Version classiqueVersion mobile

Archéologie des enceintes urbaines et de leurs abords en Lorraine et en Alsace (XIIe-XVe siècle)

 | 
Yves Henigfeld
, 
Amaury Masquilier

Études monographiques

Saint-Avold (Moselle)

Laurent Gébus et Philippe Kuchler

Texte intégral

1. PRÉSENTATION GÉNÉRALE ET ÉTAT DE LA RECHERCHE

1.1. Contexte géographique et géologique

1La ville de Saint-Avold est située à 40 km à l’est de Metz, sur la rive méridionale de la Rosselle canalisée en souterrain dans les années 1970. Elle est implantée sur une formation du Trias inférieur constituée de grès à Voltzia d’une épaisseur de 20 m et surplombée par le plateau lorrain qui culmine, aux abords de l’agglomération, à 327 m d’altitude. Le secteur intra muros s’élève, quant à lui, à une hauteur comprise entre 245,88 et 248,57 m NGF (fig. 146).

1.2. Historique des recherches

2Les premières études sur les fortifications de Saint-Avold, souvent anciennes, sont l’œuvre d’érudits locaux qui abordent ce sujet dans des ouvrages monographiques à caractère historique (Bronder, 1868 ; Henrion, 1974 ; Eckert, Maurer, 1976-1977). Il faut attendre le milieu des années 1990 pour que des chercheurs s’intéressent de nouveau à la topographie historique de cette ville, avec, parfois, une approche critique des sources archivistiques et archéologiques (Gabriel, 1993 ; Prévot, 1996). Très récemment, la question de l’enceinte urbaine de Saint-Avold a été évoquée dans une thèse d’habilitation à diriger des recherches, notamment par la présentation d’un plan inédit de son tracé, réalisé à partir du cadastre napoléonien (Giuliato, 2006 : atlas).

1.3. État des connaissances

1.3.1. La fondation de la ville

3La création de la ville de Saint-Avold remonte au vie siècle et serait liée à l’édification, par saint Fridolin, d’un oratoire dédié à saint Hilaire. Ce dernier est transformé vers 740 par l’évêque de Metz saint Sigebeaud en monastère bénédictin qui prend le nom de Saint-Nabord (devenu par altération Saint-Avold) suite au dépôt, en 765, de reliques du saint par Chrodegang. De même que la ville, cet établissement religieux dépend de la seigneurie épiscopale de Metz.

1.3.2. L’enceinte urbaine290

  • 290 Nous tenons à remercier Gérard Giuliato pour sa participation à la rédaction de ce chapitre.

4Si l’on se réfère à la chronique des évêques de Metz, le bourg abbatial n’est fortifié que tardivement, sous l’impulsion d’Adhémar de Monteil (1327-1361) (Wolfram, 1898 : 326). Cet évêque messin est également à l’initiative de la création, en 1331, de l’enceinte urbaine de Nomeny, qui demeure ainsi l’élément de comparaison le plus pertinent pour l’étude des fortifications de Saint-Avold (Giuliato, 1993a : 143). Un acte de 1360 mentionne, par ailleurs, que le prélat avait accordé depuis longtemps aux bourgeois le droit de percevoir des péages et des droits de douane pour payer la construction, l’entretien et la garde de l’enceinte : “l’avez fait environner de tous côtés d’un mur épais, de fortes tours et de profonds fossés, avec de grands travaux, dépenses et déboursés” (Bronder, 1868 : 31).

5Un plan de la ville au xvie siècle, publié en 1974 par L. Henrion, représente Saint-Avold ceinturée d’une muraille devancée par un fossé (fig. 147). D’une longueur d’environ 1 340 m, la courtine est flanquée d’une douzaine de tours dont quatre ont été localisées : le Bleythurm en I, le Thurm hinder dem Spithal en H, le Harfenthurm en A et le Lanterthurm ou tour du Lanter en J. Les noms des autres tours sont connus, mais leur localisation reste incertaine : le Posterthurm, le Calekthurm, le Predigerthurm, le Grossthurm, le Kœnigsthurm, le Hartthurm et le Chacherwirrichsthurm. Quatre portes principales au nom des quatre évangélistes permettent d’accéder à la ville : la porte de Hombourg ou Saint-Marc à l’est, la porte de Longeville ou Saint-Luc à l’ouest, la porte du Nord ou Saint-Jean au nord et la porte du Couvent ou Saint-Matthieu au sud.

