieux courts (2008/1, 2008/2, 2008/3) découverts dans le remblai de construction (2008) mesuraient entre 14,60 et 18 cm de longueur (analyse anatomique et dendrochronologique non réalisée). Le diamètre de ces bois circulaires variait entre 3,60 et 4,60 cm. Seules les extrémités sont façonnées. Les pointes biseautées sur deux ou quatre pans mesurent 8 à 16 cm de hauteur (fig. 125).

Fig. 124 – Relevés de pièces en bois : 1, planches 2009/1, 2, 3, 4, 5, 6, 7 et 8 de la cuve 1471 ; 2, coupes transversales des planches 2009/5, 6, 7 et 8 de la cuve 1471

(clichés et DAO 1 : S. Sedlbauer, Metz Métropole ; DAO 2 : W. Tegel, Institut des sciences de la forêt).

Fig. 125 – Relevé des piquets 2008/1, 2 et 3 associés à la cuve 1471

(clichés et DAO : S. Sedlbauer, Metz Métropole).

Fig. 126 – A, présentation des deux séries provenant de la cuve 1471 datées en position synchrone (A) et de la courbe moyenne en position synchrone avec la courbe de référence du département de la Moselle (B) ; B, résultats des corrélations dendrochronologiques des bois de la cuve 1471. THO : T.test 1 (Transformation selon Hollstein 1980) ; TBP : T.test 2 (Transformation selon Baillie, Pilcher 1973)

(DAO : W. Tegel, Institut des sciences de la forêt).

Données dendrochronologiques

326L’étude dendrochronologique des planches 2009/5 et 2009/7 a permis d’obtenir une courbe moyenne longue de 108 ans qui a pu être calée sur les référentiels régionaux entre 94 et 201 (fig. 126, A et B). La présence sur une des planches (2009/5) du dernier cerne de croissance produit sous l’écorce (datation sur cambium) situe l’abattage des bois en 201 apr. J.-C.

La cuve 1488

327Un quatrième creusement est comparable par son plan aux cuves en bois. La cuve 1488 ne peut être confondue avec un puits en raison de sa cote d’implantation. Il s’agit d’une fosse carrée de 2,40 m de côté pour une profondeur de 1,40 m (fig. 121 et 127). Le parement de la cuve est réalisé en petit appareil irrégulier de moellons de calcaire équarris assemblés à joints vifs (1490). La section interne est carrée et, en surface, de grandes dalles en calcaire sont disposées sur tout le périmètre de la structure. Un blocage de blocs de calcaire mêlés à un sédiment argileux remplit l’espace entre le parement et la paroi du creusement (1489). Il est envisageable que l’intérieur de cet espace ait été occupé par un cuvelage en bois à l’origine, car les dimensions sont compatibles. Cet équipement aurait dès lors été démonté lors de l’abandon de la structure.

Le bassin et son système d’évacuation

328Au nord-est de la cour, un dispositif plus imposant par la taille est constitué par un bassin (bs. 826) (23,70 x 5,92 m) implanté à cheval sur le tracé du ruisseau (fig. 128 et 129). Il est fort probable qu’il ait été directement alimenté par ce dernier au moyen d’un réseau de canalisations aériennes ou de gouttières. Sa construction a été précédée par une phase de terrassement visant à dégager une excavation de 25 x 9 m sur une profondeur évaluée à 0,80 m. Le fond et les parois de la fosse ont été tapissés avec une couche d’argile très pure (883, 887, 1346). Un coffrage de bois a ensuite été réalisé sur le pourtour à la manière d’un grand caisson. Le comblement était constitué d’argile maintenue dans ce coffrage. D’ailleurs, une planche dressée d’une longueur de 1,20 m marquait clairement la limite entre deux apports d’argile de qualité différente (1323).

329Un muret bâti au moyen de gros blocs de calcaire reposait sur des madriers et délimitait le périmètre du bassin (fig. 130). Les murs étaient construits en calcaire local. Le module n’est pas régulier, mais il était composé pour les trois assises inférieures de gros blocs plus ou moins équarris dont la longueur se situe entre 0,40 et 0,60 m. Les assises supérieures, lorsqu’elles sont conservées, sont taillées à partir de moellons de calcaire inférieurs à 0,30 m. Seule la paroi interne était parementée ; l’arrière des murs se composait d’un remplissage de pierres qui obstruaient l’espace entre le parement et de l’argile rapportée.

330Cent-sept planches de sapin (Albies alba), larges de 14 à 30 cm et épaisses de 2 à 6 cm, étaient disposées au fond de la structure. Les planches jointives sont posées à plat, parallèlement, sans système d’assemblage.

331À l’intérieur du bassin, des tasseaux sont disposés à la naissance des murets au niveau de la jonction avec le plancher (fig. 131). Neuf fragments étaient encore en place (numérotés de I à IX). Dans le tiers sud du bassin, des percements dans le bois laissent penser qu’une cloison amovible pouvait y créer une séparation. Dans le quart nord, un doublage de planche indique l’existence possible d’un cloisonnement interne (fig. 132). Le bassin pouvait probablement être divisé en deux, voire trois, espaces plus petits.

332Au contact du bois, une couche d’argile bleue homogène et plastique (908) a été reconnue sur les 127 m2 de surface préservée (908). Il semblerait donc qu’une des fonctions du plancher soit de retenir et de préserver ce niveau d’argile. Le réservoir atteignait des dimensions bien plus imposantes que celles des cuves. Une estimation minimale de sa capacité permet de proposer une contenance voisine de 50000 l d’eau.

333Dans le mur nord (mr. 1322), à proximité de l’angle nord-ouest, l’eau pouvait s’écouler à travers un conduit large de 15 cm et profond de 10 cm, à section quadrangulaire, qui traversait le muret (fig. 133). Une glissière composée de deux petites pièces de bois permettait peut-être d’obstruer cet étroit canal.

Fig. 127 – La cuve 1488, vue depuis le nord-est

(cliché : J. Maujean, Metz Métropole).

Aspects morpho-technologiques du bois d’œuvre

334La planche 1323 est disposée sur chant parallèlement à la paroi nord de l’excavation. Il ne subsiste de cette pièce qu’une fine feuille de bois (ép. inférieure à 1,50 cm) très altérée. La planche est maintenue verticalement dans le creusement par un piquet (1347) d’environ 10 cm de diamètre qui est fiché à l’arrière (fig. 128 et 140).

335Les planches de sapin (1 à 107), larges de 13,50 à 31 cm et épaisses de 2 à 6 cm, étaient employées pour habiller le fond du bassin. Les pièces de bois possèdaient une longueur relativement constante qui ne variait que faiblement entre 6,65 et 6,85 m (fig. 134, nos 1 et 2).

336L’épaisseur des planches semble avoir été calibrée selon un module régulier compris pour la majorité des pièces (64 %) entre 3 et 4 cm (fig. 135 et 136). On observe une plus grande variabilité dans le calibrage en largeur. Un peu plus de la moitié des planches (54 %) possède une largeur qui oscille entre 18,50 et 23 cm (fig. 137).

337L’orientation des cernes de croissance annuelle et des rayons médullaires, observée en section des bois, montre que les planches proviennent de grumes débitées sur dosse. Ce procédé fournit des plateaux, d’épaisseur constante et de section rectangulaire, délignés suivant un plan de fente radial dans le centre de la bille (faux quartier et quartier) et tangentiel sur les extérieurs (dosse, contre-dosse, fausse dosse). Les planches débitées dans le cœur des grumes, sur quartier et faux quartier, sont plus fréquemment utilisées (60 %) (fig. 138).

Fig. 128 – Relevés en plan et en coupe du bassin 826 et du système d’évacuation, cn. 1375 et cu. 1229, qui lui est associé

(DAO : S. Sedlbauer, Metz Métropole).

Fig. 129 – Le bassin 826, vue zénithale

(cliché : 4vents).

Fig. 130 – Relevés de l’élévation du bassin 826

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 131 – L’angle sud-est du plancher du bassin 826 avec la fosse de creusement taillée dans le banc de calcaire naturel, vue depuis l’ouest

(cliché : S. Sedlbauer, Metz Métropole).

Fig. 132 – La planche superposée 88 bis permettant un cloisonnement interne dans le quart nord du bassin 826, vue depuis l’est

(cliché : S. Sedlbauer, Metz Métropole).

Fig. 133 – Le conduit d’évacuation d’eau traversant le mur nord du bassin 826, vue depuis le sud

(cliché : S. Sedlbauer, Metz Métropole).

Fig. 134 – 1, relevés des planches 103 et 104 du bassin 826 ; 2, mortaise ou encoche taillée dans la planche 61 du bassin 826 ; 3, planche 101 portant des traces de scie ; 4, planche 70 portant des traces de hache à tranchant large

(clichés et DAO : S. Sedlbauer, Metz Métropole).

338Les planches étaient avivées. Les rives planes et équerrées ont été rectifiées pour permettre un meilleur ajustement. L’extrémité de chaque pièce était coupée perpendiculairement. La surface nette des bouts indique très vraisemblablement l’utilisation d’une scie. Ces découpes résultent soit du calibrage des planches, soit de celui des tronçons de billes desquelles elles ont été extraites.

339Les faces inférieures et les nœuds de plusieurs planches portaient de nombreuses traces d’outils. L’utilisation de la scie dans le cadre du débitage des billes en planches est attestée par les nombreuses stries parallèles et obliques, très rapprochées, visibles sur les faces de plusieurs bois (planches 33, 58, 101, 102, 103 et 104) (fig. 134, no 3).

340Des impacts de hache à tranchant large ont été observés sur deux planches (planches 70 et 105). Leurs faces portent plusieurs incisions linéaires et parallèles très marquées d’environ 11 cm de longueur, régulièrement espacées sur toute la largeur des pièces. Ces empreintes résultent vraisemblablement d’une opération de façonnage visant à abaisser les aspérités du bois, à amincir et à régulariser les surfaces (fig. 134, no 4).

341Dans la partie centrale du bassin, une mortaise ou une encoche traversante a été taillée sur la rive sud de la planche 61 (fig. 134, no 2). Cet élément d’assemblage localisé à l’extrémité est de la planche pourrait avoir été aménagé pour accueillir un montant vertical dans un système de cloisonnement interne. L’encoche de 12 cm de longueur sur 6 cm de largeur était de section trapézoïdale. L’amorce de l’orifice d’insertion, exécutée au moyen d’un ciseau ou éventuellement d’une herminette à tranchant courbe et étroit, est identifiable sous la forme d’une découpe oblique perpendiculaire aux fibres du bois. La surface de la joue opposée est régulière et verticale.

Fig. 135 – Relevés des coupes transversales des planches du bassin 826

(DAO : W. Tegel, Institut des sciences de la forêt).

342Dans le quart nord du bassin, la planche 88 avait été doublée sur toute sa longueur d’une deuxième planche 88 bis (fig. 132). Cet assemblage horizontal par superposition correspond vraisemblablement à un système de séparation. Une première portion est conservée au départ du muret ouest sur 3 m de longueur. Elle possède une section arrondie de 13 cm de largeur sur 3 cm d’épaisseur. La planche est raccordée à angle droit avec le tasseau III. Un morceau de cette même pièce, conservé sur 0,85 m de longueur et 0,10 m de largeur, est visible 0,90 m à l’est. La planche devait à l’origine rejoindre le tasseau IV situé contre le muret est. L’espace ainsi délimité de 5,10 m de longueur par 3 m de largeur couvre une superficie d’un peu plus de 15 m2.

343La planche est issue d’une bille de bois débitée tangentiellement. Le départ de nombreux nœuds et rameaux conservés à sa surface indique que la planche a été extraite de la périphérie d’un fût de bois (dosse). Il se pourrait également qu’elle corresponde à une bille de bois fendue en deux (demi-rondin).

Fig. 136, 137, 138 – Répartition des planches du bassin 826 : 136, en fonction de l’épaisseur ; 137, en fonction de la largeur ; 138, en fonction des types de débit

(graphiques : S. Sedlbauer, Metz Métropole).

344Les tasseaux (I à IX) proviennent de bois débités radialement. Les surfaces ne sont pas régularisées avec soin et les dimensions ne sont pas constantes. La longueur des bois varie entre 0,80 et 6,50 m. Ils montrent des sections irrégulières oscillant entre 8 et 20 cm de largeur pour 2 à 5 cm d’épaisseur.

345Dans le quart nord du bassin, les tasseaux situés contre les murs est (mr. 897) et ouest (mr. 903) sont doublés en plan (II et III ; IV et V). Ils délimitent avec la planche 88 bis (fig. 128) située au sud, un espace rectangulaire qui pouvait probablement être cloisonné.

346La portion du tasseau I située à la base du conduit d’évacuation aménagé dans le muret du bassin est formée de deux fines baguettes de bois formant une glissière dans laquelle pouvait être insérée une planche. Cette partie du tasseau très dégradée mesure environ 6 m de longueur. Elle possède une section irrégulière de 8 cm de largeur pour 4 cm d’épaisseur. La profondeur de la glissière atteint environ 3 cm.

Données dendrochronologiques du bois d’œuvre

347L’ensemble des bois a été prélevé et cinquante-six éléments ont livré des résultats. Ces échantillons ont permis la construction d’une courbe de croissance moyenne longue de 193 ans dont la synchronisation avec la chronologie de référence entre 49 et 241 apr. J.-C. est statistiquement étayée par de hautes valeurs de corrélation (fig. 139, A et B). Dans trois cas (planche I, 18, 75), la présence du dernier cerne de croissance produit sous l’écorce a permis de déterminer la date d’abattage des arbres à l’année près. Ainsi, la datation sur cambium de ces trois pièces situe l’abattage en 241 apr. J.-C.

Le système d’évacuation d’eau

348Le percement aménagé dans le muret du bassin aboutissait à une canalisation (cn. 1375) constituée d’un fût de bois d’une longueur de 1,40 m et d’un diamètre d’environ 0,18 m (1375) (fig. 128). Ce dernier était posé dans une tranchée régulière, orientée nord-sud (2210), creusée dans des niveaux d’argiles rapportées (883). Le tronc évidé était enduit d’une couche d’argile très pure (1295), puis recouvert d’une argile de moindre qualité (1374). En surface, ce conduit est marqué par un petit niveau de pierre damée (1376).

349Cette canalisation en bois évidé aboutissait à une cuve carrée de 0,80 m de côté (cu. 1229) qui devait faire fonction de chambre de visite. Le caisson de bois, probablement en sapin, était fortement dégradé, ce qui n’a pas permis de déterminer la méthode d’assemblage (fig. 140). Il était installé dans une fosse au plan rectangulaire qui est sensiblement plus grande (1227). L’étanchéité entre la canalisation en bois évidé, la cuve et les parois de la fosse était assurée par une couche d’argile très pure (1295). Lorsque le caisson était en activité, le fond était composé d’une couche d’argile bleue compacte et homogène.

350Après avoir traversé la chambre de visite, l’eau se dévidait dans le ruisseau par le biais d’une grande canalisation en pierre (cn. 1331). La cote sensiblement plus haute de cette canalisation en pierre par rapport au fond de la cuve indique que l’eau était évacuée partiellement décantée (fig. 141). Le conduit en pierre était soigneusement conçu (1331). Il était installé dans une grande tranchée aux parois évasées (2209). Le canal en pierre se composait de 2 murets de 7 assises de moellons en calcaire (18 x 15 cm) recouverts par un dallage de pierres posées à plat.

Aspects morpho-technologiques du bois d’œuvre

351Le cuvelage de la cuve 1229 était particulièrement dégradé. La cuve délimite un espace carré de 0,80 m de côté pour 0,18 m de hauteur. Son état de conservation n’a permis de déterminer ni les méthodes d’assemblage, ni la forme du caisson (fig. 142, no 1).