Fig. 146. Saint-Avold. Contexte géographique, échelle 1/25 000. DAO : H. Duval/INRAP.

6Actuellement, il ne subsiste que deux tours localisées rue de la Montagne (le Lanterthurm) et au niveau du passage des Poilus (le Predigerthurm ?). Quelques segments de la courtine médiévale sont également visibles entre le groupe scolaire P. Frisch et ce même passage, ainsi que le long des rues du Général-de-Gaulle et de la Montagne (fig. 148 et 149) (Eckert, Maurer, 1976-1977 : vol. 1, 33).

Fig. 147. Saint-Avold. Localisation de la fouille de la rue de la Montagne sur le plan schématique de la ville au xvi e  siècle, sans échelle, d’après HENRION, 1974. DAO : H. Duval, Ph. Kuchler/INRAP.

7Le démantèlement des fortifications débute dès le xviie siècle, pendant la guerre de Trente Ans, avec deux attaques menées, en 1636, par le cardinal de la Valette et, en 1639, par les troupes du duc de Lorraine Charles IV. Parallèlement, Mgr de Phalsbourg donne, le 4 mai 1631, l’autorisation aux religieuses de l’Annonciation d’appuyer la charpente de leur maison contre l’enceinte (Henrion, 1974 : 9). Mais ce n’est qu’au début du xviiie siècle, sous le règne de Stanislas Leszczynski, que l’enceinte urbaine est totalement abandonnée. Les portes de Longeville et de Hombourg sont notamment détruites en 1730 (Bronder, 1868 : 59).

2. LES TRAVAUX RÉCENTS

8Les recherches récentes sur l’enceinte urbaine de Saint-Avold se limitent aux interventions archéologiques réalisées aux abords de la rue de la Montagne entre 1995 et 1999 (fig. 149 à 151).

2.1. Les fouilles archéologiques de la rue de la montagne

2.1.1. Présentation du site

2.1.1.1 Circonstances des interventions

9L’ensemble des interventions de reconnaissance archéologique a été motivé par un projet municipal de réaménagement et de construction d’immeubles d’habitation affectés au Foyer du Mineur et du Combattant.

10La première opération archéologique a été réalisée en 1995 sous les responsabilités de V. Blouet (SRA de Lorraine) et de N. Meyer (AFAN). Il s’agit de sondages du bâti, préalables à la démolition des habitations, qui ont permis d’observer des portions de la courtine médiévale sur les façades arrière de quatre maisons et de confirmer la présence, à cet endroit, de la tour du Lanter (Blouet, 1997 ; Meyer, 1997a). Une opération de diagnostic a été menée la même année par P. Thion (SRA de Lorraine). Elle a révélé la présence d’un mur d’enceinte conservé sur deux assises et précédé de deux fossés défensifs (Thion, 1997d).

  • 291 Responsable d’opération : L. Gébus (Kuchler, Gébus, 2002).

11Au vu de ce résultat positif, une première fouille d’archéologie préventive, prescrite par l’État (SRA Lorraine, 1996), a permis de reconnaître, sur une importante superficie, cinq segments du mur d’enceinte et un fossé double. Cette fouille a été immédiatement suivie par une étude archéologique des élévations291. Celle-ci a contribué à apporter des informations sur l’agencement interne et externe de la tour du Lanter, grâce à une couverture photographique (fig. 152 à 154), un relevé des niveaux (fig. 155) et un autre relevé pierre à pierre des quatre façades du monument (fig. 156).

  • 292 Responsable d’opération : Ph. Kuchler (Kuchler, Gébus, 2002).

12De nouveaux sondages de diagnostic réalisés, en 1999, en raison de l’extension, plus à l’ouest, du projet immobilier (Gébus, 2003a), ont permis de repérer le développement des deux fossés bordant la courtine encore partiellement en élévation dans ce secteur. Les résultats à nouveau positifs de cette opération archéologique ont conduit à la fouille exhaustive de la zone d’emprise des bâtiments à construire, laquelle a confirmé la présence des deux fossés sur la totalité du site292.