352La conduite enterrée reliant le bassin au regard est constituée par un rondin évidé, probablement en sapin (Abies alba) (fig. 142, no 2). Le conduit intérieur aménagé au centre du bois atteint 10 cm de diamètre. Son creusement a vraisemblablement été réalisé au moyen d’une mèche à cuiller. Une fente d’environ 1 m de longueur et 0,40 m de largeur est visible sur la moitié supérieure sud du rondin. Elle résulte probablement du processus d’altération et d’érosion. L’extrémité nord de la conduite, marquée par un léger rétrécissement du diamètre extérieur (16 cm) sur une vingtaine de centimètres de longueur, est emboîtée sur quelques centimètres dans la planche sud (1370/1-2-3) de la cuve 1229. Cette dernière devait probablement être percée à cet effet. La présence d’une emboîture métallique, à la jonction entre la conduite et l’orifice d’évacuation percé dans le muret du bassin 826, est donc envisageable. Des canalisations similaires ont été découvertes dans la zone humide de la villa de Mageroy en Belgique (Zeipen-Bergmann 2014).

Fig. 139 – A, présentation des 56 courbes de croissance (sapin) des bois du bassin 826 datées en position synchrone (A) et de la courbe moyenne (GRIG1-M101) en position synchrone avec la courbe de référence faite avec du sapin d’Allemagne, de Suisse et d’Autriche (B) ; B, résultats des corrélations dendrochronologiques des bois du bassin 826. La courbe moyenne (GRIG1-M101) avec références. A : Coefficient de coïncidence ; B : Coefficient de corrélation de Pearson ; C : T.test 1 (Transformation selon Hollstein 1980) ; D : T.test 2 (Transformation selon Baillie, Pilcher 1973) ; E : Datation ; F : Référence/Auteurs

(DAO : W. Tegel, Institut des sciences de la forêt).

Fig. 140 – La cuve 1229 et la canalisation 1375 en cours de dégagement, vues depuis l’est

(cliché : S. Sedlbauer, Metz Métropole).

Fig. 141 – La canalisation 1375, la cuve 1229 et la canalisation 1331, vues depuis le sud

(cliché : S. Sedlbauer, Metz Métropole).

Fig. 142 – Relevés de pièces en bois : 1, planches 1370, 1229, 1368 et 1369 de la cuve 1229 ; 2, rondin évidé de la canalisation 1375

(clichés et DAO : S. Sedlbauer, Metz Métropole).

353Plusieurs impacts d’outils sont visibles sur l’extrémité sud de la pièce (cn. 1227). Des incisions rapprochées et très marquées en forme de « v » pourraient correspondre à des traces laissées par le tranchant d’un ciseau. À l’extrémité opposée, les traces se muent en lignes brisées parallèles très marquées d’environ 4 cm de longueur, régulièrement espacées de 4 à 6 cm. Ces empreintes résultent peut-être de l’utilisation d’une herminette à tranchant plat visant à diminuer le diamètre du rondin.

Interprétation fonctionnelle des équipements (cuves et bassin)

354Les équipements découverts dans la cour agricole de l’établissement sont intrinsèquement liés à l’eau. Ils s’intègrent en marge du ruisseau des Linières auquel ils sont reliés par un système hydraulique complexe. La découverte de cuves en bois est fréquente sur les sites romains de la région (Brunella 1988, p. 43 ; Georges-Leroy 1991, p. 107-116). Ces cuves sont généralement interprétées comme de simples puits. Mais, ici, la faible profondeur d’implantation et la profondeur de la nappe phréatique sont incompatibles avec cette interprétation.

355La présence de bassins dans les villae du Nord-Est de la Gaule est, quant à elle, relativement courante. Ces derniers sont généralement associés à la pars urbana comme aux Rouaux à Peltre (Feller 2004) ou à Damblain (Boulanger dir. à paraître). L’association du bassin à la pars rustica à Grigy est plus singulière ; elle implique qu’à l’instar des cuves en bois, le grand réservoir avait une fonction dans les productions de la villa et qu’il ne s’agissait pas d’un simple point d’eau ou d’un bassin d’apparat. Des petits bassins sont parfois associés à des enclos de pacages, comme au Pré du fond à Jury (Sedlbauer dir. 2019, p. 266-275) ou à la Rocade sud à Peltre (Blaising 2001 ; 2005, p. 96-97). Ces derniers sont interprétés dans ce cas comme des pédiluves, car ils sont accompagnés d’un plan incliné permettant au bétail d’y accéder pour recevoir des soins. À Grigy, le caractère artisanal des équipements semble devoir être privilégié. La morphologie des substructions en bois, l’étude du mobilier métallique, la présence de macrorestes semblent aller dans le sens d’un artisanat portant sur la transformation des fibres végétales ou l’élaboration d’objets en bois ou en sparterie (voir infra, p. 178).

Aires de combustion

  • 18  fy. 1318, fy. 718, fy. 720, fy. 722, fy. 2031, fy. 1938, fy. 1352 et fy. 724.

356Onze foyers ont été mis au jour dans la partie agricole de la villa (fig. 143 et 144). Huit d’entre eux18 sont confinés dans un petit périmètre au sud du bassin. Cet espace semble donc avoir été consacré à une activité particulière nécessitant l’utilisation de foyers.

  • 19  fy. 1352, fy. 1354 et fy. 2031.
  • 20  fy. 718, fy. 720 et fy. 1318.
  • 21  fy. 722, fy. 724, fy. 923 et fy. 1938.
  • 22  fr. 2120.

357La morphologie générale des fosses est assez ressemblante, mais les plans peuvent varier, ce qui a permis de les ranger en quatre types : les foyers ovalaires19; les foyers ovalaires avec alandier non séparé20 ; les foyers ovalaires avec alandier séparé21 et un foyer rectangulaire22, sans pour autant pouvoir attribuer une fonction spécifique à ces différentes formes.

Foyers ovalaires

358Ces foyers (fy. 1352, fy. 1354, fy. 2031), conservés sur une dizaine de centimètres, possédaient des dimensions moyennes relativement modestes (0,79 x 0,65 m). Leur morphologie était comparable avec le profil en cuvette des parois évasées et fond plat (fig. 143). La teinte de la rubéfaction du terrain encaissant est pratiquement similaire, ce qui indiquerait des températures de chauffe relativement proches dans ces trois structures. Les comblements sont également identiques. Il s’agit de limon argileux compact de couleur foncée contenant de nombreuses particules de charbons de bois et de nodules de terre rubéfiée. Ces données montrent une homogénéité morphologique et taphonomique de ces fours.

Foyers ovalaires avec alandier non séparé

359Les foyers 718, 720, 1318 semblent construits selon un même schéma (fig. 143). Une petite zone non rubéfiée dans la partie la plus étroite est probablement assimilable à une zone de charge et une aire de chauffe dans la partie la plus large où devaient être entretenus le feu ou les braises. Les dimensions étaient plus ou moins standardisées (1,46 x 0,71 m). Ces trois fours étaient regroupés à quelques mètres les uns des autres.

360La couche de fonctionnement du fy. 718 était constituée par un niveau d’argile d’une épaisseur de 12 cm (719). Cette dernière contenait des particules de charbon de bois (< 2 cm) organisées en concentrations et des nodules de terre rubéfiée (< 10 cm) provenant de l’effondrement des parois. La nature du combustible peut être envisagée sur la base de 14 fragments de charbon de bois, issus du charme (Carpinus betulus, NR 1) et surtout du chêne à feuilles caduques (Quercus sp., NR 13). La fosse a également livré quelques ossements de faune, et plusieurs tessons en céramique indatables ont également été observés.

Foyers ovalaires avec alandier séparé

361Trois foyers étaient regroupés en batterie au sud du bassin (fy. 722, fy. 724 et fy. 1938) (fig. 143). Ils étaient constitués de deux parties ovalaires accolées : une aire de chauffe, dont la paroi et le fond avaient subi un impact thermique (1,20 x 0,78 m), et une zone de charge (0,84 x 0,63 m). Les analyses anthracologiques réalisées sur deux des quatre fours (fy. 722 et fy. 724) apportent quelques données sur les essences utilisées notamment des branchages d’arbustes (rosacées), de fruitiers (pruniers/ prunelliers), de hêtres et de chênes. Cependant l’absence de vestiges significatifs (scories, graines…) ne nous permet pas d’en indiquer la fonction.

362Le foyer 722 était tapissé d’un niveau très charbonneux compact et homogène brun gris foncé (723) contenant de très nombreuses particules de charbons de bois (< 6 cm) parmi lesquelles 275 fragments de charbon de bois ont pu être identifiés. Le hêtre Fagus sylvatica (NR 1) était anecdotique alors que le prunier/prunellier Prunus spinosa/domestica (NR 271) était majoritairement représenté.

363Dans le foyer 724, la couche inférieure (725) a permis d’isoler 75 fragments de charbon de bois qui offrent un assemblage différent avec la présence du hêtre (Fagus sylvatica, NR 9), des rosacées pomoïdées (Rosaceae pomoideae, NR 1) et du chêne à feuilles caduques (Quercus sp., NR 64).

Four rectangulaire

364Le foyer était disposé au fond d’une grande aire de travail (fs. 968) de plan plus ou moins rectangulaire (9,50 x 7,20 m) (fig. 143, no 9). Le creusement du four 2120 était orienté nord - sud. Il avait un plan quadrangulaire (1,66 x 0,90 m) aux angles arrondis (2120). Le profil est en cuvette avec des parois inclinées, conservées 0,40 m et un fond plat. L’action du feu a entraîné la rubéfaction d’une partie des parois et du fond (2336) en créant une croûte de 4 cm d’épaisseur. Sur le fond de la structure, une fine couche de limon argileux concentrait de nombreux charbons de bois (2124), tandis que le reste était comblé d’argile limoneuse compacte et homogène brune (2121) contenant de fréquents nodules ferreux (< 0,02 m), quelques fragments de terre cuite architecturale et des éclats de calcaire bleu. Quelques tessons céramiques et des fragments de faune ont également été observés.

365La faible proportion de ce modèle de four est surprenante, car les foyers rectangulaires sont relativement abondants dans les cours agricoles des autres établissements ruraux de Moselle ; à titre d’exemple, à Laquenexy – Entre deux Cours –, la cour agricole qui a été intégralement fouillée a livré 26 foyers de ce type (Brkojewitsch et al. 2015b). Des similitudes entre ces fours ou foyers sont observables en termes de dimensions, de forme et de nature du remplissage (fine couche charbonneuse à la base du remplissage, profil en cuvette avec des parois verticales et un fond plat, présence de blocs calcaires et de tegulae). Cependant, leur fonctionnement et leur utilisation restent hypothétiques.

Fig. 143 – Relevés en plan et en coupe de divers fours

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 144 – Les fours de la pars rustica, vus depuis le nord

(cliché : S. Sedlbauer, Metz Métropole).

Différentes formes pour différents usages ?

366L’interprétation de ces foyers circulaires est assez difficile en raison de leur arasement presque complet, qui ne permet pas de définir si la chambre était fermée (four) ou non (foyer). De plus, aucun élément dans le remplissage ne semble en position primaire. Il faut donc explorer plusieurs possibilités. La présence de ces foyers dans la pars rustica est un argument en défaveur d’une vocation culinaire d’autant qu’ils ne renfermaient aucune graine carbonisée dans leur comblement. Leur présence en marge des équipements et des bâtiments de la pars rustica pourrait indiquer qu’il s’agit de chaudières. Ces dispositifs se reconnaissent au fait qu’ils sont constitués de supports qui forment un plan semi-circulaire ou en « fer à cheval ». L’empreinte rougeâtre semi-circulaire pourrait correspondre à un dispositif dans un état d’arasement prononcé comparable à certains foyers de l’Îlot Vieille-Monnaie à Lyon (Rhône) (Desbat 2013, p. 36, fig. 50). Ces aménagements sont attestés en Gaule à Clermont-Ferrand (Puy-de-Dôme), Bourges (Cher), Poitiers (Vienne), Le Puy-en-Velay (Haute-Loire) (Mauné et al. 2013, p. 5), où les interprétations de chauffe-eau ou de foyer sont généralement proposées.

367Les combustibles sont variés et les assemblages ne montrent pas d’homogénéité. Le chêne, le hêtre, le prunellier sont utilisés ainsi que d’autres essences. Les branches et les branchages semblaient donc collectés de manière opportuniste sans chercher un type de bois particulier.

368En ce qui concerne les foyers rectangulaires, leur fonction reste incertaine en l’état actuel de nos connaissances. Pourtant, lors des fouilles de sites antiques de type villa en région Lorraine, leur présence apparaît systématique dans la cour centrale de la pars rustica, généralement à proximité des bâtiments annexes. Plusieurs hypothèses sont envisagées. La piste d’une utilisation de ces fours pour le séchage ou le fumage de la viande n’est pas à négliger. Les foyers rectangulaires pourraient aussi correspondre à des charbonnières. La proximité récurrente avec les bâtiments sur fondation de pierre atteste une relation étroite. Le charbon, nécessaire en grande quantité dans la pars rustica d’une villa, pourrait justifier leur présence. À Grigy, l’hypothèse d’une activité métallurgique peut être évoquée en raison de la présence de scories dans le comblement de l’aire de travail. L’un de ces foyers pourrait donc être associé à une activité de forgeage du fer.

369En l’absence de mobilier caractéristique, on se gardera de donner une interprétation trop tranchée de ces foyers qui semblent certes tournés vers les activités agricoles ou artisanales mais qui pourraient avoir eu une vocation culinaire (pour le personnel) ou avoir été utilisés de façon polyvalente.

Matériaux de construction

370Fortement abîmés par des déprédations postérieures à son abandon, l’architecture et le décor posent des questions difficiles à élucider. Toutefois, les couches de démolition ont livré quelques éléments mis en œuvre dans les revêtements et dans l’élévation.

La pierre

371Le matériau le plus couramment utilisé est le calcaire bleu local à gryphées de l’Hettangien-Sinémurien (Maubeuge 1972). L’extraction de la roche, qui affleure parfois à moins de 1 m du sol, a probablement eu lieu à proximité du site.

372Le calcaire bleu est utilisé sous forme de moellons équarris de dimension moyenne (20 x 14 x 10 cm) dans la construction des voies et des bâtiments. Des moellons bruts ou grossièrement équarris souvent plus petits sont utilisés comme pierre de calage ou dés de soutènement pour les poteaux. Ils sont aussi employés lors de la réalisation de conduits de canalisation ou lors de la construction de cuvelages de puits (pt. 1450 et cu. 1488). Pour ces derniers, les moellons (20 x 12 x 10 cm) sont assemblés à joint vif en un petit appareil irrégulier.

373Dans les fondations des murs, des moellons en moyenne plus importants (30 x 20 x 15 cm) ont été utilisés. Ils sont bruts ou grossièrement équarris, généralement disposés en hérisson et parfois liés à la chaux.

374Lorsque l’élévation des murs était observable, les moellons rectangulaires étaient disposés en panneresse dans un ouvrage assisé (fig. 145). Les blocs des assises inférieures avaient un module supérieur (50 x 20 x 15 cm) aux moellons situés dans l’élévation (30 x 20 x 15 cm). Des éclats de calcaire bleu, résultant peut-être du façonnage des moellons, sont utilisés dans la fourrure des murs. Par ailleurs, plusieurs moellons équarris en calcaire oolithique bajocien de Norroy-lès-Pont-à-Mousson ont été observés dans les niveaux de démolition. Ces derniers, qui ont pu être employés dans l’architecture, portaient parfois des traces d’outils.

375Un fragment de base ou de chapiteau de colonne en calcaire de Norroy-lès-Pont-à-Mousson a servi de pierre de calage dans le tp. 1834. Son diamètre est estimé à environ 0,75 m. Une margelle était réalisée en calcaire coquillier jaune originaire des côtes de Moselle, probablement dans des bancs de moindre qualité. Ce calcaire présente de meilleures propriétés physiques que le calcaire bleu local. Il est plus apte à la taille et résiste mieux au gel. Les carrières de Norroy-lès-Pont-à-Mousson ont été exploitées dès le ier s. apr. J.-C. par des légions romaines (Demarolle 2004). Elles ont livré d’importantes quantités de ce calcaire blanc qui a été utilisé sur de nombreux sites antiques messins, notamment le Grand Amphithéâtre (Le Coz 2005).

Fig. 145 – Les moellons utilisés dans la construction de la villa en pierre, vus en détail

(cliché : S. Gentner, Metz Métropole).

376Quatre plaquettes de marbre figurent sur la liste des éléments en pierre découverts dans les couches de démolition. Deux fragments proviennent du secteur balnéaire. Le premier est un fragment de plaquette de forme triangulaire de 18 mm d’épaisseur en marbre blanc qui pourrait avoir fait partie d’un sol en opus sectile. Le second fragment, en marbre blanc à veine rosée, présentait une épaisseur de 26 mm et possédait une seule face polie. La face brute porte des traces de chauffe. D’autres fragments proviennent des remblais. Un fragment de marbre blanc veiné de gris dans la partie agricole présentait deux faces lisses, mais pas de bord ouvragé. Enfin, un fragment de baguette de marbre ou calcaire brûlé provenant d’une unité stratigraphique de surface présentait une largeur de 10 mm et une épaisseur de 13 mm. Ses deux bords et une des faces étaient polis.

La terre cuite architecturale

377Particulièrement nombreuses dans les pièces thermales, les terres cuites architecturales n’ont pas fait l’objet d’un ramassage exhaustif. Les formes les plus courantes sont les tegulae, les imbrices, les pilettes d’hypocauste, les tubuli et les briques. L’analyse macroscopique des pâtes révèle l’origine régionale de ces productions. La pâte est généralement orange à orange clair. De nature plus ou moins calcaire, elle présente une quantité variable de calcite (de fréquence assez commune pour les fragments très cuits, et une fréquence faible pour les cuissons plus modérées). Des inclusions de quartz blanc et transparent, d’oxyde de fer et de mica doré complètent cette composition.

378Le lot de terres cuites architecturales se compose de tegulae (tuiles plates de couverture), de pilettes, d’imbrices et d’une tubulure. Les tegulae, qui sont munies de rebords latéraux et d’encoches, présentent un module de 0,40 m de longueur pour 0,30 m de largeur. Elles sont réalisées à l’aide d’un moule, puis lissées à la main en surface. Elles présentent des rebords épaissis à leur base (Le Ny 1992, p. 87).

379Les pilettes mesuraient 17 cm de côté pour 2,80 cm d’épaisseur et pesaient 1,493 kg. Elles renvoient au type bessalis sur la base des dimensions similaires à celles retrouvées dans les bains de l’agglomération de Bliesbruck (Le Ny 1992, p. 89 ; Petit dir. 2000, p. 176). Les coups de feu sur les tranches confirment leur utilisation comme pilettes d’hypocauste.

Fig. 146 – Les estampilles sur terre cuite architecturale

(DAO et clichés : A. Reiff, Metz Métropole).

380Deux fragments circulaires ont également été découverts. Leur forme semble avoir été planifiée avant cuisson, ce qui permet d’exclure l’hypothèse de tuiles retaillées. D’une vingtaine de centimètres de diamètre, ces objets ont pu être utilisés dans l’architecture d’éléments circulaires (colonne, etc.)

381Un fragment de tubulure d’une épaisseur de 1,80 cm était percé d’un orifice latéral permettant une bonne répartition de la chaleur. Le rebord supérieur est légèrement plus épais, biseauté sur chaque face, permettant l’encastrement d’un autre tubulus. La surface intérieure et l’orifice latéral sont porteurs de traces de fumées.

382Dans la canalisation 1891, deux fragments en terre cuite à fonction indéterminée ont été recueillis. La pâte, visiblement peu exposée à la chaleur, ne peut pas s’apparenter à des éléments de fours. Sa présence dans une canalisation est à rapprocher davantage d’un réseau hydraulique, à l’apport ou l’évacuation d’eau.

383Des imbrices formaient des conduites circulaires. La tuile inférieure portait des traces de rouille sur la face interne, sans doute dues à l’utilisation d’un conduit en bois et d’une frette métallique. Mesurant entre 0,23 et 0,24 m de long pour 14 à 15 cm de large et 6 à 8 cm de hauteur, elles sont visiblement moulées sur une forme convexe et lissées avant cuisson (Le Ny 1992, p. 89).

384Deux fragments jointifs d’une tegula sont marqués de l’estampille rétrograde Exvperantivs dans un cartouche de 13,50 cm de longueur par 2,10 cm de hauteur. Ce nom ou idionyme, très commun en Gaule et en Italie, ne renvoie pas à un atelier connu de la région. Deux estampilles rétrogrades incomplètes – [A] ssatus et [A]ssatus – évoquent un tuilier dont l’atelier reste à localiser. Le cartouche mesure 1,90 cm de hauteur et 1,20 cm pour les lettres (fig. 146).

385Des tuiles marquées Assatus sont répertoriées à Metz (CIL XIII, 12665), à Trèves (CIL XIII, 12662-1 ; CIL XIII, 12662-2), à Wasserbillig (Luxembourg) (CIL XIII, 12664) et à Mertesdorf (Allemagne) (CIL XIII, 12663). Les attestations de la marque Exvperantivs sont plus nombreuses encore, avec des occurrences à Trèves (CIL XIII, 12775-3 ; CIL XIII, 12775-5) et à Wasserbillig (CIL XIII, 12774), ainsi que plusieurs exemplaires méridionaux, à Nennig (Allemagne) (CIL XIII, 12775-1), à Yutz (Moselle) (CIL XIII, 12777) et à Metz (CIL XIII, 12776). La répartition spatiale des découvertes semble pointer un atelier local, probablement en territoire trévire ou médiomatrique, et un circuit de diffusion qui suit scrupuleusement le cours de la Moselle. Ces matériaux se rapportent à des contextes de l’Antiquité tardive.

Le bois

386Environ cent soixante-douze pièces d’architecture en bois ont été recensées dans le vallon humide. On dénombre 2 pièces erratiques provenant du lit de la rivière (1 poutre ou solive ensevelie dans les dépôts de crues et 1 planche correspondant à un aménagement de berge) et 7 pièces issues du puits 1450. Les bois restants correspondent aux pièces d’architecture employées dans la construction des équipements artisanaux de la villa. Vingt-cinq planches appartiennent à des cuves et plusieurs planchettes et rondins proviennent de canalisations qui sont y associées. Enfin, cent dix-neuf bois appartiennent au bassin 826 (aménagement du fond du bassin : 117 planches ; coffrage : 1 planche et 1 piquet). Le bassin est doté d’un système d’évacuation formé d’une canalisation composée d’une conduite et d’une cuve.

Le verre

387L’état d’arasement des vestiges n’a pas permis d’en décrire les élévations. Cependant, la présence de vitrages dans les niveaux de démantèlement de la villa reflète un certain confort. Le vitrage le mieux conservé mesure au moins 0,26 m de longueur pour une largeur de 0,25 m (fig. 147). Les fragments ont été principalement découverts autour du mur sud de la pièce chauffée, ce qui démontre que les murs des bains étaient très certainement percés de baies fermées par ces panneaux en verre transparent, de couleur verdâtre. La finesse, l’état des deux surfaces et le traitement du profil des rebords indiquent que les vitrages de Grigy ont été confectionnés selon la technique du soufflage en cylindre (Foy, Fontaine 2008).

Fig. 147 – Vitrage archéologiquement complet provenant du secteur thermal de la villa

(cliché : K. Lemoine, Metz Métropole).

En guise de bilan pour la phase II

388Durant l’état IIa, les techniques de construction adoptées changent considérablement pour les bâtiments, mais le bois est encore largement employé. La bipartition de l’établissement est dorénavant très marquée avec une résidence à l’ouest et une « pseudo-résidence » à l’est. Les activités de production, en marge du ruisseau, s’appuient sur des équipements de petites dimensions. L’état IIb témoigne d’un réel souci de réorganisation de l’espace interne avec la construction de grandes cours fermées par des murs maçonnés. L’habitation est bien séparée de la partie productive avec une cour centrale qui est embellie d’une fontaine. À l’est, la construction d’un enclos à l’arrière du lieu de villégiature devait agrémenter les lieux, si l’hypothèse de jardins ou de vergers est retenue. Il sécurise par ailleurs la villa en la clôturant complètement. Cette dernière est équipée d’un circuit de baignade et de système de chauffage par le sol dans deux pièces au minimum. La définition d’un mode de vie dédié à l’otium où le bien-être des occupants s’affirme pleinement. Parallèlement à ces améliorations, les outils de production de la pars rustica se développent avec la construction du grand bassin et l’édification de trois nouveaux bâtiments sur poteaux qui pourraient traduire une augmentation de sa capacité productive.

LA RÉTRACTION, LA RÉCUPÉRATION DES MATÉRIAUX ET L’ABANDON DE LA VILLA (PHASE III)

Processus d’abandon au sein de la résidence

La récupération des murs

389Les dernières modifications identifiables correspondent à la ruine et à la récupération méthodique des matériaux de construction du bâtiment. Concernant les murs, la recherche des moellons se traduit par deux états différents : la récupération partielle ou totale.

390Plusieurs unités stratigraphiques se rapportaient au comblement final des tranchées après récupération des pierres de taille. D’une manière générale, il s’agit de limon argileux de couleur brun-gris. Le sédiment est marqué par une forte compacité ; et de nombreuses inclusions de matériaux de construction de taille centimétrique sont visibles (calcaire, tuiles, galets, mortier de chaux, mortier de tuileau). Il n’est pas rare que ces remplissages contiennent du mobilier archéologique fragmenté (céramique, verre, instrumentum en métal, monnaie). Le comblement des tranchées de récupération du bâtiment A n’a livré que 23 tessons datés entre le ier s. et le deuxième quart du ive, voire au ve s. apr. J.-C.

Fig. 148 – Relevés en plan et en coupe de divers creusements

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

Des structures à vocation indéterminée dans la pièce XI

391Des structures à vocation indéterminée dans la pièce XI formaient un alignement. Elles étaient localisées sous les niveaux de démolition de la pièce XI (1911), creusées dans les niveaux de fonctionnement de la pièce.

392La structure 1916 perturbait le sol 1695 le long du mur 1666 (fig. 148). Cette structure (1,50 x 0,30 m) a été recoupée par la tranchée de récupération du mur (tr. 390). La forme en plan du creusement (1916) est oblongue avec un profil en U. Le comblement (1917) était composé par un limon argileux compact et hétérogène brun moyen qui comportait des inclusions de mortier, de charbons de bois et des enduits peints en quantité notable (voir supra, p. 84-86).

393La fosse 1907 (0,66 x 0,50 m) recoupait la couche sableuse sur le niveau de sol (1712). Elle est recouverte par les remblais de destruction (1711). Son creusement (1907) possédait une forme ovalaire avec un profil en cuvette à fond irrégulier. Le comblement (1908) est un sable argileux compact et hétérogène brun sombre comportant des inclusions de terre cuite architecturale et de charbons. Il a fourni des charbons de bois de différentes essences et de la céramique (fig. 148).

394Le sol de l’hypocauste 1060 de la pièce XIc a été endommagé par la mise en place d’un poteau (tp. 1613) qui correspond à cette phase de rétraction. Le creusement (1613) était bien circulaire (0,54 m) avec un profil en U. Le comblement (1614) d’argile limoneuse brune comportait des inclusions de terre cuite architecturale, du calcaire bleu, du mortier de chaux ainsi que des charbons, mais il n’a pas livré de mobilier (fig. 148).

395Dans l’habitation, la cave et les salles chauffées ont facilité la constitution de couches de démolition. En effet, une grande proportion de mobilier, issu de la démolition des structures, était piégée dans les hypocaustes. Dans la chaufferie (pièce XIb), une fosse circulaire (fs. 1902 ; 0,45 m) était creusée dans les niveaux de fonctionnement charbonneux, en vue de récupérer les matériaux du foyer (fig. 148). Le comblement (1903) concentrait une grande quantité de tuiles plates. La fosse et une partie de la pièce étaient recouvertes d’une couche de remblai de démolition constituée de fragments de mortier (1894), puis d’une couche de limon jaune plus homogène (1632) qui semblait indiquer une reprise de la sédimentation.

La ruine des constructions

396Une couche constituée de matériaux de construction (1701) déposée sur le sol 1695 de la pièce XIa (fig. 85 et 86) témoigne de l’effondrement de l’hypocauste ; elle renfermait des fragments de tuiles, des tubulures et des pilettes, de nombreux fragments de mortier de tuileau et d’enduits muraux de couleur blanche (voir supra, p. 84-86), ainsi que des fragments de céramique de l’Antiquité tardive.

397Dans le local technique contenant le foyer (pièce XIb), deux niveaux riches en matériaux de démolition (1624, 1663) se superposaient sur une épaisseur cumulée de 0,50 m. Les tuiles étaient moins abondantes et l’on y notait la présence de galets, de blocs de calcaire et de mortier de chaux.

398La pièce XIc, dont les niveaux de fonctionnement étaient sensiblement plus hauts, a subi des récupérations au niveau du sol en tuile (sl. 1060), principalement dans la partie est (1073).

399L’ensemble de la pièce XI était recouvert par une couche plus hétérogène de limon argileux très compact riche en tuiles et de pierres (1911, 163, 1074). Ce niveau a livré un clou en fer, une monnaie du ive s. apr. J.-C. et du mobilier en plomb (voir infra, p. 174-175).

400Au sein de la piscine froide XVIII, le niveau de sol semblait récupéré, car seuls subsistaient les niveaux préparatoires (1751, 1750) surmontés par des remblais riches en terre cuite architecturale, en mortier hydraulique, en blocs de calcaire et en poches d’argile (1748, 1749). Ces niveaux ont livré de la céramique datée du ive ou ve s. et des clous de menuiserie (voir infra, p. 172).

401La cave IX avait été comblée par des apports successifs de remblais riches en fragments de terre cuite architecturale, en moellons de calcaire bleu et en mortier (1721, 1722, 1723 et 2287). Ces niveaux ont fourni du mobilier céramique s’échelonnant entre le iie et le ve s., du marbre, des enduits peints et des clous (voir infra, p. 172).

402Le secteur situé au centre de l’enclos 3, à l’emplacement de la fontaine (fs. 1612), a fait l’objet de récupérations méthodiques. Une couche de gravats située au sommet de la fosse de récupération en témoigne. La couche de limon argileux est très hétérogène (49). Elle renferme des petits moellons et des éclats de calcaire, un clou en fer ainsi qu’un fragment de tôle en alliage cuivreux, deux éléments de scellement en plomb, de la faune et 91 tessons de céramique.

Des aires de combustion

Analyse archéologique

403Au centre de l’enclos 2, un ensemble composé d’un four (fr. 1405) surmonté par un bâtiment semi-enterré à 6 poteaux a été édifié (4,20 x 3,25 m). Ce dernier entravait le bon fonctionnement de la conduite d’alimentation en eau du corps de logis de la villa (fo. 159) (fig. 149).

  • 23  tp. 1668, tp. 1670, tp. 1672, tp. 1674, tp. 1676, tp. 1678.