13Des travaux de destruction ou de terrassement récents ont oblitéré les vestiges archéologiques. Ainsi, un segment de la courtine a-t-il été démantelé sans surveillance archéologique lors de la démolition, dans les années 1960, de maisons d’habitation sises à l’est de la rue de la Montagne. De même, la partie occidentale de la zone fouillée en 1996 a été décaissée sans autorisation et en l’absence des archéologues sur une superficie de 275 m2 peu de temps avant l’opération, entraînant la destruction du mur d’enceinte sur une longueur de 26 m et des deux fossés défensifs (fig. 150).

Fig. 148. Saint-Avold. Proposition de tracé de l’enceinte sur fond de plan cadastral napoléonien, d’après le plan de la ville au xvi e  siècle, échelle 1/2 500. 1. Porte de Longeville ou Saint-Luc ; 2. Bleythurm ; 3. Lanterthurm ; 4. Harfenthurm ; 5. Porte du Couvent ou Saint-Matthieu ; 6. Porte de Hombourg ou Saint-Marc ; 7. Porte du Nord ou Saint-Jean ; 8. Thurm hinder dem Spithal. DAO : H. Duval, Ph. Kuchler / INRAP.

Fig. 149. Saint-Avold. Proposition de tracé de l’enceinte sur fond de plan cadastral actuel, d’après le plan de la ville au xvi e  siècle, échelle 1/5 000. DAO : H. Duval, Ph. Kuchler/INRAP.

Fig. 150. Saint-Avold. Rue de la Montagne. Localisation et restitution du système défensif, échelle 1/750. Relevés : L. Gébus, Ph. Kuchler ; DAO : H. Duval/INRAP.

Fig. 151. Saint-Avold. Rue de la Montagne. Profil nord-sud relevé en 2005 au niveau de la tour du Lanter, échelle 1/400. DAO : H. Duval, Ph. Kuchler/INRAP.

2.1.1.2. Localisation

14Le site se développe sur une superficie d’environ 2 000 m2. Le secteur concerné par le projet immobilier est localisé dans la partie méridionale de la ville, en contrebas d’un promontoire rocheux longé par le chemin Mahon. Il est délimité au nord par la rue de la Montagne (fig. 151). Le terrain accuse une pente prononcée du sud vers le nord, proche de 4 % (entre les cotes de 241, 50 et 249,70 m NGF), mais également d’est en ouest (de 248,57 à 245,94 m NGF pour la zone orientale). Ce cadre naturel particulier a sans doute influé sur la mise en œuvre d’un système défensif original dans ce secteur de la ville.

2.1.1.3. Types de vestiges observés et nombre de phases identifiées

15Les différentes opérations archéologiques ont montré que le front sud de l’enceinte urbaine de Saint-Avold est composé d’une courtine flanquée à l’ouest d’une tour saillante de plan quadrangulaire (la tour du Lanter), devancée par une fausse-braie. Ces maçonneries sont précédées par un système de fossé double. Il semble que l’ensemble du système défensif ait été établi en une seule campagne de construction, vraisemblablement contemporaine de l’édification de l’enceinte de Saint-Avold sous l’épiscopat de l’évêque de Metz Adhémar de Monteil (1327-1361), avant 1360.

2.1.2. Le front sud de l’enceinte : un système défensif complexe construit en une seule phase ?

- La courtine

16D’une épaisseur estimée à 1,80 m, la courtine a été observée à l’ouest de la tour du Lanter sur une longueur de 28 m et sur une hauteur maximale de 6,50 m (fig. 152). Ses fondations reposent directement sur la roche. Son parement extérieur est constitué de blocs de grès jaune (40 x 30 cm en moyenne) montés en moyen appareil à assises régulières (fig. 154).

- La fausse-braie

17D’une épaisseur moyenne d’un mètre, le mur de fausse-braie a été observé sur cinq segments, soit sur une longueur approximative de 100 m. Orienté selon un axe nord-est/sud-ouest, il marque un angle de 90 o au droit de la tour du Lanter. Conservé sur une hauteur maximale de 1,30 m, cet ouvrage défensif avancé est composé de blocs appareillés de calcaire blanc, ébauchés et liés avec du mortier de chaux sablo-caillouteux rose. Un ressaut (de fondation ?) ménage un retrait du parement sur une largeur de 16 cm. Entièrement récupérée dans sa partie médiane sur une longueur de 12,50 m, la fausse-braie prend ici la forme d’une tranchée comblée par des limons très sableux de couleur beige, incluant des fragments de mortier et des cailloux calcaires.