404Le premier aménagement consiste en un creusement (155) d’une fosse plus ou moins rectangulaire (3,50 x 30 m) qui constitue une aire de travail. Cette dernière était entourée par 6 trous de poteau23 situés aux angles et au milieu des petits côtés du quadrilatère d’une surface de 8,25 m2. Ces cavités avaient toutes une forme circulaire et un diamètre variant entre 0,22 et 0,33 m. Les profils formaient des cuvettes et le fond était concave ou plat. Les creusements étaient visibles sur une profondeur variant entre 0,10 et 0,25 m. Le bâtiment possédait des côtés de 3 m et 2,50 m, les poteaux centraux (tp. 1670, tp. 1676) n’étaient pas alignés aux poteaux corniers. En effet, ils étaient décalés de 0,30 m vers l’extérieur et plus proches des poteaux sud. Ainsi, l’entraxe variait entre 1,40 et 1,10 m.

405Au nord de l’aire de travail étaient excavées deux aires de combustion dont il n’a pas été possible de déterminer la chronologie relative. Elles possédaient un fond plat et une hauteur conservée de 0,55 m. Le four nord (fr. 1405) se situait à l’extérieur de la surface couverte par l’auvent. Il montrait un plan ovalaire (1,30 x 1,10 m). L’aire de chauffe du four était rubéfiée ainsi que la paroi dont la surface était durcie sur 2 à 3 cm d’épaisseur (1407). Entre les deux lobes, se situait une aire de charge ou un alandier (0,70 x 0,80 m). Le fond de l’alandier ne présentait pas de rubéfaction. Le second four est localisé au sud. Son fond rubéfié (1408) était couvert d’une quantité notable de cendres et de charbons de bois. Cela pourrait indiquer qu’il a servi de cendrier (1409).

406L’abandon se caractérise par un effondrement de paroi (1406) dans la fosse du four 1405. Il s’agit d’un limon argileux brun grisâtre, compact et homogène comportant des fragments de parois rubéfiées et une jatte en rugueuse claire résiduelle. Les trous de poteau sont ensuite comblés par de l’argile limoneuse présentant des particules de terre cuite architecturale, de calcaire, de mortier et de charbon. Enfin, un limon argileux noir compact et homogène – comportant des fragments de terre cuite architecturale, de blocs calcaires et de charbons (156) – venait sceller la structure (155) et la fosse composée de deux lobes (1405). Un fragment de meule à bord circulaire en grès rose, une emboîture de canalisation en fer ont été découverts dans le comblement (156) ainsi que 5 tessons de céramique.

Apport de l’analyse archéobotanique

407Le comblement (156) de l’aire de travail (155) a livré 30 macrorestes végétaux parmi lesquels 6 graines de céréales (orge vêtu, épeautre, céréales indéterminées) et 12 restes de mauvaises herbes (trèfle, fléole des prés, patience, ivraie vivace, laïche de Paira, renouée à feuilles de patience, laîche à trois stigmates et des graminées). La présence d’espèces consommables carbonisées pourrait indiquer que les fours avaient une vocation culinaire. Toutefois cet assemblage ne permet pas de proposer une interprétation définitive de cet ensemble qui partage de nombreux points communs avec les aires de combustion fr. 1177 et fr. 1191 de datation plus haute (voir supra, p. 91-92). Des travaux récents ont montré que les équipements pouvaient être nettoyés et que les résidus ne relevaient donc que d’une dernière utilisation (Van Ossel, Huitorel 2017). Par ailleurs, les macrorestes ne doivent pas être interprétés de manière univoque puisque leur présence peut résulter d’activité d’entretien comme le balayage des cours ou être en relation avec la collecte du combustible (Simier et al. 2017).

Processus d’abandon au sein des espaces à vocation agricole et artisanale

La récupération des murs

408Suite à l’abandon du secteur artisanal, les fondations du bâtiment C ont été partiellement ou complètement récupérées (fig. 150). Elles ont été vidées de leur contenu. Elles sont comblées par un sédiment argilo-limoneux brunâtre hétérogène qui contient de nombreux fragments de matériaux de construction (moellons, blocs et éclats de calcaire, particules de mortier, terre cuite architecturale). Enfin, le remplissage de plusieurs d’entre elles (761, 980, 995, 603, 703) a restitué 19 tessons de céramique, du métal, des monnaies et quelques fragments de faune.

Les couches de démolition du bâtiment C

409Plusieurs couches de gravats consécutives à l’abandon de l’édifice recouvraient les vestiges du bâtiment C. Elles étaient recoupées par les tranchées d’épierrement des maçonneries, ce qui atteste d’une récupération des matériaux de construction postérieure à l’effondrement de la toiture et des murs.

410Le sud de la pièce IV était enseveli sous une couche de gravats (981) d’environ 20 cm d’épaisseur. Une couche similaire a également été reconnue à l’extérieur de la pièce au sud-ouest du bâtiment (927). De nombreux fragments de terre cuite architecturale, des blocs et des éclats de calcaire ainsi que des particules de mortier étaient mêlés à un sédiment limono-argileux compact et hétérogène de couleur brun grisâtre. Le niveau de démolition situé à l’extérieur du bâtiment a restitué de la faune, un gond et un clou en fer, un cure-oreille en alliage cuivreux et 58 tessons de céramique.

Fig. 149 – Relevés en plan et en coupe du four 1405 : A, première passe de décapage ; B, première passe de décapage du four après la purge de la fosse 155 et relevés en plan et en coupe des poteaux associés à l’ensemble ; C, relevés en coupe

(DAO : G. Asselin, Y. Daune, Metz Métropole).

Fig. 150 – Récupération des murs de l’enclos de la pars rustica

(cliché : G. Asselin, Metz Métropole).

411D’épais niveaux de démolition étaient visibles à l’extrémité nord du bâtiment. À l’intérieur de la pièce III, une première couche était composée presque exclusivement de fragments de tegulae et d’imbrices disposés à plat (996). Ces matériaux provenant de l’effondrement de la toiture sont recouverts par une couche de blocs et moellons de calcaire pris dans une matrice argilo-limoneuse compacte et hétérogène brune (611). Ce niveau a également livré 1 clou en fer et 7 tessons.

412Des débris de pierre et de tuiles couvraient la surface située en périphérie nord du bâtiment ainsi qu’une partie de l’aire empierrée sl. 1204 (625, 610, 818, 922). Les composantes de ces niveaux sont identiques à celles observées ailleurs dans le bâtiment. Ils contiennent des matériaux de construction, notamment des moellons et blocs de calcaire associés à de nombreux fragments de tegulae et imbrices. Ces couches ont livré de la céramique, 2 fibules, 1 fût et 1 épingle en os, des scories ainsi que 15 monnaies.

413Le mobilier métallique contenu dans ces couches est abondant. Il comprenait notamment 1 clef, 1 couteau, 1 hipposandale, 1 clarine, 1 crochet et 4 clous en fer, 1 anneau, 1 tige, 1 poignée, 2 agrafes et 1 clochette en alliage cuivreux. La céramique est également représentée avec 135 fragments (32 NMI).

Fosses et fossé isolés

414Trois excavations localisées dans la pars rustica ont livré du matériel qui semble rattacher leur comblement à la période d’abandon du site. La première est une fosse, peut-être une aire de travail en relation avec un four rectangulaire. Le deuxième correspond à un fossé de drainage, tandis que la dernière a une vocation indéterminée.

415La fosse 968 possédait un creusement irrégulier doté d’un profil en cuvette et de parois évasées (9,50 x 7,20 m) (fig. 151). Le comblement était constitué d’un niveau de limon argileux gris sombre contenant des nodules de terre cuite architecturale et de mortier de tuileau. De nombreux artefacts ont été mis au jour dans le comblement : des ossements de faune, des tessons céramiques, des objets métalliques dont 1 fragment de tôle en alliage cuivreux, 5 monnaies ainsi que de nombreuses scories.

416Le fossé 1120, orienté nord-ouest - sud-est, a été reconnu sur près de 23,70 m (fig. 151). Il était comblé par un remblai à base de limon argileux comportant des inclusions de blocs calcaires, galets et terre cuite architecturale (1121). Le fossé a livré des fragments de tuiles et de céramique.

417Après l’abandon du bâtiment, la couche de démolition qui recouvrait la pièce III (611) a été percée par le creusement d’une fosse (fs. 608) de plan circulaire (1,10 m) (fig. 151). La structure était conservée sur 0,24 m de hauteur et son remplissage (609) consistait en un sédiment limono-argileux qui n’a pas livré de mobilier.

En guise de bilan pour la phase III

418Cette phase témoigne donc de la fréquentation de la villa alors qu’une partie du domaine est peut-être démantelée ou en cours de démantèlement. Quelques structures (des fosses, des trous de poteau et un foyer à vocation culinaire) renferment du mobilier de la fin de l’Antiquité tardive. Ces témoignages d’une occupation qui précèdent la ruine sont majoritairement implantés dans la partie sud de la résidence. L’hypothèse d’une rétraction de l’habitat dans le secteur balnéaire est envisageable. L’argument taphonomique pourrait être opposé à cette lecture du site, car l’état d’arasement très prononcé des maçonneries a certainement fait disparaître de nombreuses traces, notamment au nord de la demeure. Toutefois, la répartition des découvertes monétaires conforte l’idée d’un repli, car une grande proportion du numéraire tardif provient de la cour centrale, surtout de la partie sud.

RETOUR SUR LA CHRONOLOGIE

419L’analyse chronologique permet de définir trois temps dans l’histoire de la villa avec l’émergence, le développement puis la rétraction de l’établissement. La phase de développement de la demeure est longue, mais les données sont trop lacunaires pour établir un phasage plus détaillé. La définition des phases dans la construction de l’établissement repose sur l’étude du mobilier archéologique (céramiques, verre, monnaies, instrumentum) ainsi que sur des analyses (dendrochronologie, radiométrie).

420Plusieurs fosses contiennent des fragments de céramiques (bouteilles et jarres) dont la datation évoque La Tène C/D et quelques émissions monétaires gauloises signalent la fréquentation du site au ier s. av. J.-C. à moins qu’elles ne témoignent d’une utilisation longue de ces monnaies. Toutefois, rien ne semble indiquer que l’établissement romain se soit substitué à une ferme gauloise. Le premier chantier de construction se situe à charnière de l’ère et la fréquentation des lieux est attestée jusqu’au milieu du ve s.

Aux origines de la villa

421La phase I (fin du ier s. av. J.-C. – fin du ier s. apr. J.-C.) est marquée par la construction d’un bâtiment sur poteaux porteurs à deux nefs (bâtiment 1), orienté nord-sud, d’une annexe sur 6 poteaux porteurs (bâtiment 2), orienté ouest-est et d’une construction plus petite dont le plan est probablement lacunaire (bâtiment 3). Un alignement de trois fondations de pierre, deux canalisations ainsi que deux fosses isolées semblent contemporains. Au sud de l’habitat, un enclos funéraire rassemblait des sépultures secondaires à crémation et des fosses remplies de matériel, dont le statut est difficile à établir. Un sentier, composé d’une fine couche de graviers, longeait ce petit ensemble funéraire.

Fig. 151 – Relevés en plan et en coupe des fosses 968, 608 et du fossé 1120

(DAO : Y. Daune, Metz Métropole).

422Les tombes apportent les indices les plus précoces et constituent un argumentaire fort pour reconstituer la genèse de l’occupation de la villa. Deux sépultures remontent au plus tôt au dernier quart du ier s. av. J.-C., d’après les céramiques de tradition laténienne qu’elles renferment. L’enclos, qui est installé aux côtés des deux tombes, semble occupé durant tout le ier s. apr. J.-C. La présence d’une fibule complète de type gauloise (Feugère 14a) et d’un fragment d’un second objet à ressort simple, qui se rencontrent fréquemment durant la première moitié du ier s. apr. J.-C., est cohérente avec la céramique.

423Le bâtiment 1 a livré peu de mobilier. À l’exception de la fosse 1596 qui contenait de la céramique de tradition laténienne et du ier s. apr. J.-C., cet ensemble ne comporte aucun élément datant. Les observations de terrain n’ont pas permis d’affirmer leur contemporanéité avec la construction en pierre. Dès lors, nous ne pouvons écarter l’hypothèse selon laquelle ces substructions appartiendraient à une première édification de l’habitation qui aurait perduré jusqu’à la construction en pierre.

424Deux des trois plots en pierre comprenaient des formes de céramique reconnaissables. Le plot st. 51 renfermait un bol B24 et 2 fragments de panse en terra nigra du groupe lorrain, 1 panse de dolium de type Gose 356/358 et une autre de céramique non tournée de tradition laténienne. Au centre, le plot st. 1554 a permis de recueillir 5 tessons du ier s. apr. J.-C. : 1 pot à bord effilé de type P46/49 en terra nigra du groupe lorrain, 1 panse de céramique rugueuse B et une autre de dolium de type Gose 356/358. La présence d’une panse de céramique commune claire d’époque romaine dans le plot st. 99 n’entre pas en contradiction avec une datation de ce dispositif au ier s. apr. J.-C.

425La fosse 1596, associée au bâtiment 1, recoupait le fossé 2324 qui a fourni 6 tessons de céramique attribués au ier s., voire au tout début du iie s. apr. J.-C. : 1 panse de pot P54 en terra nigra du groupe lorrain, une autre de rugueuse B, 2 fragments de commune claire et 1 panse de céramique tournée de tradition laténienne.

426La datation de ce bâtiment est mal assurée, mais l’on prendra en compte trois éléments. Premièrement, les vestiges des trous de poteau apparaissaient à une cote sensiblement plus basse que les tranchées de la villa en dur. En plus de leur position relative, les unités stratigraphiques de comblement étaient relativement homogènes du point de vue de la nature et l’une d’entre elles (fs. 1596) renfermait quelques tessons de céramique gallo-romaine précoce (GR1). Enfin, comme cela a déjà été évoqué plus haut, l’ensemble funéraire localisé au sud de la villa signale la fréquentation du site dès le début de la période augustéenne et faute d’éléments plus probants, il est tentant de le mettre en relation avec l’habitation sur poteaux porteurs. L’implantation des trous de poteau au centre d’un espace qui deviendra par la suite la pièce centrale dans le programme architectural de l’époque antonine, et la surface respectable qu’ils définissent (51,50 m2), font de cet espace un bon candidat pour situer la demeure originelle ou la « proto-villa ».

427Dans le bâtiment 2, plusieurs trous de poteau présentaient des calages ou des remplissages dans lesquels de la céramique était incluse. Au total, onze tessons de céramiques ont été retrouvés dans ces comblements (303, 1747, 1826, 1835). Parmi eux, 1 panse de coupe Drag.27 en sigillée méridionale, 1 bol B1 et une panse en terra nigra du groupe lorrain, 1 panse de commune claire à pâte kaolinitique fine, 2 fragments de communes claire à pâte siliceuse, 3 autres de rugueuse B. Ils fournissent un terminus post quem de la deuxième moitié du ier s. apr. J.-C. (Deru 1996, horizon VI).

428Le bâtiment 3 était constitué de 4 trous de poteau dont trois contenaient de la céramique (tp. 17, tp. 1155, tp. 2326). La fosse st. 06 a livré des tessons qui permettent de proposer une datation durant la première phase. Le trou de poteau 17 contenait 5 tessons de céramique de tradition laténienne de la fin du ier s. av. J.-C. au début du ier s. apr. J.-C. Seuls trois tessons dans le trou de poteau 1155 permettent de discuter la datation : 1 panse de céramique fine tournée de tradition laténienne (PTB), 1 bord de jatte et 1 fond non tourné. Le mobilier de la fosse 06 confirme cette attribution chronologique avec 1 fond de céramique rugueuse B, 1 panse de céramique fine tournée de tradition laténienne et 1 anse d’amphore.