- La tour du Lanter

18 Les données structurelles. La tour du Lanter, de plan quadrangulaire, mesure environ 6 m de côté pour une hauteur maximale conservée de 9,60 m. Sa jonction avec la courtine est encore visible sur la face ouest (fig. 153). Malgré de nombreuses modifications structurelles, trois niveaux ont toutefois pu être déterminés. L’épaisseur des murs varie entre 1,70 m au premier niveau et 40 cm au dernier niveau.

Fig. 152. Saint-Avold. Rue de la Montagne. Vue d’ensemble de la courtine conservée à l’ouest de la tour du Lanter, prise du sud. Cliché : D. Bastien © Inventaire Général de Lorraine (n o  95 57 1894VA).

Fig. 153. Saint-Avold. Rue de la Montagne. Vue d’ensemble de la jonction entre la courtine et la tour du Lanter, prise du sud-ouest. Cliché : D. Bastien © Inventaire Général de Lorraine (n o  95 57 1897VA).

Fig. 154. Saint-Avold. Rue de la Montagne. Détail de la courtine conservée à l’ouest de la tour du Lanter. Cliché : D. Bastien © Inventaire Général de Lorraine (n o  95 57 1895 VA).

19À l’extérieur, la tour a été remblayée au contact des élévations est et sud sur une hauteur de 2,40 m lors de la création, à l’époque contemporaine, de terrasses superposées pour la mise en culture des parcelles. Le deuxième niveau se développe sur une hauteur de 3 m, entre le seuil d’une porte et un décrochement de la façade visibles sur le côté nord.

20À l’intérieur, la pièce unique couvre, au premier niveau, une superficie de 10 m2, le plancher de l’étage supérieur se situant à 2,80 m du sol (fig. 155). Lors de l’étude archéologique des élévations en 1996, elle était utilisée comme cave. Au deuxième niveau, la pièce, de plan carré et d’une hauteur sous plafond de 2,20 m, est plus vaste (25 m2) en raison de l’amincissement des murs sur une épaisseur d’environ 1 m. Le retrait a permis, notamment, d’asseoir aisément des poutres de rives destinées à recevoir le plancher. Aucune observation archéologique n’a été réalisée au dernier niveau pour des raisons de sécurité. Toutefois, la superficie de la pièce a pu être estimée aux alentours de 34 m2.

21 Les matériaux de construction et leur mise en œuvre. Deux types d’appareil distincts ont été mis en œuvre pour la construction des parements externes du premier édifice (fig. 156). Les parties non visibles à l’origine, puisque dissimulées par la courtine ou enterrées, sont traitées en blocs de grès de taille variable disposés sans agencement défini et liés avec du mortier de chaux (face nord, premier et deuxième niveaux ; face ouest, premier niveau). Les parties visibles sont soigneusement montées en moyen appareil assisé de blocs de grès d’un module compris entre 70 x 30 m et 26 x 24 cm (face ouest, premier niveau, faces sud, est et ouest, deuxième niveau et face nord, troisième niveau). Sur le côté nord, ce bel appareil n’est perceptible qu’au sommet du bâtiment, ce qui permet d’estimer la hauteur initiale de la courtine à 8,50 m.

22Une seule phase de reconstruction a été observée au dernier niveau, sur les côtés est, nord et sud du monument. Elle est matérialisée par un blocage de pierres calcaires et de grès liées avec du mortier fin de couleur rose. Cette restauration partielle résulte, sans doute, d’un effondrement, à une période indéterminée, du sommet de l’édifice.

23 Les aménagements spécifiques. Dix ouvertures ont été observées sur l’ensemble du bâtiment. Seules deux d’entre elles semblent d’origine. Il s’agit de deux portes aménagées sur la face nord, c’est-à-dire côté ville. Établie au premier niveau, la première mesure 92 cm de large et 1,56 m de haut. Visible au deuxième niveau, la seconde, d’une largeur de 60 cm et d’une hauteur de 2,20 m, est munie d’un seuil et de trois marches en grès, ainsi que d’un linteau consolidé récemment par des briques et du ciment. Cette porte permettait la communication entre la courtine et la tour.

24Une canonnière a été percée ultérieurement à la base de la face ouest après le dégagement partiel des fondations. D’une largeur de 44 cm et d’une hauteur de 60 cm, elle est encadrée par des blocs de grès.

25La couverture originelle reste inconnue en raison de transformations récentes.

- Les fossés

26Un système de deux fossés parallèles (fossés nord et sud) a été observé sur l’ensemble du site, soit sur une longueur supérieure à 120 m. À l’ouest, leur tracé suit l’inflexion de la courtine. Le fossé nord est directement accolé à la fausse-braie, alors que le fossé sud se trouve à environ 11 m de celle-ci. Les deux fossés sont séparés par un terre-plein de 7 m de large. De même que le terrain, leur déclivité importante est comprise entre 2,1 et 2,63 % dans la zone fouillée en 1996. Cette pente semble s’accentuer à l’ouest de la tour du Lanter, où elle atteint près de 20 %. À cet endroit se développe, sur la plateforme entre les deux fossés, un remblai d’occupation (fig. 157, coupe 1, US 3022) à dominante sableuse de couleur marron clair contenant des graviers, des nodules de grès, quelques galets et un peu de faune.

27 Le fossé nord. D’une profondeur comprise entre 1 et 1,25 m, ce premier fossé se développe sur une largeur à l’ouverture comprise entre 3,80 (fouille 1996) et 5 m environ (fouille 1999). Il dessine un profil en cuvette, aux parois évasées et au fond relativement plat. Son remplissage, assez homogène, est matérialisé par une succession de couches à dominante limono-sableuse de couleur marron contenant quelques matériaux de construction dont des nodules de terre cuite et des fragments de pierre calcaire. L’absence de dépôt organique à sa base permet d’avancer l’hypothèse d’un fossé sec. Le comblement supérieur, en limite orientale du fossé, est caractérisé par des inclusions importantes de blocs calcaires et gréseux, mêlées à des débris de mortier identique au liant utilisé pour le mur de fausse-braie : il résulte donc du démantèlement de l’ouvrage avancé. La nature de la sédimentation permet d’entrevoir un comblement rapide du fossé avec des matériaux propres.

28 Le fossé sud. D’une profondeur comprise entre 0,70 et 1,30 m, ce second fossé se développe sur une largeur à l’ouverture comprise entre 2,17 (fouille 1999) et 4,20 m (fouille 1996). Il dessine un profil en cuvette, aux parois évasées et à fond plat, à l’est, ou concave, à l’ouest (fig. 158). Son remplissage résulte d’une accumulation de sédiments à matrice sableuse incluant des graviers, quelques matériaux de construction et un peu de faune. De même que le précédent, ce fossé ne contient ni matériel archéologique, ni trace de dépôt particulier qui auraient permis d’identifier sa mise en eau.

Fig. 155. Saint-Avold. Rue de la Montagne. Plans de la tour du Lanter, échelle 1/100. Relevés et mise au net : Ch. Faye, L. Gébus, J.-D. Lafitte ; DAO : H. Duval/INRAP.

Fig. 156. Saint-Avold. Rue de la Montagne. Élévations de la tour du Lanter, échelle 1/150. Relevés et mise au net : Ch. Faye, L. Gébus, J.-D. Lafitte ; DAO : H. Duval/INRAP.

29Ces fossés sont scellés par un apport sédimentaire anthropique (fig. 157, coupe 1, US 3021) qui témoigne de la volonté d’assainir le terrain après le démantèlement de l’enceinte et antérieurement à la transformation du site en jardins.

- Les indices de datation

30Les critères de datation reposent uniquement sur l’étude des sources écrites. En effet, aucun élément archéologique de datation ne peut être avancé, mis à part la canonnière qui peut être attribuée au xve-xvie siècle. Ainsi, la contemporanéité entre la courtine et la fausse-braie, tout comme celle entre les deux fossés, n’est pas assurée. Toutefois, il semble vraisemblable, comme le montre l’étude de la stratification, que le fossé nord ait été établi en même temps que le mur de fausse-braie. De même, l’absence d’un fossé au contact de la courtine plaide pour la simultanéité de construction des deux murs d’enceinte.