429Dans le périmètre situé à l’est du thalweg, un nombre relativement important de découvertes monétaires de datation assez haute forme un bruit de fond et atteste la fréquentation du secteur au ier s. apr. J.-C. Dans ce secteur, furent découverts deux potins leuques, un denier de César, un as d’Auguste de l’atelier de Lyon, un as de Claude frappé à Rome ainsi qu’un as de Titus provenant d’un atelier romain. Eu égard à la très faible représentation des frappes monétaires du ier s. av. J.-C. et du ier s. apr. J.-C., ce lot de monnaies constitue un indice. Les faits archéologiques rattachés à cette phase d’occupation (fs. 877, fr. 923, cn. 875) ont livré de la céramique datée du ier s. apr. J.-C. (terra nigra, commune claire et céramique de tradition laténienne).

Développement de la villa

Au iie s. apr. J.-C.

430La datation de la construction de la villa dans sa phase monumentale est ardue. L’arasement des vestiges et leur récupération à la fin du ive s., voire au ve s., ont fait disparaître les éléments datant. On soulignera la découverte d’une drachme en argent frappée en Lycie sous Trajan vers 98-99 apr. J.-C. (BMC III, 11). La monnaie était solidarisée au mortier dans les moellons à la base du mur ouest (tr. 390) de la construction initiale. Cette monnaie assez singulière dans un contexte d’habitat dans le Nord-Est de la Gaule pourrait avoir été disposée intentionnellement comme dépôt de fondation. Elle fournirait le terminus post quem de la mise en place des murs de l’habitation. Un autre indice pour dater le premier chantier de construction « en dur » au iie s. apr. J.-C. est à chercher dans les comblements des fosses à chaux. La fosse 242 comportait 13 tessons appartenant à un col de cruche/amphore de type Bliesbruck 6 datée entre le milieu du iie s. et le troisième quart du iiie s. (Baudoux 1993, p. 8-22).

431Quelques fosses localisées à l’ouest du bâtiment 1 (fs. 143) et à l’est (st. 1742) renferment des tessons du iie s. apr. J.-C. Cette dernière pose question, car elle a été interprétée comme appartenant à un point d’eau ou une fontaine (fs. 1612) dont le canal d’alimentation maçonné est pourtant creusé postérieurement, car il recoupe le mur 333 (mur ouest de l’enclos 2). On pourrait donc penser qu’un système existait déjà au iie s. Au nord de la cour, un sol de pierre (1050) appartient également à cet état.

432La cloison sur 6 poteaux (tp. 121, 123, 125, 127, 1015 et 1025) alignés au nord-est du corps de logis pourrait dater de cette période, car le trou de poteau 121 a livré une panse de gobelet engobé attribuée au iie s. apr. J.-C.

433Au centre de la cour murée (enclos 1), un niveau d’argile (891) occupe le fond du thalweg. La céramique présente dans cette couche appartient au iie s. apr. J.-C. Ce niveau comporte 27 monnaies dont sept appartiennent au ier et iie s. Si l’on analyse quantitativement ce lot, on s’aperçoit qu’il représente près du tiers des monnaies du Haut-Empire découvertes sur l’ensemble du site. On peut s’interroger ici sur la présence des monnaies plus tardives qui pourraient avoir une origine taphonomique (à moins que la méthode d’acquisition par détection n’ait occasionné des erreurs).

434La pars rustica connaît plusieurs transformations dans la seconde moitié du iie s. apr. J.-C. C’est probablement à cette période qu’il faut faire remonter la construction du bâtiment C construit sur des fondations de pierre. Les tranchées d’installation des murs au nord du bâtiment sont excavées dans la couche 997 qui a livré du mobilier en céramique des ier-iie s. apr. J.-C et qui fournit le terminus post quem de cette construction. Le comblement de deux trous de poteau qui appartiennent à l’axe faîtier de l’édifice (tp. 929-930 ; tp. 982-983) ainsi que les vestiges d’un aménagement de pierre interprété comme un séchoir ou un fumoir (fr. 788-789) contenaient de la céramique du iie s. apr. J.-C. qui pourrait avoir été piégée lors de la construction du bâtiment.

435En contrebas de ce dernier, en direction de l’ouest, une planche (1443) dont la date d’abattage est postérieure à 141 apr. J.-C. est disposée à proximité de la rive marécageuse est de la rivière afin de faciliter le cheminement. Une première cuve (cu. 1465) composée de planches abattues en 158 apr. J.-C. est mise en place. La canalisation faite de bois et d’imbrices qui la dessert est contemporaine car la planche (2073) installée au fond date de 161 ± 10 apr. J.-C. Une deuxième cuve (cu. 1962) est implantée une dizaine d’années plus tard, peu après 168 apr. J.-C. Vers les années 179-180 apr. J.-C., la fosse de surcreusement qui l’entoure est aménagée au moyen de trois planches qui permettent l’accès à la cuve (1968, 2128). Une dernière cuve recouverte par une margelle monolithique prend place au sud de la cour. Les planches qui composent son cuvelage, datées sur aubier, ont été débitées en 201 apr. J.-C. Il semble également que ce soit à cette période, vers 162 ± 10 apr. J.-C., qu’il faille faire remonter l’obstruction du puits 1450 avec des rondins de bois et des cailloux. Cette couche de cailloux (906) contenait d’ailleurs une fibule à arc semi-circulaire de type Riha 7.16-7.19 datée traditionnellement entre la deuxième moitié du ier s. apr. J.-C. et la fin du iie s. apr. J.-C.

Aux iiie et ive s. apr. J.-C.

436La chronologie de l’habitation est difficile à échafauder sur la longue durée, mais les travaux sont échelonnés puisqu’une des fosses à gâcher la chaux (fs. 1729) contenait des tessons du Bas-Empire, en particulier un bord de jatte convexe en céramique rugueuse claire et un autre en céramique tournée à dégraissant coquillier du type Alzei 28.

437Il faut faire remonter la mise en place de l’enclos 2, édifié à l’ouest du bâtiment 1, à cette phase. Les observations de terrain ont permis de montrer que la mise en place de l’enclos 2 est postérieure à la construction de la deuxième phase de construction de l’enclos 2 (superposition du tracé de la tranchée 1990 qui s’appuie sur le mur 320). Ces éléments de chronologie relative permettent de situer la construction de cet enclos maçonné au cours de cette période.

438Le mobilier en céramique découvert dans les radiers de construction du mur nord (mr. 337-339) ainsi que celui contenu dans le comblement d’une canalisation (cn. 349) associée à ce mur évoquent une datation au iiie s. apr. J.-C. La division de l’enclos 1 en deux cours distinctes (enclos 3 et enclos 4) est attribuable à cet état également. En plus des relations stratigraphiques et des recoupements (le mur nord de l’enclos 1 – mr. 1011 – est recoupé par le mur de séparation (mr. 295), orienté nord-sud, entre les cours, la présence de céramique dans les fondations du mur adjacent permet d’argumenter en faveur de cette datation (mr. 306-326). Plusieurs fosses situées à l’intérieur des enclos (fs. 1038, tp. 95, tp. 97, fs. 103) et à l’extérieur (tp. 65, tp. 57, tp. 71) dateraient du iiie s. sur la base du mobilier issu de leur comblement.

439Des transformations interviennent au niveau de la façade du bâtiment 1 (mr. 1728) avec le creusement d’une fosse. Le comblement (1926) a livré 101 tessons pour un nombre minimum de 14 individus. La céramique fine totalise 21 tessons : 10 fragments de céramique métallescente de Trèves dont 2 gobelets Nied.33 à col court (hauteur 2 cm), 5 fragments de gobelets engobés à pâte kaolinitique dont 1 bord de type Hees 3, 2 fragments de sigillée de l’Est dont 1 bord de coupelle Drag.46, 1 panse de sigillée d’Argonne et 3 panses de terra nigra du groupe lorrain. La céramique commune claire compte 55 fragments. Parmi les 53 tessons à pâte siliceuse, on dénombre 3 pots Gose 426/431. Les deux tessons à pâte kaolinitique appartiennent à une cruche à bord arrondi. Parmi les 25 fragments de céramique culinaire, on en dénombre 15 de rugueuse claire dont 1 pot Nied.90, 7 céramiques tournées à dégraissant coquillier dont 2 jattes Nied.104, 1 pot à bord éversé et 1 plat à vernis rouge pompéien mosellan. Aucune céramique rugueuse importée de l’Eifel (Allemagne) n’a été identifiée. Les productions comme les profils identifiés sont relativement homogènes et la plupart d’entre eux sont caractéristiques du dernier quart du iie s. et du iiie s. apr. J.-C. (Deru 1996, horizons IX et X). Toutefois, la présence de gobelets métallescents Nied.33 à col court permet de restreindre cette datation au début du iiie s.

440À l’intérieur du corps de logis dans la grande pièce centrale VII, deux aménagements témoignent d’une occupation au-delà de la seconde moitié du ive s. apr. J.-C. Le four 203 et la vidange de foyer fs. 203 qui lui était associée ont livré 1 bol Chenet 320 à décor de molette (groupe 1, U.C.137) en sigillée d’Argonne tardive et 2 monnaies des iiie et ive s.

441La pièce VIII dans le corps de logis est dotée d’un sol chauffant et la stratigraphie relative fait apparaître que son édification a nécessité la fusion de deux espaces anciennement séparés par un mur de cloison (pièce VIIIa et VIIIb). Lors de ces travaux, la cage d’escalier de la cave (pièce IX) est obstruée et une nouvelle entrée est réalisée depuis la galerie de façade (pièce XIII). Ces remblais ont ainsi livré 20 tessons dont 1 col de Nied.33 et 1 panse de Chenet 339a en céramique métallescente d’Argonne, 1 jatte Nied.104 et 1 plat Nied.112 en céramique rugueuse de l’Eifel (atelier d’Urmitz) ainsi qu’un fond de plat à vernis rouge pompéien mosellan tous datables du iiie s. apr. J.-C.

442Le mobilier en céramique découvert dans le remblai de l’escalier originel (1854, 1851, 1850, 1849) donne une date avancée dans le iiie s. apr. J.-C. pour ces modifications.

443L’adjonction des bains au sud de l’édifice serait postérieure à la seconde moitié du iiie s. La datation repose sur l’analyse radiométrique de deux charbons de bois (Lyon-8642, Lyon-15863) prélevés en deux points dans la couche charbonneuse basale du praefurnium. L’âge obtenu se situe entre les années 256 et 424 apr. J.-C. Cette construction engendre l’excavation de nouvelles grandes canalisations souterraines (cn. 1948/cn. 1946 depuis la pièce XIa ; cn. 225, cn. 1899 depuis la pièce XIb ; cn. 1809 depuis la pièce XVIII) permettant d’évacuer les eaux en direction du fond de thalweg par l’intermédiaire d’un collecteur (fo. 1955). Ce collecteur récupérait les eaux provenant de la cave (pièce IX) pour laquelle un nouveau drain avait été édifié (cn. 1971) en remplacement d’une construction plus ancienne (cn. 2013) partiellement bouchée qui se déversait jusqu’alors en direction de l’est dans le ruisseau. Enfin une canalisation, orientée nord-sud (cn. 2004), débouchait sur le grand collecteur. Concernant les pièces construites au nord, aucun élément ne permet de statuer. La découverte, à proximité d’une fosse à gâcher la chaux, d’un dépôt de céramiques (fs. 181) donne quelques éléments, car l’étude de son contenu permet de situer les productions à la fin du iie s. Cette fosse aurait pu être réalisée à l’occasion de transformations réalisées sur le corps de logis (voir supra, p. 65-66).

444Dans la galerie ouest, une fosse ou une cloison est installée (st. 459). Cette structure pourrait correspondre au radier d’une cloison, en partie récupérée. Elle a livré une monnaie de la fin du iiie s. apr. J.-C.

445À cette phase correspondent, nous l’avons déjà évoqué, les modifications de plan de l’enclos 1 et sa partition pour former l’enclos 3 et 4. Le sol (1865) partiellement conservé dans l’enclos 1, renfermait 126 monnaies dont 35 antoniniens ou imitations, 13 nummi et 58 aes 3, frappés sous les Valentiniens. Les objets perdus dans ce niveau devraient être représentatifs de la fréquentation du site et donner quelques éléments de chronologie. L’étude numismatique laisse apparaître que les monnaies antérieures à la période des trente tyrans peuvent être considérées comme résiduelles, en partie au moins. Ces périodes ne sont en effet représentées que par deux monnaies. Leur date de perte peut être contemporaine aussi bien des antoniniens, que des nummi ou même des aes valentiniens. Dans le cas contraire, elles signaleraient plus un passage qu’une réelle occupation. Le temps fort de l’occupation semble par conséquent principalement situé entre la fin du iiie et la fin du ive s.

446Au nord de l’enclos 1, les deux tessons, dont une panse de gobelet engobé Nied.32 du iiie s. découverts dans le four 1191 pourraient indiquer la contemporanéité avec cette phase.

447Dans l’enclos 2, à l’ouest du corps de logis, des petites constructions sur poteaux sont sans doute édifiées, notamment le bâtiment F, dont un comblement du tp. 169 comprenait un tesson de gobelet en métallescente de Trèves daté du iiie s. apr. J.-C., ce qui fournit un terminus post quem pour la datation de ce bâtiment.

  • 24  Lyon-8639, Lyon-8640.

448Au milieu du iiie s., de nouvelles modifications remarquables sont à signaler dans la zone d’exploitation. Une ou plusieurs cuves en bois sont probablement remblayées et couvertes de galets, comme en témoigne le mobilier en céramique de la couche (1242) visible au sud de l’enclos 4 (voir infra, p. 94, fig. 97A), lorsqu’un bassin est édifié. Les madriers qui tapissent le fond proviennent de fûts de sapins abattus en 241 apr. J.-C. Les argiles visant à étancher les parois latérales du bassin (887) étaient exemptes de mobilier archéologique à l’exception de 2 fibules (1 fibule à ressort de type Langton Down (Feugère 14b1a/Riha 4.4/Metzler 17/Gaspard 19a) et 1 fibule avec couvre ressort à disque médian avec rosette – type Riha 4.5/Feugère 19/Ettlinger 24/Metzler 13/Gaspar 16c) de datation très haute, probablement augustéenne ce qui indique que ce matériau de construction a été extrait dans un secteur qui était possiblement exploité de longue date. Le bâtiment C est toujours utilisé car, dans la même décennie, le système d’évacuation (cn. 1468) reliant le bâtiment à la rivière est réaménagé. Une planche composant la canalisation a été datée par dendrochronologie, sa date d’abattage est postérieure à 235 apr. J.-C. Une canalisation localisée au sud-ouest du bassin est excavée durant cette période (cn. 1422). Elle contenait des tessons de céramique de la fin du iiie s. apr. J.-C. La restructuration de la pars rustica entraîne la réfection du mur d’enclos et du plan de la cour qui est élargi et raccourci. Les trois annexes sur poteaux porteurs situées en périphérie de la cour ne sont pas datées avec précision. Deux datations radiométriques24 réalisées sur des charbons de bois issus des comblements de poteau appartenant aux bâtiments D et E fournissent toutes deux une fourchette entre 230 et 380 apr. J.-C. Les comblements des poteaux du bâtiment H (tp. 704, tp. 871 et tp. 1224) et d’une fosse située au centre de l’édifice (fs. 702) ont livré de la céramique permettant d’assurer l’appartenance de ce dernier à cette phase.