Conclusion

31Les opérations d’archéologie préventive réalisées le long de la rue de la Montagne ont permis de mettre en évidence un système défensif complexe sur le flanc sud de l’enceinte urbaine de Saint-Avold. Celui-ci est formé par une courtine devancée par un mur de fausse-braie, lui-même précédé de deux fossés parallèles. Datées par les textes vers le milieu du xive siècle, les fortifications sont figurées de manière schématique sur un plan tardif du xvie siècle par un double trait représentant sans doute les deux murs.

Fig. 157. Saint-Avold. Rue de la Montagne (fouille 1999). Coupes 1 et 3 (localisation fig. 150), échelle 1/100. Relevés L. Gébus et Ph. Kuchler ; DAO : H. Duval/INRAP.

Fig. 158. Saint-Avold. Rue de la Montagne (fouille 1996). Coupe du fossé sud. Cliché : L. Gébus/INRAP.

32L’établissement de ce système défensif à fossé double a sans doute été dicté par la morphologie du terrain qui présente un versant très incliné d’est en ouest et du sud au nord. En effet, dans ce secteur, l’enceinte se trouve en contrebas des terrains environnants alors que son flanc nord est établi en plaine alluviale. La raison d’un tel dispositif, fréquent semble-t-il à partir du xive siècle, est sans doute aussi d’ordre militaire. Le second fossé ou “arrière-fossé” est alors aménagé dans le dessein d’éloigner l’assaillant de la courtine, dont l’attaque rapprochée est largement pratiquée jusqu’au début du xve siècle, de ralentir sa progression et de lui interdire le recours à des galeries de mine boisées creusées trop près de la surface (Faucherre, 1998 : 197-198). L’absence de dépôt organique dans les comblements de ces fossés témoigne de structures dépourvues d’eau. Cette observation archéologique semble être confirmée par une interdiction, proclamée par le maire et son tribunal “d’aller dans les fossés de la ville” (Bronder, 1868 : 34).

33Quant à la tour du Lanter, deux types d’appareillage d’origine ont été identifiés. Le premier, apparent, correspond à un assemblage de gros blocs de grès disposés en assises régulières. Le second, caché par la courtine, est formé par un blocage de pierres calcaires de taille variable. Cette donnée a permis d’estimer la hauteur primitive de la courtine à 8,50 m. Situé à une altitude similaire à celle du chemin Mahon (249,70 m NGF), le chemin de ronde participait ainsi efficacement à la défense de la ville, par un tir frontal vers le sommet du talus et d’escarpe en direction du fossé sud.

34Le tracé de la courtine, à l’est de la tour du Lanter, coïncide sans doute avec les façades postérieures des maisons d’habitation longeant la rue de la Montagne. Il serait donc parallèle à celui du mur de fausse-braie. Cependant, en l’absence de surveillance archéologique lors de la destruction des bâtiments dans les années 1960, cette hypothèse, basée uniquement sur la lecture des plans cadastraux de cette époque, ne pourra jamais être vérifiée, d’autant plus que les fondations, peu profondes, n’ont sans doute laissé aucune trace au sol.

Notes

290 Nous tenons à remercier Gérard Giuliato pour sa participation à la rédaction de ce chapitre.

291 Responsable d’opération : L. Gébus (Kuchler, Gébus, 2002).

292 Responsable d’opération : Ph. Kuchler (Kuchler, Gébus, 2002).

Table des illustrations

Légende Fig. 146. Saint-Avold. Contexte géographique, échelle 1/25 000. DAO : H. Duval/INRAP.
URL http://books.openedition.org/artehis/docannexe/image/12775/img-1.jpg
Fichier image/jpeg, 342k
Légende Fig. 147. Saint-Avold. Localisation de la fouille de la rue de la Montagne sur le plan schématique de la ville au xvi e  siècle, sans échelle, d’après HENRION, 1974. DAO : H. Duval, Ph. Kuchler/INRAP.
URL http://books.openedition.org/artehis/docannexe/image/12775/img-2.jpg
Fichier image/jpeg, 144k
Légende Fig. 148. Saint-Avold. Proposition de tracé de l’enceinte sur fond de plan cadastral napoléonien, d’après le plan de la ville au xvi e  siècle, échelle 1/2 500. 1. Porte de Longeville ou Saint-Luc ; 2. Bleythurm ; 3. Lanterthurm ; 4. Harfenthurm ; 5. Porte du Couvent ou Saint-Matthieu ; 6. Porte de Hombourg ou Saint-Marc ; 7. Porte du Nord ou Saint-Jean ; 8. Thurm hinder dem Spithal. DAO : H. Duval, Ph. Kuchler / INRAP.
URL http://books.openedition.org/artehis/docannexe/image/12775/img-3.jpg
Fichier image/jpeg, 369k
Légende Fig. 149. Saint-Avold. Proposition de tracé de l’enceinte sur fond de plan cadastral actuel, d’après le plan de la ville au xvi e  siècle, échelle 1/5 000. DAO : H. Duval, Ph. Kuchler/INRAP.
URL http://books.openedition.org/artehis/docannexe/image/12775/img-4.jpg
Fichier image/jpeg, 497k
Légende Fig. 150. Saint-Avold. Rue de la Montagne. Localisation et restitution du système défensif, échelle 1/750. Relevés : L. Gébus, Ph. Kuchler ; DAO : H. Duval/INRAP.
URL http://books.openedition.org/artehis/docannexe/image/12775/img-5.jpg
Fichier image/jpeg, 338k
Légende Fig. 151. Saint-Avold. Rue de la Montagne. Profil nord-sud relevé en 2005 au niveau de la tour du Lanter, échelle 1/400. DAO : H. Duval, Ph. Kuchler/INRAP.
URL http://books.openedition.org/artehis/docannexe/image/12775/img-6.jpg
Fichier image/jpeg, 102k
Légende Fig. 152. Saint-Avold. Rue de la Montagne. Vue d’ensemble de la courtine conservée à l’ouest de la tour du Lanter, prise du sud. Cliché : D. Bastien © Inventaire Général de Lorraine (n o  95 57 1894VA).
URL http://books.openedition.org/artehis/docannexe/image/12775/img-7.jpg
Fichier image/jpeg, 212k
Légende Fig. 153. Saint-Avold. Rue de la Montagne. Vue d’ensemble de la jonction entre la courtine et la tour du Lanter, prise du sud-ouest. Cliché : D. Bastien © Inventaire Général de Lorraine (n o  95 57 1897VA).
URL http://books.openedition.org/artehis/docannexe/image/12775/img-8.jpg
Fichier image/jpeg, 252k
Légende Fig. 154. Saint-Avold. Rue de la Montagne. Détail de la courtine conservée à l’ouest de la tour du Lanter. Cliché : D. Bastien © Inventaire Général de Lorraine (n o  95 57 1895 VA).
URL http://books.openedition.org/artehis/docannexe/image/12775/img-9.jpg
Fichier image/jpeg, 158k
Légende Fig. 155. Saint-Avold. Rue de la Montagne. Plans de la tour du Lanter, échelle 1/100. Relevés et mise au net : Ch. Faye, L. Gébus, J.-D. Lafitte ; DAO : H. Duval/INRAP.
URL http://books.openedition.org/artehis/docannexe/image/12775/img-10.jpg
Fichier image/jpeg, 208k
Légende Fig. 156. Saint-Avold. Rue de la Montagne. Élévations de la tour du Lanter, échelle 1/150. Relevés et mise au net : Ch. Faye, L. Gébus, J.-D. Lafitte ; DAO : H. Duval/INRAP.
URL http://books.openedition.org/artehis/docannexe/image/12775/img-11.jpg
Fichier image/jpeg, 423k
Légende Fig. 157. Saint-Avold. Rue de la Montagne (fouille 1999). Coupes 1 et 3 (localisation fig. 150), échelle 1/100. Relevés L. Gébus et Ph. Kuchler ; DAO : H. Duval/INRAP.
URL http://books.openedition.org/artehis/docannexe/image/12775/img-12.jpg
Fichier image/jpeg, 153k
Légende Fig. 158. Saint-Avold. Rue de la Montagne (fouille 1996). Coupe du fossé sud. Cliché : L. Gébus/INRAP.
URL http://books.openedition.org/artehis/docannexe/image/12775/img-13.jpg
Fichier image/jpeg, 580k

Le texte et les autres éléments (illustrations, fichiers annexes importés) sont sous Licence OpenEdition Books, sauf mention contraire.

Cette publication numérique est issue d’un traitement automatique par reconnaissance optique de caractères.
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search