449Au sud-est de l’enclos 4, un four rectangulaire (fr. 2120-2121) et plusieurs foyers ovalaires (fy. 718, fy. 720, fy. 722, fy. 724, fy. 1318, fy. 1352, fy. 1938, fy. 2031, etc.), devancés ou non par un alandier, sont excavés dans une couche argileuse très riche en charbon de bois (894, 990, 2314). Plusieurs nummi en alliage cuivreux ont été découverts dans l’unité stratigraphique 894. L’un d’eux, dont l’émetteur demeure inconnu, a été frappé après l’an 341. Les relations stratigraphiques montrent que ce niveau recouvre une cuve en usage au iie s. apr. J.-C. Il semble difficile de statuer sur la contemporanéité absolue de tous les fours, mais sur la base du mobilier en céramique présent dans les creusements ainsi que sur le mobilier découvert dans les remplissages, on peut les attribuer au ive s. D’autant qu’une datation radiométrique (Lyon-15861) portant sur un charbon de bois extrait du comblement du four 720-721 donne un âge calibré de 358 à 532 apr. J.-C. pour sa dernière utilisation.

Abandon de la villa

450Après l’abandon de la villa, la reprise de la sédimentation d’origine alluviale ennoye lentement le thalweg. Au fond du vallon, les niveaux antiques sont recouverts par une succession de dépôts alluviaux (1247, 1978, 1248, 1246, 817). Ces formations sont essentiellement composées de limons et d’argiles sableuses brun grisâtre renfermant des galets, des particules de calcaire et des fragments de terre cuite architecturale accumulés sur plus de 1 m d’épaisseur. Trois tessons de céramique dont un pot Nied.89 ainsi qu’un fer à cheval ont été collectés dans les dépôts supérieurs (1248, 817).

451Pour quelques structures, il demeure difficile de trancher. Le bâtiment I et les fours B dans l’enclos 1 sont construits sur le tracé du canal d’amenée d’eau, ce qui semble indiquer que ce dernier était désaffecté lors de la mise en fonction des fours. Le canal (fo. 159) qui traversait la pars urbana d’ouest en est a aussi livré du mobilier céramique s’échelonnant entre le iiie et le ve s. apr. J.-C. (pied haut de gobelet en métallescente d’Argonne, bols Chenet 320 en sigillée d’Argonne tardive, bord d’Alzei 27 en rugueuse de Speicher et jattes Nied.104 en rugueuse régionale et d’Urmitz) et 4 monnaies du iiie et ive s. apr. J.-C. Dans ce cas précis, les relations stratigraphiques indiqueraient que la construction des fours est postérieure à la désaffection du système d’approvisionnement en eau de la villa ou d’une partie de celle-ci et que les foyers pourraient être postérieurs au ve s. apr. J.-C.

452Dans la cour centrale (enclos 3), une série de 81 monnaies a été mise au jour dans la couche supérieure (2). Parmi elles, on signale la présence d’un aes 4 en alliage cuivreux à l’effigie de Théodose frappé à la fin du ive s. apr. J.-C.

453Dans la cour agricole, la panse de bol Chenet 320 (molette du groupe 4, U.C.26) issue du comblement de la cuve 1471 (1472) témoigne d’un comblement autour de la fin du ive s.

454Le matériel issu de la phase de récupération des bâtiments et des équipements est peu abondant, très fragmentaire et constitué à 95 % de productions résiduelles. Le mobilier en céramique retrouvé dans les nombreuses tranchées de récupération des bâtiments s’échelonne du iie s. au ve s. Les formes de céramique les plus récentes qui permettent de préciser la période de l’abandon des bâtiments se situent dans une poignée de contexte : tr. 380 (381, 382, 383, 366), tr. 385 (386, 387, 388, 568) pour le bâtiment 1 ; cn. 1891 (1893) pour la récupération des bains en particulier ; tr. 1052 (1053) pour l’enclos 3 ; tr. 824 (825, 1317, 915) pour l’enclos 4. Quatre ensembles ont livré de la céramique permettant de préciser la chronologie de cette phase. Il s’agit, dans la résidence, de la couche de remblai qui condamne les pièces chauffées (pièce XIc, 1701, 1800, 1911). Dans l’enclos 3, le contexte clos ayant livré le lot le plus significatif se situe dans la fosse de récupération des moellons de la fontaine fs. 1612-49 et dans le comblement de la canalisation 159 (160). Dans la pars rustica, il s’agit du niveau d’abandon du bâtiment C.

455La sigillée d’Argonne, la métallescente d’Argonne et la céramique culinaire dite « rugueuse » constituent l’essentiel du mobilier issu du niveau d’abandon de la villa. Le répertoire typologique de la sigillée est assez restreint, avec une majorité de mortiers 328/330 à bandeau et de bols Chenet 320. Ces derniers sont ornés d’un décor réalisé à la molette appartenant aux groupes 2 à 5 (Hübener 1968), avec une prédominance pour le groupe 3 qui est principalement diffusé en Lorraine dans le troisième quart du ive s. apr. J.-C. (Gazenbeek à paraître). On note en revanche l’absence de plats Alzei 9/11, de sigillées d’Argonne à cœur gris et de dérivées de sigillées (dites rotbraun gestrichene Keramik), typiques des contextes du ve s. (Bet et al. 2011, p. 73). La métallescente d’Argonne, moins fréquente que la sigillée, a livré plusieurs fragments de gobelets de type Chenet 334/338. La céramique rugueuse est principalement produite dans la région ou encore importée des ateliers d’Urmitz, de Speicher et d’autres ateliers de l’Eifel non identifiés. Les importations de Mayen sont, quant à elles, plus rares. Les profils les plus fréquents sont les marmites de type Alzei 27 à lèvre moulurée et plus rarement en faucille, et des jattes Alzei 28 dont le bord ne présente pas de bourrelet externe saillant. Ainsi le matériel date du milieu ou de la deuxième moitié du ive s., avec plusieurs éléments de la première moitié du ve s. Cette datation du ve s. est confirmée par les monnaies qui comptent des émissions théodosiennes suggérant une fréquentation de la cour jusqu’au milieu de ce siècle.

INTERPRÉTATION FONCTIONNELLE DES ESPACES DE LA VILLA

456À quelques exceptions près, l’interprétation fonctionnelle des locaux appartenant aux villae romaines du Nord-Est de la Gaule est souvent impossible à livrer en raison d’un arasement prononcé des vestiges. À Grigy, le degré de conservation des bains et de la cour agricole permet d’analyser la structuration de l’espace et de comprendre le fonctionnement de certains équipements. Ce rappel des grandes lignes de l’évolution de l’établissement a pour but d’aborder l’organisation générale de la villa et la caractérisation fonctionnelle des composantes de l’habitation et des cours.

Les cours encloses

457Aucune délimitation n’a été reconnue lors de la phase I et le premier enclos maçonné (enclos 1) qui est mis en place pourrait dater du début du iie s. Il délimite une cour de 5 424 m2, tournée vers la partie agricole. Elle renferme deux petits bâtiments sur poteaux peu caractéristiques et, à l’est du ruisseau des Linières, des équipements de productions.

458Dès le iiie s., l’enclos 3 était en place. Cet espace est tourné vers le corps de logis dont il constituait une extension. Parmi les quelques aménagements synchrones identifiables, une fontaine ou un point d’eau (fs. 1612) se trouvait en position centrale. Cette construction est installée dans l’axe de la grande salle du bâtiment résidentiel. La découverte de quelques pots horticoles indique la présence de plantations d’agrément. L’un des pots, perforé avant cuisson, a été retrouvé intact, en position d’utilisation. En raison du nombre modeste d’objets découverts, la disposition des plants ne peut pas être définie. À la différence du jardin de la villa de Richebourg, où un maillage régulier de 4 x 4 m a pu être mis en évidence (Morize 2016, p. 86-87), il semble que les plantations étaient en relation avec la fontaine centrale. Le sud de l’enclos est occupé par un réseau dense de canalisations, de puisards et de fossés qui convergeaient vers un collecteur. Il recueillait et redirigeait quasiment toute l’eau usée provenant de la demeure, à l’exception de la fontaine qui avait un système d’évacuation indépendant.

459Dans l’enclos 3 toujours, plusieurs constructions (pièces XX, XXI, XIII), parfois dotées de fondations de pierre, jouxtent les parois internes ou externes des murs. La pièce XIII avec ses 7 m2 de surface au sol se rapporte probablement à un dispositif de porche. En revanche, l’insertion dans le bâti des pièces XX et XXI, entre les deux grandes composantes de la villa et relativement près de la demeure, pourrait orienter l’interprétation vers des tours dont la fonction de stockage, en particulier de céréales, a souvent été avancée (Demarez 1987 ; Ferdière 1988 ; Van Ossel 1992). Cette fonction de stockage n’est probablement pas exclusive et une exploitation des étages comme pièces d’habitation est également proposée (Pellegrino et al. 2017). Dans la pièce XX qui paraît en relation stricte avec le logis, la présence d’une large tranchée le long du mur sud signalait peut-être des latrines. Elle pourrait résulter de la spoliation des murs et d’un réservoir qui y aurait été adossé. La pièce XXI semble plutôt tournée vers la pars rustica. Bien que relativement exiguës (23 m2 et 12 m2), les surfaces sont proches de valeurs basses recensées (Pellegrino et al. 2017, p. 191) et les fondations larges et profondes de la pièce XX indiqueraient un ancrage important dans le sol laissant supposer l’existence d’un étage qui corroborerait l’hypothèse d’un bâtiment de type « tour ». Comme la majorité des tours de petite taille répertoriées par Vincenzo Pellegrino, les pièces XX et XI possèdent un plan carré et la carte de répartition des bâtiments de type tour signalent un noyau au Nord-Est de la Gaule dans lequel s’intègre Grigy (Pellegrino et al. 2017, p. 196, fig. 8).

460Dans les enclos qui sont mis en place à partir du début du iiie s apr. J.-C. (phase II, état 2), une interruption dans le mur nord de l’enclos 2 et, en position presque spéculaire, un appendice au niveau du mur sud, désignent des porches ou des accès. Les traces sont trop arasées pour pouvoir observer le système d’ouverture.

461Selon Palladius, les jardins et les vergers doivent être situés à proximité de la résidence (Palladius, Traité d’agriculture I, 34, 1). C’est l’interprétation que l’on donne à l’enclos situé à l’ouest. Ce dernier est traversé par un système d’adduction d’eau (fo. 159) dès la fin du iie s. apr. J.-C. Parmi les vestiges observables dans ce secteur fortement érodé, deux bâtiments sur quatre poteaux étaient implantés de part et d’autre de l’arrivée d’eau. Ce type de construction est généralement interprété comme grenier, mais les macrorestes végétaux sont absents des échantillons analysés. Les autres excavations relevées dans l’enclos sont peu significatives à l’exception d’un alignement de poteaux, qui forme une clôture ou une palissade au nord-est. Les indices sont ténus (adduction d’eau ? éventuel grenier ? palissade ?).

462La quatrième entité (enclos 4) était alors exclusivement dévolue aux activités de production et à l’artisanat, comme en témoignent les équipements mis en évidence (voir infra, p. 99 sqq.). La rive droite du ruisseau accueillait plusieurs aménagements, alors que la rive gauche était vierge de toute structure. Ce secteur était probablement réservé à d’autres activités, à moins que l’absence de vestiges ne soit le signe d’un milieu plus difficilement exploitable, sujet peut-être à des inondations.

La pars urbana

463Les habitations du tout début de la période romaine sont peu nombreuses et mal documentées en raison de la rareté du mobilier. Les quelques établissements connus, ceux de la ZAC Sébastopol à Metz (Laffite 1998 ; Thieriot 2005 ; Feller 2007, p. 40), des Résidences à Volstroff (Brénon et al. 2014) ou du lieu-dit la Tête d’Or à Bassing (Thomashaussen, Lafitte 2017), affichent encore des traits laténiens ; mais des caractéristiques qui prédomineront au cours des siècles suivants commencent à apparaître, notamment dans la morphologie du bâti et l’utilisation de la pierre (Nüsslein et al. 2017). Initialement, l’habitation de Grigy se présentait comme un édifice sur poteaux porteurs à deux nefs, précédé au sud d’un éventuel porche d’entrée. Sans disposer d’indice matériel, on peut penser que les cloisons et les murs périmétraux étaient réalisés en terre. Sa forme s’inscrit dans la tradition des édifices de La Tène finale et renvoie à un schéma bien connu dans les Gaules, à Villeneuve-Saint-Germain (Aisne) par exemple (Ferdière 1988), et dans la région à Liéhon (Laffite 2013). À la différence de Liéhon, aucune tranchée d’installation ou de récupération de sablière basse n’a été mise en lumière, pas plus qu’un parcellaire ou un système d’enclos fossoyé. En revanche, la surface initiale (51,75 m2) définit un bâtiment relativement modeste à l’image de ce qui a été observé à Liéhon.

464À l’aedificium sur poteaux succède une demeure à galerie de façade (Portikusvilla, corridor house, villae à galerie de façade et pavillons d’angle, etc.). Lors de sa monumentalisation, la villa de Grigy se dote d’un corps de logis nettement plus grand. Le plan régulier et symétrique définit une surface pour la résidence qui atteint 1 122 m2 (51 x 22 m). Nombreux sont les cas où les pavillons d’angles sont saillants, ce qui n’est pas le cas à Grigy. Les recherches menées dans la région à l’occasion de la rédaction de la Carte archéologique de la Gaule (Flotté, Fuchs 2004) indiquent que ce schéma architectural est, de loin, le plus répandu et près de 40 % des villae connues y auraient recouru. Cette caractéristique morphologique est commune à certaines villae de Germanie (Planck 2005, p. 41 et p. 45 ; Heimberg 2011) et de Gaule Belgique, et à nombre de petites villae à l’échelle régionale comme l’établissement du Haut de Chauffour à Belles-Forêts (Billaudeau et al. 2013). Dans la région, quelques plans de demeures partiellement fouillées apportent peu, tant ils sont lacunaires (Metz-Borny : Centre balnéaire ; Varize : clos des Mirabelliers). Le plan général de la pars urbana trouve de nombreux parallèles régionaux avec notamment la villa de la ZAC de Saule Gaillard à Frouard (Leroy 1995), celui plus ramassé de Renaucru à Maizeroy (Welter, Heppe 1906), et dans une moindre mesure le plan de la demeure du iie s. apr. J.-C. mis en évidence sur le tracé de la LGV à Bassing (Thomashausen, Laffite 2017). Le bâtiment originel de la villa de Peltre sur la RD 955 (Mamie et al. 2007) devait être comparable, mais il a connu de profondes transformations qui l’ont fait évoluer vers une forme plus complexe. Ce plan de demeure n’est pas spécifiquement employé dans les campagnes ; une fouille à Grand dans les Vosges, a permis de relever un plan identique par la forme et la taille (Gazenbeek et al. 2014). On observe une symétrie presque parfaite des pièces sur un axe longitudinal. Au centre de la demeure, plusieurs grandes pièces sont bordées par des galeries. La comparaison peut même se prolonger par la confrontation du système d’alimentation en eau. Un fossé provient de l’arrière du bâtiment et traverse la pièce centrale avant de desservir une cour intérieure.

465Un accès à la demeure se trouvait probablement dans la pièce XII où une interruption, résultant peut-être de l’arrachement d’un seuil, a été observée au sol. Toujours en façade avant, le pavillon IX abritait une cave desservie par des soupiraux. Un espace de stockage et de service était situé dans cette partie de la maison. La pièce VII pourrait être interprétée comme une salle de réception. Son implantation en position centrale, sa taille supérieure aux autres locaux et la desserte d’eau en sous-sol à partir du iie s. apr. J.-C. pourraient constituer des indices. Au nord, la présence de petits espaces (pièce IV, V, VI), nettement plus cloisonnés que les autres parties de la demeure, pourrait indiquer la présence de cubicula, mais ici encore la démonstration est impossible. Avec la pièce VIII, dotée d’un système de chauffage au sol (type FCD II, Degbomont 1984), on est tenté de décrire un triclinium, mais l’interprétation est incertaine. Seule l’importance de la pièce dans le plan et l’existence d’un système de chauffe à conduits rayonnants permettent d’individualiser cette pièce.

466Les pièces XVI et VIII situées au nord des bains étaient dotées d’un système de chauffage par le sol (type FCD II, Degbomont 1984), dans les deux cas, à conduits rayonnants. Aucun indice ne permet de fixer la chronologie du premier local, mais on sait – grâce au mobilier contenu dans le remblai d’une cage d’escalier comblée lors de la mise en place de l’hypocauste de la pièce VIII – que cet aménagement est contemporain à l’ensemble balnéaire. La pièce n’est manifestement pas alimentée en eau. On ne peut exclure que cette grande pièce chauffée ait eu une fonction de vestiaire ou d’espace d’accueil. Toutefois sa préexistence dans le plan de l’habitation et le maintien de la pièce X, qui perd dans cette hypothèse sa raison d’exister, rendent cette interprétation peu probable.

Les bains

467Le complexe de bains, situé au sud de la résidence, est plus aisément caractérisable.

468Les thermes nous sont en effet parvenus dans un état de conservation correct. La construction des piscines, des hypocaustes et des foyers avait nécessité un ancrage plus profond au sol qui les a préservés des labours et de l’érosion naturelle. Sur la base des techniques de construction, du plan des salles et des systèmes hydrauliques, le circuit des bains a été retracé (fig. 152). Le thermalisme dans la villa est une activité standardisée dont le déroulement ne diffère en rien de celui pratiqué dans les établissements publics situés en ville (Bouet 2007, p. 217 ; 2016, p. 37). Grâce à la forme des pièces et aux aménagements intérieurs, les attributs du complexe de Grigy peuvent être identifiés.

Fig. 152 – La structuration des bains : A, caractérisation fonctionnelle des espaces ; B, circuits hypothétiques ; C, gestion de l’eau

(DAO : G. Asselin, G. Brkojewitsch, Metz Métropole).

469Les fonctions des pièces de l’espace balnéaire (fig. 152, A)

Phase 1

470À l’origine, l’habitation n’était pas dotée de bains. Les transformations de l’aile sud semblent remonter à la fin du iie s., voire au début du iiie s. apr. J.-C. Ce type d’adjonction, qui s’inscrit dans une recherche de luxe et de confort, est fréquent et le plan reconnu à Grigy, parfaitement canonique. L’important complexe thermal de Liéhon a été bâti tardivement, entre le règne des Flaviens et le début de celui des Antonins dans un édifice palatial qui devait appartenir à un notable de très haut rang (Lafitte 2004). Dans la villa de Merbes-le-Château sur le territoire des Nerviens, il faut attendre le iiie s. pour que le grand complexe balnéaire soit édifié en marge du bâtiment résidentiel (Authom, Paridaens 2016, p. 354). En définitive, au nord de la Provincia, peu d’installations balnéaires sont antérieures au milieu du ier s. apr. J.-C. (Poux et al. 2011) et les villae de statut intermédiaire, comme celle de Grigy, ne s’enrichissent de ces équipements qu’à la fin du Haut-Empire.

471La pièce X se situe dans le prolongement de la galerie ouest. Son plan en « L » englobe les bains à l’ouest et au nord. Cette vaste surface de près de 30 m2 a pu servir de vestiaire (apodyterium) et d’accès à la pièce XVIII (frigidarium). Dans les bâtiments modestes, un espace peut avoir plusieurs fonctions. La position de cette pièce avant la pièce froide est un argument, car apodyteria et frigidaria sont fréquemment réunis (Bouet 2016, p. 38). Le vestiaire est assez simple, de plan rectangulaire (type 1, Bouet 2003, p. 16). La forme de la pièce XVIII avec son abside terminale au sud et sa profondeur facilite l’interprétation. L’ensemble se présentait comme une grande cuve d’environ 9 m2 dont les murs étaient appareillés au moyen de moellons en opus vittatum assez frustes. La paroi du mur était enduite d’un mortier hydraulique de teinte rosâtre et le fond était composé de sable et de cailloutis qui constituaient la fondation d’un probable sol dallé. La pièce étant alimentée en eau par deux conduites (l’une récupérant les eaux pluviales le long du mur gouttereau ouest et l’autre en provenance de haut du vallon, à l’ouest, en direction du canal principal), ce qui confirme que cet espace était consacré à la baignade froide. Typologiquement, elle se rapproche des frigidaria à piscina absidiale (type 2c, Bouet 2003, p. 29).

472La pièce XIa constitue l’espace chauffé. Entre les deux salles à exèdres, un petit local rectangulaire signale une pièce chauffée indirectement (tepidarium). Ce schéma est bien attesté, par exemple, dans les phases initiales d’activité des thermes de Saint-Mard en Seine-et-Marne (Defosse, Mathieu 1983) ou dans le complexe de Bliesbruck (Petit dir. 2000). L’espace implanté dans le prolongement axial du canal de chauffe (pièce XIa1) est assurément une salle chaude (caldarium), et il est probable qu’une baignoire (solium) était située au plus près de la chambre de chauffe. Au fond de la pièce, dans sa partie méridionale en abside, on situe une schola labri avec son système d’évacuation de l’eau qui perçait la paroi est. Une deuxième saignée se dirigeant vers un collecteur indique l’existence d’un autre point d’eau. S’il n’est pas en relation avec le drainage des eaux d’infiltration, il pourrait appartenir à une baignoire d’eau chaude localisée au plus près du foyer (solium). En effet, les fondations du canal de chauffe, qui pénétraient à l’intérieur de la pièce, ont dû servir de socle à une piscine démontée ou récupérée. Ces substructions indiqueraient l’emplacement d’une cuve (en plomb, en maçonnerie) qui expliquerait la mise en place de ces quatre piliers très puissants.

473Ce plan assez simple et commun est, en somme, comparable au caldarium de type pompéien avec la schola labri et le solium opposé (type 1a, Bouet 2003, p. 41). Cependant, une lecture différente est envisageable en supposant que l’abside accueillait un solium absidial (type 7b, Bouet 2003, p. 65). L’arasement prononcé des vestiges ne permet pas de trancher la question.

474La pièce XIb renfermait les traces de la chaufferie (praefurnium) à laquelle on accédait par une ouverture à l’est. Le système était composé d’un foyer maçonné avec une sole de tuiles en avant d’un canal de chauffe en briques posées sur chant. Le système appartient à un four de chauffage de bain de type FCB I (Degbomont 1984). C’est à cet emplacement contre le mur sud de la pièce qu’il faut restituer la chaudière.

475Dans cette première installation, l’espace des bains équivaut à 62 m2 auquel est jouxtée une chaufferie de 21 m2. La surface totale hors tout est de 83 m2.

Phase 2

476Cette phase correspond à l’agrandissement du complexe par l’adjonction d’une nouvelle pièce à l’est. Un corridor orienté sud-nord permet à présent l’accès à la chaufferie et en assure la ventilation. Sa construction implique l’arasement d’un mur afin d’introduire un deuxième canal de chauffe de la même typologie que le précédent. Dans la nouvelle pièce XIc, les tuiles constituant le fond de l’area sont conservées. Étonnamment, sans que l’on puisse donner d’explication, ce sol dessine un plan presque carré qui pourrait indiquer l’existence d’une cloison disparue (pièce XIc1). Une canalisation convergeant vers le collecteur est visible depuis cette pièce. Elle pourrait avoir été associée à une baignoire chaude. La partie située à l’est et au sud serait dès lors un local tiède (pièce XIc2). Dans cette deuxième installation, la surface des bains se porte à 106 m2 avec une surface totale de l’ensemble proche de 127 m2.

477Lors de la phase initiale, les bains sont très modestes. À l’image des bains de la villa de Charny (Yonne) proches de 40 m2 (Mallet 2006) ou de Saint-Pathus (Seine-et-Marne) avec 44 m2 (Hurard dir. 2011, p. 138), ils s’intègrent dans de petites demeures appartenant à des propriétaires aux moyens limités. En se dotant d’un circuit plus grand, d’une surface supérieure à 100 m2, les bains atteignent des dimensions comparables à des établissements plus spacieux, tels que la villa du « Nouret » de Tremblay-en-France en Seine-Saint-Denis (Duhamel et al. 1991) ou de la villa d’Arthies dans le Val-d’Oise (Lefeuvre 2014, 2015).

Schéma de circulation – type d’itinéraire (fig. 152, B)

478Malgré les incertitudes qui grèvent l’analyse, le circuit des bains peut être esquissé. Dans la phase initiale, l’accès depuis la galerie XVII est très probable. En effet, depuis ce point, le baigneur accédait par un escalier au bain froid avec sa piscina. Le circuit se poursuivait en traversant une salle à chaleur tiède puis par le caldarium avec la baignoire chaude. Ce circuit du baigneur dit rétrograde est très classique et presque inévitable dans les bains de taille modeste. Dans cette configuration, le baigneur doit nécessairement revenir sur ses pas après son passage dans le caldarium afin de retourner à son point d’origine.

479Durant la phase suivante, deux itinéraires peuvent être envisagés. Le premier (parcours 1) emprunterait un circuit circulaire et nécessiterait de passer au-dessus du couloir d’accès au praefurnium, il se terminerait par un nouveau bain tiède ou chaud. Cette hypothèse est peu probable, car il était souhaitable de terminer par une baignade dans l’eau fraîche. Un second itinéraire (parcours 2) qui, au départ de la pièce IX puis du vestibule, commencerait par les nouvelles salles chaudes (pièce XIc) et se poursuivrait par l’ancien ensemble chauffé (pièce XIa) avant de se terminer par le frigidarium. Cette deuxième hypothèse est principalement étayée par la logique du parcours. Ce deuxième schéma envisagé permettait peut-être d’emprunter un parcours plus contrasté avec un échauffement progressif se terminant par une plongée dans l’eau froide.

480Ces deux propositions semblent toutefois fragilisées par le fait qu’il faille enjamber le couloir d’accès de la salle de chauffe, ce qui paraît une pratique peu probable. En effet, la mise en place de maçonnerie dans ce couloir, même à la hauteur des niveaux de circulation de l’époque aurait été contre-productive en termes de ventilation et aurait rendu l’acheminement du charbon plus difficile. Dès lors, on doit peut-être imaginer un itinéraire rétrograde classique avec un laconicum adjacent.

La pars rustica

481L’interprétation fonctionnelle de la pars rustica sera développée en détail plus bas (voir infra, p. 203). L’organisation de la pars rustica durant la phase initiale de la villa, au ier s. apr. J.-C., est inconnue. L’hypothèse que le bâtiment 2 constitue une annexe agricole à la résidence (bâtiment 1) ne repose que sur des suppositions. Au iie s., une grande cour agricole est construite dans le cadre d’un projet architectural savamment planifié. Elle délimite une surface de 305 x 200 pedes, soit près de 5 424 m2. Les constructions sont réparties de part et d’autre du ruisseau avec à l’ouest deux bâtiments (bâtiment K et M) et, à l’est, quatre cuves (cu. 1465, cu. 1471, cu. 1488 et cu. 1965, en partie récupérée) et un puits (pt. 1450). Les bâtiments n’ont pas livré de mobilier permettant d’établir s’ils avaient une vocation agricole ou non. Dès lors, il demeure possible que les bâtiments soient en relation avec la partie résidentielle et que le tracé du ruisseau marque la limite entre la pars urbana et la partie productive de la villa. C’est toutefois à l’ouest du ruisseau qu’un nouvel enclos est implanté. Il redéfinit l’espace en divisant peu ou prou la cour existante en deux lots de surfaces analogues. La largeur de pars rustica est élargie puisqu’elle passe de 60 à 70 m. Dans ce nouveau dispositif, vient s’intégrer le bassin 826 à cheval sur le ruisseau entre le bâtiment résidentiel A et le bâtiment d’exploitation C.

Une villa au plan atypique ?

482Dans le Nord-Est de la Gaule, les plans de villae complets parvenus jusqu’à nous restent rares. La reconnaissance de l’intégralité d’un établissement et de son domaine ajoute à l’intérêt du site de Grigy. Plusieurs classements typologiques ont été ébauchés ces dernières années. Ils portent principalement sur la forme de la résidence, des pavillons des communs ainsi que sur l’organisation interne de l’établissement.

483Les classifications françaises (Gros 2006) et germaniques (Trumm 2002, p. 142-163) consacrées aux plans des bâtiments principaux se rejoignent. Deux grands types de demeures sont documentés : les plans compacts ordonnés autour d’une cour, héritier des modèles italiques (résidence sur cour centrale, Peristylvilla), et les plans linéaires qui se développent de manière symétrique (résidence longiligne simple, Rechteckbauten mit Portikus-Risalit-Front). Cette distinction typologique bien que fragile, car de nombreux plans linéaires évoluent à la faveur d’un enrichissement des propriétaires vers des plans compacts, comme à Echternach (Luxembourg) par exemple (Metzler et al. 1981), permet d’interpréter la hiérarchie sociale. Les villae du Nord-Est de la Gaule fournissent plusieurs exemples de ces deux grandes familles avec des plans compacts (Dolving, Liéhon, Peltre) et des plans linéaires (Laquenexy). La résidence de Grigy avec son plan d’habitation très canonique, empreint de symétrie, se place dans la deuxième catégorie.

484Le bâtiment des communs spacieux et complexe de type B22 avec une façade à galerie est isolé et fait face à la résidence (Ferdière et al. 2010, p. 393). L’habitation et la partie artisanale sont intégrées dans un alignement de trois cours parallélépipédiques desquelles le pavillon et les annexes sur poteaux porteurs sont exclus.

485Dans l’organisation générale des bâtiments, plusieurs gammes d’établissements sont répertoriées. Une première gamme, largement répandue dans la région, a été baptisée « villa à pavillons multiples alignés » (Ferdière et al. 2010). Cinq types ont été répertoriés selon la physionomie de la cour agricole et la répartition des pavillons. Ces villae sont répertoriées principalement dans les provinces de Gaule Belgique, de Germanie supérieure et d’Aquitaine nord-orientale. Elles pourraient trouver leurs inspirations dans les grandes fermes romaines précoces (Collart 1996). Elles sont souvent interprétées comme des exploitations tournées vers l’agriculture, mais il est fort probable que ces édifices aient eu une fonction polyvalente. Un exemple est célèbre, car il bénéficie d’une publication monographique : la villa de Hamois/Champion en Belgique. Dans la région, les villae de Liéhon (Lafitte 2003), de Bliesbruck-Reinheim (Sărăţeanu-Müller 2000), de Bertrange (Krier 2009), d’Echternach (Metzler et al. 1981) ou le petit établissement de Laquenexy (Brkojewitsch et al. 2015b) appartiennent à ce type.

486Une deuxième gamme largement diffusée en Germanie supérieure et que l’on rencontre dans la littérature allemande sous le nom de « villae rusticae » n’apparaît pas ou peu dans la région. Ces établissements se définissent par une série de bâtiments, dotés d’équipements de confort et d’annexes implantés sans logique de symétrie mais avec cependant des orientations dominantes à l’intérieur d’une grande enceinte (Trumm 2002). Il n’est pas rare de rencontrer les bains dissociés de l’habitation principale dans ce genre d’établissement.

487L’organisation interne de la villa de Grigy ne permet de classer l’établissement dans la catégorie des villae à pavillons multiples. En effet, la pseudo-résidence n’est pas située sur une aile et les bâtiments sur poteaux porteurs ne forment pas un alignement. Toutefois, une attention réelle est portée à la symétrie du projet architectural qui paraît bien planifié. En ce sens, la villa de Grigy ne rentre pas non plus dans la catégorie des villae rusticae.

488En se référant aux travaux de P. Nouvel (Nouvel 2016, p. 247-250) qui définissent la « villa à deux cours » comme modèle original d’habitation aristocratique, on notera une évolution dans l’organisation planimétrique. Dans sa phase initiale de la fin du ier s. av. J.-C., la villa de Grigy correspond à un ensemble de bâtiment sans cour (ER0). La monumentalisation à la fin du ier s., voire au début du iie s., la situe dans la catégorie des établissements ruraux à cour unique (ER2). Les modifications du plan et la restructuration de l’espace au milieu du iiie s. permettent de la classer dans les établissements ruraux à deux cours (ER3) avec une résidence longiligne simple (ER3a).

489La forme architecturale de l’établissement et de ses composantes est donc classique, mais l’organisation générale, avec l’alignement strict du logis, du bassin et de la pseudo-résidence le sont beaucoup moins. L’implantation parallèle la plus proche est localisée dans la commune de Peltre, où un établissement similaire a été fouillé. Ce village, voisin de Grigy, était occupé par trois villae dont deux s’articulaient avec des pavillons multiples alignés dans une cour agricole de plan allongé de type 1A (Ferdière et al. 2010, p. 359). La villa des Rouaux (Feller 2004) était sensiblement plus grande que celle du contournement par la RD 955 (Mamie et al. 2007) qui possédait une surface d’habitation comparable à celle de la villa de Grigy. Cette dernière est implantée sur un petit établissement romain précoce, ce qui est assez habituel pour ce type d’établissement. Dans le troisième établissement, l’orientation et la disposition des bâtiments étaient comparables à celles observées à Grigy. En effet, le complexe se déployait d’ouest en est. Trois, voire quatre cours, s’étiraient sur cet axe et englobaient un bâtiment d’habitation doté possiblement de bains dans l’aile sud et un grand bassin de 24,50 x 6 m (à quelques centimètres près identique par la taille au bassin 826). La présence d’un ruisseau à une cinquantaine de mètres au sud de l’établissement est un élément à souligner. Au titre des dissemblances, le plan de l’habitation, malgré une galerie de façade, semble beaucoup plus trapu et presque rectangulaire. Par ailleurs, deux constructions de plan carré sont interprétées comme des tour-greniers qui impliqueraient qu’une partie de l’activité du domaine était orientée vers l’agriculture. Dans l’axe de la demeure et du bassin, aucun pavillon n’est implanté dans la pars rustica, mais une construction sur fondations en pierre a, semble-t-il, été mise en évidence au nord. Beaucoup d’interrogations subsistent. L’établissement de Peltre est certes plus modeste et il est possible qu’une part importante de son économie ait reposé sur l’agriculture. Mais tant le plan que la présence de ce grand bassin invitent à rapprocher ces deux sites dont la morphologie générale est peu ordinaire à l’échelle régionale. À Peltre, le bassin a été interprété comme un vivier pour le poisson. Cette interprétation n’est pas appuyée sur des analyses bio-archéologiques (Flotté, Fuchs 2004, p. 648 ; Blaising 2005, p. 96-97). Une révision de certaines interprétations, à la lumière des résultats acquis à Grigy, pourrait apporter de nouvelles clés de lecture de plusieurs sites, dont la fonction est difficile à interpréter en raison d’une taphonomie moins favorable à la compréhension des vestiges, d’autant que la récurrence des bassins rectangulaires dans les villae de la région apparaît comme une originalité inexpliquée (Nüsslein et al. 2017). Sur le territoire des Mediomatrici et dans une moindre mesure des Leuci, les récents travaux de synthèse menés dans le cadre du projet Rurland indiquent qu’à l’instar des marqueurs communs à tous ces établissements, la présence d’un bassin est une caractéristique chez les Mediomatrici (Reddé dir. 2017). Ces bassins ont par exemple été observés au Ruisseau Saint-Pierre à Peltre (Laffite 1999 ; Flotté, Fuchs 2004, p. 647), au lieu-dit Sarrazin à Champigneulles (Geindre 1972), au lieu-dit Grosseilliers à Ville-en-Vermois (Willaume 1992, p. 92), aux Rouaux à Peltre (Feller 2004). Les bassins volumineux et barlongs, bien attestés à l’est de Metz et dans la vallée de la Sarre, sont généralement situés dans la cour de la pars urbana comme à Peltre. Une des singularités de la villa de Grigy est de renfermer un bassin qui s’inscrit dans la partie productive. À la différence des pédiluves fréquemment attestés à l’échelle régionale où une large rampe d’accès permettait au bétail de se baigner comme au Pré du Fond à Jury (Sedlbauer et al. 2019) ou au Champs des Pavots à Imling (Rohmer 2007), le bassin de Grigy n’est pas doté d’un plan d’accès incliné.

490Le corps de logis de la villa de Grigy possède un plan classique qui s’inscrit dans une tradition bien illustrée dans les provinces des Gaules. Le plan général de la villa, l’agencement de ses cours, la présence d’un grand bassin et de cuves ainsi que le report des pavillons et des annexes en périphérie de la surface enclose de la pars rustica lui confèrent un statut singulier dans le contexte régional. Cette exploitation, petite par la taille, a probablement développé une activité artisanale à assez grande échelle qui pourrait avoir constitué sa principale ressource et qui a nécessité un programme architectural spécifique. Il convient donc d’examiner, à l’aune des résultats de la fouille et des analyses, quelles étaient les ressources de cet établissement.

Notes

3  Étude réalisée lors du diagnostic archéologique par Carola Berzin.

4  Suivant la typologie de Chenet 1941.

5  sp. 1 à 6.

6  st. 7 à 12.

7  st. 13 à 18.

8  fs. 19.

9  st. 20 à 22.

10  sp. 1 et 2

11  st. 13, st. 9, st. 17, fs. 19, sp. 3, sp. 4, st. 12, st. 15, st. 14.

12  sp. 6, st. 10 à 12 et st. 22.

13  sp. 1 et 2, st. 13, st. 9, sp. 3 et 4, st. 14.

14  Un spectre anthracologique est l’expression en diagramme de la fréquence relative de chaque taxon par rapport au nombre total des charbons dans l’échantillon ou unité stratigraphique examinée. Il représente, bien que de manière distordue, la végétation ligneuse autour du site durant l’époque étudiée. Il nous permet ainsi d’essayer de reconstruire l’ancien paysage végétal (Chabal 1997, p. 42).

15  Céramique protohistorique tournée fine et cuite en mode B, dite proto-terra nigra : PTB/PTN (Deru dir. 2014, p. 186-191).

16  Identification typologique rendue possible grâce à la présence de fragments de cols retrouvés en surface, notamment à proximité de la sépulture 5.

17  Du nord au sud : pièce IVb, pièce IVc, pièce IVa, pièce V, pièce VI, pièce VII, pièce VIIIa et pièce VIIIb.

18  fy. 1318, fy. 718, fy. 720, fy. 722, fy. 2031, fy. 1938, fy. 1352 et fy. 724.

19  fy. 1352, fy. 1354 et fy. 2031.

20  fy. 718, fy. 720 et fy. 1318.

21  fy. 722, fy. 724, fy. 923 et fy. 1938.

22  fr. 2120.

23  tp. 1668, tp. 1670, tp. 1672, tp. 1674, tp. 1676, tp. 1678.

24  Lyon-8639, Lyon-8640.

Table des illustrations

Titre Fig. 11 – Trame viaire au sud-est de Metz/ Divodurum (DAO : Y. Daune, Metz Métropole).
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 293k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 89k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 106k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 88k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 50k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 47k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 48k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 47k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 69k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 63k
Titre Fig. 21 – Relevés en plan et en coupe des sépultures 3 à 6 (DAO : Y. Daune, S. Marquié, F. Vorreux, Metz Métropole).
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 74k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 42k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 37k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-14.jpg
Fichier image/jpeg, 58k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-15.jpg
Fichier image/jpeg, 41k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-16.jpg
Fichier image/jpeg, 105k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-17.jpg
Fichier image/jpeg, 77k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-18.jpg
Fichier image/jpeg, 52k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-19.jpg
Fichier image/jpeg, 113k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-20.jpg
Fichier image/jpeg, 94k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-21.jpg
Fichier image/jpeg, 104k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-22.jpg
Fichier image/jpeg, 81k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-23.jpg
Fichier image/jpeg, 76k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-24.jpg
Fichier image/jpeg, 74k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-25.jpg
Fichier image/jpeg, 106k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-26.jpg
Fichier image/jpeg, 65k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-27.jpg
Fichier image/jpeg, 49k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-28.jpg
Fichier image/jpeg, 85k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-29.jpg
Fichier image/jpeg, 40k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-30.jpg
Fichier image/jpeg, 59k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-31.jpg
Fichier image/jpeg, 98k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-32.jpg
Fichier image/jpeg, 63k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-33.jpg
Fichier image/jpeg, 104k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-34.jpg
Fichier image/jpeg, 212k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-35.jpg
Fichier image/jpeg, 67k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-36.jpg
Fichier image/jpeg, 41k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-37.jpg
Fichier image/jpeg, 67k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-38.jpg
Fichier image/jpeg, 122k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-39.jpg
Fichier image/jpeg, 77k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-40.jpg
Fichier image/jpeg, 65k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-41.jpg
Fichier image/jpeg, 23k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-42.jpg
Fichier image/jpeg, 109k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-43.jpg
Fichier image/jpeg, 80k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-44.jpg
Fichier image/jpeg, 66k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-45.jpg
Fichier image/jpeg, 103k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-46.jpg
Fichier image/jpeg, 84k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-47.jpg
Fichier image/jpeg, 46k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-48.jpg
Fichier image/jpeg, 124k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-49.jpg
Fichier image/jpeg, 130k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-50.jpg
Fichier image/jpeg, 38k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-51.jpg
Fichier image/jpeg, 85k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-52.jpg
Fichier image/jpeg, 52k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-53.jpg
Fichier image/jpeg, 89k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-54.jpg
Fichier image/jpeg, 89k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-55.jpg
Fichier image/jpeg, 36k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-56.jpg
Fichier image/jpeg, 38k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-57.jpg
Fichier image/jpeg, 38k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-58.jpg
Fichier image/jpeg, 102k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-59.jpg
Fichier image/jpeg, 39k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-60.jpg
Fichier image/jpeg, 69k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-61.jpg
Fichier image/jpeg, 51k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-62.jpg
Fichier image/jpeg, 46k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-63.jpg
Fichier image/jpeg, 62k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-64.jpg
Fichier image/jpeg, 41k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-65.jpg
Fichier image/jpeg, 33k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-66.jpg
Fichier image/jpeg, 56k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-67.jpg
Fichier image/jpeg, 40k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-68.jpg
Fichier image/jpeg, 61k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-69.jpg
Fichier image/jpeg, 117k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-70.jpg
Fichier image/jpeg, 37k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-71.jpg
Fichier image/jpeg, 129k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-72.jpg
Fichier image/jpeg, 51k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-73.jpg
Fichier image/jpeg, 99k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-74.jpg
Fichier image/jpeg, 90k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-75.jpg
Fichier image/jpeg, 62k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-76.jpg
Fichier image/jpeg, 120k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-77.jpg
Fichier image/jpeg, 122k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-78.jpg
Fichier image/jpeg, 41k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-79.jpg
Fichier image/jpeg, 58k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-80.jpg
Fichier image/jpeg, 38k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-81.jpg
Fichier image/jpeg, 201k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-82.jpg
Fichier image/jpeg, 90k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-83.jpg
Fichier image/jpeg, 207k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-84.jpg
Fichier image/jpeg, 138k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-85.jpg
Fichier image/jpeg, 33k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-86.jpg
Fichier image/jpeg, 129k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-87.jpg
Fichier image/jpeg, 177k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-88.jpg
Fichier image/jpeg, 181k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-89.jpg
Fichier image/jpeg, 52k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-90.jpg
Fichier image/jpeg, 44k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-91.jpg
Fichier image/jpeg, 186k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-92.jpg
Fichier image/jpeg, 21k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-93.jpg
Fichier image/jpeg, 44k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-94.jpg
Fichier image/jpeg, 39k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-95.jpg
Fichier image/jpeg, 149k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-96.jpg
Fichier image/jpeg, 37k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-97.jpg
Fichier image/jpeg, 51k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-98.jpg
Fichier image/jpeg, 17k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-99.jpg
Fichier image/jpeg, 56k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-100.jpg
Fichier image/jpeg, 54k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-101.jpg
Fichier image/jpeg, 46k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-102.jpg
Fichier image/jpeg, 117k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-103.jpg
Fichier image/jpeg, 28k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-104.jpg
Fichier image/jpeg, 27k
Titre Fig. 114 – A, présentation des deux séries de cernes provenant de la cuve 1465, datées en position synchrone (A) et de la courbe moyenne en position synchrone avec la courbe de référence du département de la Moselle (B) ; B, résultats des corrélations dendrochronologiques des bois de la cuve 1465. THO : T.test 1 (Transformation selon Hollstein 1980) ; TBP : T.test 2 (Transformation selon Baillie, Pilcher 1973) ; C, présentation des six séries de cernes provenant de la canalisation 2029 (2073) datées en position synchrone (A) et de la courbe moyenne en position synchrone avec la courbe de référence du département de la Moselle (B) ; D, résultats des corrélations dendrochronologiques des bois (2073) de la canalisation 2029. THO : T.test 1 (Transformation selon Hollstein 1980) ; TBP : T.test 2 (DAO : W. Tegel, Institut des sciences de la forêt).
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-105.jpg
Fichier image/jpeg, 80k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-106.jpg
Fichier image/jpeg, 97k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-107.jpg
Fichier image/jpeg, 91k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-108.jpg
Fichier image/jpeg, 83k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-109.jpg
Fichier image/jpeg, 56k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-110.jpg
Fichier image/jpeg, 114k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-111.jpg
Fichier image/jpeg, 22k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-112.jpg
Fichier image/jpeg, 119k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-113.jpg
Fichier image/jpeg, 101k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-114.jpg
Fichier image/jpeg, 40k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-115.jpg
Fichier image/jpeg, 54k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-116.jpg
Fichier image/jpeg, 35k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-117.jpg
Fichier image/jpeg, 155k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-118.jpg
Fichier image/jpeg, 34k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-119.jpg
Fichier image/jpeg, 38k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-120.jpg
Fichier image/jpeg, 77k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-121.jpg
Fichier image/jpeg, 176k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-122.jpg
Fichier image/jpeg, 87k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-123.jpg
Fichier image/jpeg, 133k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-124.jpg
Fichier image/jpeg, 160k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-125.jpg
Fichier image/jpeg, 81k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-126.jpg
Fichier image/jpeg, 35k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-127.jpg
Fichier image/jpeg, 91k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-128.jpg
Fichier image/jpeg, 130k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-129.jpg
Fichier image/jpeg, 49k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-130.jpg
Fichier image/jpeg, 60k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-131.jpg
Fichier image/jpeg, 134k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-132.jpg
Fichier image/jpeg, 184k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-133.jpg
Fichier image/jpeg, 63k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-134.jpg
Fichier image/jpeg, 175k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-135.jpg
Fichier image/jpeg, 40k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-136.jpg
Fichier image/jpeg, 55k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-137.jpg
Fichier image/jpeg, 81k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-138.jpg
Fichier image/jpeg, 29k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-139.jpg
Fichier image/jpeg, 47k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-140.jpg
Fichier image/jpeg, 127k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-141.jpg
Fichier image/jpeg, 39k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-142.jpg
Fichier image/jpeg, 82k
URL http://books.openedition.org/editionscnrs/docannexe/image/46550/img-143.jpg
Fichier image/jpeg, 132k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search